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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1685/2017

ATA/606/2018 du 13.06.2018 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 15.08.2018, rendu le 07.06.2019, IRRECEVABLE, 8C_530/2018, 8C_532/2018
Recours TF déposé le 16.08.2018, rendu le 07.06.2019, IRRECEVABLE, 8C_530/2018, 8C_532/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1685/2017-FPUBL ATA/606/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Le 18 décembre 2014, le Grand Conseil a adopté la loi 11545 sur la suspension des augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l’État (LSAMPE 2015 - B 5 16), qui supprimait pour l’année 2015 les annuités des magistrats et des membres du personnel de l’État, des établissements publics, du pouvoir judiciaire et des institutions subventionnées régies par les normes salariales de l’État (ci-après : les membres du personnel), sauf pour ceux dont le traitement annuel brut, treizième salaire inclus et sans indemnités, était inférieur à CHF 86'868.-. Son entrée en vigueur était fixée au 1er janvier 2015 et son abrogation intervenait au 31 décembre 2015.

Elle a été promulguée par le Conseil d’État le 18 février 2015, avec effet au 1er janvier 2015.

2) Le 16 septembre 2015, le Conseil d’État a déposé le projet de loi PL 11721 sur la suspension pour l’année 2016 des augmentations annuelles dues aux membres du personnel, qui proposait de supprimer pour l’année 2016 les annuités des membres du personnel.

Ce projet de loi était motivé par le fait que même sans intégrer le coût de l’annuité du personnel, le projet de budget 2016 présentait un déficit et que des mesures d’économies devaient être prises.

3) Le 17 décembre 2015, le Grand Conseil a adopté la loi 11721, nouvelle LSAMPE (ci-après : LSAMPE 2016), qui supprimait les augmentations annuelles des membres du personnel. Elle modifiait la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), donnant au Conseil d’État la possibilité d’accorder chaque année à ces derniers tout ou partie de l’augmentation annuelle prévue par l’échelle des traitements, en tenant compte de la situation économique et budgétaire. L’entrée en vigueur de la LSAMPE 2016 était fixée au 1er janvier 2016.

4) Le 26 février 2016, le Grand Conseil a adopté la loi 11834 abrogeant la LSAMPE 2016. Son entrée en vigueur était prévue le lendemain de sa promulgation.

5) Par arrêté du 2 mars 2016, le Conseil d’État a promulgué la LSAMPE 2016, avec effet au 1er janvier 2016.

6) Lors de sa séance du 23 mars 2016, suite au refus du Grand Conseil du 18 décembre 2015 d’entrer en matière sur le projet de budget 2016 présenté le 8 septembre 2015, d’une part, et, d’autre part, à l’absence de résultat des discussions en vue d’un accord avec les formations politiques représentées au parlement, le Conseil d’État a décidé de renoncer à déposer un nouveau projet de budget 2016 et de ne pas accorder d’annuité en 2016 aux membres du personnel.

7) Par arrêté du 20 avril 2016, le Conseil d’État a promulgué la loi 11834, avec effet le lendemain de la publication dudit arrêté, intervenue le 22 avril 2016.

8) Le 14 juillet 2016, Madame A______, membre du personnel en qualité de maîtresse d’enseignement général, a interpellé l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE). Elle percevait à cette date un traitement correspondant à la classe 20 annuité 18. Elle n’avait pas bénéficié depuis le début de l’année 2016, de l’augmentation annuelle prévue par la LTrait. Elle devait pourtant recevoir un traitement en classe 20 annuité 19 puisque la LSAMPE 2016 avait été abrogée par la loi 11834. Elle demandait donc l’application du mécanisme de progression salariale prévu par la loi.

9) Le 9 août 2016, l’OPE a répondu que l’annuité pour 2016 n’était pas accordée aux membres du personnel, vu la décision du Conseil d’État du 23 mars 2016 fondée sur la LSAMPE 2016.

10) Le 29 novembre 2016, Mme A______ a sollicité du Conseil d’État de statuer par un acte attaquable sur sa demande d’augmentation annuelle de traitement.

11) Par arrêté du 22 mars 2017, le Conseil d’État a constaté que Mme A______ n’avait pas droit, en 2016, à l’augmentation annuelle de traitement.

Le 23 mars 2016, il avait décidé de ne pas accorder d’annuité en 2016 aux membres du personnel, sur la base de la LSAMPE 2016, ce qui était en outre conforme au protocole d’accord passé avec les associations représentatives du personnel, en vertu duquel l’annuité ne serait versée qu’en cas de résultat positif des comptes 2015, lesquels présentaient un déficit de CHF 21 millions. Il ne ressortait pas des travaux préparatoires de la loi 11834 que le législateur avait voulu que l’abrogation de la LSAMPE 2016 fasse naître en cours d’année le droit à l’annuité pour 2016.

12) Par acte du 8 mai 2017, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre l’arrêté susmentionné, concluant à son annulation et au constat qu’elle avait droit, en 2016, à l’augmentation annuelle prévue par l’échelle des traitements de l’État de Genève.

La suppression de l’annuité en cause ne reposait sur aucune base légale depuis le 24 avril 2016 à tout le moins, n’était pas justifiée par un intérêt public ni proportionnée, le Conseil d’État ayant présenté au Grand Conseil une situation financière catastrophique dont il ne pouvait ignorer le caractère alarmiste. Le protocole d’accord ne pouvait déroger à la loi.

13) Le 29 mai 2017, la Conseillère d’État en charge du département de l’instruction publique et des sports, devenu depuis lors le département de la formation et de la jeunesse, a accepté la démission de Mme A______ de ses fonctions d’enseignante pour le 31 août 2017, date à laquelle elle faisait valoir ses droits à la retraite anticipée.

14) Le 7 juillet 2017, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

La LSAMPE 2016 reposait sur des motifs objectifs sérieux, soit l’assainissement des finances publiques et le maintien des prestations relevant du service public, respectait le principe de la proportionnalité. La décision de supprimer l’annuité pour 2016, prise le 23 mars 2016, était conforme à cette loi, qui n’avait été abrogée qu’ultérieurement et sans effet sur ladite décision.

15) Le 12 septembre 2017, Mme A______ a persisté dans ses conclusions, relevant qu’au moment où il avait décidé la suppression de l’annuité pour 2016, le Conseil d’État ne pouvait ignorer que le législateur avait entrepris de la rétablir en votant la loi 11834. Pour le surplus, pour le personnel enseignant, le calcul de l’annuité intervenait au 1er septembre de chaque année, date à laquelle la LSAMPE 2016 avait été abrogée.

16) Le 18 septembre 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. En tant que condition de recevabilité, la qualité pour recourir définit le cercle des personnes à qui est reconnue la faculté de contester un acte administratif. Selon l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais également toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b).

b. Constitue un intérêt digne de protection tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée. Il consiste donc dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1054/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2). Un intérêt purement théorique à la solution d’un problème est insuffisant (ATA/805/2013 du 10 décembre 2013).

c. Cet intérêt doit être direct et concret. Dans le but d’exclure l’action populaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_90/2016 du 2 août 2016 consid. 3.3 et les références citées), un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de l’acte entrepris n’est ainsi pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1054/2016 précité consid. 2.2). Le recourant doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d’être pris en considération et doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que l’ensemble des administrés (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_90/2016 précité consid. 3.2).

d. Un intérêt digne de protection suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_36/2018 du 27 mars 2018 consid. 2.2 ; ATA/70/2018 du 23 janvier 2018 et les références citées). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 et la jurisprudence citée).

e. En l’espèce, la recourante n’est plus membre du personnel de l’État depuis le 1er septembre 2017. Elle n’en conserve pas moins un intérêt direct et concret à l’admission du recours dès lors que le traitement légal annuel défini dans l'échelle des traitements des membres du personnel, compte tenu du taux d'activité est le traitement déterminant au sens de l’art. 15 al. 1 de la loi instituant la Caisse de prévoyance de l'État de Genève du 14 septembre 2012 (LCPEG - B 5 22) et que son niveau a donc une influence sur le montant de sa retraite. Le recours est ainsi recevable sous cet aspect également.

3) À teneur de l’art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Toute activité étatique doit reposer sur une règle de droit générale et abstraite, les actes de rang inférieur devant respecter ceux qui sont de rang supérieur (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, p. 43 ; ATA/455/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/803/2012 du 12 novembre 2012).

Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (ATA/1587/2017 précité ; ATA/383/2017 du 4 avril 2017 ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 et les références citées).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1).

Sous son aspect de primauté de la loi, le principe de la légalité, signifie d’abord que l’administration doit respecter la loi, s’en tenir à ses prescriptions. (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 467 p. 155).

4) La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Le juge ne se fonde cependant sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 137 IV 180 consid. 3.4). En revanche, lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, il y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair (ATF 137 I 257 consid. 4.1) ; il en va de même lorsque le texte conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice et le principe de l’égalité de traitement (ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2). De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Il convient alors de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ; 137 IV 180 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1 ; 1C_584/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1 2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1 ; 1C_584/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1).

5) La loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) règle la rémunération des membres du personnel de l’État de Genève, y compris le personnel du pouvoir judiciaire; le personnel des établissements publics médicaux; le personnel dont les fonctions relèvent de la législation sur l’instruction publique, sur l’université et sur la Haute école spécialisée de Suisse occidentale - Genève ; le personnel de la police, sous réserve des dispositions particulières de la législation sur la police ; le personnel pénitentiaire des établissements pénitentiaires, sous réserve des dispositions particulières de la législation relative à son statut (art. 1 al. 1 let a) à e) LTrait).

Elle prévoit une échelle de trente classes de traitements annuels, 13e salaire inclus, de la classe 4 à la classe 33. Chaque classe comprend vingt-trois positions, de 0 à 22, correspondant à autant d’augmentations annuelles (art. 2 al. 1 LTrait). Le calcul du droit à une annuité supplémentaire s’établit au 1er janvier de chaque année, à l’exception du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire, pour lequel la date de référence est le 1er septembre et du corps enseignant universitaire, pour lequel cette date est le 1er août. Les fractions d’années ne sont pas prises en compte dans le calcul (art. 2 al. 4 LTrait).

Le droit au traitement prend naissance le jour de l’entrée en fonctions et s’éteint le jour de la cessation des rapports de service (art. 10 al. 1 LTrait).

Au début de chaque année civile et après 6 mois au moins d’activité dans sa fonction, le membre du personnel a droit, jusqu’au moment où le maximum de la classe dans laquelle est rangée sa fonction est atteint, à l’augmentation annuelle prévue par l’échelle des traitements (art. 12 al. 1 LTrait).

6) Selon l’art. 11 de la loi sur la forme, la publication, et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 (LFPP - B 2 05), le Conseil d’État doit promulguer, par voie d’arrêtés, les lois constitutionnelles et les lois régulièrement adoptées par le corps électoral ou par le Grand Conseil. Les lois soumises au référendum sont promulguées dans le plus bref délai après l’échéance fixée pour l’exercice de ce droit (art. 12 al. 2 LFPP). Elles sont exécutoires dans tout le canton dès le lendemain de la publication de l’arrêté de promulgation (art.14 al. 1 LFPP). Si la date d’entrée en vigueur de la loi n’est pas indiquée dans l’acte lui-même ou fixée par arrêté du Conseil d’État, cette date est celle où l’acte devient exécutoire en vertu de la disposition précitée (art. 14A LFPP).

Selon l’art. 18 LFPP, il est publié un Recueil officiel systématique de la législation genevoise (ci-après : RSG). Le Conseil d’État le tient constamment à jour. Les modifications apportées aux dispositions publiées dans le recueil systématique de la législation genevoise sont incorporées au texte originel (art. 20 LFPP).

7) La LSAMPE 2016 ayant été promulguée le 2 mars 2016, elle est devenue exécutoire le lendemain 3 mars, avec effet à la date de son entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2016. Elle a été abrogée le 23 avril 2016, date d’entrée en vigueur de la loi 11834 promulguée le 20 avril 2016.

8) Selon l’art. 2 LSAMPE 2016, intitulé « suspension des annuités », les augmentations annuelles au sens de l’art. 12 al. 1 LTrait sont supprimées. En outre, l’art. 4 LSAMPE a modifié deux dispositions de cette dernière loi comme suit :

- l’art. 2 al. 4 LTrait, prévoyant que le calcul d’une annuité supplémentaire et non plus le calcul du droit à cette annuité s’établit au 1er janvier, respectivement au 1er septembre ou au 1er août de chaque année, selon les corps professionnels ;

- l’art. 12 LTrait, à teneur duquel « le Conseil d’État peut accorder chaque année aux membres du personnel, tout ou partie de l’augmentation annuelle prévue par l’échelle des traitements. Il tient compte de la situation économique et budgétaire. » (al.1), dite augmentation étant « perçue par le membre du personnel après 6 mois au moins d’activité dans sa fonction, jusqu’au moment où le maximum de la classe dans laquelle est rangée sa fonction est atteint. » (al. 2).

Il ressort des travaux préparatoires que la teneur de la LSAMPE 2016 résulte d’un amendement général présenté et adopté en séance plénière du Grand Conseil le 17 décembre 2015, visant à transférer au Conseil d’État, lequel a soutenu cette proposition, la compétence d’accorder ou non les annuités afin qu’il dispose, en sa qualité d’employeur, d’une pleine marge de manœuvre lors de négociations avec les représentants de la fonction publique (MGC en ligne : ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010212/75/16). Contrairement à la lettre de l’art. 2 al. 1 LSAMPE, il n’était donc pas question de supprimer les augmentations annuelles mais leur octroi automatique ex lege. La seule modification de l’art. 12 al. 1 et 2 LTrait aurait d’ailleurs été insuffisante à cet égard puisqu’elles sont instaurées et détaillées à l’art. 2 LTrait.

Se fondant sur cette loi, le Conseil d’État a décidé le 23 mars 2016 de ne pas accorder d’augmentation annuelle pour 2016. Il pouvait le faire puisqu’à cette date, la loi 11834 avait certes été votée par le parlement mais le délai référendaire courrait encore.

9) Alors que la LSAMPE 2016 avait modifié la teneur des art. 2 al. 4 et 12 al. 1 et 2 LTrait, conservant ces dispositions avec une nouvelle teneur, la loi 11834, en son article 1, s’est limitée à abroger la LSAMPE 2016. Dès l’entrée en vigueur de la loi 11834, cette abrogation pure et simple a entraîné la disparition des dispositions précitées de la LTrait dans leur teneur au 1er janvier 2016. Cela n’a toutefois pas emporté la remise en vigueur automatique dans cette dernière loi de leur teneur au 31 décembre 2015. Tel aurait été le cas si la LSAMPE 2016 n’était pas entrée en vigueur, donnant une nouvelle teneur aux art. 2 al. 4 et 12 al. 1 et 2 LTrait. La LSAMPE 2016 ayant toutefois déployé ses effets entre le 1er janvier et le 22 avril 2016, il aurait donc fallu prévoir dans la loi 11834 que les dispositions en cause reprenaient la teneur qui était la leur au 31 décembre 2015, conformément aux exigences découlant du principe de la légalité. Strictement appliqué, ce dernier entraînerait que les art. 2 al. 4 et 12 al. 1 et 2 LTrait ont été abrogés le 23 avril 2016.

a. Les travaux préparatoires de la loi 11834 permettent cependant de constater que cette conséquence n’a pas été voulue ni même envisagée par le législateur. Ses promoteurs n’avaient pour objectif que d’abroger la LSAMPE 2016, qualifiée « de véritable OVNI parlementaire », conçue au départ comme dispositif transitoire mais qui avait modifié de manière durable la LTrait (MGC en ligne : ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010301/5/5). La loi 11834, à l’instar de l’amendement général à la LSAMPE 2016, a été votée en séance plénière sans examen préalable en commission parlementaire. Le projet de loi a été déposé le 8 février 2016 et traité directement par les députés lors de la séance du Grand Conseil du 26 février 2016, en même temps que le PL 11428 déposé et renvoyé en commission ad hoc sur le personnel de l’État au printemps 2014, ayant donné lieu à un rapport déposé le 9 juin 2015 et dont l’objet était une modification des art. 2 al. 4 et 12 LTrait proche de celle la LSAMPE 2016. Durant les débats, à aucun moment la question de l’entrée en vigueur de la LSAMPE avant que la loi 11834 ne soit elle-même promulguée, n’a été évoquée, ni par les députés, ni par les conseillers d’État présents. Les échanges ont porté sur la question de savoir qui du législatif ou de l’exécutif devait décider de l’octroi de tout ou partie de l’augmentation annuelle de traitement, d’une part et, d’autre part, quel était le cadre le plus approprié pour remettre en cause les mécanismes de progression salariale, alors qu’un projet de réforme du système de rémunération de l’État et autres entités appliquant la LTrait était pendant. En fin de séance, la loi 11834 a été adoptée et le PL 11428 a été refusé (MGC en ligne : ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010301/5/5).

b. La consultation du texte en vigueur de la LTrait dans le RSG permet de constater que le Conseil d’État a considéré que l’abrogation de LSAMPE 2016 a eu pour effet que les art. 4 al. 2 et 12 al. 1 et 2 LTrait ont repris automatiquement leur teneur au 31 décembre 2015. La référence y relative dans la chronologie des modifications du texte légal est d’ailleurs une simple lettre, en adjonction au chiffre de référence relatif à l’adoption et à l’entrée en vigueur de la LSAMPE 2016, avec la mention « abrogation de la loi 11721 (ad 2/4, 12) ».

c. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir qu’il résulte des circonstances particulières ayant conduit à l’adoption successive de la LSAMPE 2016 et de la loi 11834 que l’effet voulu et compris de cette dernière était de rétablir directement la teneur des art. 2 al. 4 et 12 al. 1 et 2 LTrait au 31 décembre 2015 et que l’abrogation de ces dispositions, découlant uniquement de séquences du processus de publication et de promulgation, aboutit à un résultat que le législateur ne peut avoir voulu. Il faut dès lors considérer que celui-ci a en réalité voulu restaurer ces dispositions, dans leur teneur antérieure au 1er janvier 2016.

10) Une loi ne peut avoir d’effet rétroactif, sauf exception possible à des conditions strictes non réalisées en l’espèce, la première, soit de le prévoir dans une disposition légale claire, faisant déjà défaut dans la loi 11834 (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 198 à 202 et la jurisprudence citée ; ATA/498/2018 du 22 mai 2018 consid. 6). Il s’ensuit que les mécanismes salariaux ordinaires prévus aux art. 2 à 14 LTrait, en particulier les augmentations annuelles, ont repris de plein droit le 23 avril 2016. Dès cette date, la décision du Conseil d’État du 23 mars 2016 de ne pas accorder d’annuité en 2016 aux membres du personnel est contraire au droit supérieur qui prévoit le droit à l’augmentation annuelle. Elle ne peut donc en empêcher l’application (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 183 et 184).

11) Il n’appartient pas à la chambre de céans d’examiner la question au regard de l’application des mécanismes financiers et budgétaires prévus par loi sur la gestion administrative et financière de l'État de Genève du 7 octobre 1993 (LGAF - D 1 05) dans la situation particulière de l’exercice 2016.

12) Compte tenu de ce qui précède, l’arrêté querellé sera annulé et la cause sera retournée au Conseil d’État pour nouvelle décision.

Le recours sera ainsi partiellement admis.

13) Nonobstant l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du Conseil d’État (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, qui obtient en partie gain de cause, à la charge de l’État de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2017 par Madame A______ contre l’arrêté du Conseil d'État du 22 mars 2017 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule l’arrêté du Conseil d'État du 22 mars 2017 ;

renvoie la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Marquis et Michel, Mmes Francotte-Conus et Campomagnani, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

J. Debonneville

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :