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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2570/2013

ATA/614/2014 du 31.07.2014 sur JTAPI/405/2014 ( LCI ) , REFUSE

Parties : FONDATION HERITAGE CULTUREL RUSSE & FONDATION, FONDATION HÉRITAGE ORTHODOXE / SOCIETE DE L'EGLISE RUSSE DE GENÈVE, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2570/2013-LCI ATA/614/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 31 juillet 2014

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

FONDATION HÉRITAGE CULTUREL RUSSE
et
FONDATION HÉRITAGE ORTHODOXE
représentées par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

contre

SOCIÉTÉ DE L'ÉGLISE RUSSE DE GENÈVE
représentée par Me Julien Blanc, avocat

et

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 avril 2014 (JTAPI/405/2014)


Attendu, en fait, que :

1) L’association « Société de l’Église russe de Genève » (ci-après : SER) est propriétaire de la parcelle n° 4’152, feuille 7 de la commune de Genève-Cité, à l’adresse 9, rue Rodolphe-Toepffer.

Sur ce terrain, situé dans le secteur sud des anciennes fortifications, a été édifiée, entre 1862 et 1866, l’église orthodoxe russe de Genève.

Par arrêté du 24 janvier 1979, le Conseil d’Etat a classé ce monument, de style dit moscovite, considérant qu’il s’agissait d’un exemple original d’une architecture sacrée orientale à Genève.

2) Le 17 janvier 2013, par l'intermédiaire de son architecte, la SER a requis du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE) une autorisation de construire devant lui permettre de procéder à la restauration complète du bâtiment.

Selon un précédent courrier du 23 novembre 2012, les travaux projetés visaient, à l'extérieur, la réfection complète de l'enveloppe de l'édifice, à savoir, la restauration des bulbes, le remplacement complet de la couverture, la réparation éventuelle d'éléments de charpente, le nettoyage complet et la réfection des façades, ainsi que la révision des cloches du clocher et, à l'intérieur, la restauration complète des fresques murales.

Un devis général complet était joint à la demande d'autorisation, qui prévoyait notamment des frais à hauteur de CHF 107'086.50 pour la réfection de la toiture basse, exécution en zinc titane.

3) Par décision DD 105'584-3 du 7 juin 2013, le DALE, après avoir requis et obtenu divers préavis, dont celui de la commission des monuments et des sites, qui était favorable, a délivré l'autorisation sollicitée, qui a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 14 juin 2013.

4) Le 15 août 2013, la Fondation Héritage culturel russe (ci-après : FHCR) et la Fondation Héritage orthodoxe (ci-après : FHO) ont recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation « sous suite de frais et dépens ».

Ces deux fondations sont inscrites au registre du commerce du canton de Genève et ont leur siège « Grand'Rue 21, c/o Svetla VELTCHEVA ».

Sur le fond, l'autorisation de construire querellée ne définissait absolument pas les travaux. Au surplus, elle violait l'art. 24 al. 1 et 2 du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01), dès lors que le descriptif des travaux sur la base duquel elle avait été prise faisait défaut et qu'elle n'avait pas été prise par la bonne autorité, la compétence en revenant au Conseil d'État.

5) Par jugement du 16 avril 2014, le TAPI a déclaré le recours des deux fondations irrecevable, faute de qualité pour recourir. La FHCR et la FHO n'étaient pas personnellement touchées par la décision. Selon les art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 63 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), une voie de recours dans l'intérêt de la loi n'était ouverte qu'à certaines associations, à l'exclusion d'autres personnes morales. Il fallait en outre que lesdites associations ne poursuivent pas de but intéressé ou excessivement spécifique, ce qui n'était pas le cas des deux fondations.

6) Par acte daté du 27 mai 2014, la FHCR et la FHO ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI.

Elles disposaient de la qualité pour recourir, et leurs arguments de fond devaient également être accueillis.

7) Le 27 juin 2014, l'avocat de la SER a déposé une demande de retrait de l'effet suspensif.

Par courrier du 19 juin 2014, l'office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS) avait ordonné à l'architecte mandaté par la SER d'engager les travaux de réfection sur les toitures basses de l'édifice fondés sur le descriptif des travaux. Cette intervention d'urgence devait être précédée par le dépôt d'une demande d'ouverture de chantier auprès de la direction des autorisations de construire du DALE, et devait impérativement être exécutée avant le 30 novembre 2014. L'intervention était rendue nécessaire par l'état préoccupant des ouvrages en ferblanterie et par les infiltrations d'eau qui détérioraient irrémédiablement les enduits et le décor peint du parement intérieur de la façade ouest.

À la lumière de ce courrier, l'intérêt privé de la SER tout comme l'intérêt public à la conservation des monuments devait l'emporter sur l'intérêt privé des fondations recourantes.

8) Le 11 juillet 2014, le DALE a conclu à l'admission de la requête de retrait de l'effet suspensif au recours et au rejet du recours sur le fond.

Sachant que les travaux à entreprendre le seraient sous la supervision de l'OPS, qui avait expressément exigé de la SER qu'elle entreprenne des travaux urgents en vue de la préservation de l'Église russe, il y avait lieu de donner suite à cette demande.

9) Le 11 juillet 2014 également, la FHCR et la FHO se sont opposées à la demande de retrait de l'effet suspensif.

Elles étaient certes préoccupées par l'état du bâtiment, et avaient dans leur recours formulé une conclusion subsidiaire visant d'éventuels travaux urgents.

Néanmoins, le courrier de l'OPS était relatif non à une autorisation de construire, mais à une mesure conservatoire, qui était une mesure administrative prise au titre du titre V de la LCI. Il n'y avait donc aucune utilité ou nécessité de lever un effet suspensif, même partiel, pour pouvoir les accomplir. De plus, l'intervention d'une entreprise en décembre 2013 avait mis fin aux infiltrations d'eau.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté devant la juridiction compétente et semble-t-il en temps utile, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

3) Selon l'art. 146 al. 2 LCI, lorsqu’il est dirigé contre une autorisation définitive précédée d’une autorisation préalable ou d’un plan localisé de quartier en force, le recours n’a pas d’effet suspensif à moins qu’il ne soit restitué sur requête du recourant.

La présente espèce ne correspondant pas à ces hypothèses, c'est le régime ordinaire d'effet suspensif prévu par la LPA qui s'applique, étant précisé qu'en l'état de la procédure, l'effet suspensif n'a été retiré ni lors de la prise de décision par le DALE, ni par le TAPI.

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

5) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Les principes qui précèdent valent évidemment aussi, en en inversant les différents termes, pour le retrait de l'effet suspensif.

6) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) En matière de constructions, l'octroi ou la restitution de l'effet suspensif est considéré comme de règle, puisqu'à défaut les travaux prévus – ou autres démolitions et abattages – seraient généralement avancés voire achevés au moment de la prise de décision par l'autorité judiciaire, et priveraient dans de nombreux cas ladite décision de tout objet, emportant également un préjudice irréparable pour le ou les recourants (ATA/192/2014 du 31 mars 2014).

La préférence est donc normalement donnée au maintien de l'état de fait prévalant avant le litige (ATA/89/2013 du 19 février 2013 consid. 3 et les arrêts cités).

8) a. En l'espèce, l'OPS a toutefois enjoint à la SER de procéder à des travaux urgents de rénovation portant notamment sur la toiture basse. Il apparaît dès lors à la fois urgent et prépondérant, tant du point de vue de l'intérêt privé de la SER que de celui de l'intérêt public à la conservation du patrimoine classé, de pouvoir y procéder, ce dont les recourantes ne disconviennent d'ailleurs pas. Celles-ci arguent toutefois que de tels travaux ne ressortissent pas à la procédure d'autorisation de construire, mais à d'autres mesures administratives telles que prévues aux art. 129 ss LCI, comme la réparation.

b. L'autorisation de construire litigieuse porte sur une rénovation complète de l'Église russe. Le devis annexé à la demande d'autorisation permet ainsi de se rendre compte du type des travaux envisagés et de leur étendue. Sont notamment visés des travaux de rénovation de la toiture basse, avec exécution en zinc titane.

c. Force est donc de constater que la procédure de réparation et celle portant sur l'autorisation de construire – ici de rénover – se confondent sur ce point. Dès lors, et pour satisfaire à la fois au principe général de maintien en l'état en matière de construction, au principe de proportionnalité et à la nécessité de mener les travaux ordonnés par l'OPS, la chambre de céans ordonnera un retrait partiel de l'effet suspensif, circonscrit auxdits travaux.

9) Le sort des frais de la procédure sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

retire partiellement l’effet suspensif au recours ;

dit que les travaux prévus dans le courrier de l'office du patrimoine et des sites du 17 juin 2014 à la société de l'Église russe de Genève qui sont inclus dans l'autorisation de construire DD 105'584-3 du 7 juin 2013 peuvent être entrepris nonobstant le recours interjeté dans la présente procédure ;

confirme l'effet suspensif au recours pour le surplus ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat des recourantes, à Me Julien Blanc, avocat de la société de l'Église russe de Genève, ainsi qu’au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :