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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/159/2015

ATA/55/2017 du 24.01.2017 sur JTAPI/1308/2015 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : SOCIÉTÉ ANONYME; DROIT FISCAL; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT ; PROCÉDURE FISCALE ; SOUSTRACTION D'IMPÔT ; TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE ; DÉDUCTION DES FRAIS D'ACQUISITION(DROIT FISCAL) ; BÉNÉFICE NET ; CHARGE FISCALE ; FARDEAU DE LA PREUVE ; AMENDE
Normes : LPA.65.al1 ; LIFD.57 ; LIFD.58 ; LHID.24.al1.letb ; aLIPM.12 ; aLIPM.12.letj ; LIFD.59 ; aLIPM.13
Résumé : La recourante demande à ce que des charges commerciales (frais de personnel, marchandises, etc.) soient prises en considération dans le chiffre d'affaires non déclaré. Toutefois et alors que le fardeau de la preuve lui incombait, la recourante a délibérément refusé de produire toutes pièces justificatives. Elle doit ainsi supporter les conséquences de ce refus. De plus, on ne peut admettre que ces charges puissent être déduites sur la base d'une simple estimation basée sur des statistiques générales découlant de l'organe faîtier de la restauration. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/159/2015-ICCIFD ATA/55/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2017

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Monsieur Jean-Marc Wasem, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 novembre 2015 (JTAPI/1308/2015)


EN FAIT

1. B______ SA (ci-après : la B______ ou la contribuable), devenue en mars 2016 A______ SA, était une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 30 septembre 2005. Son but consistait en l'« exploitation de cafés-restaurants, hôtels et autres établissements publics, notamment l'exploitation de la B______, place de C______ ______, à D______ (GE) ».

Jusqu'au début de l'année 2012, M. E______ était l'administrateur, avec pouvoir de signature à deux, de la contribuable.

Le numéro d'identification auprès du RC n'a pas été modifié suite à ce changement de raison sociale.

2. Sur la base des déclarations fiscales remises par la contribuable, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) lui a notifié ses bordereaux de taxation pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2006 à 2010. N’ayant pas été contestés, ces bordereaux sont entrés en force.

3. Dans le cadre de la taxation 2011, l'AFC-GE a demandé, le 21 février 2013, à la contribuable de lui préciser le détail et la justification des postes « Achats de marchandises » de CHF 237'206.-, « C/c parties liées » de CHF 939'002.- et « Salaires et charges sociales » de CHF 654'202.-. Concernant ce dernier poste, la contribuable devait préciser notamment si les bénéficiaires étaient des actionnaires ou proches de la société et, le cas échéant, remettre l'annexe C intitulée « prestations versées aux membres de l'administration et aux autres organes », ainsi qu'une copie du certificat de salaire des personnes qui y étaient mentionnées.

4. Le 7 mars 2013, la contribuable a remis à l'AFC-GE le détail des postes requis en précisant qu'aucun actionnaire ou proche d'actionnaires n'avait bénéficié de versements de salaire ou d'indemnités quelconques.

5. Par bordereaux du 13 juin 2013, l'AFC-GE a établi la taxation de la contribuable pour l'année 2011, fixant l'ICC à CHF 1'108.50 sur la base d'un bénéfice net imposable de CHF 0.- et d'un capital imposable de CHF 242'980.-. L'IFD 2011 était nul. N’ayant pas été contestés, ces bordereaux sont entrés en force.

6. Le 17 juillet 2014, l'AFC-GE a écrit à la contribuable en l'informant de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôts et soustraction à son encontre pour les années 2006 à 2011.

La division principale de la taxe sur la valeur ajoutée de l'administration fédérale des contributions lui avait communiqué les chiffres d'affaires suivants, non déclarés par l'intéressée :

2008 : CHF 363'785.- ;

2009 : CHF 313'985.- ;

2010 : CHF 334'304.- ;

2011 : CHF 170'300.-.

En outre et sur la base des relevés bancaires remis, l'AFC-GE avait constaté que les chiffres d'affaires 2006 et 2007 de respectivement CHF 220'199.- et CHF 439'205.- n'avaient pas été déclarés.

Sans nouvelles de la contribuable d'ici au 15 août 2014, l'AFC-GE éditerait des bordereaux rectificatifs comprenant des intérêts de retard et une amende fixée selon le montant de l'impôt soustrait serait infligée.

7. Le 14 août 2014, la contribuable a contesté les reprises et la quotité de l'amende.

La contribuable avait en effet encaissé sur un compte bancaire personnel appartenant à M. E______, alors actionnaire sur la période sous revue, des montants de chiffres d'affaires bruts concernant l'activité de restauration (banquets, mariages, anniversaires, etc.). L'ensemble de cette activité avait été tenue en marge de la comptabilité de la contribuable et n'avait pas été déclarée, ce qui n'était pas contesté. Cependant, il fallait déduire les charges afférentes à cette activité (location de salles, frais de personnel, achat de nourriture et de boissons).

Compte tenu du « caractère fiscalement occulte » de cette activité, ces charges n'avaient pas été payées contre remise de factures auprès des divers prestataires, au même titre que les produits n'avaient pas été encaissés contre remises de factures aux clients.

L'AFC-GE n'était cependant pas autorisée à faire abstraction de ces charges, il convenait dès lors de prendre en considération un bénéfice net de 20,70 % du chiffre d'affaires réalisé sur la base des données statistiques recueillies par l'organe faîtier de la restauration Gastro Suisse (ci-après : Gastro suisse).

S'agissant de l'amende, la totalité du capital-actions avait été vendue en juin 2011 par M. E______ à de nouveaux actionnaires tiers, de sorte que la pénalité devait être atténuée car elle devrait être finalement supportée par des actionnaires qui n'étaient pas responsables des agissements passés de M. E______.

En annexe de son courrier, la contribuable a remis un extrait de la brochure de Gastro suisse « Reflet économique de la branche 2013 », point 4.5.3 p. 42 « Structure des coûts et des revenus dans la restauration » constatée en 2011 où il apparaissait que pour CHF 100.- de chiffre d'affaires, CHF 50.- étaient consacrés en frais de personnel et CHF 29.30 en marchandises.

8. Le 25 août 2014 et afin de pouvoir prendre en compte les charges de personnel et de marchandises en déduction du chiffre d'affaires non déclaré, l'AFC-GE a demandé à la contribuable les noms, prénoms, adresses et attestations signées de la part des personnes ayant perçu les montants débités sur le compte bancaire de M. E______ en lien avec le chiffre d'affaires non déclaré.

Concernant la quotité de l'amende, celle-ci n'avait pas encore été fixée. Elle serait déterminée au moment de la clôture du dossier.

9. Le 25 septembre 2014, la contribuable a précisé à l'AFC-GE que M. E______ était dans l'impossibilité de fournir les informations requises.

Cette démarche consisterait à « dénoncer fiscalement les partenaires d'affaires de M. E______ dans le cas où ces montants n'auraient pas été dûment enregistrés dans leur comptabilité respective ». En aucun cas elle souhaitait entrer dans cette démarche « pour des raisons évidentes de confidentialité et de loyauté, fût-elle utile à la résolution de ses propres difficultés ».

Toutefois, cela n'enlevait rien à la réalité économique de ces frais, de sorte que les reprises devaient être limitées à 20,70 % du total du chiffre d'affaires encaissé sur le compte bancaire de M. E______.

10. Le 17 octobre 2014, l’AFC-GE a informé la contribuable que les procédures en rappel et en soustraction d’impôt concernant l'IFD et l’ICC 2006 à 2010 étaient terminées, et lui a remis les bordereaux en rappel d'impôts et les bordereaux d'amende pour ces années. Les procédures étaient terminées sans supplément d'impôt et sans amende pour l'année 2011. Toutefois, la situation des pertes reportées avait été modifiée avec une reprise de CHF 170'300.- pour cette période.

La situation des pertes reportées se présentait comme suit :

Solde reportable ICC Solde reportable IFD

2011 CHF 249'838.- CHF 249'838.-

2012 CHF 857'982.- CHF 857'982.-

Total reportable 2013 CHF 1'107'820.- CHF 1'107'820.-

Enfin, l'AFC-GE ne pouvait pas tenir compte des remarques formulées dans les courriers des 14 août et 25 septembre 2014 sans pièces justificatives.

11. Le même jour, l’AFC-GE a notifié à la contribuable les bordereaux de rappel d’impôts ICC et IFD et d'amende ICC et IFD suivants :

 

Bénéfice imposable

Rappel d'impôt

Supplément d'impôt

Amende

ICC 2006

CHF 208'725.-

CHF 49'202.70

CHF 49'202.70

CHF 24'601.-

IFD 2006

CHF 208'725.-

CHF 17'739.50

CHF 17'739.50

CHF 8'869.-

ICC 2007

CHF 458'662.-

CHF 106'360.25

CHF 106'360.25

CHF 53'180.-

IFD 2007

CHF 458'662.-

CHF 38'309.50

CHF 38'309.50

CHF 19'154.-

ICC 2008

CHF 375'374.-

CHF 85'889.60

CHF 85'889.60

CHF 42'944.-

IFD 2008

CHF 375'374.-

CHF 30'923.-

CHF 30'923.-

CHF 15'461.-

ICC 2009

CHF 308'556.-

CHF 72'442.85

CHF 72'442.85

CHF 36'221.-

IFD 2009

CHF 308'556.-

CHF 26'222.50

CHF 26'222.50

CHF 13'111.-

ICC 2010

CHF 354'979.-

CHF 79'837.25

CHF 79'837.25

CHF 39'918.-

IFD 2010

CHF 354'979.-

CHF 28'874.50

CHF 28'874.50

CHF 14'437.-

TOTAL

 

 

CHF 535'801.65

CHF 267'896.-

Les bordereaux d'amendes ICC et IFD 2006 à 2010 contenaient la même motivation. La contribuable n'avait pas déclaré la totalité de son chiffre d'affaires et elle avait de ce fait bénéficié à tort d'une imposition favorable. Dans son cas, l'AFC-GE avait retenu l'intention et tenu compte de sa bonne collaboration ainsi que de sa situation financière comme circonstances atténuantes. En conséquence, la quotité de l'amende était fixée à une demi-fois les impôts soustraits.

12. Le 17 novembre 2014, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux, contestant les reprises opérées par l’AFC-GE.

Elle a repris sa précédente argumentation formulée dans son courrier du 14 août 2014. Les reprises en bénéfice net imposable équivalaient à 20,70 % du chiffre d'affaires réalisé.

De plus, la provision pour impôt devait être ajustée afin de tenir compte des rappels d'impôts.

Enfin, les amendes n'étaient pas contestées dans leur quotité, mais leurs montants devaient être rectifiés en fonction de ces deux griefs.

13. Par deux décisions du 16 décembre 2014, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu les reprises et les amendes.

Alors que le fardeau de la preuve des charges alléguées lui incombait, la contribuable n'avait fourni aucune pièce justificative s'y rapportant. Des charges de personnel et des marchandises comptabilisées par la société avaient déjà été prises en compte dans les taxations des années concernées. Il n'était dès lors pas démontré que ces charges supplémentaires n'avaient pas déjà été comptabilisées.

Concernant l'ajustement de la provision dû aux reprises, un tel ajustement était exclu lorsque la reprise d'impôts était le résultat d'une soustraction fiscale intentionnelle, ce qui était le cas.

Enfin, pour la période fiscale 2011, la contribuable n'avait pas un intérêt actuel digne de protection à contester ces taxations.

La motivation concernant l'ICC et l'IDF 2006 à 2011 était la même.

14. Par acte du 15 janvier 2015, la contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées.

Il convenait de définir objectivement la part des charges afférentes aux produits en se fondant sur les coefficients mentionnés dans la brochure de Gastro suisse « Reflet économique de la branche 2012 », point 4.5.3 p. 34 « Structure des coûts et des revenus dans la restauration » constatée en 2010 où il apparaissait que pour CHF 100.- de chiffre d'affaires, CHF 49.50 étaient consacrés aux frais de personnel et CHF 29.30 aux marchandises. Il en résultait un bénéfice net équivalant à 21,20 % du chiffre d'affaires réalisé.

S'agissant de la provision pour impôt, la jurisprudence avait admis un tel ajustement dans le cadre des procédures de soustraction d'impôts. De plus et en refusant cette réadaptation, l'amende la « sur-pénalisait », dans la mesure où celle-ci n'était en réalité pas fonction de l'impôt qui aurait été correctement acquitté si la société avait correctement rempli ses obligations en procédure de taxation.

Enfin et concernant les amendes, l'intéressée demandait que leur montant soit mis en rapport avec les nouveaux montants de rappel d'impôts suite à la prise en considération des deux griefs susmentionnés.

La contribuable a produit la p. 34 de la brochure de Gastro suisse « Reflet économique de la branche 2012 ».

15. Le 20 avril 2015, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

16. Par jugement du 10 novembre 2015, le TAPI a déclaré recevable le recours interjeté le 15 janvier 2015 par la contribuable contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE du 16 décembre 2014, tout en le déclarant irrecevable en ce qui concernait l'ICC et l'IFD 2011. Sur le fond, le TAPI l'a admis partiellement, dans la mesure où il était recevable, et renvoyé le dossier à l'AFC-GE afin qu'elle notifie de nouveaux bordereaux de rappel d'impôts et d'amende ICC et IFD 2006 à 2010 conformes aux considérants.

Les conclusions de la contribuable portaient uniquement sur l'impôt sur le bénéfice. En ce qui concernait l'année fiscale 2011, elles ne pouvaient toutefois pas tendre à une diminution de l'impôt, puisque le bénéfice imposable tant pour l'ICC que pour l'IFD était déjà de CHF 0.-. La société n'avait dès lors aucun intérêt actuel digne de protection à les contester, de sorte que son recours était déclaré irrecevable pour l'année fiscale 2011.

S'agissant de la problématique du bénéfice net, il incombait à l'intéressée de justifier par pièces les charges effectives d'exploitation qu'elle alléguait. Ces frais ne pouvaient pas être déduits sur la base d'une simple estimation basée sur des statistiques insuffisamment détaillées. Rien n'indiquait que ces charges n'aient pas été déjà enregistrées dans les comptes déclarés ou que la marge bénéficiaire n'ait pas été supérieure au pourcentage de 21,20 % allégué. L'intéressée ayant choisi de ne pas déclarer cette activité commerciale et de ne pas conserver de pièces justificatives, elle devait en assumer les inconvénients, faute d'éléments de preuve suffisants, conformément aux règles relatives à la répartition du fardeau de la preuve. Son recours était rejeté sur ce point.

Concernant la question de la provision pour impôt et compte tenu de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, les provisions pour impôt devaient être rectifiées pour les périodes concernées afin de tenir compte des reprises fiscales. Le dossier était renvoyé à l'AFC-GE afin qu'elle notifie de nouveaux bordereaux de taxation ICC et IFD 2006 à 2010 prenant en compte les provisions pour impôts incluant les rappels d'impôts de ces années fiscales.

En corollaire, les amendes pour soustraction d'impôt devaient être rectifiées, afin de tenir compte de la correction des provisions pour impôt, la quotité des amendes, non contestée, restant inchangée à la moitié de l'impôt soustrait.

17. Par acte du 10 décembre 2015, la contribuable a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Elle contestait ledit jugement sur le point de la détermination du bénéfice net pour les années fiscales 2006 à 2010 ; le point relatif à la provision pour impôt ayant été admis par le TAPI, celui-ci n'était plus litigieux.

L'argumentation reprenait celle développée par-devant le TAPI.

18. Le 14 décembre 2015, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

19. Le 29 février 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La contribuable n'avait avancé aucun argument nouveau susceptible d'influer sur le sort du litige, pas plus qu'elle n'avait produit de nouvelle pièce déterminante.

20. Le 4 mars 2016, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 8 avril 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger en l’état du dossier.

21. Aucune des parties ne s’est déterminée dans le délai imparti.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans la mesure où la recourante a changé de raison sociale, en mars 2016, pour s'appeler désormais A______ et qu'elle a conservé le même numéro d'identification auprès du RC, il convient d'en tenir compte dans le cadre de la dénomination des parties, comme cela ressort du présent arrêt.

3. a. Aux termes de l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant.

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant (ATA/951/2016 du 8 novembre 2016 consid. 2b). Le fait que les conclusions ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1370/2015 du 21 décembre 2015 consid. 2a et les arrêts cités).

c. En l'occurrence, même si l'acte de recours de la recourante ne contient pas de conclusions formelles, on comprend aisément de la motivation qu'elle souhaite l'annulation du jugement attaqué sur le point de la détermination du bénéfice net.

Le recours est par conséquent recevable.

4. La problématique de la provision pour impôt n'étant plus litigieuse, l'objet du litige consiste uniquement à déterminer si c'est de manière conforme au droit que l'AFC-GE, suivie en cela par le TAPI, a refusé de tenir compte des charges liées au chiffre d'affaires non déclaré pour les années fiscales 2006 à 2010.

Pour la recourante, il conviendrait de procéder à une estimation en se fondant sur les données statistiques de Gastro suisse en 2010, desquelles il ressort que le bénéfice net équivaudrait à 21,20 % du chiffre d'affaires réalisé.

5. La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 3).

6. a. Selon l’art. 57 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

Le bénéfice net imposable comprend – outre le bénéfice net résultant du solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l’exercice précédent (art. 58 al. 1 let. a LIFD) – tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l’usage commercial (art. 58 al. 1 let. b LIFD), selon la typologie d’opérations comptables énoncées dans cette dernière disposition légale.

Il comprend également les produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats, inclus, sous certaines conditions, les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et ceux de liquidation (art. 58 al. 1 let. c LIFD).

b. Les cantons doivent imposer l’ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclus les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n’ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

Dans le canton de Genève, en matière d’ICC, le 30 mars 2016 est entrée en vigueur la nouvelle teneur de l’art. 12 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) adoptée le 29 janvier 2016 par le Grand Conseil.

En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/1184/2015 du 3 novembre 2015 ; ATA/113/2013 du 26 février 2013 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 184). La rétroactivité d'une disposition légale est contraire aux principes de la sécurité et de la prévisibilité du droit. Elle n'est admise qu'exceptionnellement par la jurisprudence, qui exige, entre autres conditions, qu'elle figure dans une base légale claire (ATF 116 Ia 207 consid. 4a ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4b ; ATA/1184/2015 précité ; ATA/113/2013 précité ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 200).

La LIPM ne comprend aucune disposition transitoire prévoyant notamment l’application de la nouvelle teneur de l’art. 12 LIPM aux causes pendantes au moment de son entrée en vigueur. Il sera ainsi fait application des dispositions légales idoines dans leurs teneurs antérieures aux décisions de taxation en cause (ci-après : aLIPM) (ATA/778/2016 précité consid. 4c).

Selon l'art. 12 let. a aLIPM, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvement énoncés aux art. 12 let. b à i aLIPM, ainsi que des produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation ou de liquidation, ainsi que les montants des réserves et provisions transférées à l’étranger qui avaient été constituées en franchises d’impôt
(art. 12 let. j aLIPM). L’art. 12 aLIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l’art. 58 al. 1 LIFD (ATA/337/2013 du 28 mai 2013 consid. 5b et les arrêts cités).

c. Selon les art. 59 LIFD et 13 aLIPM a contrario, les charges qui ne sont pas justifiées par l’usage commercial ne sont pas déductibles.

d. En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/652/2016 du 26 juillet 2016 consid. 3d ; ATA/332/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/1309/2015 du 8 décembre 2015).

e. En l'espèce, suite au courrier de la recourante du 14 août 2014, l'AFC-GE lui a demandé, le 25 août 2014 et afin de pouvoir considérer sa demande de prise en compte des charges de personnel ainsi que des charges de marchandises en déduction du chiffre d'affaires non déclaré, les noms, prénoms, adresses et attestations signées de la part des personnes ayant perçu les montants débités sur le compte bancaire de M. E______ en lien avec le chiffre d'affaires non déclaré.

Alors même qu'il lui incombait d'apporter ces éléments, selon les règles relatives à la répartition de la preuve, la recourante a refusé de les transmettre à l'AFC-GE « pour des raisons évidentes de confidentialité et de loyauté, fût-elle utile à la résolution de ses propres difficultés ». Elle n'a d'ailleurs pas fourni d'informations ou des pièces justificatives par la suite, ni par-devant le TAPI, ni par-devant la chambre de céans.

En refusant délibérément de transmettre à l'AFC-GE puis aux juridictions de recours toutes les informations et pièces justificatives qui lui auraient permis de déduire ces charges du chiffre d'affaires non déclaré, la recourante doit supporter les conséquences de son refus, conformément à la jurisprudence fédérale précitée.

Comme l'a retenu le TAPI, on ne saurait dès lors admettre que ces charges puissent être déduites sur la base d'une simple estimation basée sur des statistiques générales.

Enfin, et dans la mesure où la recourante n'a pas fourni les pièces justificatives de ces charges, rien n'indique que celles-ci n'auraient pas été déjà prises en considération dans les comptes qui eux ont été déclarés et pris en compte lors des taxations ou que la marge bénéficiaire n'ait pas été supérieure au pourcentage allégué de 21,20 %.

Le grief sera écarté.

7. La recourante ne conteste pas la quotité des amendes mais souhaite que leur montant soit mis en rapport avec les nouveaux montants de rappel d'impôts suite à la prise en considération du seul point encore contesté.

Dans la mesure où, comme vu plus haut, c'est de manière conforme au droit que l'AFC-GE, suivie en cela par le TAPI, a refusé de tenir compte des charges liées au chiffre d'affaires non déclaré pour les années fiscales 2006 à 2010, la demande de la recourante ne peut pas être prise en considération.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, sera condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 décembre 2015 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 novembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, soit pour elle Monsieur Jean-Marc Wasem, mandataire, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :