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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/988/2015

ATA/535/2017 du 09.05.2017 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 09.05.2017, rendu le 16.06.2017, SANS OBJET, 2C_265/2017
Descripteurs : TRANSPORT DE PERSONNES ; AUTORISATION D'EXERCER ; AMENDE
Normes : art. 65 LPA ; art. 5 al. 1 LTaxis ; art. 9 al. 1 let. e LTaxis ; art. 42 al. 6 LTaxis
Résumé : Violation grave de la LTaxis en raison de la fourniture d'un transport professionnel de personnes par une personne qui n'est ni titulaire d'une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou limousine, ni titulaire d'une autorisation d'exploiter une limousine. Pas de violation de la LTaxis en matière de fixation de prix en raison de l'utilisation de l'application Uber en l'espèce. Réduction de l'amende. Admission partielle du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/988/2015-TAXIS ATA/535/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Vincent Maitre, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Monsieur A______ est titulaire d’un permis de conduire depuis 2013 et d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine depuis avril 2015.

2) Par courrier recommandé du 2 février 2015, le service du commerce, devenu, dès le 1er janvier 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : le service ou PCTN), a informé l’intéressé qu’une sanction et/ou une mesure administrative(s), était envisagée à son encontre suite à une dénonciation du 31 octobre 2014 relative à une course qu’il avait effectuée le 5 octobre 2014 en utilisant les services de la plateforme internet www.uber.ch.

Selon le courriel du 23 janvier 2015 du propriétaire du véhicule utilisé pour ladite course, l’intéressé était le chauffeur ayant effectué celle-ci. Ledit propriétaire avait prêté son véhicule à M. A______ parce que celui-ci souhaitait « faire un essai avec Uber ». Or, l’intéressé n’était ni au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi et/ou de chauffeur de limousine, ni ne disposait d’aucune autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant. Il avait ainsi violé les art. 5 et 9 al. 1 let. e de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30). En outre, lors de la course précitée, il n’avait pas convenu du prix de la prestation avant d’effectuer le transport, seule une estimation ayant été communiquée au client, de sorte qu’il n’avait pas respecté l’art. 35 al. 3 LTaxis. Avant la prise de la décision, un délai au 16 février 2015 pour s’expliquer sur ces faits lui était accordé. Était notamment joint au courrier, le rapport de dénonciation relative à la course susmentionnée, établi par la société B______ Sàrl, devenue depuis novembre 2016 B______ SA (ci-après : la B______).

3) Le 10 février 2015, M. A______ a répondu au service. Il avait utilisé « uber » le jour de la course précitée, mais n’avait rien encaissé pour celle-ci. À sa connaissance, c’était le propriétaire du véhicule qui avait encaissé la somme car ce dernier travaillait avec la société Uber et recevait les paiements par virement bancaire chaque lundi. Au chômage, il était en période d’essai pendant trois jours, ce que des témoins pouvaient attester. Il joignait à cet effet un courrier d’une société tierce du 15 décembre 2014 lui confirmant, suite à son entretien avec ledit propriétaire, une collaboration avec elle dès janvier 2015 sous certaines réserves.

4) Le 19 février 2015, le service a sollicité le préavis de la commission de discipline LTaxis concernant M. A______. Une amende de CHF 2’400.- était envisagée à son encontre pour les infractions susmentionnées avec une référence nouvelle à l’art. 42 al. 6 LTaxis en lieu et place de l’art. 35 al. 3 LTaxis.

5) Par courriel du 2 mars 2015, le président de la commission de discipline LTaxis, également directeur du service, a indiqué que ladite commission préavisait favorablement la sanction envisagée à l’égard de M. A______.

6) Par décision du 4 mars 2015, le service a infligé à l’intéressé une amende de CHF 2’400.- s’agissant de la course qu’il avait effectuée le 5 octobre 2014 par le biais de la plateforme internet www.uber.com. Il lui a également interdit d’effectuer du transport professionnel de personnes sur le canton de Genève tant qu’il ne serait pas titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur (art. 5 LTaxis) et d’une autorisation d’exploiter (art. 9 LTaxis). Cette décision était assortie de la menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Il était reproché au recourant d’avoir violé les art. 5, 7, 9 al. 1 let. e, 3 al. 4 et 42 al. 6 LTaxis en lien avec les faits susmentionnés.

7) Le 24 mars 2015, M. A______, en personne, a déposé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), un courrier intitulé « Contestation par voie de recours » et accompagné de la décision précitée. Il apportait des précisions par rapport aux faits retenus à son encontre et à sa situation personnelle. Il « espéra[it] que la justice [lui] accorde ce [dont il avait droit] vu l’absence de preuve concrète » et concluait à une « décision favorable » de la part de la juridiction à son égard.

8) D’autres chauffeurs ayant été sanctionnés par le service en relation avec l’application de la société Uber suite aux enquêtes menées par la B______ entre septembre et octobre 2014, ont porté leur cause devant la chambre de céans dans dix autres procédures parallèles portant respectivement les numéros de causes A/99/2015, A/100/2015, A/101/2015, A/102/2015, A/103/2015, A/104/2015, A/105/2015, A/106/2015, A/107/2015 et A/1763/2015.

9) Le 21 avril 2015, le service a transmis son dossier relatif à la présente cause.

10) Le 27 avril 2015, dans le cadre d’une autre procédure (cause n° A/104/2015) dont le procès-verbal a été versé au dossier de la présente cause, le juge délégué a entendu, en présence du conseil du recourant, constitué par la suite en faveur de ce dernier, deux représentants du service et Monsieur  C______, directeur de la B______.

a. Selon le directeur du service, ce dernier et un représentant du service chargé de la promotion économique avaient reçu, le 28 août 2014, le responsable de l’entité genevoise d’Uber, Monsieur D______. Celui-ci leur avait présenté les activités qu’Uber envisageait de développer à Genève dès le 8 septembre 2014. Ils avaient attiré son attention sur la législation sur les taxis et le fait qu’Uber y était soumise et devait s’y conformer. M. D______ leur avait indiqué qu’il entendait aller de l’avant. Ils avaient alors décidé de mandater l’entreprise d’enquêtes B______, connue sur Genève pour pratiquer des enquêtes du type « clients mystères » en vue de comprendre le fonctionnement exact de la société Uber et de l’application qu’elle proposait. Ils avaient décidé de ne pas engager leurs inspecteurs pour les contrôles à effectuer car, pour recourir à l’application Uber, le client devait s’inscrire et faire état de ses références, notamment bancaires et privées ; il s’agissait de protéger leur sphère privée.

Le service n’avait pas désigné à la B______ les chauffeurs ayant fait l’objet des différents rapports d’enquête, préalablement à ceux-ci. Il lui avait demandé de fournir un certain nombre d’informations sur le fonctionnement d’Uber. Le hasard de cette récolte d’information avait désigné les chauffeurs ayant fait l’objet de sanctions contestées par recours. Le service n’avait pas non plus établi avec M. C______ la trame des rapports ; il lui avait indiqué les informations importantes pour le service, notamment les caractéristiques des véhicules pour savoir quelles catégories de transport étaient concernées par l’application. Le mandat avait été oralement confié à la B______, lors d’une séance de début septembre 2014, par le service représenté par son directeur, son directeur adjoint et le chef du secteur inspectorat. Le service avait rémunéré la B______ pour cette activité, facturée à l’heure, sans ouvrir de procédure de marché public en raison du faible montant engagé de l’ordre de CHF 3'000.-. Le service avait demandé à la B______ d’intervenir après le démarrage des activités d’Uber.

D’après l’autre personne représentant le service, comme les rapports des collaborateurs de la B______ n’étaient ni des rapports d’inspecteurs du service, ni des rapports de police, ils pouvaient seulement être traités comme des dénonciations. Le service avait sanctionné les chauffeurs parce que les infractions qu’ils avaient commises, si elles étaient en lien avec l’activité d’Uber, leur étaient propres et indépendantes de celles reprochées à Uber.

b. Selon M. C______, les collaborateurs de sa société avaient été amenés, sur demande du service de septembre 2014 et après qu’Uber ait commencé à développer ses activités à Genève, à commander une course de taxi par le biais de l’application Uber et à dresser des rapports au sujet de leurs constatations, transmis ensuite au service. Il avait eu un entretien avec le directeur du service et le chef du secteur inspectorat, dont l’objet était de définir la mission. Celle-ci consistait à effectuer des courses par le biais d’Uber et à établir des comptes rendus dès la réservation jusqu’à l’arrivée. Il avait reçu un mandat écrit du service et avait transmis à ce dernier un devis qui avait été signé ; il ne possédait pas ce mandat. Sur ce point, le directeur du service précisait qu’il y avait eu des échanges de courriels, mais n’avait pas le souvenir d’avoir signé un mandat ou contresigné un devis. M. C______ allait vérifier comment les rapports d’affaires s’étaient noués et transmettrait la documentation. La B______ avait été rémunérée pour son mandat par le service. Le mandat s’était terminé en octobre 2014.

M. C______ décrivait les instructions et la stratégie suivies pour établir les rapports destinés au service. Sa société, spécialisée en matière de contrôle de qualité, effectuait ses contrôles par le procédé des clients mystérieux. Les enquêteurs de la B______ se faisaient passer pour des clients, ils s’étaient inscrits auprès d’Uber et avaient réservé des courses à effectuer avec les chauffeurs proposés par l’application. Ils n’avaient pas reçu d’instruction du service pour viser des chauffeurs en particulier. Ils avaient établi seuls la trame des rapports transmis au service. Ils devaient déterminer, lorsque des courses étaient commandées à Uber, s’il s’agissait de taxis, de taxis à bonbonnes, de limousines, de citoyens lambdas, s’il y avait des taximètres, des tachygraphes, si les directives étaient affichées. Ces éléments avaient permis d’établir la trame des rapports. En lisant la presse, il s’était imaginé qu’un différend pourrait exister au sujet des activités d’Uber à Genève. Il avait compris que le service l’avait mandaté pour établir les faits en rapport avec les activités d’Uber. Il n’avait pas effectué des contrôles dans un but particulier, il n’avait d’intérêt ni dans un sens ni dans un autre.

c. L’avocat du recourant a relevé que ces différents éléments ne figuraient pas dans les rapports.

11) Le 29 mai 2015, le service a conclu principalement à l’irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.

Il avait confié à la B______ la mission d’effectuer des courses afin de comprendre le mode de fonctionnement de la société Uber et d’en rendre compte au service par des rapports qui étaient traités comme des dénonciations, et non des rapports d’infractions. Il cherchait à déterminer comment les chauffeurs étaient recrutés par la société Uber, si cette dernière vérifiait les véhicules utilisés et les autorisations desdits chauffeurs, si ceux-ci étaient indépendants ou employés de cette société-ci, quels étaient les modes de rémunération convenus, comment les courses étaient facturées aux clients, et quelle catégorie de transport était utilisée par la société Uber.

12) Lors de l’audience du 23 octobre 2015, le juge délégué a entendu M. C______, auteur du rapport relatif à la course litigieuse, en présence des parties, le recourant n’étant pas présent mais représenté par son conseil.

Selon M. C______, ce rapport n’avait pas pour objectif de dénoncer quelqu’un, mais de recueillir des éléments de faits constatés lors de « cette course de contrôle », effectuée à la demande du service. Il confirmait le contenu de son rapport. Il s’était fait rembourser le prix de la course par le service, dans le cadre de la facture finale adressée pour l’ensemble des contrôles.

13) Le 7 décembre 2015, le juge délégué a personnellement entendu le recourant, en présence de son avocat et de deux représentantes du service qui persistait dans ses conclusions.

L’intéressé a décrit sa situation professionnelle et personnelle. Il admettait les faits relatés par M. C______ au sujet de la course litigieuse. Il contestait cependant le montant de l’amende qui était trop élevée. Quant à sa relation avec la société Uber, il expliquait avoir accompagné le propriétaire du véhicule utilisé lors de la course litigieuse, aux bureaux de cette société à Genève. Il y avait montré une pièce d’identité et son permis de conduire professionnel et avait reçu un smartphone. Ledit propriétaire, qui exploitait des limousines en tant qu’indépendant, devenait partenaire de la société Uber et pouvait annoncer, outre le nombre de véhicules, les chauffeurs qui les utiliseraient, ce qui avait été son cas. Il n’avait pas fait d’autre course avec le véhicule dudit propriétaire et n’avait rien perçu sur le prix de la course litigieuse. Il conservait le smartphone mais ne l’utilisait pas. Il était devenu gérant d’une société de transport à Nyon, qui avait six limousines avec des plaques vaudoises ; il conduisait aussi ces voitures-ci et s’occupait de leur entretien et de leur parcage.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

15) Le 17 août 2016, le recourant a sollicité l’apport de l’intégralité du dossier du service, le contrat de mandat conclu entre la B______ et le service, ainsi que le barème des amendes. Le dossier du service était incomplet notamment au regard des échanges de courriels entre la B______ et le service auxquels faisait référence le directeur de celui-ci lors de l’audience du 27 avril 2015 susmentionnée. Ce courrier a été communiqué au service.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) S’agissant de la conclusion du service tendant à l’irrecevabilité du présent recours fondée sur le non-respect des exigences de l’art. 65 LPA, elle doit être rejetée pour les raisons suivantes.

a. Aux termes de l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1) ; l’acte de recours contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/18/2017 du 10 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/29/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b ; ATA/171/2014 du 18 mars 2014 consid. 2b et les références citées).

c. L’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/18/2017 précité consid. 2 ; ATA/29/2016 précité consid. 2c ; ATA/171/2014 précité consid. 2c et les références citées).

En l'espèce, même en l'absence de conclusions formelles, il ressort clairement de son courrier que le recourant souhaite l'annulation de la décision attaquée, étant au surplus précisé que, lors du dépôt de son recours, l’intéressé n’était pas encore assisté d’un avocat qui s’est constitué par la suite lors d’un courrier du 17 juin 2015. Il convient dès lors d'entrer en matière sur le recours.

3) Le présent litige porte sur l’amende de CHF 2'400.- infligée au recourant et l’interdiction d’effectuer du transport professionnel de personnes dans le canton de Genève tant qu’il n’est pas titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur et d’une autorisation d’exploitation, toutes deux objets de la décision litigieuse.Celle-ci porte sur des faits résultant de l’intervention du directeur de la B______, effectuée sur demande du service dont le but était de comprendre le fonctionnement de la société Uber et celui de l’application proposée par celle-ci.

4) La présente affaire est régie par la LTaxis et le règlement d’exécution de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01). En effet, elle concerne l’activité de transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles sur territoire genevois en échange d’une rémunération, plus précisément celle de chauffeur de taxis (art. 1 et 2 LTaxis), aucune des exceptions de l’art. 4 LTaxis n’entrant en compte. De plus, l’ensemble des faits déterminants se sont déroulés sous le droit actuel, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte la nouvelle loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er juillet 2017. Enfin, la LPA est susceptible de s’appliquer aux questions de procédure.

5) S’agissant des griefs tirés du droit d’être entendu garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et aux art. 41 ss LPA, concernant le caractère prétendument incomplet du dossier du service et l’absence de connaissance du mandat passé entre le service et la B______, ils doivent être écartés. En effet, conformément à la jurisprudence (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; ATA/283/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/679/2015 du 23 juin 2015), la motivation de la décision litigieuse permet au recourant tant de comprendre sa portée, en particulier les manquements qui lui sont reprochés, que de recourir contre cet acte en toute connaissance de cause et de manière efficace. Quant au mandat précité, les éléments issus de ce dernier qui sont déterminants pour la décision litigieuse, ont, dans le cas d’espèce, été d’emblée communiqués au recourant avant que le service ne statue, puis éclaircis, dans le cadre de la procédure de recours, par les auditions du directeur du service et de celui de la B______ sur cette question. Par conséquent, le droit d’être entendu du recourant n’a pas été violé.

6) Il y a lieu d’examiner si le recourant a violé les art. 5, 7 et art. 9 al. 1 let. e LTaxis lors de la course du 5 octobre 2014, effectuée par le biais de l’application Uber au moyen d’un véhicule immatriculé au nom d’un tiers, alors qu’il n’était alors ni titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de limousine, ni titulaire d’une autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant.

a. Selon l’art. 5 al. 1 LTaxis, seul le titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de chauffeur de limousine peut conduire un véhicule pour transporter professionnellement des personnes. L’art. 7 LTaxis pose les conditions de la carte professionnelle de chauffeur de limousine et les droits rattachés à
celle-ci. L’art. 9 LTaxis définit les situations exigeant l’octroi d’une autorisation pour exploiter un service de transport de personnes. Selon l’art. 9 al. 1 LTaxis, l’exploitation d’un tel service est subordonnée à la délivrance préalable de l’une des autorisations suivantes : ( ) autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant (let. e).

b. En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant a effectué du transport professionnel de personne lors de la course litigieuse, ni qu’il n’était alors ni au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou limousine ni titulaire d’une autorisation d’exploiter une limousine au sens de l’art. 9 al. 1 let. e LTaxis. Le fait qu’il ait réalisé cette course en période d’essai, dans un contexte de pourparlers avec un tiers en vue d’un éventuel engagement en tant qu’employé d’une société de transport professionnel de personnes, et qu’il n’ait rien encaissé suite à la course litigieuse, ne changent rien à l’absence des deux documents précités. Dès lors, l’intéressé a violé les art. 5 et 9 al. 1 let. e LTaxis lors de la course litigieuse. Sur ce point, le recours doit être rejeté et la décision querellée confirmée. Quant au reproche lié à l’art. 7 LTaxis, il n’a pas été soumis au préavis de la commission de discipline LTaxis et n'a ainsi pas à être pris en compte dans le cadre du prononcé de la sanction litigieuse. Toutefois, dans la mesure où il s’agit d’un motif de la décision querellée qui est fondée notamment sur un manquement à l’art. 5 LTaxis, et que l’art. 7 LTaxis précise cette dernière disposition, l’absence de prise en compte de l’art. 7 LTaxis n’a pas d’impact sur le présent litige.

7) Il faut également vérifier si le recourant a violé les art. 3 al. 4 et art. 42 al. 6 LTaxis lors de la course litigieuse.

a. Selon l’art. 42 al. 6 LTaxis, les tarifs des limousines sont fixés librement entre l’exploitant et le client par entente préalable. L’art. 3 al. 4 LTaxis dispose que sont considérés comme des « limousines » les voitures automobiles définies à l’alinéa premier servant au transport professionnel de personnes qui ne sont pas affectées au service de taxi et sont mises par réservation préalable à la disposition de clients pour une période de temps, contre rémunération selon des conditions fixées à l’avance entre les parties.

b. D’après le rapport relatif à ladite course rédigé par le directeur de la B______, qui fonde les violations reprochées au recourant, il ressort qu’une fourchette de prix située entre CHF 19.- et CHF 24.- a été annoncée et que le prix payé par ledit client a été de CHF 15.-. Dans la mesure où les parties ont convenu un prix avant la course et que le prix final n’a pas dépassé l’accord préalable sur le prix, il ne peut être reproché au recourant d’avoir violé l’art. 42 al. 6 LTaxis. Le fait que cet accord ait porté sur une fourchette de prix, et non sur un prix unique, ne consacre pas une violation de cette disposition qui laisse les parties « libres » de fixer le tarif des limousines, étant précisé qu’aucune norme n’oblige les parties à s’entendre sur un prix unique ni ne fixe une méthode précise à ce sujet. En particulier et contrairement à ce que semble laisser entendre le service, l’art. 3 al. 4 LTaxis ne pose pas de telles obligations mais va dans le même sens que l’art. 42 al. 6 LTaxis s’agissant de la détermination de la rémunération d’un service de limousine, à savoir la libre entente préalable sur le prix entre les parties. Quant aux critères permettant de fixer ce dernier, ils ne sont pas précisés dans la LTaxis ni dans le RTaxis contrairement à la situation des taxis. Le fait que le client ait indiqué, lors de la commande de la course litigieuse, les lieux de départ et d’arrivée du déplacement sollicité soulève la question de savoir si le véhicule utilisé par le recourant est une limousine au sens de l’art. 3 al. 4 LTaxis. Il en va de même de la tarification que le service attribue à l’application Uber, à savoir une prise en charge de CHF 4.-, un tarif de CHF 0.40 par minute et de CHF 2.20 par kilomètre. Dans la mesure où il n’est pas contesté que le véhicule en cause n’est pas un taxi et qu’il a servi à un transport professionnel de personne, il entre, par défaut et conformément à l’art. 2 al. 2 LTaxis, dans la catégorie des limousines, cette question ne faisant au surplus pas partie de l’objet du présent litige circonscrit par la décision litigieuse. De plus, l’éventuelle violation de l’art. 3 al. 4 LTaxis n’a pas à être prise en compte dans le cadre du prononcé de la sanction litigieuse, puisqu’elle n’a pas été soumise au préavis de la commission de discipline LTaxis. Au vu de ces circonstances, il ne peut être reproché au recourant d’avoir violé les art. 3 al. 4 et art. 42 al. 6 LTaxis. Sur ce point, le recours doit donc être admis et la décision litigieuse annulée.

8) Dans la mesure où il est admis que le recourant a commis, le 5 octobre 2014, une violation des art. 5 et 9 al. 1 let. e LTaxis, il peut être sanctionné pour ces faits conformément à l’art. 45 al. 1 LTaxis.

9) Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister. Les dispositions de la partie générale du CP s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux amendes administratives. Il est nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1493). Quant à la quotité de la sanction administrative, elle doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1024/2016 du 6 décembre 2016 ; ATA/263/2016 du 22 mars 2016 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s).

En l’espèce, dans la mesure où un nombre diminué d’infractions à la LTaxis peut être retenu mais que les infractions les plus graves (à savoir l’absence d’une carte professionnelle et celle d’une autorisation d’exploiter au sens de l’art. 9 LTaxis) sont établies à l’encontre du recourant, la chambre administrative, qui a la compétence de réformer les décisions faisant l’objet d’un recours devant elle (art. 67 LPA), réduira le montant de l’amende infligée au recourant de CHF 2’400.- à CHF 2’000.-, en tenant compte de l’absence d’antécédents figurant au dossier et de la nécessité d’assurer un service de taxi de qualité.

10) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse partiellement annulée au sens des considérants.

Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 250.- sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure limitée de CHF 250.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève, étant donné que le recourant est défendu par le même avocat que celui représentant des personnes tierces dans le cadre des neuf autres procédures parallèles portant sur la même problématique juridique et soulevant, à quelques nuances près, les mêmes griefs (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mars 2015 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 4 mars 2015 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule partiellement la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 4 mars 2015 en réduisant à CHF 2’000.- le montant de l’amende infligée à Monsieur A______ ;

la confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 250.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent Maitre, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :