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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/674/2006

ATA/250/2006 du 09.05.2006 ( VG ) , REJETE

Descripteurs : ; MARCHÉS PUBLICS ; FORMALISME EXCESSIF ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : RPMPC.28
Parties : ARCATURE SA-JAQUENOUDESIGN SARL-SABTI SARL, JAQUENOUDESIGN SARL, SABTI SARL / VILLE DE GENEVE
Résumé : Recours rejeté contre une décision de l'autorité adjudicatrice d'écarter une offre car il manquait une attestation de l'administration fiscale relative à l'impôt à la source. Seule une attestation de l'administration fiscale permet à l'autorité adjudicatrice de s'assurer que la candidate est en règle avec ses obligations en matière d'impôt à la source.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/674/2006-VG ATA/250/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 9 mai 2006

dans la cause

 

 

ARCATURE S.A.

JAQUENOUDESIGN SÀRL

SABTI SÀRL

représentées par Me Christine Marti, avocate

 

 


contre

VILLE DE GENÈVE


 


1. a. Par avis publié dans la Feuille d'Avis Officielle (ci-après  : FAO) du 13 juin 2005, la Ville de Genève (ci-après  : la Ville) a fait un appel d'offres (M33PL), en procédure sélective, pour des prestations de services d'architecture, de conseils et d'études techniques liées à la construction qui concernait l'aménagement muséographique, la sécurisation des collections et la création d'une salle d'exposition temporaire du Musée de l'horlogerie et de l'émaillerie.

L'appel d'offres était soumis au règlement cantonal sur la passation des marchés publics en matière de construction du 17 novembre 1997 (L 6 05.01 - ci-après  : le règlement ou RPMPC) et à l'accord OMC.

Selon les conditions de participation, à l'issue de la première phase, seuls les cahiers des charges accompagnés des attestations mentionnées à l'article 28 du règlement, pour chaque membre des équipes, seraient pris en considération. Les critères d'aptitude, de sélection et d'adjudication ainsi que les preuves à fournir figuraient dans le dossier de candidature. Le nombre de candidats invités à déposer une offre était fixé à trois minimum.

b. Le dossier de candidature indiquait, au point 4, que les candidats sélectionnés pour le 2ème tour recevaient le cahier des charges (cahier n° 2), le "dossier d'appel d'offres - attestations" (cahier n° 3) ainsi que le "dossier d'appel d'offres et engagement" (cahier n° 4). L'offre et les attestations devaient être déposées dans le délai indiqué et les conditions décrites dans le cahier des charges. Sous le point 7, il était rappelé, en caractères gras, dans un encadré  : "lors du 2ème tour de la compétition, les membres du groupe sélectionné devront fournir les attestations selon la réglementation des marchés publics en matière de construction".

2. Le groupe pluridisciplinaire composé du bureau d'architectes, Arcature S.A., sise av. de la Piscine, 1020 Renens, du muséographe, Jaquenoudesign Sàrl, sise 5 ch. des Vignettes, 1305 Penthalaz et de l'ingénieur civil, Sabti Sàrl, sise 4 rte de St-Cergue, 1295 Mies (ci-après  : le groupe Arcature) a déposé un dossier de candidature dans le délai imparti.

3. Le 24 octobre 2005, la Ville a annoncé au groupe Arcature qu'il avait été sélectionné avec sept autres candidats pour participer au deuxième tour.

L'attention des candidats était attirée sur la nécessité de remettre, outre le cahier des charges dûment rempli, les attestations obligatoires selon les articles 28 et 33 alinéa 2 du règlement, sous pli séparé, afin de permettre la vérification de ces dernières avant l'ouverture des offres.

4. Le 7 décembre 2005, la Ville a transmis au groupe Arcature les documents relatifs au deuxième tour, à retourner avant le vendredi 27 janvier 2006, 8h40. Passé ce délai, toute offre serait rigoureusement refusée, sans recours possible du concurrent ; il en allait de même des soumissions non accompagnées, à l'ouverture, des attestations indiquées à l'article 33 alinéa 3 du règlement. Les offres incomplètes ou dont les attestations étaient échues seraient écartées.

5. a. Dans le cadre du deuxième tour, le cahier des charges indiquait que les attestations de tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire étaient à remettre en même temps que l'offre, sous pli séparé.

b. Le "dossier d'appel d'offres - attestations" énumérait les attestations obligatoires pour chacun des membres du groupement de mandataires selon les articles 28 et 33 alinéa 2 du règlement. Il comportait également un récapitulatif, encadré, en caractères gras, des huit attestations à présenter.

Il était précisé que le service des soumissions du domaine de l'organisation urbaine et des constructions de la Ville était atteignable pour tout renseignement administratif à ce sujet.

Enfin, selon une note en bas de page, les indépendants sans personnel devaient joindre une déclaration confirmant qu'ils n'engageaient pas de personnel ainsi qu'une attestation AVS certifiant qu'ils étaient à jour avec leurs cotisations.

6. L'ouverture des offres a eu lieu le 27 janvier 2006 à 9h15. Selon le procès-verbal tenu à cette occasion, l'offre du groupe Arcature a été écartée car il manquait des attestations de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après  : OCIRT) et des attestations relatives à l'impôt à la source.

Trois autres concurrents ont également été éliminés pour avoir omis de déposer certaines attestations.

7. Le 7 février 2006, la Ville de Genève a confirmé au groupe Arcature que son offre avait été écartée en raison de l'absence d'attestations relatives à la signature d'une convention collective ou de l'engagement OCIRT et à l'acquittement des obligations en matière d'impôts à la source. La voie et le délai de recours étaient mentionnés.

8. Par acte du 22 février 2006, les membres du groupe Arcature ont recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision. Ils sollicitaient préalablement l'octroi de l'effet suspensif. Principalement, ils concluent à l'annulation de la décision entreprise.

Exerçant leur activité sur le territoire vaudois, ils n'occupaient pas de personnel sur territoire genevois et seule une des trois entreprises employait du personnel étranger. En conséquence, conformément à l'article 28 alinéa 1 chiffres 3 et 4 RPMPC, ils n'avaient pas à présenter les attestations manquantes. Ils avaient d'ailleurs fourni des documents prouvant que le personnel employé sur territoire vaudois était couvert en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance accident et d'allocations familiales conformément à la législation vaudoise et à la législation fédérale. Si la Ville désirait tout de même recevoir les attestations litigieuses, elle aurait dû leur impartir un bref délai. La décision attaquée était donc entachée d'un formalisme excessif et violait le principe de l'égalité de traitement et de non-discrimination applicable en matière de marché public.

9. La Ville s'est opposée à la demande d'effet suspensif et au recours le 1er mars 2006.

Sur le fond, l'obligation de fournir une attestation de l'OCIRT s'examinait au regard de l'obligation pour l'entité adjudicatrice, d'une part, de respecter les principes d'égalité de traitement et de non discrimination, d'autre part de veiller au respect des conditions de travail locales. Appelés à travailler à Genève, les soumissionnaires devaient dès lors fournir ce document. S'agissant de l'attestation relative à l'impôt à la source, il appartenait à l'autorité compétente d'attester qu'un soumissionnaire n'était pas soumis à l'impôt à la source. Il n'existait qu'une seule exception, soit lorsque l'attestation relative à l'impôt à la source n'existait pas au siège du soumissionnaire. Dans tous les autres cas, l'attestation devait être remise avec l'appel d'offres et ceci même lorsque le prestataire n'avait pas d'employés domiciliés à l'étranger. En outre, la Ville n'avait pas fait preuve d'un formalisme excessif en n'autorisant pas à réparer, après ouverture des offres, les informalités constatées.

10. Par décision présidentielle du 8 mars 2006, le Tribunal administratif a rejeté la demande d'effet suspensif.     

11. Le 30 mars 2006, la Ville a déclaré persister dans sa position. Par ailleurs, suite à une requête du tribunal de céans, elle a remis les dossiers des soumissionnaires admis à déposer leur offre lors le cadre du deuxième tour.

12. Les trois concurrents évincés ont également fait recours mais deux d'entre eux l'ont retiré dans l'intervalle.

13. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 15 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 et 2 let. a de la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - LAIMP - L 6 05.0 ; art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans le présent litige, il convient de déterminer si l'autorité a, à juste titre, écarter l'offre des recourantes en raison de l'absence d'attestations de l'OCIRT et de l'administration fiscale.

3. a. Selon l’article 28 du règlement genevois sur la passation des marchés publics en matière de constructions du 19 novembre 1997 (RPMPC - L 6 05.01), ne sont prises en considération que les offres accompagnées d’une attestation certifiant, pour le personnel travaillant sur territoire genevois, que le prestataire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève ou qu'il a signé, auprès de l'OCIRT, un engagement de respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance accident et d'allocations familiales (art. 28 al. 1 ch. 3 RPMPC) et d'une attestation de l'autorité fiscale compétente justifiant que le prestataire s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôts à la source retenus sur les salaires de son personnel étranger (art. 28 al. 1 ch. 4 RPMPC). Lors d'un consortium, chaque associé doit satisfaire à ces conditions (art. 30 RPMPC).

b. Pour obtenir l'attestation délivrée par l'OCIRT, le prestataire doit notamment prendre connaissance des usages locaux de sa profession et signer un engagement officiel de respecter ces usages, à l'égard de son personnel travaillant sur territoire genevois (art. 28 al. 2 RPMPC).

Quant à l'attestation relative à l'impôt à la source, si le prestataire prouve que ladite attestation n'existe pas à son siège, des moyens de preuve équivalents peuvent être acceptés (art. 28 al. 3, 2ème phrase RPMPC).

c. L'offre doit parvenir sous pli fermé à l'adresse et pour la date et l'heure indiquées dans l'avis de soumission (art. 33 al. 1 RPMPC). Elle doit contenir les attestations mentionnées à l'article 28 du règlement. L'offre et les attestations sont présentées sous plis séparés pour permettre la vérification des attestations avant l'ouverture des offres (art. 33 al. 2 RPMPC).

Les offres qui ne sont pas accompagnées des attestations seront écartées lors de l'ouverture des offres, sans mention de prix (art. 34 al. 2 RPMPC).

4. Les prescriptions de forme en matière de marchés publics occupent une place importante dans la mesure où elles permettent d'assurer la régularité de la procédure de soumission. L'exclusion d'un soumissionnaire s'impose lorsque l'informalité n'est pas minime et que les règles de forme violées servent à sauvegarder des principes importants de la procédure de passation comme l'égalité de traitement des soumissionnaires (D. ESSEIVA, DC 1/2004, p. 59). Dans l'hypothèse où des documents sont manquants à réception de l'offre, il convient d'en considérer l'importance eu égard au dossier dans son ensemble (cf. D. ESSEIVA in DC 2/2002, p.77-78 ; ATA/671/2005 du 11 octobre 2005).

5. Selon la jurisprudence du tribunal de céans, les règles de procédure en matière de marchés publics permettent de garantir une certaine uniformité des candidatures. Cette procédure se doit d’être rigoureuse afin d’assurer l’égalité de traitement et la transparence entre les candidats potentiels. Les soumissionnaires sont tenus de se conformer strictement à ces conditions. Ces exigences ne sont pas des règles formelles, exemptes de toute finalité dont le respect serait une fin en soi (ATA/150/2006 du 14 mars 2006 ; ATA/663/2005 du 11 octobre 2005 ; ATA/90/2000 du 8 février 2000).

Le Tribunal administratif a ainsi jugé que l'omission d'adjoindre au dossier d'appel d'offres un extrait du registre des architectes justifiait l'élimination de l'offre en cause (ATA/90/2000 du 8 février 2000). De même, un recourant évincé qui avait fait parvenir un dossier dont le cahier des charges et les cinq premières pages des conditions particulières de l'appel d'offres étaient manquantes, ne pouvait se plaindre d'un formalisme excessif, même s'il avait proposé, lors de l'ouverture publique des soumissions, de fournir lesdits documents (ATA/671/2005 précité). Dans un arrêt récent, le tribunal de céans a confirmé une décision écartant une offre dont la validité des attestations était échue depuis quelques jours (ATA/150/2006 précité).

6. Pour les recourantes, l'autorité intimée a contrevenu à l'article 28 alinéa 1 chiffre 3 RPMPC en exigeant une attestation de l'OCIRT alors même qu'elles n'occupent pas de personnel sur le territoire genevois. De plus, elles ont fourni divers documents prouvant la couverture de leur personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance accident et d'allocations familiales conformément à la législation vaudoise et fédérale.

7. Appelée à examiner l'admissibilité de la pratique genevoise exigeant que les soumissionnaires respectent les conventions collectives de travail applicables à Genève au regard de la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02), la Commission de la concurrence a recommandé de modifier l'article 28 RPMPC en ce sens que le canton de Genève reconnaisse, comme valables également, les prescriptions applicables au lieu d'origine des entreprises ayant leur siège ou leur établissement en Suisse (RPW 2004 p. 1180ss, 1187). Cette solution qui reconnaît l'équivalence des prescriptions en vigueur en Suisse est également celle retenue par les directives d'exécution de l'AIMP dans sa version révisée (par. 7 al. 2 DEMP) à laquelle le canton de Genève n'a pas encore adhéré.

En l'occurrence, il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner si les pièces remises par les recourantes étaient suffisantes et devaient être reconnues par l'autorité intimée, le recours devant être rejeté pour un autre motif.

8. Les recourantes prétendent ne pas avoir à fournir d'attestations relatives à l'impôt à la source pour deux entreprises car celles-ci n'emploient pas de personnel étranger.

9. L'attestation de l'administration fiscale permet à l'autorité adjudicatrice de s'assurer que le candidat est en règle avec ses obligations en matière d'impôts à la source. Il n'appartient pas à l'autorité de vérifier elle-même si le soumissionnaire occupe du personnel soumis à l'impôt à la source et seule une attestation de l'autorité compétente permet d'effectuer ce contrôle correctement. De plus, la délivrance de ce document ne nécessite pas de longues démarches fastidieuses. La pratique de l'autorité intimée qui consiste à requérir une attestation de l'administration fiscale ne viole ainsi pas l'article 28 alinéa 1 chiffre 4 RPMPC.

Les recourantes ne peuvent d'autant moins justifier l'absence de cette pièce qu'au cours de la procédure, leur attention a été régulièrement attirée sur l'importance des attestations et de leur production dans le délai imparti. Ainsi, l'avis publié dans la FAO du 13 juin 2005 indiquait que, lors de la 2ème phase, seuls seraient pris en considération, les cahiers des charges accompagnés des attestations, prévues à l'article 28 RPMPC, pour chaque membres des équipes. Cette exigence apparaissait également en caractères gras, encadrés, dans le dossier de candidature. Les courriers du 24 octobre et du 7 décembre 2005 adressés au groupe des recourantes ont rappelé la nécessité de fournir les attestations et souligné l'importance des échéances et les conséquences de l'absence des documents demandés. Le "dossier d'appel d'offres - attestations" énumérait les attestations obligatoires et comportait, dans un encadré, en caractère gras, un récapitulatif de celles-ci. Ce même document spécifiait encore que le service des soumissions du domaine de l'organisation urbaine et des constructions de la Ville de Genève se tenait à disposition pour tout renseignement complémentaire.

Face aux indications de l'autorité intimée et à la possibilité d'obtenir des renseignements complémentaires, il appartenait dès lors aux recourantes de s'assurer que leur dossier était complet. A cet égard, le tribunal relèvera que les dossiers remis par les candidats sélectionnés pour le deuxième tour répondaient tous aux exigences posées.

10. Conformément à une jurisprudence confirmée récemment, les recourantes ne peuvent prétendre à l'octroi d'un bref délai pour compléter leur offre (ATA/150/2006 et ATA/671/2005 précités).

11. Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que l'autorité intimée a correctement appliqué la réglementation en vigueur, sans faire preuve de formalisme excessif.

12. Le recours sera rejeté, un émolument de CHF 1'000.-- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement (art. 87 LPA) ; aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2006 par Arcature S.A., Jaquenoudesign Sàrl et Sabti Sàrl contre la décision de la Ville de Genève du 7 février 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

communique le présent arrêt à Me Christine Marti, avocate des recourantes ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

 

 

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :