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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3098/2014

ATA/586/2015 du 09.06.2015 ( MARPU ) , REJETE

Parties : AON HEWITT (SUISSE) SA / CAISSE DE PREVOYANCE DE L'ETAT DE GENEVE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3098/2014-MARPU ATA/586/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juin 2015

 

dans la cause

 

AON HEWITT (SUISSE) SA

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL DE L'ÉTAT DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Le 15 juillet 2014, la caisse de prévoyance de l'État de Genève (ci-après : CPEG) a publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site Internet www.simap.ch un appel d'offres intitulé « Appel d'offres public pour la recherche d'un expert agréé en matière de prévoyance professionnelle ».

Le marché public, qui visait des services, était en procédure ouverte ; l'appel d'offres publié indiquait qu'il était soumis à l'accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422) et aux traités internationaux, de même que, selon les documents de l'appel d'offres, à l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) et au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01). Le délai de clôture pour le dépôt des offres venait à échéance le 25 septembre 2014 à 16h00. Pour les justificatifs requis, il était renvoyé aux documents d'appel d'offres.

Il résultait ainsi du dossier d'appel d'offres que les soumissionnaires devaient impérativement être inscrits sur la liste des experts agréés en prévoyance professionnelle établie par la commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (ci-après : CHS-PP). De plus, sous ch. 9 intitulé « conditions de participation », il était indiqué les attestations devant être produites sous peine d'élimination de la procédure d'adjudication.

L'une des attestations demandées (ch. 9.2) devait certifier, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, soit que le soumissionnaire était lié par la convention collective de travail (ci-après : CCT) de sa branche applicable à Genève, soit qu'il avait signé, auprès de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance-accidents et d'allocations familiales. Un autre document exigé (ch. 9.3) était une « attestation par l'autorité fiscale compétente, justifiant que le soumissionnaire s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôts à la source retenus sur les salaires du personnel qui y est soumis ou qu'il n'a pas de personnel soumis à cet impôt ». Il était souligné à la fin du ch. 9 que les pièces en question devaient se trouver dans l'offre au moment de son dépôt, sous peine d'élimination de l'offre.

2) Aon Hewitt (Suisse) SA (ci-après : Aon) est une société anonyme sise depuis le 18 mai 2015 à Zurich, et auparavant à Neuchâtel. Elle a pour buts statutaires principaux : prestation de conseils et services en matière de prévoyance professionnelle, sciences actuarielles, assurances sociales et privées, ressources humaines, informatique, organisation et gestion d'entreprises.

3) Par le biais de sa succursale basée à Nyon, elle a soumis à la CPEG une offre pour le marché public susmentionné le 20 septembre 2014.

4) Par décision du 2 octobre 2014, la CPEG a signifié à Aon son exclusion du marché. Deux documents faisaient défauts dans son offre, à savoir l'attestation concernant le respect des usages de droit du travail (affiliation à la CCT ou attestation de l'OCIRT) ainsi que l'attestation fiscale. Concernant la première, il était indiqué dans le dossier d'appel d'offres, sous ch. 9.2, que l'activité devant être effectuée pour la caisse située dans le canton de Genève, le soumissionnaire devait produire l'attestation de l'OCIRT même si son siège n'était pas dans le canton de Genève. Concernant la seconde, Aon n'avait produit d'attestation ni de l'administration fiscale cantonale genevoise, ni de celle d'un autre canton dans lequel l'entreprise déployait des activités.

5) Par acte posté le 10 octobre 2014, Aon a interjeté recours contre la décision d’exclusion précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et principalement à l'annulation de la décision du 2 octobre 2014 ainsi qu'au renvoi de la cause à l'autorité adjudicatrice pour nouvelle évaluation des offres et nouvelle adjudication.

L'acte de recours ne contenait aucune motivation au sujet de la demande d'octroi de l'effet suspensif.

Sur le fond, la décision d'exclusion était irrecevable (sic). Aon n'avait pas de personnel travaillant sur territoire genevois, et l'exigence impérative de produire une attestation pour le personnel travaillant sur territoire genevois discriminait les soumissionnaires basés dans d'autres cantons. Pour l'attestation fiscale, elle avait indiqué dans son offre pouvoir offrir, sur demande, les attestations des autorités fiscales relatives à l'impôt à la source pour les trois cantons où elle avait du personnel.

6) Le 16 octobre 2014, la CPEG a conclu au rejet de la demande en restitution de l'effet suspensif.

Les exigences en matière d'attestations figuraient expressément dans l'appel d'offres, qu'Aon n'avait pas contesté.

Aon n'avait pas respecté les ch. 9.2 et 9.3 du dossier d'appel d'offres, points qui étaient pourtant explicites.

Le droit des marchés publics était formaliste, et la jurisprudence cantonale avait encore récemment maintenu une ligne stricte concernant le dépôt des attestations, y compris par des entreprises ayant leur siège hors du canton. Il n'y avait donc pas de formalisme excessif à écarter l'offre d'Aon.

7) Par décision du 23 octobre 2014, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours. Ce dernier était prima facie dépourvu de chance de succès au vu de la jurisprudence en matière d'attestations.

8) Le 14 novembre 2014, la CPEG a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

En tant que la condition même de production des attestations en cause était en fait contestée, le recours était irrecevable, car il aurait dû être dirigé contre l'appel d'offres dès lors que ce dernier contenait ladite condition d'exclusion.

Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative, confirmée par le Tribunal fédéral, il n'y avait pas de formalisme excessif à exclure un soumissionnaire ne produisant pas les attestations demandées. En l'espèce, Aon n'avait produit ni l'attestation de l'OCIRT, ni l'attestation fiscale demandée, alors que l'appel d'offres était clair sur ce point. Concernant cette dernière, elle n'avait produit d'attestation fiscale ni du canton de Neuchâtel où elle avait (à l'époque) son siège, ni des cantons de Vaud et de Zurich où elle employait du personnel.

Le fait qu'elle n'ait ni siège ni personnel à Genève n'était pas pertinent. Au demeurant, l'exécution du marché réclamait qu'un certain nombre de personnes effectue une partie des tâches prévues à Genève, ce qui rendait l'exigence d'une attestation de l'OCIRT justifiée.

Plusieurs soumissionnaires n'avaient pas de siège ni de personnel dans le canton de Genève, mais avaient néanmoins fourni les deux attestations litigieuses.

9) Le 18 novembre 2014, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 19 décembre 2014 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

10) Aucune des parties ne s'est manifestée.

EN DROIT

1) Le marché public litigieux est soumis à l’AMP, à l’AIMP, au RMP, à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ainsi qu’à la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02).

2) a. En vertu des art. 15 al. 1 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 RMP, les décisions de l’adjudicateur peuvent faire l’objet d’un recours adressé à la chambre administrative dans les dix jours dès la notification de la décision.

Les décisions d’exclusion sont notamment sujettes à recours (art. 15 al. 1bis let. d AIMP ; art. 55 let. c RMP).

b. Ont notamment qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (art. 60 al. 1 let. a LPA), si elles sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA).

3) En l’espèce, interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente par un soumissionnaire exclu du marché, le recours est recevable.

4) La recourante conteste la décision d’exclusion, qu'elle estime disproportionnée et constitutive de formalisme excessif.

Elle estime ne pas devoir s’annoncer à l’OCIRT dès lors qu'elle n'emploie pas de personnel dans le canton de Genève et n'y a pas son siège.

5) Ce faisant, elle remet matériellement en cause la conformité de l'art. 32 RMP au droit supérieur, en l'occurrence à l'art. 5 LMI.

6) Conformément à l’art. 5 al. 1 2ème phr. LMI, les prescriptions cantonales ou intercantonales régissant les marchés publics précités, ainsi que les décisions fondées sur ces dernières, ne doivent pas discriminer les personnes ayant leur siège ou leur établissement en Suisse de manière contraire à l’art. 3 LMI. Selon l’art. 3 al. 1 LMI, la liberté d’accès au marché ne peut être refusée à des offreurs externes. Les restrictions, qui prennent la forme de charges ou de conditions, ne sont autorisées que si elles s’appliquent de la même façon aux offreurs locaux (let. a), sont indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants (let. b) et répondent au principe de la proportionnalité (let. c). L’art. 3 al. 2 LMI précise les restrictions qui ne répondent pas au principe de la proportionnalité. Ce principe n’est notamment pas respecté lorsqu’une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être obtenue au moyen des dispositions applicables au lieu de provenance (let. a) ou lorsqu’une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être garantie par l’activité que l’offreur a exercée au lieu de provenance (let. d).

L’art. 5 LMI s’applique aux marchés publics des cantons et des communes, à l’exclusion des marchés publics fédéraux, indépendamment des valeurs seuils et des types de marchés (ATF 125 II 86, 91 consid. 1c ; ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 consid. 3 ; ATA/733/2005 du 1er novembre 2005 consid. 6). L’art. 5 LMI est une réglementation fédérale limitée aux principes. Cette disposition règle les rapports entre droits fédéral et cantonal : la passation des marchés publics de niveaux cantonal et communal est régie par la réglementation cantonale ou communale, pour autant que celle-ci respecte les règles minimales de la LMI (Évelyne CLERC in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013, n. 32 et 36 ad art. 5 LMI ; Peter GALLI/ André MOSER/Élisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3ème éd., 2013, n. 55 ss ; Jean-Baptiste ZUFFEREY, Éléments choisis du droit suisse in Jean-Baptiste ZUFFEREY/ Peter GAUCH/Pierre TERCIER [éd.], Droit des marchés publics, 2002, p. 41 ss). Fondée essentiellement sur l’art. 95 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui vise à créer un espace économique suisse unique, l’art. 5 LMI a pour but la suppression des barrières étatiques à la réalisation du marché intérieur en matière de marchés publics (Évelyne CLERC, op. cit., n. 25 ad art. 5 LMI).

En vertu du principe général de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), la LMI prime le droit cantonal et le droit intercantonal en matière de marchés publics (art. 48 al. 3 et 49 Cst. ; Évelyne CLERC, op. cit., n. 150 ad art. 5 LMI ; Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 48). Selon l’art. 5 al. 1 2ème phr. LMI, les exigences minimales de la LMI doivent être respectées dans les prescriptions (réglementations cantonales ou communales, conventions de réciprocité ou accords intercantonaux tels que l’AIMP) et dans les décisions prises en application de ces règles. La LMI constitue un standard minimum, mais elle n’est pas subsidiaire (Évelyne CLERC, op. cit., n. 37 ad art. 5 LMI ; Peter GALLI/ André MOSER/Élisabeth LANG/Marc STEINER, op. cit., n. 54).

7) Cependant, selon l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’État ainsi que les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi lie également les administrés. De manière générale, on exige de ces derniers, sauf délai fixé par la loi, qu’ils fassent valoir leurs prétentions dans un laps de temps raisonnable (Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 931s).

En matière de marchés publics, dans une affaire concernant un appel d’offres public lancé par une commune en procédure ouverte, le Tribunal fédéral a estimé que les soumissionnaires pouvaient invoquer les griefs portant sur les documents d’appel d’offres, dans le cadre du recours contre la décision d’adjudication, au motif que ceux-ci n’avaient été mis à leur disposition qu’après l’échéance du délai pour recourir contre l’appel d’offres lui-même (ATF 129 I 313 consid. 6.2).

Par contre, dans une autre cause concernant une procédure de concours sélective soumise à l’AIMP dans sa teneur de 1994, le Tribunal fédéral a considéré que les documents, auxquels se référait l’avis de concours publié, faisaient partie intégrante de ce dernier, de sorte que les éventuels vices affectant ces documents devaient être soulevés sans retard, c’est-à-dire au moment où ceux-ci lui étaient notifiés, dans le cadre d’un recours contre l’avis de concours, sous peine de forclusion (ATF 125 I 203, 206 consid. 3a = SJ 1999 I p. 359, 361s).

Dans une troisième affaire relative à un marché public cantonal soumis à la procédure sélective (ATF 130 I 241 consid. 4.3), le Tribunal fédéral a rappelé que, même s’il n’avait pas l’obligation de saisir immédiatement le juge, le soumissionnaire qui constatait une irrégularité dans le déroulement de la procédure d’appel d’offres, devait, en principe, la signaler sans attendre à l’adjudicateur, au risque d’adopter un comportement contraire aux principes de la bonne foi et de la sécurité du droit. Cette règle était conforme à l’exigence de célérité à laquelle obéissait la procédure relative à la passation des marchés publics, en ce sens qu’il était préférable de corriger immédiatement une irrégularité contenue dans l’appel d’offres et les documents y relatifs plutôt que de procéder à l’adjudication du marché et de s’exposer au risque, si le vice était ensuite constaté par un juge, de devoir reprendre la procédure à son début. Toutefois, le Tribunal fédéral a, dans cette même affaire, précisé que la forclusion tirée du principe de la bonne foi pouvait être opposée à une partie uniquement pour les irrégularités qu’elle avait effectivement constatées ou, à tout le moins, qu’elle aurait dû constater en faisant preuve de l’attention commandée par les circonstances. On ne saurait, selon le Tribunal fédéral, exiger des soumissionnaires qu’ils procèdent à un examen juridique approfondi de l’appel d’offres et des documents de l’appel d’offres, vu leurs connaissances généralement limitées en la matière et le délai relativement court qui leur était imparti pour déposer leurs offres. Il convenait de ne pas se montrer trop strict à cet égard et de réserver les effets de la forclusion aux seules irrégularités qui sont particulièrement évidentes ou manifestes. Cette solution offrait par ailleurs, selon le Tribunal fédéral, l’avantage de garantir une certaine effectivité à la protection juridique dont devaient bénéficier les soumissionnaires, l’expérience enseignant que, par crainte de compromettre leurs chances d’obtenir un marché, très rares étaient ceux qui, en pratique, contestaient l’appel d’offres ou les documents de l’appel d’offres avant l’adjudication.

8) En l’espèce, l’exigence de produire l’attestation relative au respect des conditions de travail applicables à Genève figure, en toutes lettres, au point 9.2 de l’appel d’offres. L'irrégularité que soulève dans le présent recours l’intéressée était ainsi décelable à la seule lecture de l'appel d'offres, sans nécessité d’un examen juridique approfondi.

Dans ces circonstances, on ne comprend pas pourquoi la recourante a attendu le prononcé d’une décision d’exclusion pour soulever la prétendue irrégularité concernant l’exigence de l’attestation susmentionnée. En effet, d’une part, la recourante aurait pu éclaircir ce point en faisant usage de la possibilité, prévue au point 1.3 de l’appel d’offres, de poser par écrit des questions à l’autorité intimée jusqu’au 15 août 2014. D’autre part, elle aurait pu remettre en cause cette exigence dans le cadre d’un recours contre l’appel d’offres dans le délai de dix jours conformément à la voie de recours figurant expressément au point 4.7 de l’appel d’offres. De plus, bien qu’elle conteste l’obligation de s’annoncer à l’OCIRT en ce qui concerne le respect des conditions de travail, l’intéressée ne fournit à la CPEG aucune autre pièce équivalente attestant de son respect des conditions de travail au lieu de son siège (art. 32 al. 4 RMP ; ATA/361/2014 du 20 mai 2014 consid. 5e ; ATA/291/2014 du 29 avril 2014 consid. 6). Au vu de ces éléments et conformément à la jurisprudence susmentionnée du Tribunal fédéral, le comportement de la recourante consistant à attendre la décision d’exclusion pour invoquer l’argument précité, n’est pas conforme au principe de la bonne foi, ni d’ailleurs à l’exigence de célérité prévalant dans le domaine de la passation des marchés publics. Par conséquent, le grief de la recourante relatif à l’exigence de l’attestation portant sur le respect des conditions de travail dans le canton de Genève, ne peut, dans le cadre du présent recours contre la décision d’exclusion, qu’être déclaré irrecevable.

9) Concernant l'attestation fiscale, aux termes de l'art. 32 al. 1 let. c RMP, ne sont prises en considération que les offres accompagnées, pour le soumissionnaire et ses sous-traitants, d'une attestation de l'autorité fiscale compétente justifiant que le soumissionnaire s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôt à la source retenu sur les salaires de son personnel ou qu'il n'a pas de personnel soumis à cet impôt.

10) L'attestation fiscale concerne le ou les cantons dans le(s)quel(s) l'entreprise a son siège et déploie des activités. À cet égard, la recourante n'a fourni aucune attestation, qu'elle émane de l'administration genevoise, vaudoise, neuchâteloise ou d'un autre canton. Or les documents d'appel d'offres ne parlaient pas spécifiquement d'une attestation genevoise, et étaient on ne peut plus clairs sur le fait que les attestations devaient se trouver dans l'offre au moment de son dépôt, sous peine d'élimination. Une simple proposition de les fournir sur demande n'était donc pas admissible.

11) Il convient enfin d’examiner le bien-fondé de la décision d’exclusion litigieuse, notamment au regard du principe de l’interdiction du formalisme excessif découlant de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 Cst.

a. Comme rappelé plus haut, l’art. 32 al. 1 let. b RMP pose, comme condition pour être admis à soumissionner, l’exigence d’une attestation certifiant soit que le soumissionnaire est lié par la CCT de sa branche, applicable à Genève (ch. 1), soit qu’il a signé, auprès de l’OCIRT, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d’assurance-accident et d’allocations familiales (ch. 2). L’art. 32 al. 2 précise les conditions pour obtenir l’attestation de l’OCIRT visée à l’art. 32 al. 1 let. b ch. 2 RMP. Lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges, l’offre est écartée d’office (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend une décision d’exclusion motivée, notifiée par courrier à l’intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).

b. Le droit des marchés publics a pour but d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires ainsi que de garantir l’égalité de traitement et l’impartialité de l’adjudication à l’ensemble de ceux-ci (art. 1 al. 3 let. a et b AIMP). Ces principes sont répétés à l’art. 16 RMP, qui précise que la discrimination des soumissionnaires est interdite par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou par le choix de critères étrangers à la soumission. De même, le principe d’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011). Par ailleurs, le principe d’intangibilité des offres impose d’apprécier celles-ci sur la seule base du dossier remis (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.3).

Comme la chambre de céans l’a rappelé à plusieurs reprises, le droit des marchés publics est formaliste et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation (ATA/361/2014 précité ; ATA/291/2014 précité ; ATA/129/2014 du 4 mars 2014 ; ATA/271/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/535/2011 du 30 août 2011 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/95/2008 du 4 mars 2008 ; ATA/79/2008 du 19 février 2008 ; ATA/250/2006 du 9 mai 2006).

c. Le principe de l’interdiction du formalisme excessif ne permet pas d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs de calculs et d’écritures peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l’offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/ Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, cité ci-après : La gestion, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STOECKLI [éd.], Marchés publics 2008, p. 185 ss).

À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu’elle applique la même rigueur, respectivement la même flexibilité, à l’égard des différents soumissionnaires (Olivier RODONDI, Les délais en droit des marchés publics, RDAF 2007 I p. 187 et 289).

Les principes précités valent également pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions (Olivier RODONDI, La gestion, op. cit., p. 186). Lors de celle-ci, l’autorité adjudicatrice doit examiner si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation proprement dite et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En outre, en matière d’attestations, l’autorité adjudicatrice peut attendre d’un soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, interprétation ou extrapolation, s’il remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes aux exigences du cahier des charges (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité).

La chambre de céans s’est toujours montrée stricte dans ce domaine, (ATA/129/2014 du 4 mars 2014 consid. 4 ; ATA/102/2010 précité ; ATA/150/2006 du 14 mars 2006), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité).

d. En l’espèce, la recourante n’a remis à l’autorité adjudicatrice avec son offre, déposée dans le délai imparti, aucun document attestant le fait qu’elle respectait les conditions de travail, ni aucune attestation fiscale, contestant la première obligation se contentant de dire qu'elle tenait à disposition des attestations fiscales. L’intéressée conteste le fait de devoir s’annoncer à l’OCIRT, alors qu’elle n’a ni employé ni activité sur le canton de Genève. Elle ne produit cependant aucun autre document certifiant qu’elle respecte les conditions de travail, ni aucune attestation fiscale, telle qu’une attestation émanant de l’autorité compétente neuchâteloise, vaudoise ou zurichoise. Or, la production de tels documents vise à vérifier le respect de conditions d’aptitude essentielles prévues par l’art. 32 al. 1 let. b et c RMP et expressément rappelées au point 9.2 et 9.3 de l’appel d’offres.

12) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2014 par Aon Hewitt (Suisse) SA contre la décision de la Caisse de prévoyance du personnel de l'État de Genève du 2 octobre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d' Aon Hewitt (Suisse) SA un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Aon Hewitt (Suisse) SA, à la Caisse de prévoyance du personnel de l'État de Genève ainsi qu'à la Commission de la concurrence COMCO.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :