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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1011/2022

ATA/861/2022 du 26.08.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1011/2022-EXPLOI ATA/861/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI
représenté par Me Gabriel Aubert, avocat

 



EN FAIT

1) B______ SA a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 27 novembre 2009. Son but social était : « promotion et organisation d’événements en tous genres, privés et publics, au niveau national et international, à caractère artistique, culturel ou récréatif, tels que spectacles, soirées, galas, concours de beauté, défilés, concerts, festivals ; placement de mannequins, d’hôtesses et d’artistes, ainsi que la gestion de leur image ». Son siège était à Satigny et ses administrateurs étaient Messieurs C______, D______ et E______.

2) Le 11 septembre 2019, la société a modifié sa raison sociale en « A______ », déplacé son siège en ville de Genève et élargi son but comme suit : « promotion et organisation d’événements en tous genres, privés et publics, au niveau national et international, à caractère artistique, culturel, sportif ou récréatif, tels que spectacles, soirées, galas, concours de beauté, défilés, concerts, festivals, lancement de produits ou autres évènements spéciaux ; exécution de mandats de consulting et conseils dans ces domaines ; placement de mannequins, d’hôtesses et d’artistes, ainsi que la gestion de leur image ; organisation de voyages, congrès et incentives ».

MM. D______ et E______ demeuraient administrateurs et Monsieur F______ est devenu président du conseil d’administration.

3) Le 9 juin 2021, la société, par le truchement de M. D______, devenu entretemps directeur, a déposé une demande d’indemnité pour cas de rigueur, fondée sur la loi 12938 du 30 avril 2021, relative aux aides financières extraordinaires destinée aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre la pandémie.

Dans le formulaire idoine, l’entreprise a indiqué avoir été créée le 1er septembre 2019. Elle a produit un extrait du RC comportant comme date d’inscription le 27 novembre 2009.

4) Le 23 juin 2021, le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE) a accordé à la société une aide pour cas de rigueur de CHF 172'790.40.

5) Le 13 août 2021, elle a sollicité une aide complémentaire, toujours fondée sur la loi précitée, dont toutefois le plafond d’indemnisation avait été augmenté. Comme la première demande, la seconde portait sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2020. Le directeur a, à nouveau, indiqué que la date de la création de la société était le 1er septembre 2019.

6) Par décision du 5 novembre 2021, le DEE a rejeté la demande. Procédant à l’examen de l’ensemble du dossier de la société, il a constaté que celle-ci avait en réalité été créée le 27 novembre 2009 et non comme indiqué dans le formulaire de demande le 1er septembre 2019. La différence entre son chiffre d’affaires annuel moyen réalisé en 2018 et 2019 et celui réalisé en 2020 n’atteignait pas le seuil d’éligibilité à l’aide. Elle ne pouvait bénéficier des aides pour cas de rigueur. Il lui a ainsi réclamé le remboursement du montant déjà alloué et refusé l’aide complémentaire.

7) Par décision du 25 février 2022, le DEE a rejeté l’opposition formée par A______.

Il ressortait du RC que celle-ci était inscrite depuis le 27 novembre 2009. Ni le changement de raison sociale ni le transfert du siège le 2 septembre 2019 ne remettaient en cause la date de création de la société. La capital social et le but social étaient demeurés inchangés. Tout au plus, ce dernier avait été amplifié ; il se recoupait cependant avec le but social décrit lors de son inscription.

La comparaison du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019, de CHF 132'787.-, avec celui de 2020, de CHF 189'421.-, ne faisait pas apparaître de recul susceptible d’atteindre le seuil d’éligibilité à l’aide de 25%.

8) Par acte expédié le 28 mars 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu à l’annulation de la décision du 5 novembre 2021 et, principalement, à l’octroi de l’aide pour cas de rigueur à la suite de sa demande du 21 août 2021. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au DEE pour nouvelle décision en vue du constat qu’elle remplissait les conditions de l’aide pour cas de rigueur les 9 juin 2021 et 13 août 2021.

Elle était « économiquement morte » depuis 2016. Son seul intérêt consistait alors en l’organisation du concours de « ______ ». Les deux administrateurs ainsi que Monsieur F______ avaient repris « la coquille vide » pour créer A______, avec un nouveau but, une nouvelle image et une nouvelle dynamique. L’actionnariat avait également changé. Ses activités avaient débuté le 1er septembre 2019, date à laquelle trois employés avaient été engagés. Après des débuts prometteurs, la croissance de la société avait été interrompue par la pandémie. Ayant été créée le 1er septembre 2019, le chiffre d’affaires déterminant était celui de l’art. 3 al. 1 let. a ch. 2 de l’ordonnance Covid-19, à savoir celui réalisé entre sa création et le 29 février 2020, calculé sur douze mois. Rapportée à ses chiffres d’affaires, la moyenne de celui de 2018 et 2019, rapportée sur douze mois, était de CHF 339'748.50, alors que celui réalisé en 2020 était de CHF 189'421, qui représente 55 % de la moyenne précitée. L’octroi de l’aide était donc fondé et les conditions de l’aide complémentaire étaient réunies.

En outre, le DEE ayant omis de vérifier que les conditions de l’aide étaient remplies, il ne pouvait revenir sur sa décision du 23 juin 2021. La décision de restitution mettait en péril la survie de la société.

9) Le DEE a conclu au rejet du recours.

L’ordonnance prévoyait un régime particulier pour les entreprises créées entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020. N’ayant pas été créée dans ce laps de temps, la recourante ne pouvait s’en prévaloir. Seule faisait foi à cet égard la date d’inscription au RC. En outre, la société qui se prévalait d’un changement radical en 2019 était contredite par ses propres affirmations figurant sur son site selon lesquelles elle se targuait de « 30 ans d’expérience dans la gestion d’événements de grande envergure ».

10) Dans sa réplique, la recourante a insisté sur le caractère très différent de ses activités après le 1er septembre 2019. Elle avait jusqu’alors eu pour seule activité l’organisation d’un concours de beauté, B______ SA étant d’ailleurs l’acronyme de « B______ SA. « A______ » s’était chargée d’événements sur mandat externe et internes au groupe « A______ », de l’exploitation d’un restaurant éphémère, notamment, soit d’activités plus diversifiées. Contrairement à ce que soutenait l’autorité intimée, le changement complet dans l’actionnariat constituait une preuve supplémentaire de la création d’une nouvelle société. Enfin, les arrêts de la chambre administrative cités par le département se rapportaient à des situations de fait différentes de la siennes.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Bien qu’elle ne sollicite pas l’audition de témoins, la recourante invoque celle de son directeur actuel, M. D______, à titre de preuve.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le  droit à une audition orale (ATF 140 I 285consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, la recourante a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée devant le département et dans ses écritures devant la chambre de céans. Elle n’expose pas en quoi l’audition de son directeur serait susceptible d’apporter des éléments complémentaires. Pour le surplus, au vu des éléments au dossier, celui-ci est complet et permet à la chambre de céans de trancher le litige sans procéder à d’autres actes d’instruction.

3) a. Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102).

À son art. 12, celle-ci prévoit des mesures destinées aux entreprises. Dans sa teneur antérieure au 19 décembre 2020, la disposition prévoit que dans des cas de rigueur, la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir financièrement les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 en raison de la nature même de leur activité économique, en particulier les entreprises actives dans la chaîne de création de valeur du secteur événementiel, les forains, les prestataires du secteur des voyages ainsi que les entreprises touristiques pour autant que les cantons participent pour moitié au financement. Un cas de rigueur existe si le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 60 % de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération (al. 1). Le soutien n’est accordé que si les entreprises étaient rentables ou viables avant le début de la crise du Covid-19 et à condition qu’elles n’aient pas déjà bénéficié d’autres aides financières de la Confédération. Ces aides financières n’incluent pas les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, les allocations pour perte de gains et les crédits selon l’ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19 du 25 mars 2020 (al. 2). Pour les cas de rigueur, elle peut octroyer des contributions à fonds perdu aux entreprises concernées (al. 3). Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance (al. 4). Dès le 19 décembre 2020, la comparaison avec le CA pluriannuel pour la détermination du cas de rigueur a été reprise dans un nouvel al. 1bis de l’art. 12 de la Loi Covid-19. La condition de la rentabilité et de la viabilité de l’entreprise bénéficiaire avant l’apparition du Covid-19 a, quant à elle, été reprise dans un nouvel al. 2bis.

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid-19 ; RS 951.262).

Selon l’ordonnance Covid-19, dans sa version applicable en l’occurrence, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton (art. 1 al. 1). L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1) et elle a un numéro d’identification des entreprises (ci-après : IDE ; art. 2 al. 2).

Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au RC, a été créée avant le 1er mars 2020 (art. 3 al. 1 let. a), et a réalisé en 2018 et en 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Si elle a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le CA moyen est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois (art. 3 al. 2).

b. Dès le 1er avril 2021, l’art. 3 a été refondu. Selon l’al. 1 let. a, l’entreprise doit s’être inscrite au RC avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, avoir été créée avant le 1er octobre 2020. Selon l’al. 2, par CA annuel moyen des exercices 2018 et 2019, on entend, (a) pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020, (1) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur douze mois, ou (2) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois, et (b) pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020, le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois.

c. Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE-2021).

La loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1erjanvier et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

Peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (art. 3 al. 1 let. a), ou dont le chiffre d'affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 let. b) ou dont la baisse de chiffre d'affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 3 al. 1 let. c).

d. Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ci-après : aRAFE-2021).

Sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (art. 3 al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du chiffre d’affaires définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25 % et 40 %, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (art. 3 al. 2).

e. Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

Selon l’art. 9 al. 1, l’État de Genève peut octroyer sans participation financière de la Confédération des aides en faveur des entreprises : (a) dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019, ou (b) créées depuis mars 2020 ou créées avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020 ; dans ce cas, l’indemnisation est calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise pendant les mois durant lesquels elle a pu mener son activité commerciale.

L’indemnisation cantonale comble la différence entre l’éventuelle indemnisation calculée selon les critères de l’ordonnance Covid-19 et l’indemnité calculée selon les critères de l’al. 1 (art. 9 al. 2). Les critères permettant de déterminer le début de l’activité commerciale sont déterminés par voie réglementaire (art. 9 al. 3).

L’indemnité maximale par entreprise et pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 est déterminée par voie réglementaire, mais elle ne dépasse pas la somme totale de CHF 1'000'000.- et 20 % du chiffre d’affaires comme prévu à l’art. 8a de l’ordonnance Covid-19 (art. 10 al. 1).

f. Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (ci-après : RAFE-2021), modifié le 7 juillet 2021.

Selon l’art. 3 al. 2, sont également bénéficiaires de l’aide considérée, pour autant qu'elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l'ordonnance Covid-19, les entreprises : (a) qui ne répondent pas aux exigences des art. 3 al. 1 let. b et 5 de l’ordonnance Covid-19 en vertu des modalités de détermination du chiffre d’affaires annuel moyen visées par l’art. 3 de ladite ordonnance, mais y répondent en vertu des modalités de l’art. 9, al. 1, let. b, de la loi, et (b) qui ont été créées depuis mars 2020, ou avant mars 2020, mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020.

Selon l’art. 14 du règlement, peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui peuvent démontrer que la baisse de leur chiffre d’affaires 2020 se situe entre 40 % et 60 % du chiffre moyen entre les exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités en lien avec la pandémie (al. 1). Si l’entreprise a été créée en 2018 ou en 2019, le chiffre d’affaires à prendre en compte est celui réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois (al. 2).

g. La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (art. 16 al. 1 aLAFE-2021 et 17 al. 1 LAFE-2021).

h. Dans un arrêt récent (ATA/813/2022 du 17 août 2022 consid. 6b), la chambre administrative, se penchant sur le texte de l’ordonnance Covid-19, est arrivée à la conclusion que celui-ci était clair : les exceptions à la prise en compte du CA de référence moyen des années 2018-2019 sont limitées aux entreprises fondées après le 31 décembre 2017. Le législateur n’avait pas envisagé d’exception à la prise en compte du CA moyen de 2018 et 2019 pour les entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2017. L’extrapolation de CA durant la période de référence 2018-2019 ne se justifiait que si l’entreprise a été créée durant cette période.

Ainsi, l’ouverture d’un hôtel le 1er mars 2019 pour développer son activité par une entreprise inscrite au RC depuis 2002, qui exploitait déjà en mars 2019 deux autres établissements, résultait d’un choix économique de cette société que le législateur tant fédéral que cantonal n’avait pas entendu prendre en compte dans l’octroi des aides Covid-19. Cette expansion n’était pas comparable à la création d’une nouvelle entreprise (ATA/501/2022 du 11 mai 2022). Il n’y avait pas non plus lieu d’extrapoler le CA à la reprise de l’activité dans le cas de l’exploitation d’un restaurant interrompue par des travaux (ATA/154/2022 du 10 février 2022 consid. 3b).

i. La chambre administrative a, dans un arrêt ATA/79/2022 du 25 janvier 2022, confirmé que l’art. 3 al. 2 du règlement d’application de la loi 12'938 du 5 mai 2021, qui renvoie expressément aux sections 1 et 2 de l’ordonnance Covid-19, entend par la « création d'entreprise » sa date d'inscription au RC.

j. Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

4) En l’espèce, il ressort du RC que la recourante a été inscrite à celui-ci le 27 novembre 2009. Comme cela vient d’être exposé, seule la date d’inscription au RC est déterminante pour établir la date de la création de l’entreprise au sens des dispositions précitées d’aide aux entreprises. Cette approche est, en particulier, conforme au texte clair de l'art. 3 al. 1 let. a de l'ordonnance Covid-19 cas de rigueur. Contrairement à ce que fait valoir la recourante, le texte de ladite disposition n’a, le 1er avril 2021, pas subi de modification relative à la notion de création d’entreprise. En effet, le texte de l'art. 3 al. 1 let. a de l'ordonnance Covid-19 applicable jusqu’au 31 mars 2021 prévoyait « elle s’est inscrite au registre du commerce avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, a été créée avant le 1er octobre 2020 », celui applicable dès le 1er avril 2021 ayant la teneur suivante : « elle s’est inscrite au registre du commerce avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, a été créée avant le 1er mars 2020 ». Seule la date de référence pour l’aide perçue par les entreprises créées durant la pandémie a été modifiée. Comme cela vient d’être évoqué, ce changement ne modifie pas la notion de création d’entreprise. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter de la jurisprudence constante de la chambre de céans selon laquelle la date de création d’une entreprise est celle de son inscription au RC.

Les faits que certains membres du conseil d’administration de la recourante aient changé au cours de la vie de la société ainsi que la raison sociale ait été modifiée demeurent sans influence sur la date de la création de la société. De telles modifications ne sont pas de nature à remettre en cause la date de la création de la recourante. D’ailleurs, si tel avait été leur souhait, rien n’empêchait ses animateurs de créer une nouvelle société en 2019. En outre et contrairement à ce qu’ils font valoir, le but de la société n’a pas été modifié fondamentalement en 2019 : la société a continué à se destiner à une activité liée à la promotion et l’organisation d’événements culturels ou récréatifs. En 2019, elle a élargi son activité, mais n’a pas pour autant abandonné son but initial. Enfin, le changement d’actionnariat n’a, à l’évidence, aucune influence sur la date de création de la société.

Ainsi, compte tenu de sa création en 2009, la recourante devait, afin de bénéficier de l’aide sollicitée, démontrer une baisse en 2020 d’en tout cas 25 % de son chiffre d’affaires moyen réalisé en 2018 et 2019. Or, comme cela ressort de la décision querellée, non contestée sur ce point, cette comparaison conduit au constat que le seuil de 25 % de baisse du chiffre d’affaire n’est pas atteint.

Partant, c’est à bon droit que le DEE a refusé l’aide étatique complémentaire demandée le 13 août 2021 et constaté le caractère infondé de celle accordée précédemment.

Dès lors que la recourante ne remplissait pas les conditions de l’aide en juin 2021, elle l’a perçue indument. Le DEE pouvait ainsi en réclamer le remboursement. La recourante, dont le directeur qui a rempli la demande d’aide a participé à la création de celle-ci en 2009 et a régulièrement siégé au sein de son conseil d’administration depuis lors, ne peut, de bonne foi, soutenir que celle-ci n’existait que depuis septembre 2019. Ayant fourni à l’autorité intimée une indication qu’elle devait savoir erronée, la société devait s’attendre à ce que le remboursement de la prestation indument perçue lui soit être réclamé. Enfin, rien n’empêche la recourante d’approcher l’autorité intimée afin de convenir de modalités de remboursement, qui tiennent compte de sa situation financière et soient acceptables pour le département.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure. Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure en faveur de l’État, celui-ci disposant de son propre service juridique.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2022 par A______ contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 25 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Gabriel Aubert, avocat de l'intimé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :