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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1765/2021

ATA/1055/2021 du 12.10.2021 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1765/2021-EXPLOI ATA/1055/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 octobre 2021

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI
représenté par Me David Hofmann, avocat



EN FAIT

1) La société A______ SA (ci-après : A______) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 26 janvier 2012. Jusqu’au 8 octobre 2020, elle portait la raison sociale B______ SA. Depuis son inscription et jusqu’au 6 décembre 2012, elle avait porté la raison sociale C______ SA. Elle a pour but, depuis son inscription, de gérer et exploiter des établissements de jour et de nuit tels que cafés, restaurants, night-club, bars, dancings, cabarets ou d'autres établissements ou installations visant à offrir à la clientèle des boissons, des mets et des spectacles.

Elle exploite depuis juillet 2020 un restaurant au quai D______ à l’enseigne « E______  ».

2) Le 24 novembre 2020, le département du développement économique, devenu depuis lors le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), a octroyé à A______ une aide financière de CHF 157'114.60 en application de la loi 12783 du 1er octobre 2020, au titre de participation aux frais incompressibles pour la période du 31 juillet au 31 octobre 2020.

Le 16 décembre 2020, le DEE a octroyé à A______ une aide financière de CHF 104'743.10 en application de la même loi, au titre de participation aux frais incompressibles pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2020.

Le 16 mars 2021, il a octroyé à A______ une aide financière de CHF 18'450.- en application de la loi 12822 du 27 novembre 2020, au titre de l’aide forfaitaire proportionnée au nombre de mètres carrés de surface utile de l’établissement de restauration.

3) Le 16 février 2021, A______ a formé auprès du DEE une demande pour cas de rigueur.

Elle avait réalisé un chiffre d’affaires (ci-après : CA) de CHF 0.- en 2018 et en 2019, et de CHF 765'983.- en 2020, pour des coûts totaux durant la même année de CHF 822'072.- et une TVA de CHF 54'764.-. Pendant la période de fermeture en 2021, elle avait réalisé un CA de CHF 0.-.

En 2020, ses charges avaient compris les loyers et charges locatives par CHF 197'164.-, les fluides par CHF 14'961.-, les abonnements et engagements fixes par CHF 7'094.-, les assurances par CHF 2'206.-, les frais administratifs et honoraires par CHF 2’744.-, les charges salariales par CHF 356'165.-, les frais de véhicules par CHF 241.-, les charges de leasing par CHF 30'323.- et les charges financières par CHF 175.-, soit un total de CHF 611'073.-.

Déduction faite des indemnités pour réduction de l’horaire de travail
(ci-après : RHT) versées, correspondant à 90 % des charges salariales, soit CHF 320'548.50, le total des charges non couvertes était de CHF 290'524.50.

4) Le 5 mars 2021, le DEE a rejeté la demande.

Le CA des deux exercices précédents devait être d’au moins CHF 50'000.-. Or, les exercices 2018 et 2019 présentaient un CA de CHF 0.-.

La décision a été notifiée à A______ le 20 avril 2021.

5) Par acte remis à la poste le 20 mai 2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à ce qu’elle soit réformée « en ce sens que A______ SA bénéficie des aides financières extraordinaires à compter du 1er janvier 2021 en application de l’ordonnance COVID-19 cas de rigueur » et à ce que le dossier soit renvoyé au DEE pour nouvelle décision, subsidiairement à ce que la décision soit annulée et le dossier renvoyé au DEE pour nouvelle décision.

Le recours était formé à titre conservatoire car le 4 mai 2021 elle avait demandé au DEE de reconsidérer sa décision.

Elle avait repris courant juillet l’exploitation de l’enseigne « E______ SA » et l’établissement, un restaurant et une discothèque, avait pu ouvrir le 22 juillet 2020. L’exploitation s’était faite presque normalement jusqu’au 23 décembre 2020, date à laquelle les établissements publics avaient été fermés. Elle avait pu cependant bénéficier d’une aide mensuelle à fonds perdus de l’État de CHF 52'000.-, correspondant au montant de ses charges fixes, pour les mois d’août à décembre 2020. Dès le 23 décembre 2020, elle n’avait fait aucun CA, mais ses charges fixes mensuelles de CHF 52'000.- continuaient à devoir être payées. Or, l’État avait cessé tout versement dès le 1er janvier 2021, ce qui l’avait conduite à demander une aide de rigueur le 16 février 2021.

La décision violait l’ordonnance COVID-19 cas de rigueur. Elle avait été formellement inscrite au RC le 1er octobre 2020. L’exploitation s’était faite presque normalement du 22 juillet au 23 décembre 2020. Elle avait réalisé durant cette période un CA de CHF 765'982.50, correspondant à un CA mensuel de CHF 191'500.- et satisfaisant à la condition du chiffre d’affaires annuel supérieur à CHF 50'000.-.

Elle remplissait donc les conditions à l’octroi d’une aide extraordinaire.

6) Le 24 juin 2021, le DEE a conclu au rejet du recours.

Créée en 2012, A______ n’avait eu aucun chiffre d’affaires en 2018 et 2019 et ne remplissait pas la condition du chiffre d’affaires moyen de CHF 50'000.- réalisé durant ces deux années. En toute hypothèse, son chiffre d’affaires avait progressé et non reculé, puisqu’il était passé en CHF 0.- en 2018 et 2019 à CHF 765'000.- en 2020.

À supposer qu’elle avait, comme elle le soutenait, été inscrite au RC le
1er – soit en réalité le 5 – octobre 2020, ce qui était contesté, A______ n’avait pas été créée entre le 1er mars et le 30 septembre 2020, comme exigé pour les nouvelles entreprises, et ce même si son activité effective avait débuté avant le 1er octobre.

En toute hypothèse, A______ n’aurait eu droit qu’à une aide pour cent cinquante jours de fermeture de CHF 4'198.-, alternativement à aucune une aide pour perte économique, les coûts totaux étant inférieurs au chiffre d’affaires.

7) Le 29 juillet 2021, A______ a persisté dans ses conclusions.

Selon ses statuts, elle avait été créée et constituée le 1er octobre 2020, et sa raison et son siège sociaux avaient été modifiés. Elle avait entrepris une nouvelle activité, soit l’exploitation de la « E______ SA », et la précédente activité, soit l’exploitation des B______, à la promenade F______ n° ______, débutée en 2012, avait cessé définitivement lorsque les autorités de la Ville de Genève avaient restreint les festivités en lien avec les Fêtes de Genève.

Selon les commentaires de l’ordonnance COVID-19 cas de rigueur la substance devait primer sur la forme s’agissant de déterminer la date de création d’une entreprise. Une entreprise inscrite formellement au RC après le 1er octobre 2020 mais qui existait dans les faits avant cette date pouvait tout de même bénéficier des aides extraordinaires pour cas de rigueur.

Pour les entreprises créées entre le 1er mars et le 30 septembre 2020, le chiffre d’affaires moyen entre la création et le 31 décembre 2020 était pertinent.

Lorsque la fermeture excédait quarante jours civils, le recul du chiffre d’affaires était suffisamment important pour que l’entreprise soit dispensée d’établir un cas de rigueur.

8) Le 30 juillet 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision du DEE du 5 mars 2021 refusant à A______ une aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19.

3) Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid-19 ; RS 951.262).

a. Selon l’ordonnance Covid-19, dans sa version applicable, en l’occurrence, jusqu’au 31 mars 2021, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton (art. 1 al. 1).

L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1) et elle a un numéro d’identification des entreprises (ci-après : IDE ; art. 2 al. 2).

Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au RC, a été créée avant le 1er mars 2020 (art. 3 al. 1 let. a), et a réalisé en 2018 et en 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Si elle a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le CA moyen est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois (art. 3 al. 2).

L’entreprise doit également établir que son CA 2020 est inférieur à 60 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie (art. 5 al. 1).

En cas de recul du CA enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peut calculer le recul de son CA sur la base du CA des douze derniers mois au lieu du CA de l’exercice 2020 (art. 5 al. 1bis)

Pour les entreprises créées après le 31 décembre 2017, le CA calculé selon l’art. 3 al. 2 est réputé CA moyen des exercices 2018 et 2019 (art. 5 al. 2).

L’entreprise doit confirmer que le recul du CA entraîne à la fin de l’année une part des coûts fixes non couverts menaçant sa viabilité (art. 5a). Selon la teneur en vigueur dès le 14 janvier 2021, l’entreprise doit confirmer au canton uniquement que le recul du CA entraîne d’importants coûts fixes non couverts.

Les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou les cantons pour endiguer l’épidémie de Covid-19, doivent cesser leur activité pour au moins 40 jours entre le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 ne sont pas tenues de remplir les conditions d’octroi d’un soutien financier visées aux art. 4 al. 1 let. b, 5 al. 1 et 1bis et 5a (art. 5b).

b. Dès le 1er avril 2021, l’art. 3 a été refondu. Selon l’al. 1 let. a l’entreprise doit s’être inscrite au RC avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, avoir été créée avant le 1er octobre 2020. Selon l’al. 2 par CA annuel moyen des exercices 2018 et 2019, on entend (a) pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020 (1) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur douze mois, ou (2) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois, et (b) pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020, le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois.

4) a. Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après :
aLAFE-2021).

La loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de Covid-19 du 25 septembre 2020 et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou déduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaire insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12
(art. 1 al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). Une éventuelle subvention monétaire générale d’une collectivité publique est déduite (art. 2 al. 2), mais non les RHT ou les allocations pour perte de gain (ci-après : APG) ou encore les crédits prévus par la loi fédérale (art. 2 al. 3). Les aides financières octroyées en application des lois 12783, 12812, 12824, 12825, 12826 et 12833 demeurent acquises s’agissant du calcul des montants alloués pour l’année 2020 (art. 2 al. 4). Les versements déjà effectués en application des lois 12802, 12803, 12807, 12808, 12809, 12810 et 12813 pour la période du 26 septembre 2020 au 31 décembre 2021 sont déduits de l'aide apportée dans le cadre de la loi
(art. 2 al. 5). Les contributions exceptionnelles sous forme de prêt versées par la Fondation d'aide aux entreprises ne sont pas déduites (art. 3 al. 6). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).

Peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (art. 3 al. 1 let. a), ou dont le chiffre d'affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 let. b) ou dont la baisse de chiffre d'affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 3 al. 1 let. c). L'aide financière n'est pas octroyée aux entreprises qui ont bénéficié d'un ou de plusieurs soutiens financiers dans le cadre des mesures prises par les autorités fédérales et cantonales pour lutter contre les effets de la pandémie dans les domaines de la culture, du sport, des transports publics ou des médias (al. 2). L'aide financière demandée en raison de l'al. 1 let. b est réduite de l'aide financière éventuelle apportée durant la même période suite à une demande fondée sur l'al. 1 let. a (al. 3).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1). Sont considérés comme coûts fixes les charges fixes incompressibles liées à l'activité, indispensables au maintien de cette dernière, notamment le loyer, les fluides, les assurances et les contrats de location liés à l'activité commerciale (art. 5 al. 2). La liste est établie par le règlement (art. 5 al. 3).

L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8), dont le CA est inférieur à 60 % du CA antérieur (art. 9 à 11), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du CA se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen antérieur (art. 12).

L’indemnité n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1). Son montant déterminé par voie réglementaire, calculé au prorata du nombre de jours pendant lesquels l'activité est totalement ou partiellement interdite (art. 8 al. 2) et est en principe au plus de CHF 750'000.- et 20 % du CA (art. 8 al. 3, 11 al. 2 et 12 al. 2).

b. Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ci-après : aRAFE-2021).

Sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (art. 3 al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du chiffre d’affaires définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25 % et 40 %, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (art. 3 al. 2).

Selon l’art. 5 al. 1, les coûts fixes comprennent le loyer et les charges locatives (let. a), les fluides (let. b), les abonnements et engagements fixes (let. c), les assurances liées à l’activité commerciale (let. d), les frais administratifs (let. e), les frais de véhicules (let. f), les charges d’amortissement (let. g), les charges financières (let. h), les charges de leasing (let. i) et les charges sociales patronales sur une base forfaitaire (let. j).

5) a. Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

Selon l’art. 9 al. 1, l’État de Genève peut octroyer sans participation financière de la Confédération des aides en faveur des entreprises : (a) dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019, ou (b) créées depuis mars 2020 ou créées avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020 ; dans ce cas, l’indemnisation est calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise pendant les mois durant lesquels elle a pu mener son activité commerciale.

L’indemnisation cantonale comble la différence entre l’éventuelle indemnisation calculée selon les critères de l’ordonnance Covid-19 et l’indemnité calculée selon les critères de l’al. 1 (art. 9 al. 2). Les critères permettant de déterminer le début de l’activité commerciale sont déterminés par voie réglementaire (art. 9 al. 3).

L’indemnité maximale par entreprise et pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 est déterminée par voie réglementaire, mais elle ne dépasse pas la somme totale de CHF 1'000'000.- et 20 % du chiffre d’affaires comme prévu à l’article 8a de l’ordonnance Covid-19 (art. 10 al. 1).

b. Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (ci-après : RAFE-2021).

Selon l’art. 3 al. 3, sont également bénéficiaires de l’aide considérée, pour autant qu'elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l'ordonnance Covid-19, les entreprises : (a) qui ne répondent pas aux exigences des art. 3, al. 1, let. b et 5 de l’ordonnance Covid-19 en vertu des modalités de détermination du chiffre d’affaires annuel moyen visées par l’art. 3 de ladite ordonnance, mais y répondent en vertu des modalités de l’art. 9, al. 1, let. b, de la loi, et (b) qui ont été créées depuis mars 2020, ou avant mars 2020, mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020.

6) Selon l’art. 620 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), la société anonyme (ci-après : SA) est celle qui se forme sous une raison sociale, dont le capital-actions est déterminé à l’avance, divisé en actions, et dont les dettes ne sont garanties que par l’actif social.

Selon l’art. 643 CO, la SA n’acquiert la personnalité que par son inscription au RC (al. 1). La personnalité est acquise de par l’inscription, même si les conditions de celle-ci n’étaient pas remplies (al. 2).

L’art. 737 CO dispose que sauf le cas de faillite ou de décision judiciaire, la dissolution est inscrite au RC à la diligence du conseil d’administration.

Selon l’art. 626 CO, les statuts de la SA doivent contenir des dispositions notamment sur sa raison sociale et son siège (ch. 1) ainsi que son but (ch. 2). Selon l’art. 647 CO, toute décision de l’assemblée générale ou du conseil d’administration modifiant les statuts doit faire l’objet d’un acte authentique et être inscrite au RC.

Selon l’art. 929 CO, les inscriptions au RC doivent être conformes à la vérité et ne rien contenir qui soit de nature à induire en erreur ou contraire à un intérêt public (al. 1). L’inscription repose sur une réquisition. Les faits à inscrire doivent être accompagnés des pièces justificatives nécessaires (al. 2). Les inscriptions peuvent également reposer sur un jugement ou une décision d’un tribunal ou d’une autorité administrative ou être opérées d’office (al. 3).

Selon l’art. 930 CO, les entités juridiques inscrites au RC reçoivent un numéro d’identification des entreprises tel qu’il est prévu par la loi fédérale du 18 juin 2010 sur le numéro d’identification des entreprises.

7) En l’espèce, A______ fait valoir qu’elle a formellement été inscrite au RC le 1er octobre 2020, de sorte qu’elle respecte l’exigence de l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance.

Il ressort du RC que A______ était inscrite depuis le 26 janvier 2012 sous le même numéro d’identification 1______, devenu 2______ en 2013. Elle a certes modifié à deux reprises sa raison sociale et à une reprise son siège depuis son inscription. Elle a toutefois conservé son capital-actions et son but social inaltérés depuis sa fondation. L’activité qu’elle a entreprise dès juillet 2020 avec le restaurant « E______ » s’inscrit parfaitement dans le but social. Son administratrice actuelle a été inscrite au RC le 8 juin 2020, en remplacement des précédents administrateurs, inscrits le 19 octobre 2018 et démissionnaires. Un nouveau fondé de procuration, également inscrit le 8 juin 2020, a été radié le 21 juillet 2021. Enfin, dans sa demande et ses écritures, A______ indique avoir débuté l’exploitation du restaurant en juillet 2020 et avoir réalisé dans ce cadre, pour l’année 2020, un CA de CHF 765'983.-. Elle mentionne par ailleurs un chiffre d’affaires nul pour 2018 et 2019. Certes, les statuts adoptés le 1er octobre 2020 par l’assemblée générale de A______ indiquent que « sous la raison sociale A______ SA, il est constitué une société anonyme ». Une constitution au 1er octobre 2020 n’a cependant pas été reportée au RC, étant observé que selon l’art. 24 al. 1 de l’ordonnance sur le registre du commerce du 17 octobre 2007 (ORC - RS 221.411), aucune pièce justificative ne doit être produite afin d’établir l’existence d’une entité juridique inscrite au registre du commerce suisse lors de l’inscription d’un fait. Ainsi, au regard de l’ensemble des éléments relevés, la formulation des statuts n’est pas déterminante.

Il sera retenu que A______ a été créée en 2012.

A______ réalise ainsi la condition d’inscription au RC avant le 1er mars 2020 posée à l’art. 3 al. 1 let. a de l’ordonnance Covid-19 dans sa teneur en vigueur lors de la décision querellée.

8) Reste à déterminer si A______ remplit les autres conditions, soit notamment celle ayant trait au CA réalisé avant la crise.

a. A______ admet qu’elle ne réalise pas la condition posée à l’art. 3 al. 1 let. b de l’ordonnance Covid-19, d’avoir réalisé pour les exercices 2018 et 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.-. Son CA était pour chacune de ces deux années de CHF 0.-.

b. Elle fait toutefois valoir qu’elle n’a débuté son activité commerciale qu’en juillet 2020.

Selon l’art. 3 al. 2 en vigueur au moment du prononcé de la décision querellée, si l’entreprise a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le CA moyen est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois.

Il s’ensuit que même s’il fallait retenir qu’elle a débuté son activité en juillet 2020, A______ n’aurait pas réalisé de CA jusqu’alors, et notamment pas jusqu’au 1er mars 2020.

c. Elle se prévaut cependant de l’art. 3 al. 2 let. b de l’ordonnance Covid-19 dans sa teneur en vigueur dès le 1er avril 2021 et fait valoir qu’elle a bien réalisé un chiffre d’affaires supérieur à CHF 50'000.- sur l’année 2020.

Cette dernière disposition n’était toutefois pas encore en vigueur lorsqu’elle a formé sa demande et lorsque la décision querellée a été prise, et la modification de l’ordonnance Covid-19 entrée en vigueur le 1er avril 2021 ne produisait pas d’effet rétroactif, de sorte qu’elle n’est pas applicable au cas d’espèce – étant observé qu’elle pourrait par contre s’appliquer à une demande formée après le 1er avril 2021 et jusqu’au 31 octobre 2021 (art. 23 al. 1 RAFE).

C’est ainsi à bon droit que le DEE a conclu que A______ ne remplissait pas la condition de l’art. 3 de l’ordonnance Covid-19 dans sa teneur au 5 mars 2021.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mai 2021 par A______ SA contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 5 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me David Hofmann, avocat du département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et McGregor, juges, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :