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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/879/2003

ATA/175/2004 du 02.03.2004 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : TPE
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 2 mars 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame C. C.

représentée par Me Alain Veuillet, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

CONSEIL D'ETAT

 



EN FAIT

 

1. Madame C. C. est propriétaire de la parcelle n° .., feuille .. du cadastre d'Anières, à l'adresse ...

 

Sur ce terrain, situé en zone agricole, est édifiée une villa occupée par l'intéressée.

 

2. Lors d'un contrôle effectué le 19 mars 2003, un inspecteur de la police des constructions du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) a constaté qu'une piscine avait été construite sur la parcelle en question, sans autorisation de construire.

 

3. Invitée à se déterminer, Mme C. a exposé, le 4 avril 2003, qu'au terme de la rénovation de la maison d'habitation, en 1988, elle avait obtenu l'autorisation de niveler la parcelle pour en faire un terrain plat. Le précédent propriétaire l'exploitait comme une décharge de déchets de démolition. Un bassin avait été inclus lors de la nouvelle configuration, qui avait été rénové depuis lors. Dans un premier temps, elle avait proposé à des propriétaires agricoles d'exploiter la partie libre de la parcelle, mais ces derniers avaient refusé, au motif que rien ne pouvait pousser sur des déchets de démolition.

 

4. Par décision du 23 avril 2003, le département a ordonné la démolition de la piscine. Sur le plan cadastral déposé le 1er novembre 2000 relatif à l'agrandissement de la villa, figurait une piscine ronde, d'environ six mètres de diamètre, qui n'avait jamais été autorisée. Ce bassin n'avait pas seulement été rénové, mais il avait de plus été agrandi et était devenu rectangulaire.

 

Une amende, tenant compte de la gravité objective et subjective de l'infraction, en CHF 2'000.- a été infligée à l'intéressée.

 

5. Mme C. a saisi le Tribunal administratif d'un recours le 23 mai 2003 (cause A/879/2003-TPE). La piscine construite en 1988 avait été autorisée tacitement, dès lors qu'elle avait été annoncée aux autorités administratives et fiscales. Elle avait toujours considéré que ce bassin répondait aux prescriptions légales, et elle était de bonne foi. Le terrain où était édifiée la piscine était particulier, puisqu'une villa y avait été construite, puis agrandie, en toute légalité. De plus, ayant servi de décharge durant plusieurs années, il était impropre à l'agriculture.

 

La recourante a encore ajouté que l'Etat pouvait laisser subsister une construction à titre précaire. C'était la raison pour laquelle elle avait saisi parallèlement le Conseil d'Etat d'une requête allant dans ce sens. Une pesée globale des intérêts penchait en faveur du maintien de cette installation. L'amende qui lui avait été infligée ne pouvait viser que les travaux d'amélioration, et non la construction du bassin en 1988.

 

6. Le département s'est opposé au recours le 26 juin 2003. Au vu de la zone, il n'était pas possible d'autoriser l'implantation d'une piscine. Face à cette situation, seule la démolition de l'installation pouvait être ordonnée pour retrouver une situation conforme au droit. La prescription n'était pas acquise. Quant à l'amende, elle était proportionnée au reproche fait à Mme C., qui admettait au demeurant avoir agi par négligence en ne se renseignant pas auprès des autorités compétentes.

 

7. Le 15 septembre 2003, le juge délégué à l'instruction de la cause a procédé à un transport sur place, au cours duquel la recourante a exposé qu'à l'origine, la piscine avait été creusée dans le sol d'où avaient été extraites des plaques de goudron. La maison avait été bâtie en 1934; elle avait été rénovée en 1988 et une véranda y avait été adjointe en l'an 2000.

 

Au terme du transport sur place, les parties ont décidé de suspendre la procédure jusqu'à décision du Conseil d'Etat sur la requête de maintien à titre précaire de la piscine formée par la recourante.

 

8. Par arrêté du 19 novembre 2003, le Conseil d'Etat a rejeté la demande de maintien à titre précaire. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne permettait pas d'accorder un tel maintien lorsque ce dernier reviendrait à accorder une dérogation hors de la zone à bâtir.

 

9. Mme C. a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre cette décision le 22 décembre 2003 (cause A/2455/2003-CE). La piscine se trouvait dans une zone "mixte", impropre à l'agriculture, ce qui justifiait son édification à cet endroit. Aucun intérêt prépondérant ne s'y opposait. De nombreuses constructions du même type étaient tolérées dans le voisinage, et l'installation litigieuse avait notablement amélioré la situation, puisqu'elle avait en quelque sorte assaini une décharge insalubre et inesthétique.

 

10. La procédure concernant le recours contre l'ordre de démolition a été reprise.

 

11. Le 27 janvier 2004, le Conseil d'Etat s'est opposé au recours concernant le refus de maintien à titre précaire. L'octroi d'un tel maintien serait contraire au droit fédéral.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. L'article 70 LPA dispose que l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause identique. La jonction n'est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugée alors que la ou les autres viennent d'être introduites. Vu l'état de fait, le Tribunal ordonnera la jonction des causes A/879/2003-TPE et A/2455/2003-CE.

 

3. a. L'aménagement du territoire est régi par la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) et ses dispositions cantonales d'application, notamment la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). La LAT a subi diverses modifications qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 2000.

 

b. La zone agricole est régie par les articles 16 et 16a LAT et 20 et suivants LaLAT. Ces articles définissent notamment les constructions qui sont conformes à la zone, soit qu'elles soient nécessaires à l'exploitation agricole soit qu'elles servent au développement interne d'une activité conforme.

 

c. L'autorisation de construire ne peut être délivrée qu'à la condition que la construction soit conforme à la zone (art. 22 al. 2 lit. a LAT), ou qu'elle puisse bénéficier d'une dérogation conformément à l'article 24 LAT.

 

d. Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24d LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les articles 26, 26A et 27 LaLAT.

 

e. En vertu de l'article 24 LAT, en dérogation à l'article 22 alinéa 2 lettre a LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose. Ces conditions cumulatives sont reprises par l'article 27 LaLAT.

 

f. En l'absence de dispositions cantonales applicables ou dans l'attente de leur adaptation sur certains points, les dispositions fédérales sont directement applicables.

 

4. a. Selon l'article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), nul ne peut, sur le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, modifier, même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la destination ou la distribution d'une construction, démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation.

 

b. Le département peut ordonner la remise en état, à l'égard d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose non conforme aux prescriptions de la LCI, de ses règlements ou des autorisations délivrées (art. 129 let. e et 130 LCI).

 

5. a. En l'espèce, la parcelle de la recourante est située en zone agricole.

 

b. L'édification d'une piscine n'est pas conforme à la zone agricole en vertu des articles 16a LAT et 20 LaLAT. Il est donc nécessaire d'examiner cet ouvrage en regard du régime dérogatoire des articles 24 et suivants LAT et 27 LaLAT.

 

c. L'implantation d'une piscine n'est à l'évidence pas une construction ou installation imposée par sa destination hors de la zone à bâtir (art. 24 LAT et 27 LaLAT). Elle est généralement destinée à l'agrément de ses utilisateurs. L'implantation d'une telle construction hors de la zone à bâtir n'est dictée par aucune nécessité technique, économique ou inhérente à la nature du sol propre à justifier une dérogation (ATF 115 Ib 299; ATF 113 Ib 141; RDAF 2000 I p. 84 ss T.).

 

d. Dans ces circonstance, c'est à juste titre que le département a considéré que la piscine litigieuse n'était pas conforme à la zone.

 

6. En ce qui concerne le maintien à titre précaire, le Tribunal fédéral a indiqué que, lorsque l'autorité octroie une autorisation de maintien à tire précaire selon l'article 139 alinéa 1 LCI, sa décision a pratiquement pour effet d'accorder une dérogation hors de la zone à bâtir selon les articles 24 et suivants LAT, à l'égard desquels l'article 139 alinéa 1 LCI n'a pas de portée propre (ATF S. du 19 décembre 2002, et la jurisprudence citée).

 

Comme exposé ci-dessus, la piscine litigieuse ne peut être autorisée au vu du droit fédéral de l'aménagement du territoire. Le Conseil d'Etat devait dès lors refuser d'accorder le maintien à titre précaire sollicité.

 

7. Reste à examiner si la démolition de la piscine et le rétablissement de l'état antérieur ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la recourante.

 

a. L'ordre de démolir une construction édifiée sans permis et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonce toutefois à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit cependant s'attendre à ce qu'elle se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF S. précité).

b. En l'espèce, l'intérêt public à prendre en compte est principalement celui lié au respect de la loi. L'intérêt privé de la recourante, atteint par la démolition, est d'une part de nature pécuniaire et, d'autre part, constitué par des besoins de convenance personnelle et de loisirs, la possession d'une piscine privée ne relevant pas d'un besoin fondamental ou vital. Au surplus, il a été dit que les travaux ne pouvaient pas être autorisés après coup. La recourante indique elle-même avoir fait preuve d'une certaine négligence, de sorte que le tribunal ne retiendra pas que la bonne foi de l'intéressée s'opposerait à une démolition. De plus, on ne voit pas quelle mesure moins incisive pourrait être ordonnée, permettant néanmoins de retrouver une situation conforme au droit.

 

Dès lors, l'ordre de démolition sera confirmé.

 

8. a. Selon l'article 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- pour une construction non autorisable tout contrevenant à la LCI.

 

b. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires (ATA Sch. du 4 décembre 2001; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht: allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA C. du 18 février 1997). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CPS - RS 311.0), notamment l'article 63 CPS, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

 

c. Il est en effet nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA C. & H. du 27 avril 1999; G. du 20 septembre 1994; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA U. du 18 février 1997).

 

d. L'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA P. du 5 août 1997). Il est ainsi tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction et de la situation de la recourante, par application analogique de l'article 63 CPS.

 

e. En l'espèce, la faute de la recourante est avérée : elle a édifié une piscine en violation des dispositions sur l'aménagement du territoire. Cela dit, ce reproche doit être relativisé, dans la mesure où la première piscine avait été officiellement cadastrée. En revanche, rien n'indique que la situation financière de la recourante soit précaire.

 

Partant, le montant de l'amende infligée par le département, soit CHF 2'000.-, est raisonnable. Le recours sera également rejeté sur ce point.

 

9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevables les recours interjetés le 23 mai 20003 par Madame C. C. contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 23 avril 2003 et le 19 décembre 2003 contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 19 novembre 2003;

 

préalablement :

 

prononce la jonction des procédures A/879/2003-TPE et A/2455/2003-CE;

 

au fond :

 

rejette les recours;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.-;

 

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Me Alain Veuillet, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin, Mmes Hurni et Bovy, juges, M. Bonard, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega