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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1779/2008

ATA/190/2009 du 21.04.2009 ( DCTI ) , ADMIS

Parties : PLAN Olivier / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, VILLE DE GENEVE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1779/2008-DCTI ATA/190/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 avril 2009

 

dans la cause

Monsieur Olivier PLAN
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

et

VILLE DE GENÈVE



 


EN FAIT

1. Monsieur Olivier Plan est copropriétaire de la parcelle n° 1175, feuille 60 de la commune de Genève-Cité, à l'adresse 3A rue de Zurich. Cette parcelle est sise en deuxième zone de construction, destinée aux grandes maisons affectées à l'habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, comprenant les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et des quartiers nettement urbains qui leur sont contigus (art. 19 al. 1 let. b de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

La parcelle est située entre la rue de Zurich au nord, la rue de Pâquis à l'est et la rue de Monthoux au sud. Deux constructions cadastrées C 103 et C 101 y ont été érigées, dans une cour entourée d'immeubles, côté rue de Zurich et rue des Pâquis. Depuis la rue de Zurich, on accède à ladite cour par un passage d'une longueur de 8 m qui traverse l'immeuble cadastré C 449. Le bâtiment C 103 est situé en bordure de propriété, au sud de la parcelle, en prolongement d'un bâtiment cadastré C 450 affecté à l'usage de garages fermés. Les constructions C 103 et C 450 jouxtent la parcelle n° 3924, appartenant à la Ville de Genève (ci-après : la ville) qui a été aménagée en cour intérieure comprenant une place de jeux pour les enfants. Elle est fréquentée par les habitants du quartier

2. Le 11 avril 2007, M. Plan a saisi le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI) d'une demande définitive d'autorisation de construire (DD 101249-7) visant la suppression d'un atelier de menuiserie et la création de deux appartements d'habitation. Le projet prévoyait de démolir partiellement le bâtiment abritant l'ancienne menuiserie (cadastré C 103) et complètement le petit dépôt y attenant (cadastré C 101), pour construire dans la structure restante un appartement de 5 pièces avec jardin, au rez-de-chaussée et un appartement de 7 pièces avec terrasse, à l'étage. Il ressortait des plans visés ne varietur par le DCTI, le 22 novembre 2007 que l'appartement du rez-de-chaussée serait situé de plain-pied au sol et que le vide d'étage serait de 2,40 m.

3. Lors de l'instruction, plusieurs préavis ont été recueillis.

4. Le 2 mai 2007, la commission d'architecture a rendu un préavis favorable.

5. En date du 24 juillet 2007, le service de la sécurité civile, police du feu du DCTI a rendu un préavis favorable sous six conditions. Il en a ajouté une septième à son préavis le 12 octobre 2007.

6. Le 12 septembre 2007, le Conseil administratif de la ville a rendu un préavis défavorable. Les conditions de sécurité et de salubrité, notamment d'ensoleille-ment, de ventilation, de vis-à-vis étaient insuffisantes. Par ailleurs, les quartiers urbains denses, tels que celui des Pâquis souffraient d'un déficit important de verdure et d'espaces semi-privés pour les habitants. Les cours présentaient un potentiel non négligeable pour redonner de tels espaces aux habitants des immeubles adjacents et, ce faisant, améliorer les conditions d'habitabilité.

Bien que la loi n'interdise pas formellement l'affectation de logements dans les cours, elle ne l'autorisait pas non plus. La construction de tels bâtiments devaient demeurer une exception. Des constructions de peu d'importance pouvaient être édifiées sur cour mais ne pouvaient servir à l'habitation. Par ailleurs, les locaux en rez-de-chaussée ne pouvaient être utilisés pour l'habitation que si leur plancher était situé à 1 mètre au-dessus du sol, le bâtiment étant adjacent à une cour accessible au public, l'affectation d'un logement de plain-pied paraissait inopportune.

Enfin, la réalisation du projet nécessitait au préalable une autorisation de démolition.

7. Par courrier du 22 novembre 2007, le DCTI a fait avoir à la ville que son préavis défavorable n'avait pas été retenu. Le projet visait la transformation intérieure d'un bâtiment déjà existant, affecté à un atelier de menuiserie, en un bâtiment destiné à du logement. L'art. 42 al. 2 de la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ne trouvait dès lors pas application dans le cas d'espèce. Les vues droites, les distances minimales pour les jours ainsi que les conditions d'ensoleillement présentaient des garanties suffisantes en matière d'habitabilité. S'agissant du logement au rez-de-chaussée, la dérogation prévue au respect de la hauteur de 1 mètre au dessus du sol prévue par l'art. 49 al. 3 LCI était applicable puisque le logement était situé à une distance suffisante de la voie publique, une zone privative, séparant de 8 mètres le logement au rez-de-chaussée de celle-ci, ayant été aménagée.

8. L'autorisation de construire DD 101249-7 a été délivrée par le DCTI le 22 novembre 2007 et publiée dans la Feuille d'avis officielle du 28 novembre 2007.

9. Par acte du 24 décembre 2007, la ville a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, remplacée depuis le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) contre l'autorisation de construire susmentionnée, concluant à son annulation.

Le principe de coordination avait été violé lors de la délivrance de l'autorisation de construire DD 101249-7. La démolition partielle du bâtiment cadastré C 101 et totale du bâtiment cadastré C 103 avaient été réalisées sans autorisation de démolition. Or, une telle demande aurait du être instruite en parallèle de la demande définitive d'autorisation de construire.

L'art. 49 al. 3 LCI était violé dans la mesure où le plancher de la construction ne se situait pas à 1 mètre du sol et qu'aucune dérogation, au sens de l'art. 49 al. 3 in fine LCI, ne pouvait être octroyée dans le cas d'espèce.

L'autorisation avait été délivrée en violation des art. 42 al. 2 LCI et 232 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01). Le projet entraînait une surdensification et une suroccupation de la cour qui étaient contraires à l'esprit de l'art. 42 al. 2 LCI et de son règlement.

La construction de deux logements dans une cour entourée d'immeubles pouvait être la cause d'inconvénients graves pour les usagers et le voisinage, notamment des nuisances sonores supplémentaires.

10. M. Plan est intervenu dans la procédure le 30 janvier 2008, concluant au rejet du recours et au retrait de l'effet suspensif.

Il ne pouvait être question d'une violation du principe de coordination dès lors que l'autorisation visait la transformation de l'atelier de menuiserie existant, et non la démolition de celui-ci suivi d'une reconstruction. Une telle transformation nécessitait obligatoirement de procéder à la destruction de certains éléments, sans pour autant modifier la qualification des travaux à entreprendre.

La dérogation autorisée par l'art. 49 al. 3 LCI avait été accordée à juste titre puisqu'une zone privative de 8 mètres séparait le bâtiment C 103 de la voie publique.

Les art. 42 al. 2 LCI, 3 al. 2 et 232 RCI visaient l'édification de nouvelles constructions et ne pouvaient trouver application en l'espèce puisque le projet concernait la transformation d'un bâtiment déjà existant.

La transformation projetée n'entraînerait pas de nuisances sonores supplémentaires, ce d'autant plus qu'il existait déjà une place de jeux dans le secteur.

11. La commission a effectué un transport sur place en date du 14 mars 2008.

12. Par décision du 14 avril 2008, expédiée le 18 avril 2008, la commission a admis le recours de la ville et annulé l'autorisation définitive de construire du 22 novembre 2007.

S'agissant de la violation des art. 42 al. 2 LCI et 232 al. 1 RCI, la commission a fait sienne l'argumentation de la ville. Lors de l'adoption de l'art. 42 LCI, l'esprit du législateur était de permettre que des constructions sur cour soient maintenues pour des activités artisanales, mais cette disposition s’opposait à ce qu'elles soient utilisées pour des bureaux. A fortiori les constructions basses sur cour ne devaient pas être affectées à du logement.

L'autorisation de construire violait également l'art. 14 al. 1 let a et b LCI. Quand bien même les exigences de salubrité et de sécurité étaient remplies pour les immeubles existants, ce n'était pas le cas pour les nouveaux logements à construire, qui étaient privés de lumière par la proximité des immeubles existants et de ventilation suffisante. A cette constatation s'ajoutait que la création de deux appartements avec terrasse et jardin occasionnerait des nuisances sonores suffisamment graves pour les immeubles existants.

L'appartement du rez-de-chaussée se trouvait en limite de propriété avec la parcelle n° 3924 appartenant à la ville. Cette parcelle contenait une cour qui était un espace public si bien qu'aucune dérogation au sens de l'art. 49 al. 3 LCI n'était possible.

13. Par acte du 22 mai 2008, M. Plan a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la confirmation de l'autorisation de construire n° DD 101249-7, délivrée le 22 novembre 2007.

Il a repris en substance son argumentation développée devant la commission en ce qui concerne le principe de coordination.

Pour le surplus, la commission avait fait mauvaise application de l'art. 49 al. 3 LCI en qualifiant la cour intérieure de voie publique.

Elle avait fait une mauvaise interprétation de l'art. 42 al. 2 LCI et l'avait appliqué à tort au cas d'espèce.

De même, la commission avait mal appliqué l'art. 14 LCI, ne s'imposant aucune retenue dans son appréciation de la situation, contrairement à la jurisprudence constante du Tribunal administratif.

14. Le 15 juillet 2008, la ville a conclu au rejet du recours, reprenant en substance son argumentation déjà développée devant la commission. Sur la question de la violation du principe de coordination, elle a ajouté que si la modification du bâtiment C 103 ne nécessitait pas d'autorisation de démolition puisqu'il s'agissait uniquement de travaux de transformation, le bâtiment C 101 serait quant à lui totalement rayé du registre foncier. Cet élément devait donc faire l'objet d'une autorisation de démolir. Le DCTI n'ayant pas instruit une telle demande, le principe de coordination était dès lors violé.

15. M. Plan a répliqué sur ce point. Le bâtiment C 101 avait une surface de 9 m2 pour une hauteur de 3,5 m environ. Il s'agissait d'une construction de peu d'importance ou d'importance secondaire selon les art. 1A et 3 al. 3 RCI. Il était pratique courante d'inclure ces éléments dans la demande d'autorisation de construire, sans faire l'objet d'une demande séparée. Aucun intérêt public ni intérêt de tiers ne s'opposait à la démolition du bâtiment. Ce serait faire preuve de formalisme excessif que de s'opposer à la délivrance de l'autorisation de construire les deux logements en arguant que la démolition du bâtiment C101 n'avait pas été formellement requise, dans la mesure où les plans mentionnaient explicitement la démolition dudit bâtiment et que le DCTI avait instruit le dossier en toute connaissance de cause.

16. Le 16 septembre 2008, le DCTI s'en est rapporté à justice.

17. Le 23 décembre 2008, M. Plan a déposé une demande définitive d'autorisation de construire portant sur la transformation de locaux artisanaux sis sur la parcelle n° 1175 feuille 60 de la commune de Genève-Cité (site internet de l'Etat de Genève relatif aux demandes d'autorisation de construire, consulté le 6 février 2009, http://etat.geneve.ch/sadconsult/sadconsult.asp).

18. Le 5 mars 2009, les parties ont été entendues en comparution personnelle par le juge délégué.

a. M. Plan a déclaré avoir déposé à fin 2008 une demande d'autorisation de construire concernant les mêmes bâtiments que ceux faisant l'objet de la présente cause, en tant que solution alternative à un rejet de son recours. Ce second projet viserait à maintenir des locaux artisanaux, voire à réinstaller la menuiserie précédemment en place.

Le passage sous le 3 rue de Zurich était privé et accessible aux ayants-droit après franchissement d'une borne. Les ouvertures principales du projet étaient situées de ce côté.

S'agissant du petit dépôt, son maintien était possible au début des travaux de construction des logements, de manière à ce qu'il fasse, cas échéant, l'objet d'une procédure d'autorisation de démolir spécifique. En tout état, si ce bâtiment devait être maintenu, il n'empêcherait pas la réalisation du projet mais gênerait les locataires. Sa démolition répondait surtout à un critère esthétique.

b. Le DCTI a précisé que le petit dépôt n'avait pas fait l'objet d'une procédure d'autorisation de démolir spécifique car, compte tenu de son volume, il aurait été disproportionné d'ouvrir une telle procédure en parallèle à celle en autorisation de construire. Dans de tels cas, le DCTI considérait que l'autorisation de démolir était implicite.

c. La ville avait acquis la parcelle sur laquelle était installée la place de jeux des propriétaires des immeubles donnant sur la rue de Monthoux, artère par laquelle elle était accessible. Les horaires d'accès à la place de jeux avaient dû être restreints en raison des plaintes des voisins au sujet du bruit généré par les enfants, mais aussi pour des motifs de sécurité, des toxicomanes venant s'y installer. A l'heure actuelle, elle était ouverte l'après-midi et le week-end.

Elle avait donné un préavis favorable au projet alternatif présenté fin 2008 car il correspondait à une activité conforme à l'affectation des bâtiments existants. Cela étant, elle préférerait que ces bâtiments soient rasés. Le caractère privé du passage sous le 3 rue de Zurich n'était pas contesté. Par ailleurs, elle craignait que les futurs locataires ne disposent pas de conditions de luminosité optimales, compte tenu du fait que le bâtiment du 3 rue de Zurich comportait cinq étages sur rez. Enfin, la pratique du DCTI en matière d'autorisation de démolir implicite n'était pas systématique et dans le cas particulier, une autorisation de démolir formelle aurait dû être délivrée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon la ville, la destruction du local attenant à l'ancienne menuiserie aurait dû faire l'objet d'une autorisation de démolition séparée.

a. L'art. 1 LCI prévoit que sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé :

a) élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail ;

b) modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation ;

c) démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation.

b. Le principe de la coordination entre les procédures relatives aux différentes autorisations et approbations requises et celle des diverses législations applicables dans la procédure d'octroi d'une autorisation de construire est prévu à l'art. 3A LCI, ainsi qu’à l’art. 12A LPA.

A de nombreuses reprises, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions qui impliquent l'application de plusieurs dispositions légales différentes pour la réalisation d'un même projet. S'il existe entre celles-ci une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle.

Ces principes développés dans le cadre de l'application du droit fédéral valent par analogie dans tous les cas où un projet relève de dispositions légales étroitement imbriquées. Le tribunal de céans a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'indiquer qu'en matière d'autorisation de construire, l'autorité devait prendre en compte toutes les dispositions légales pertinentes, et par conséquent peser les intérêts y relatifs (ATA/80/2009 du 17 février 2009 ; ATA/464/2007 du 18 septembre 2007).

En l'espèce, la démolition prévue du bâtiment C 101 n'est pas une condition à la réalisation du projet. Elle ne fait qu'en améliorer l'aspect esthétique. On ne se trouve ainsi pas dans un cas d'application du principe de coordination (ATA/80/2009 déjà cité). Celui-ci ne peut dès lors être violé.

c. Il y a formalisme excessif lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable l'application du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 120 II 425 consid. 2a ; 119 Ia consid. 2a p. 6 ; 118 Ia 14 consid. 2a p. 15 ; ATA/561/2003 du 23 juillet 2003). C'est en particulier le cas lorsque la violation d'une règle de forme de peu d'importance entraîne une sanction grave et disproportionnée (P. MOOR, Droit administratif, Berne 1991, vol. II, p. 153).

En l'espèce, la petite bâtisse cadastrée C 101 à démolir dépend de la menuiserie. Ce dépôt n'a aucun intérêt propre à être préservé en l'absence du bâtiment principal. Il ressort clairement des plans visés par le DCTI que ledit dépôt serait détruit. Il aurait donc en principe dû faire l'objet d'une procédure formelle d'autorisation de démolir. Toutefois, le DCTI a expliqué avoir pour pratique, lorsque le volume du bâtiment à démolir à l'occasion de la réalisation d'un projet est modeste, de ne pas exiger qu'une telle procédure soit suivie, l'octroi de l'autorisation de construire emportant alors celui de l'autorisation de démolir. La question du bien-fondé de cette pratique - qui devrait à tout le moins être mentionnée dans le libellé de l'autorisation délivrée - peut demeurer ouverte, dès lors qu'un renvoi de la cause au DCTI ayant pour seul objet la délivrance formelle d'une autorisation de démolir serait, à ce stade de la procédure, constitutif de formalisme excessif.

3. Le recourant fait grief à la commission d'avoir appliqué l'art. 42 al. 2 LCI aux transformations de bâtiments déjà existants.

Selon l'art. 42 al. 2 LCI, en 2e, 3e et 4e zones, des constructions basses peuvent exceptionnellement être édifiées sur cour aux conditions fixées par le règlement d'application.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge est, en principe, lié par un texte légal clair et sans équivoque. Ce principe n’est cependant pas absolu. En effet, il est possible que la lettre d’une norme ne corresponde pas à son sens véritable. Ainsi, l’autorité qui applique le droit ne peut s’en écarter que s’il existe des motifs sérieux de penser que le texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 131 I 394 consid. 3.2 p. 396 ; 131 II 13 consid. 7.1 p. 31 ; 130 V 479 consid. 5.2 p. 484 ; 130 V 472 consid. 6.5.1 p. 475). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s’écarter du texte clair de la loi surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e p. 342 ; 117 II 523 consid. 1c p. 525).

In casu, le texte légal vise clairement et sans équivoque des constructions futures et non la transformation de bâtiments existants. Il ne ressort pas des travaux préparatoires cités dans la décision querellée qu'il en irait différemment, la volonté du législateur étant de préserver des espaces libres de construction afin d'éviter une surdensification excessive d'un périmètre donné, d'une part, et, d'autre part, une gêne pour le voisinage (Mémorial des séances du Grand Conseil 1989 pp. 2571 et 5934).

Ainsi, la disposition légale susmentionnée ne s'applique pas au projet querellé, pas plus que sa disposition d'application, l'art. 232 RCI, qui prévoit les conditions d'implantation de constructions basses sur cour à proximité de façades où s'ouvrent des jours.

4. Selon le recourant, la commission aurait violé l'art. 49 al. 3 LCI en refusant d'appliquer au cas d'espèce la dérogation au respect de la hauteur de 1 mètre au dessus du sol pour un logement au rez-de-chaussée prévue par l'art. 49 al. 3 in fine LCI.

a. A teneur de l'art. 49 al. 3 LCI, les locaux en rez-de-chaussée ne peuvent être utilisés pour l'habitation que si leur plancher est situé à 1 mètre au moins au-dessus du niveau général du sol adjacent. Des dérogations par rapport au respect de la hauteur de 1 mètre au-dessus du niveau général du sol adjacent peuvent cependant être accordées pour des constructions situées à une certaine distance de la voie publique.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appartement au rez-de-chaussée visé par le projet du recourant est situé à moins de 1 mètre au dessus du niveau général du sol. Seule la question d'une éventuelle dérogation reste à trancher.

b. Le domaine public comprend notamment les voies publiques cantonales et communales dès leur affectation par l'autorité compétente à l'usage commun et dont le régime est fixé par la loi sur les routes du 28 avril 1967 (art. 1 al. 1 litt. a de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 - LDPu - L 1 05). Lors de l'introduction de la dérogation au respect de la hauteur de un mètre au-dessus du niveau général du sol adjacent, l'idée du législateur était de permettre un accès de plain-pied sur les espaces extérieurs aux habitations situées au rez-de-chaussée des immeubles construits en ordre dispersé ou en retrait des voies de circulations (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1988/II p. 1624).

La loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) ne contient pas de définition matérielle de la notion même de voie publique, qui est plus restreinte que celle du domaine public (M. HOTTELIER, La réglementation du domaine public à Genève, SJ 2002 II p. 148 et les références citées).

Dans une jurisprudence ancienne, le Tribunal fédéral avait considéré que la Plaine de Plainpalais, quand bien même elle faisait l'objet d'une inscription au registre foncier au nom de la ville était assimilée au domaine public communal, dès lors qu'elle servait à l'usage public et qu'elle était pratiquement ouverte à tout un chacun. Son pourtour, sur lequel se tient le marché, devait être considéré comme une voie publique au sens de la LRoutes (Arrêt du Tribunal fédéral du 27 janvier 1987 publié in SJ 1988 p. 301).

Le bâtiment à transformer jouxte la parcelle n° 3924 appartenant à la ville, aménagée en cour intérieure, comprenant une place de jeux. Cette place, ouverte au public, est fréquentée par les habitants du quartier et dès lors affectée à l'usage commun. Par analogie avec la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, il faut considérer que la cour intérieure, si elle appartient au domaine public, n'en n'est pas pour autant une voie publique au sens de la LRoutes et de la LCI. Cette interprétation concorde par ailleurs avec la vision du législateur de l'époque.

Par ailleurs, le passage qui permet d'accéder à la cour et aux garages depuis le 3, rue de Zurich, est situé sur la parcelle du recourant et il n'est pas contesté qu'il soit privé. Il ne constitue dès lors pas une voie publique au sens de l'art. 49 al. 3 LCI, pas plus que ne l'est l'accès aux garages, réservé aux seuls ayants-droit.

Ainsi, la construction se trouve à une distance suffisamment éloignée de la voie publique - qu'il s'agisse de la rue de Zurich ou de la rue de Monthoux, pour admettre une dérogation au respect de la hauteur de 1 mètre au-dessus du niveau général du sol adjacent.

5. Le recourant se plaint enfin d'une mauvaise application de l'art. 14 LCI.

a. Aux termes de l’art. 14 LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas les conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c).

b. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n'ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157 ; 113 Ib 220). Depuis l'entrée en vigueur de la LPE, la protection des personnes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, notamment contre le bruit, est réglée par la législation fédérale. En revanche, le droit fédéral laisse subsister les prescriptions cantonales concernant des objectifs particuliers d'urbanisme, telles que les règles d'affectation du sol destinées à définir les caractéristiques d'une zone ou d'un quartier (ATF 117 Ib 157).

c. Les normes de protection, tel l'art. 14 LCI, sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée ; elles ne visent pas au premier chef à protéger l'intérêt des voisins. La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/649/2002 du 5 novembre 2002 et les arrêts cités).

d. Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours doit s'imposer une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/129/2003 du 11 mars 2003 ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/646/1997 du 23 octobre 1997). S’agissant de la commission de recours en matière de constructions, celle-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 al. 1 et 4 LCI). Formée pour partie de spécialistes, la commission peut ainsi exercer un contrôle plus technique que le Tribunal administratif (ATA/51/2006 du 31 janvier 2006 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 5b).

Lorsque la commission de recours s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées et contrôler sous l'angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation (ATA/51/2006 du 31 janvier 2006 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 ; ATA/177/1998 du 31 mars 1998 ; ATA/255/1996 du 7 mai 1996).

En l'espèce, il n'est pas contesté que le projet litigieux est conforme à l'affectation de la zone. S'écartant des préavis rendus par la commission d'architecture et la commission de la sécurité civile, police du feu, la commission a considéré que les nouveaux logements à construire ne remplissaient pas les conditions de sécurité et de salubrité en raison de la privation de lumière causée par les immeubles entourant la cour et de la ventilation insuffisante. Toutefois, aucune motivation ne vient étayer cette position. En particulier, le procès verbal de transport sur place est totalement muet à cet égard. Dès lors, il n'y a pas suffisamment d'éléments pour remettre en cause les préavis émis par les spécialistes dans le cadre de l'instruction de la requête en autorisation de construire.

La commission affirme par ailleurs que la création de terrasse et de jardin occasionnerait des nuisances sonores suffisamment graves pour les habitants des immeubles aux alentours. Outre que cet avis n'est pas plus étayé que le précédant, on relèvera qu'en l'état, c'est la place de jeu aménagée par la ville qui a généré des nuisances entraînant une réduction des horaires d'ouverture, d'une part, et que le projet en cause remplacera une menuiserie, activité notoirement génératrice de nuisances sonores, d’autre part.

En conséquence, le projet du recourant n’engendre pas d’inconvénients graves au sens de l’art. 14 LCI.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. La décision de la commission sera annulée et l’autorisation de construire DD 101249-7 rétablie.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la ville qui succombe.

Une indemnité de CHF 2'000.- sera allouée au recourant, à la charge de la ville (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mai 2008 par Monsieur Olivier Plan contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 14 avril 2008 ;

 

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 14 avril 2008 ;

rétablit l'autorisation de construire DD 101'249-7 délivrée le 22 novembre 2007 ;

met à la charge de la Ville de Genève un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue à Monsieur Olivier Plan une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, au département des constructions et des technologies de l'information, ainsi qu’à la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :