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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2650/2005

ATA/733/2005 du 01.11.2005 ( CM ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS; MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : Cst.29.al.2; LMI.5; LMI.9; OMP.ch.13 de l'annexeI; AIMP.7al.1litt.b; RMPC.4al.2; RMCP.17; RMPC.50
Parties : PIDOUX Christophe, FRISK Oscar, BROENNIMANN Tarramo, ZAMARBIDE Daniel, AMMETER Laurent, BESSON Adrien, DER HAGOPIAN Manuel, GROUP8 ARCHITECTURE, DU PASQUIER Grégoire, GALISSARD DE MARIGNAC François / COMMUNE DE VANDOEUVRES, BONNET Pierre
Résumé : Mandat d'études parallèles portant sur la transformation d'un bâtiment communal. Les mandats d'études parallèles sont admissibles, et sont assujettis aux règles du droit commun des marchés publics. Au vu du caractère relativement limité du marché en cause et n'atteignant pas, au demeurant, les valeurs-seuils fixées par l'AIMP, il n'est pas « de grande importance » au sens de l'article 5 al.2 LMI. Seules les garanties de l'article 5 al. 1 LMI sont donc invocables. En l'espèce, s'il ressort effectivement du dossier que la domiciliation de l'architecte ayant obtenu le marché a été évoquée lors des débats, cet élément n'a pas été décisif, de sorte que le grief de violation de la LMI est mal fondé. La décision attaquée, sans motivation, viole l'article 29 al. 2 Cst. La procédure devant le TA, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen, a toutefois réparé ce vice formel.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2650/2005-CM ATA/733/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er novembre 2005

dans la cause

GROUP8 ARCHITECTURE

Monsieur Laurent AMMETER

Monsieur Adrien BESSON

Monsieur Tarramo BORENNIMANN

Monsieur Manuel DER HAGOPIAN

Monsieur Grégoire DU PASQUIER

Monsieur Oscar FRISK

Monsieur François GALISSARD DE MARIGNAC

MonsieurChristophe PIDOUX

Monsieur Daniel ZAMARBIDE

tous représentés par Me Denis Esseiva, avocat

contre

COMMUNE DE VANDOEUVRES
représentée par Me François Bellanger, avocat


et

Monsieur Pierre BONNET
appelé en cause



EN FAIT

1. La commune de Vandoeuvres (ci-après : la commune) est propriétaire depuis juillet 2004 d’un bâtiment sis au 2, chemin du Manoret dénommé « Maison Bianchi ».

2. Dans l’optique de rénover cette propriété, la commune a invité, en date du 29 novembre 2004, six bureaux d’architectes à effectuer une étude de viabilisation de l’immeuble en cause.

Tel était notamment le cas du groupement d’architectes Group8 (ci-après : le groupement), société en nom collectif sise à Genève et regroupant en son sein neuf architectes, ainsi que du bureau d’architecte Pierre Bonnet (ci-après : le bureau Bonnet), également établi à Genève.

Les conditions précisées par la commune dans son courrier étaient pour l’essentiel les suivantes :

- La commune laissait toute liberté concernant la réhabilitation du bâtiment. Elle orienterait son choix entre une formule « logements », une formule mixte « logements / bureaux / arcade commerciale », cela en fonction des propositions remises ;

- Un montant de CHF 5'000.- était alloué à chaque bureau ;

- Il était annoncé qu’une première sélection retiendrait deux bureaux, lesquels seraient alors sollicités pour avancer dans le projet selon des modalités devant être ultérieurement définies ;

- Un délai de remise des dossiers était fixé au 31 janvier 2005.

3. Le 10 janvier 2005, à la demande de plusieurs architectes et compte tenu de la période festive de fin d’année, la commune a prolongé ce délai au 25 février 2005.

4. Accusant réception de l’offre du groupement en date du 17 mars 2005, la commune l’a informé que la commission des bâtiments communaux (ci-après : la commission) allait se réunir le 21 mars pour étudier les dossiers remis et proposer les deux candidats qui seraient retenus pour l’avancement de l’étude de viabilisation. Dans l’intervalle, la commune sollicitait du groupement une facture afin de régler les CHF 5'000.- d’honoraires.

5. Lors de sa séance du 21 mars 2005, la commission a analysé chacun des six dossiers qui lui avaient été remis. Aux termes des conclusions du procès-verbal de cette séance :

- A l’unanimité, la commission préavisait favorablement le projet du groupement ;

- La commission sollicitait de la part du groupement une étude complémentaire avant de se prononcer définitivement. Celle-ci se justifiait en raison des doutes de la commission sur la faisabilité du projet en terme d’autorisation et de coûts ;

- Cette étude serait rémunérée à hauteur de CHF 5'000.- ;

- La mairie devait écrire aux cinq autres bureaux d’architectes afin de les informer que leur dossier était mis en suspens, la commission ayant décidé de « pousser un projet plus particulier ».

6. La commune a fait part au groupement des conclusions de la commission par courrier du 22 mars 2005. Il lui était demandé d’étudier la compatibilité entre son projet et la réalisation de logements, ainsi qu’en terme d’autorisation et de coûts. Le groupement avait jusqu’au 29 avril 2005 pour rendre son étude complémentaire.

7. Le groupement a accusé réception du courrier de la commune le 23 mars 2005. Dans la perspective de la réalisation de l’étude complémentaire, il sollicitait la convocation d’une séance de travail avec la commune, ceci afin de définir précisément les objectifs à atteindre.

8. A l’occasion de cette séance de travail qui eut lieu le 7 avril 2005, le maire de la commune a précisé au groupement que la commission avait également retenu un autre projet. Par la suite, le groupement a présenté son projet, et répondu aux interrogations de la commission. S’agissant de l’aspect financier, il fallait compter un prix moyen de CHF 600.- à 750.-. le mètre cube moyen.

9. Lors de sa séance du 10 mai 2005, la commission s’est à nouveau penchée sur les dossiers déposés par les différents bureaux d’architectes. Suite à un débat sur le projet du groupement et celui d’un autre architecte, la commission a décidé d’auditionner également le bureau Bonnet.

10. Donnant suite à cette décision, la commune a informé le groupement, le 11 mai 2005, que la commission désirait entendre les trois bureaux dont les projets l’intéressaient. Elle avait définitivement opté pour une réhabilitation en logements uniquement de l’habitation principale et de la grange.

11. Par courrier du 23 mai 2005, le groupement s’est étonné auprès de la commune du « repêchage d’un troisième candidat » et du déroulement global de la « procédure de sélection d’un bureau d’architecte ». Cela étant, il sollicitait de la part de la commune la liste des points, critères et remarques qui avaient été soulevés et discutés en commission à propos de son projet.

12. Le 2 juin 2005, la commission s’est à nouveau réunie. En introduction à la séance, son président a fait état d’un courrier du groupement, aux termes duquel ce dernier se plaignait du déroulement des événements et n’estimait pas nécessaire de se déplacer à nouveau pour présenter son projet.

Durant cette séance, le groupement et le bureau Bonnet ont successivement présenté leur projet, étant précisé que le troisième architecte également retenu était absent. L’offre du groupement s’élevait à CHF 2'303'000.- hors taxe (soit CHF 750.- par mètre cube) et celle du bureau Bonnet à CHF 700.- par mètre cube.

13. Le 9 juin 2005, le troisième architecte a présenté son projet à la commission. Son offre s’élevait à CHF 2'276'000.- (soit CHF 700.- par mètre cube).

Au terme de son audition, la commission a délibéré. Plusieurs commissaires ont relevé que la présentation du groupement avait été mauvaise, en comparaison de celle du bureau Bonnet et du troisième architecte. A l’issue de la délibération, le président a conclu en ces termes : « ce qui est certain, ( ) [c’]est que le [groupement] est écarté ».

La commission a alors décidé que c’était à l’exécutif de la commune qu’il appartenait de choisir le bureau d’architectes.

14. Réunie le 13 juin 2005, la commission a décidé, suivant la recommandation de Mme le Maire :

- De retenir le bureau Bonnet, animé par de « jeunes architectes de la commune », pour son projet « la maison aux quarante fenêtres » ;

- De préaviser favorablement ce choix et de proposer au Conseil municipal de confirmer le mandat à l’atelier de Pierre Bonnet.

Le groupement avait été évincé « de par la mauvaise qualité de son audition, basé (sic) sur un projet complémentaire décevant ».

Les deux architectes retenus en phase finale, soit le bureau Bonnet et le troisième architecte, articulaient le même prix, soit d’environ CHF 700.- par mètre cube.

15. Le 20 juin 2005, le conseil municipal de la commune a avalisé le préavis de la commission. A teneur du procès-verbal de cette séance, disponible sur le site internet de la commune (http://www.vandoeuvres.ch/images/pict/12578.pdf) :

- « Les trois premières séances [de la commission] avaient eu pour but de recevoir les trois bureaux d’architectes présélectionnés pour le projet de viabilisation de la maison Bianchi » ;

- « Le [groupement] avait présenté un projet relativement léger, avec des réponses aux questions qui n’étaient pas vraiment définies et un budget assez aléatoire » ;

- La commission avait retenu le projet du bureau Bonnet. « Il [avait] été relevé que le projet faisait preuve de recherche et qu’il s’agissait d’un bureau jeune, dont le responsable est un habitant de Vandoeuvres ».

16. La commune a informé le groupement de cette décision par pli du 22 juin 2005.

17. Le même jour, elle a avisé le bureau Bonnet qu’il était mandaté pour réaliser le projet de réhabilitation de la Maison Bianchi.

L’exécutif communal souhaitait rencontrer M. Bonnet avant les vacances scolaires pour fixer le programme de travail consistant à la préparation du dossier de requête en autorisation de construire et du dossier des soumissions.

Le crédit d’engagement, lequel devait indiquer le coût réel des travaux et honoraires des tiers mandatés, serait voté par le Conseil municipal en automne

18. Par acte posté le 22 juillet 2005, le groupement ainsi que chacun de ses neuf associés ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision d’adjudication rendue le 22 juin 2005 par la commune de Vandoeuvres en faveur de Pierre Bonnet.

La commune avait violé la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02), laquelle s’appliquait au cas d’espèce. Premièrement, elle avait violé les règles qu’elle s’était elle-même fixées de façon contraire à l’article 5 LMI. Deuxièmement, il n’y avait eu aucun critère d’adjudication. Enfin, l’absence de tout rapport d’évaluation et de motivation de la décision attaquée était également constitutive d’une violation de la LMI.

Le groupement conclut, préalablement, à ce que le Tribunal ordonne à la commune de produire à bref délai l’ensemble de son dossier, puis à l’autoriser à compléter, alors, son dossier.

A titre principal, il conclut à l’annulation de la décision attaquée, à l’adjudication de la totalité du marché d’architecte à son profit, et subsidiairement, au renvoi du dossier à la commune pour nouvelle décision.

19. Le 26 juillet 2005, le Tribunal administratif a ordonné l’appel en cause de Monsieur Pierre Bonnet, du bureau éponyme, dans la présente procédure, lequel a déclaré s’en remettre à l’appréciation du Tribunal de céans.

20. Le 26 août 2005, la commune s’est opposée au recours. Elle sollicitait en outre le retrait de l’effet suspensif au recours.

Le marché en cause n’était pas couvert par la LMI, de sorte que le recours était irrecevable. Au demeurant, la commune avait agi de façon conforme à la LMI, ayant passé plusieurs marchés de gré à gré, de façon conforme à l’article 17 du règlement genevois sur la passation des marchés publics en matière de construction du 19 novembre 1997 (RMPC - L 6 05.01)

21. Le 12 octobre 2005, les recourants se sont déterminés quant à la demande de retrait de l’effet suspensif au recours.

Le recours était manifestement bien fondé, au vu des nombreuses et graves informalités dont souffrait la décision attaquée. Le requête de retrait de l’effet suspensif devait donc être rejetée.

22. Le Tribunal de céans a invité la commune, par pli du 17 octobre 2005, à lui fournir la version intégrale du procès-verbal de la séance de la commission du 9 juin 2005, celle-ci en ayant produit une version tronquée.

La commune s’est exécutée le 20 octobre 2005.

23. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. L’autorité intimée mettant en doute la recevabilité du présent recours, il convient de trancher cette question préalablement.

2. Conformément à l’article 69 alinéa 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le Tribunal de céans est lié par les conclusions des parties. Il n’est en revanche pas lié par les motifs que les parties invoquent.

3. Dans un premier moyen, la commune prétend qu’elle aurait conclu de simples contrats de gré à gré, lesquels échapperaient donc à tout contrôle juridictionnel. Il convient donc de qualifier juridiquement les accords passés avec les recourants ainsi que leur montant, afin de déterminer quel sera le droit applicable.

4. La notion de marché public désigne communément l'ensemble des contrats passés par les pouvoirs publics avec des soumissionnaires privés, portant sur l'acquisition de fournitures, de constructions ou de services, moyennant un prix que l’Etat s’engage à payer (ATF 125 I 209 consid. 6b p. 212). Le marché public est donc un contrat à caractère onéreux, doté d’un caractère synallagmatique, en ce sens qu’il faut qu’une rémunération soit versée à l’adjudicataire en échange d’une prestation de celui-ci (E. CLERC, Commentaire romand du droit de la concurrence, note 55 ad art. 5 LMI).

En l’espèce, l’autorité intimée a contacté six bureaux d’architectes afin qu’ils effectuent chacun une étude de viabilisation du bâtiment nommé « Maison Bianchi ». Chaque bureau a reçu, pour réaliser cette étude, une somme de CHF 5'000.-. En outre, les offres ont été remises à l’autorité intimée dans le délai imparti, soit au 25 février 2005. Force est donc de constater que l’ensemble des éléments constitutifs d’un marché public sont réalisés in casu.

5. Cela étant, il convient de qualifier le type de marché public en cause. Pour les recourants, il s’agirait d’un mandat d’étude parallèle, alors que pour l’autorité intimée de simples contrats de gré à gré auraient été conclus.

Les mandats d’études parallèles désignent une forme de mise en concurrence au cours de laquelle un mandant confie parallèlement à plusieurs mandataires une mission d’étude portant sur la même tâche, afin d’obtenir plusieurs propositions de solutions à un problème donné (J. DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, p. 151 ; cf. également le ch. 13 de l’annexe 1 de l’ordonnance sur les marchés publics du 11 décembre 1995 - OMP - RS 172.056.11). Contrairement à la procédure de concours, celle du mandat d’étude parallèle n’est pas anonyme (D. ESSEIVA in DC 4/2001 p.157).

Ces conditions sont réunies en l’espèce. En effet, aux termes du courrier qu’elle a envoyé le 29 novembre 2004 aux six bureaux d’architectes invités à participer à cette étude, l’autorité intimée laissait toute liberté concernant la réhabilitation du bâtiment « Maison Bianchi ». Elle précisait en outre qu’elle orienterait son choix entre une formule « logements », une formule mixte « logements / bureaux / arcade commerciale », cela en fonction des propositions remises. Il était au demeurant clair que ces six bureaux étaient mis en concurrence et que le projet le plus intéressant serait retenu à l’issue de la procédure.

Il y a donc lieu de qualifier le marché public litigieux de mandat d’études parallèle.

6. L’autorité intimée avance également que la LMI ne serait pas applicable au cas d’espèce, le marché en cause ne dépassant pas le montant de CHF 100'000.-, somme qui correspond à la limite maximale des marchés de gré à gré.

Cette opinion ne saurait être suivie. En effet, il est unanimement reconnu par la jurisprudence et la doctrine que la LMI est applicable indépendamment des valeurs seuils et des types de marché (E. CLERC, L’ouverture des marchés publics : effectivité et protection juridique, Fribourg 1997, p. 435-6). Certes, la valeur seuil joue un rôle pour l’obligation de publication. Celle-ci n’est toutefois statuée, à l’article 5 alinéa 2 LMI, que pour les marchés « de grande importance » (E. CLERC, op. cit., note 64 ad art. 5 LMI). Au vu du caractère du marché litigieux, relativement limité et n’atteignant pas, au demeurant, les valeurs-seuils fixées par l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) (cf. infra pt. 6), il y a lieu de constater que le marché public en cause n’est pas « de grande importance » (J. DUBEY, op. cit., p. 198).

La LMI est donc applicable au cas particulier, et les recourants disposent des garanties posées aux articles 5 alinéa 1 et 9 LMI en matière de marchés publics.

7. Au demeurant, le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours relatifs à une violation de la LMI (art. 56B al. 4 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 9 al. 2 LMI ; ATA/864/2004 du 26 août 2004).

En l’absence de dispositions spéciales de procédure, le recours relatif à une violation de la LMI est régi par les normes usuelles de la LPA (ATA/864/2004 du 26 août 2004). Interjeté dans le délai légal de 30 jours (art. 63 al. 1 let. a LPA), le recours est à cet égard recevable.

Il convient donc d’entrer en matière.

8. a. Aucune disposition légale de droit genevois ou fédéral n’est consacrée aux mandats d’étude parallèle. Ceux-ci sont toutefois admissibles et leur adjudication est assujettie aux règles du droit commun des marchés publics (J. DUBEY, op. cit., p. 152).

Il sied donc, afin d’arrêter le droit applicable au cas d’espèce, de déterminer le montant du marché en cause. A ce sujet, il convient de prendre en compte non seulement la valeur des honoraires versés aux concurrents pour l’établissement de l’étude, mais également les honoraires des prestations complémentaires que l’entité adjudicatrice entend adjuger ultérieurement au concurrent dont le projet aura été jugé le meilleur (art. 5 al. 2 RMPC ; D. ESSEIVA in DC 4/2001 p.157).

b. A teneur de l’article 7 alinéa 1 lettre b AIMP, ce dernier s’applique si le marché en cause atteint la valeur-seuil de CHF 383'000.-, s’agissant de fournitures et de services.

c. Il ressort de la jurisprudence du Tribunal administratif, que la valeur-seuil n'est pas tant la valeur estimée par l'appel d'offres que celle des offres effectivement enregistrées (ATA/615/2000 du 10 octobre 2000).

En l’espèce, chacun des six bureaux d’architectes mandatés a reçu la somme de CHF 5'000.- pour réaliser l’étude litigieuse, soit CHF 30'000.- au total. Les recourants ont en outre effectué une étude complémentaire pour CHF 5'000.-. S’agissant du mandat subséquent, il ressort des offres déposées par les trois bureaux d’architectes retenus en phase finale de la procédure que le coût total du projet s’élevait en moyenne à environ CHF 2'200'000.- hors taxes. Les parties se querellent quant à savoir si celui-ci portait sur la totalité des prestations de l’architecte pour ce projet, soit 100%, où seulement sur la réalisation du projet de l’ouvrage au sens du chiffre 4.32 de la norme SIA 102, soit 21% (chiffre 7.8 SIA 102). Le Tribunal relève que, le 29 novembre 2004, la commune a mandaté six bureaux d’architectes pour réaliser une étude de viabilisation de la maison « Bianchi ». Le cadre de cette étude était particulièrement large (logements, bureaux, arcade commerciale, etc.) et les modalités subséquentes étaient alors encore à définir. De surcroît, ainsi que le relève l’autorité intimée à raison, le conseil municipal n’a pu encore être saisi du projet, ni, a fortiori, donner son assentiment à la réalisation du projet retenu en votant un crédit sous la forme d’une délibération. Il ressort de ces constatations qu’à l’évidence la commune ne désirait pas adjuger, au terme de cette étude de viabilisation, la mandat complet d’architecte au bureau qui serait choisi. Même si l’on retient les 21% des prestations de l’architecte, sur la base de l’estimation produite par les recourants, le valeur-seuil pertinente de CHF 383'000.- n’est de loin pas atteinte.

Il s’ensuit que l’AIMP n’est pas applicable au cas d’espèce, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties. Tel est toutefois le cas du RMPC, dont certaines dispositions s’appliquent indépendamment du fait que le marché litigieux n’atteint pas la valeur-seuil (art. 4 al. 2 RMPC).

A teneur de l’article 50 RMPC, les décisions rendues dans le cadre de l’adjudication d’un marché non soumis à l’accord intercantonal ne sont pas sujettes à recours. En conséquence, la question de la conformité de la décision litigieuse aux dispositions cantonales légales ou réglementaires ne pourra pas être examinée par le Tribunal de céans. En revanche, tel sera le cas des griefs allégués relevant de la LMI (ATA/609/2005 du 13 septembre 2005).

9. a. Aux termes de son article premier, la LMI garantit à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse, l’accès libre et non discriminatoire au marché afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse. La LMI ne constitue qu’une loi-cadre orientée vers la protection des soumissionnaires externes et l’unification du marché suisse (E. CLERC, op. cit., p. 432-438). Elle ne vise pas à s’immiscer dans les réglementations cantonales, mais se borne à exiger que ces dernières ne constituent pas une entrave au libre-échange des services et des marchandises, ainsi qu’à la liberté des personnes de s’établir et de circuler (Message du Conseil fédéral du 23 novembre 1994 concernant la LMI, FF 1995 I p. 1248-1249).

b. Selon l’article 5 alinéa 1 LMI, les marchés publics des cantons, des communes et des autres organes assumant des tâches cantonales ou communales sont régis par le droit cantonal ou intercantonal ; ces dispositions, ainsi que les décisions fondées sur elles, ne doivent pas discriminer les personnes ayant leur siège ou leur établissement en Suisse de manière contraire à l'article 3 LMI qui indique à quelles conditions des restrictions à la liberté d’accès au marché de soumissionnaires externes peuvent être prévues.

La LMI comporte ainsi certaines garanties visant principalement à protéger les offreurs externes. Elle fixe un nombre limité de principes fondamentaux dont la Confédération, les cantons et les communes doivent tenir compte tant dans la pratique que dans leur activité législative (Message du Conseil fédéral du 23 novembre 1994 concernant la LMI, FF 1995 I p. 1231).

c. Dans le domaine des marchés publics, la discrimination se définit comme le traitement défavorable d’une certaine catégorie de soumissionnaires, en raison de son origine étrangère ou extérieure au cercle des soumissionnaires locaux ou nationaux (B. BOVAY, La non discrimination en droit des marchés publics, in RDAF 2004 I 227-243, 239). Il y aurait notamment une pratique discriminatoire si les spécifications techniques exigées étaient propres au cercle des entreprises locales et excluaient de fait les entreprises extérieures en raison du type de produits spécifiés, de normes très locales ou d’exigences quant au lieu de production ou d’achat des matériaux (B. BOVAY, op. cit., p. 239).

d. La préférence locale est admise en présence d’offres jugées équivalentes (DC 2/2001 p. 71 ss.)

10. Selon les recourants, l’article 5 LMI imposerait au pouvoir adjudicateur d’énumérer par avance tous les critères d’adjudication qui seront pris en considération, avec indication de leur importance relative. La manière dont l’évaluation a été effectuée devrait pouvoir en outre être retracée par l’autorité de recours.

Les exigences que les recourants prêtent à l’article 5 LMI ne sont en réalité posées que pour les marchés « de grande importance » au sens de l’alinéa 2 de cette disposition. Or, ainsi que le Tribunal de céans l’a déjà constaté supra (cf. point 4, let. b), tel n’est manifestement pas le cas in casu.

C’est donc à la lumière des principes dégagés de l’article 5 alinéa 1 LMI qu’il faut examiner les griefs du recourant.

11. Les recourants reprochent à l’autorité intimée d’avoir « repêché » en cours de procédure le bureau Bonnet, ne respectant pas, ce faisant, les règles initiales indiquées dans son courrier du 29 novembre 2004.

En l’espèce, au regard des principes énoncés supra, l’on peine à voir en quoi l’autorité intimée les aurait violés en retenant trois candidats au lieu des deux initialement annoncés pour la phase finale de la procédure de choix. Les recourants ont en effet été invités à déposer une offre – et même à la compléter contrairement à ses concurrents –, cela sans entrave en raison de leur origine.

En revanche, il ressort effectivement du dossier que la domiciliation de l’animateur du bureau Bonnet sur la commune de Vandoeuvres a été évoquée lors des débats au sein de la commission et du conseil municipal. Il n’apparaît toutefois pas que ce critère ait été déterminant quant à l’éviction du groupement. En effet, il a été fait référence au caractère « innovateur » et « moderne » du projet du bureau Bonnet. En outre, s’agissant du groupement, c’est suite à sa mauvaise présentation, à la « légèreté » de son deuxième projet et à un budget « aléatoire » que la commission a décidé d’écarter sa candidature. Par ailleurs, quand bien même il faudrait retenir que tel a été le cas, le Tribunal de céans observe qu’en vertu du large pouvoir d’appréciation dont bénéfice l’autorité adjudicatrice s’agissant de l’analyse des particularités de chaque projet présenté – dans le cadre, au demeurant, d’un mandat d’études parallèles –, il ne lui appartient pas de comparer ces deux offres, afin d’en déterminer, cas échéant, le taux d’équivalence (cf. consid. 9 let. d supra ; du même avis : J. DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, p. 202). Du reste, in casu, rien n’indique rien que l’autorité aurait mésusé de ce large pouvoir. Enfin, le Tribunal relève que si la commune avait réellement décidé de favoriser le bureau Bonnet en raison du domicile local de son animateur, elle n’aurait pas choisi, dans un premier temps, de demander au groupement une étude complémentaire. Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que l’offre du bureau Bonnet ait bénéficié d’un avantage contraire à l’article 5 alinéa 1 LMI, ni plus que les recourants aient été discriminés.

12. Les recourants soutiennent ensuite que l’absence de critères d’adjudication serait constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires.

Ainsi que le Tribunal administratif l’a relevé supra, l’article 5 alinéa 1 LMI ne pose pas une telle exigence, de sorte que le grief des recourants est manifestement mal fondé.

13. Enfin, les recourants se plaignent de l’absence de rapports d’évaluation et de motivation de la décision attaquée, laquelle rendrait illégale cette dernière. Leur droit d’être entendu aurait donc été violé.

a. Le droit à la motivation d’une décision est une garantie constitutionnelle de caractère formel qui est un aspect du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale – Cst. féd. – RS 101 ; ATF 126 I 97 consid. 2 pp. 102-103 ; 120 Ib 379 consid. 3b p. 383; 119 Ia 136 consid. 2b p. 138 et les arrêts cités). Cette exigence vise à ce que le justiciable puisse comprendre la décision dont il est l’objet et exercer ses droits de recours à bon escient. Elle vise également à permettre à l’autorité de recours d’exercer son contrôle. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle fonde sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 124 II 146 consid. 2 p. 149; 122 IV 8 consid. 2c p. 14 ; ACOM/24/2004 du 15 mars 2004).

b. En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre (J.-B. ZUFFEREY/C. MAILLARD/N. MICHEL, Le droit des marchés publics, Fribourg 2002, p. 256). Selon ces auteurs et la jurisprudence citée (DC 2/1999, p. 58, N. S14), ne respecte pas ces exigences une motivation qui ne fait que répéter les critères d’évaluation et qui soumet au recourant le tableau des évaluations effectuées, sans en donner les raisons. Ces informations se bornent à des constatations factuelles qui ne permettent pas au recourant de savoir pourquoi il a été moins bien évalué que son concurrent (op. cit., p. 256).

En l’espèce, il est vrai que la décision attaquée ne comporte aucune motivation, et qu’à ce titre, elle viole l’article 29 alinéa 2 Cst. féd. Cependant, le Tribunal de céans connaît de la présente cause avec un plein pouvoir d’examen, soit le même que l’autorité intimée, de sorte que conformément à la jurisprudence constante en la matière (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 68; 125 V 368 consid. 4 p. 371; ATA/703/2002 du 19 novembre 2002 ), il y a lieu de constater que le vice de motivation a été réparé par la procédure et l’instruction de la cause.

Ce grief s’avère ainsi également mal fondé.

14. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Vu le présent arrêt, la requête en retrait de l’effet suspensif est devenue sans objet.

15. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 LPA).

La commune de Vandoeuvres n’étant pas une ville de plus de 10'000 habitants (ATA/813/2003 du 4 novembre 2003), une indemnité de CHF 2'000.- lui sera allouée, à charge des recourants.

Il ne sera alloué aucune indemnité à Monsieur Pierre Bonnet, appelé en cause, qui s’en est remis à l’appréciation du Tribunal de céans.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juillet 2005 par Group8 Architecture, Monsieur Laurent Ammeter, Monsieur Adrien Besson, Monsieur Tarramo Borennimann, Monsieur Manuel der Hagopian, Monsieur Grégoire du Pasquier, Monsieur Oscar Frisk, Monsieur François Galissard de Marignac, Monsieur Christophe Pidoux et Monsieur Daniel Zamarbide contre la décision de la commune de Vandoeuvres du 22 juin 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants un émolument de CHF 2'500.- ;

alloue à la commune de Vandoeuvres une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à charge des recourants ;

communique le présent arrêt à Me Denis Esseiva, avocat des recourants, à Me François Bellanger, avocat de la commune de Vandoeuvres, ainsi qu’à Monsieur Pierre Bonnet, appelé en cause.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :