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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2135/2011

ATA/535/2011 du 30.08.2011 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS; ATTESTATION; INADVERTANCE MANIFESTE
Normes : RMP.42.al1.leta ; Cst.29
Parties : THYSSENKRUPP ASCENSEURS S.A. / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
Résumé : En écartant une offre déposée dans le cadre d'une procédure de marché public dont une des attestations produites était périmée, le département n'a pas fait preuve de formalisme excessif. Rejet du recours même si le recourant a produit a posteriori devant la chambre administrative l'attestation datant de moins de trois mois et vraisemblablement en sa possession au moment du dépôt de l'offre.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2135/2011-MARPU ATA/535/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 août 2011

 

 

dans la cause

 

THYSSENKRUPP ASCENSEURS S.A.

contre

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION



EN FAIT

1. Par décision du 7 juillet 2011, le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le DCTI) a écarté l'offre déposée le 16 juin 2011 par ThyssenKrupp Ascenseurs S.A. (ci-après : ThyssenKrupp S.A.) dans le cadre de la procédure de marché public concernant l'assainissement et la modernisation du parc d'ascenseurs et de monte-charges de l'Etat de Genève, soumise aux accords internationaux et à l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 15 mars 2001 (AIMP - L 6 05).

L'une des attestations produites - soit celle d’Axa Wintherthur relative aux primes dues pour la prévoyance professionnelle - émise le 15 décembre 2010 était périmée, puisqu'elle datait de plus de trois mois, en violation de l'art. 32 al. 3 du règlement genevois sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2. Par acte posté le 12 juillet 2011, ThyssenKrupp S.A. a recouru contre cette décision, reçue le 11 juillet 2011, auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Elle regrettait l'erreur administrative commise, car elle avait envoyé au DCTI un document qui n'était pas le bon. Elle joignait l'attestation établie par la même compagnie d'assurance, mais à la date du 25 mai 2011, les autres attestations pour les assurances et les impôts ayant toutes été faites courant mai 2011 également.

Ses collaborateurs s'étaient beaucoup investis pour déposer une offre qui réponde à toutes les exigences et soit compétitive et ils seraient déçus que celle-ci soit écartée pour une erreur d'ordre administratif. Elle espérait que son offre puisse être prise en considération dans le cadre de l'adjudication de ce marché public. Elle avait toujours été à jour dans le paiement des cotisations et charges sociales.

3. Invité à se déterminer, le DCTI a répondu le 18 juillet 2011 qu'en application de la disposition réglementaire rappelée ci-dessus et de la jurisprudence de la chambre de céans, l'offre de la recourante avait été écartée à juste titre.

La soumissionnaire admettait d'ailleurs son erreur. Le marché concerné n'avait pas été adjugé à ce jour.

Le recours devait être rejeté.

4. Cette écriture a été transmise le 20 juillet 2011 à la recourante avec un délai au 25 juillet 2011 à midi pour d'éventuelles observations, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

5. Le 22 juillet 2011, la recourante a justifié par pièce s'être acquittée la veille du paiement de l'avance de frais. Aucune autre observation n'a été déposée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile auprès de la juridiction compétente, le recours est recevable, le soumissionnaire évincé ayant qualité pour recourir contre une décision d'exclusion (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 bis let. d AIMP ; art. 55 let. c RMP ; art. 62 al. l let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le droit des marchés publics a pour but d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires et de garantir l’égalité de traitement et l’impartialité de l’adjudication à l’ensemble de ceux-ci (art. 1 al. 3 let. a et b AIMP). Ces principes sont répétés à l’art. 16 RMP, qui précise que la discrimination des soumissionnaires est interdite par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou par le choix de critères étrangers à la soumission. De même, le principe d’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011).

3. Une offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP).

Les offres déposées doivent comporter notamment diverses attestations qui, pour être valables, « ne doivent pas être antérieures de plus de trois mois à la date fixée pour leur production, sauf dans les cas où elles ont, par leur contenu, une durée de validité supérieure » (art. 32 al. 3 RMP).

4. En l'espèce, il est établi et non contesté que l'attestation émise le 15 décembre 2010 par Axa Winterthur était échue car datant de plus de trois mois au moment où elle a été remise au DCTI avec l'offre déposée le 16 juin 2011.

A l'appui de son recours, ThyssenKrupp S.A. a cependant joint une autre attestation du même groupe émise le 25 mai 2011, soit le même mois que toutes les autres attestations produites, rendant ainsi vraisemblable qu'une erreur s'était glissée dans ce dossier et que l'attestation périmée avait été jointe en lieu et place de celle plus récente.

5. La seule question à trancher réside dans le fait de savoir si, en écartant l'offre pour ce seul motif, le DCTI a fait preuve d'un formalisme excessif.

Le droit des marchés publics est formaliste, comme la chambre de céans l’a déjà rappelé à plusieurs reprises (ATA/10/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/95/2008 du 4 mars 2008 ; ATA/79/2008 du 19 février 2008 ; ATA/250/2006 du 9 mai 2006 ; ATA/150/2006 du 14 mars 2006) et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation.

6. L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs de calculs et d’écritures peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires implique de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l’offre est au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (J.-B. ZUFFEREY, C. MAILLARD, N. MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; O. RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, cité ci-après : La gestion in ZUFFEREY, STOECKLI, Droit des marchés publics 2008 p. 185 n. 63, p. 186).

A cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités, admettent que l’autorité adjudicatrice détient un certain pouvoir d’appréciation sur le degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu’elle applique la même rigueur, respectivement la même flexibilité à l’égard des différents soumissionnaires (O. RODONDI, Les délais en droit des marchés publics, cités ci-après  : les délais, RDAF 2007 I p. 187 et 289).

Les principes précités valent également pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions (O. RODONDI, La gestion, p. 186 n. 65). Lors de celle-ci, l’autorité adjudicatrice doit examiner si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation proprement dite et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En outre, en matière d’attestation, l’autorité adjudicatrice peut attendre d’un soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, interprétation ou extrapolation, si celui-ci remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par Arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010).

La chambre de céans s'est toujours montrée stricte dans ce domaine, (ATA/150/2006 du 14 mars 2006, notamment), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_197 et 198/2010 précités), la doctrine étant plus critique à cet égard (O. RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Droit des marchés publics 2008, p. 186 ch. 64). En l'espèce, la chambre de céans n'a aucune raison de s'écarter de sa jurisprudence antérieure, car l'erreur commise par la recourante, pour regrettable qu'elle soit, n'était pas décelable par l'autorité adjudicatrice au moment de l'ouverture des offres. Accorder a posteriori à la recourante la possibilité de substituer à l'attestation périmée celle plus récente reviendrait à violer le principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires et serait source d'insécurité juridique.

7. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, à laquelle il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 juillet 2011 par Thyssenkrupp Ascenseurs S.A. contre la décision du département des constructions et des technologies de l'information du 7 juillet 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Thyssenkrupp Ascenseurs S.A. ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, et M. Torello, juge suppléant

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :