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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2235/2004

ATA/368/2005 du 24.05.2005 ( TPE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2235/2004-TPE ATA/368/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 mai 2005

dans la cause

 

Monsieur C.__________

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT


 


1. Monsieur C.__________ est propriétaire de la parcelle n°_____, feuille _____ de la commune de __________, sise à l’adresse __________. Cette parcelle de 40'467 m2 sise en zone agricole supporte deux maisons comprenant chacune un logement, ainsi qu’un garage et une serre.

2. Il résulte d’un rapport rédigé par un membre du corps des gardes de l’environnement le 5 juillet 2004, qu’un mur imposant, en béton, était en cours de construction, apparemment sans autorisation. Quelques souches attestaient que de grands arbres avaient été abattus. Ce mur se dressait à moins de cinq mètres d’un nant, dont la berge était en partie détériorée par les travaux.

3. Le 16 juillet 2004, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le DAEL ou le département) a ordonné à M. C.__________ de cesser immédiatement tous travaux. Il était de plus invité à s’expliquer, par retour du courrier.

4. Le 27 juillet 2004, M. C.__________ a informé le département que le mur en question remplaçait un mur de soutènement pré-existant, destiné à retenir les glissements de terrain provoqués par l’érosion résultant du ruisseau.

Il avait pensé, de bonne foi, pouvoir remplacer ce mur sans solliciter d’autorisation de construire.

5. Un inspecteur de la police des constructions a procédé à un contrôle le 13 août 2004. Il a constaté qu’un mur en béton d’une hauteur moyenne de deux mètres, sur une longueur de cent dix mètres, venait d’être érigé le long de la partie ouest de la parcelle de M. C.__________. Il était situé à front de l’aire forestière et longeait le cours d’eau. Une clôture d’une hauteur d’un mètre devait encore être installée sur le mur.

6. Le 19 août 2004, l’auteur du rapport du 5 juillet 2004 susmentionné a rédigé un rapport complémentaire, dont il résulte qu’entre-temps, des terrassements avaient été effectués de sorte que l’on ne pouvait plus apprécier la situation initiale. Le talus côté forêt menaçait de s’effondrer et de combler le ruisseau, avec un risque d’inondation. Les remblais étaient situés à l’intérieur de l’ancienne lisière forestière. Les travaux réalisés constituaient un défrichement et le service de l’environnement ne délivrerait pas de préavis favorable, compte tenu de la loi actuelle.

7. Par décision du 30 septembre 2004, le département a ordonné à M. C.__________ de démolir le mur de soutènement édifié sans autorisation et de remettre le lit et les berges du nant en leur état antérieur, dans un délai de soixante jours. Ce mur, qui n’était pas autorisable, avait été édifié à moins de trente mètres de la lisière forestière et de la limite du nant du Paradis. Une amende de CHF 10'000.- tenant compte de l’atteinte inadmissible au site environnant a été infligée à M. C.__________. L’éventuelle existence d’un mur antérieur, dont la longueur n’avait jamais été établie, ne justifiait en aucun cas la mise en œuvre de travaux d’une telle ampleur sans autorisation, sur une parcelle agricole, en lisière de forêt et au bord d’un nant.

8. M. C.__________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours le 29 octobre 2004. Le mur de soutènement en question existait lorsqu’il avait acquis la parcelle, dix-huit ans plus tôt. Il comportait une palissade et avait pour but de prévenir l’érosion du terrain causée par les débordements du nant qui coulait juste à côté. Progressivement, une partie de ce mur s’était dégradée et éboulée. Il avait alors commencé à reconstruire à l’endroit le plus critique et, progressivement, il avait refait le mur à l’emplacement d’origine, sans le prolonger. Tout au plus l’avait-il légèrement surélevé pour des raisons d’esthétique. Ces travaux avaient été entrepris par étapes successives et avaient duré deux ans, ce dont ses voisins pouvaient témoigner.

9. Le 3 décembre 2004, le département s’est opposé au recours, relevant que M. C.__________ ne contestait pas avoir érigé le mur litigieux sans autorisation. L’existence éventuelle d’un mur antérieur ne changeait rien à cela.

Cette construction n’était pas conforme à l’affectation de la zone et son emplacement n’était pas imposé par sa destination, ce qui interdisait de délivrer une autorisation dérogatoire. Le mur en question était de plus édifié à moins de trente mètres de la lisière de la forêt et d’un cours d’eau.

L’autorisation de démolir devait être confirmée. Quant au montant de l’amende, le département a maintenu sa position, compte tenu de la gravité de l’infraction. Le recourant s’était au demeurant déjà vu reprocher des travaux entrepris sans autorisation en 1989, ce qui permettait d’élever quelques doutes quant à sa bonne foi.

Le département a joint à sa détermination le dossier d’infraction n° _____, dont il ressort qu’au mois de juin 1989, un inspecteur de la police des constructions avait constaté que M. C.__________ procédait sans autorisation à des travaux considérables de terrassement et d’agrandissement de sa villa, visant notamment à la création d’un sous-sol, à l’aménagement d’une rampe et à l’édification d’un mur de soutènement, avec des bétonnages importants. Un arrêt de chantier lui avait été notifié le 14 juin 1989.

Le 12 mars 1990, l’autorisation de construire requise par M. C.__________ avait été refusée et un ordre de démolition des travaux entrepris lui avait été notifié.

Le 7 novembre 1991, un nouvel arrêt de chantier avait été signifié à l’intéressé, le département ayant constaté que les travaux avaient été poursuivis.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l’article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou en partie une construction ou une installation ou modifier la configuration du terrain.

b. En zone agricole, une autorisation ne peut être délivrée à une personne qui n’est pas agricultrice que si l’emplacement de la construction prévue est imposé par sa destination et qu’elle ne lèse aucun intérêt prépondérant, notamment du point de vue de la protection de la nature et des sites et du maintien de la surface agricole utile pour l’entreprise agricole (art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 - LAT - RS 700 ; art. 27 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

c. L’article 27c LaLAT prévoit que le département peut autoriser la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l’époque, mais qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone à la suite d’une modification de la législation ou des plans d’affectation du sol. De telles autorisations ne peuvent toutefois être délivrées que dans les limites de l’article 24c LAT, qui précise qu’il est indispensable que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement et que les exigences majeures de l’aménagement du territoire soient satisfaites.

c. L’article 29 LaLAT prévoit que les rives des eaux publiques ou privées sont des zones à protéger au sens de l’article 17 LAT. L’article 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux – L 2 05) interdit d’édifier en sous-sol ou en élévation une construction ou une installation à une distance inférieure à celle fixée dans la carte annexée à la loi, à savoir trente mètres dans le cas d’espèce. L’alinéa 6 de cette disposition prévoit que le département peut autoriser la reconstruction d’une construction ou d’une installation dûment autorisée et non conforme à l’affectation de la zone en application du principe de la garantie de la situation acquise.

d. En dernier lieu, l’article 11 alinéa 1 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) interdit toute implantation de constructions à moins de trente mètres de la lisière de la forêt. Des dérogations peuvent être accordées pour des constructions ou installations d’intérêt général, dont l’emplacement est imposé par leur destination, pour des constructions de peu d’importance contiguës au bâtiment principal ou pour des reconstructions et pour des constructions respectant l’alignement fixé par un plan d’affectation du sol. L’octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants ainsi qu’à la sécurité de ces derniers et des installations.

e. En l’espèce, le recourant indique qu’un mur, dont la hauteur était certes inférieure à celui aujourd’hui litigieux, existait déjà à cet endroit lorsqu’il avait acquis la parcelle, dix-huit ans plus tôt. Le fait que le mur ait été surélevé suffit à écarter la notion de reconstruction. De plus, même si le nouveau mur avait une hauteur similaire au mur pré-existant, les dispositions rappelées ci-dessus empêcheraient qu’une autorisation soit délivrée.

Dès lors, l’ordre de démolition sera confirmé.

3. a. Selon l'article 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- pour une construction non autorisable tout contrevenant à la LCI.

b. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141 ; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/175/2004 du 2 mars 2004 consid. 8 et les références citées). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CPS - RS 311.0), notamment l'article 63 CPS, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

c. Il est en effet nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/175/2004 du 2 mars 2004 consid. 8 et les références citées). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/131/1997 du 18 février 1997 consid. 5c).

d. L'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/175/2004 du 2 mars 2004 consid. 8 et les références citées). Il est ainsi tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction et de la situation de la recourante, par application analogique de l'article 63 CPS.

e. En l’espèce, la faute du recourant est avérée, de sorte que le principe de l’amende est justifié lui aussi.

Quant à la gravité de la faute, elle est incontestable, au vu de la situation du mur, jouxtant directement un ruisseau et la forêt. De plus, le recourant ne peut être considéré comme étant de bonne foi, dans la mesure où il a déjà fait l’objet, en 1989, de procédures pour travaux effectués sans autorisation. Enfin, il s’est vu infliger une amende de CHF 3'000.- pour avoir fait abattre un arbre sans autorisation (ATA/404/1997 du 24 juin 1997).

Compte tenu de ces circonstances, le montant de l’amende fixé par le département, soit CHF 10'000.- est justifié et sera confirmé, ce d’autant que le recourant ne soutient pas que sa situation financière présente des particularités.

4. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 octobre 2004 par Monsieur C.__________ contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 30 septembre 2004 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur C.__________ ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à l’office fédéral de l’environnement.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :