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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/60/2009

ATA/513/2009 du 13.10.2009 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.11.2009, rendu le 21.04.2010, IRRECEVABLE, 2C_777/09
Descripteurs : ; MÉDECIN ; MESURE DISCIPLINAIRE ; PRESCRIPTION ; ADMINISTRATION DES PREUVES ; EXPERT ; EXPERTISE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONSULTATION DU DOSSIER
Normes : aLPS.108 ; aLPS.110
Résumé : Plaintes de trois assurés auprès de la commission de surveillance des professions de la santé, à l'encontre du médecin-psychiatre qui les a expertisés à la demande de leur assurance perte de gain. Le médecin-psychiatre intervenant comme expert pour des assurances sociales est soumis aux règles disciplinaires sur la surveillance des professions médicales. Avertissement confirmé pour agissement professionnel incorrect, en raison de lacunes dans la méthode de travail de l'expert (temps d'audition insuffisant, notamment), des erreurs figurant dans les expertises (anamnèse des patients) et des propos blessants tenus dans celles-ci.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/60/2009-PROF ATA/513/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 octobre 2009

 

dans la cause

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur X______
représenté par Me Nicolas Jeandin, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1. Monsieur X______ est médecin-psychiatre, autorisé à exercer la profession de médecin dans le canton de Genève.

Il est chef de la clinique V______, spécialisée en conseils médicaux diagnostiques et thérapeutiques, ainsi qu'en expertises et conseils médicaux légaux et économiques.

Expertise de Monsieur W______ :

2. Le 10 novembre 2003, M. X______ a procédé à l’expertise de M. W______, suite à la demande formée par l’assurance perte de gain de ce dernier. Cet assuré se trouvait en incapacité de travail à 100 % pour cause de maladie psychique depuis le 3 décembre 2002. L’expert a conclu à une pleine capacité de travail après avoir entendu l'intéressé, appelé son médecin traitant et pris connaissance des pièces de son dossier, dans lequel figurait un courrier adressé par la Doctoresse Annelise Dewarrat au Docteur Jacques Blondel du 21 mai 2003, recommandant pour ce patient l’arrêt de la prise de « Surmontil » à cause des effets secondaires engendrés par ce médicament.

L’entretien avait duré une heure.

L’assuré avait sollicité une rente de l’assurance invalidité (ci-après : AI) et en attendait la réponse. Il « mentait lorsqu’il prétendait suivre son traitement antidépresseur de Surmontil à en juger par les taux sérologiques nuls le jour de l’entretien » (…). « Il était surprenant que l’assuré n’éprouve aucune amélioration de l’angoisse et des symptômes dépressifs légers malgré une prescription particulièrement forte de médicaments. Ceci suggérait, sur un autre angle, qu’il ne prenait tout simplement pas ses médicaments ou qu’il préférait le bénéfice secondaire des symptômes pour faire prolonger les certificats d’arrêts de travail (…) ».

3. Suite à ces faits, l'assurance a décidé de cesser le versement des indemnités journalières.

4. Le 30 mars 2004, le Docteur Philippe Rossignon, médecin-psychiatre, a également expertisé M. W______ à la demande de son assurance. A l'issue de deux entretiens, il a conclu à une incapacité de travail totale.

5. Le 14 septembre 2004, un troisième expert s'est prononcé sur son cas. Le Docteur Jacques Morand, médecin-psychiatre, a conclu, après deux entretiens, à une incapacité totale de travail, probablement définitive.

Expertise de Madame Y______ :

6. Mme Y______, née en 1956, employée à 50% en qualité de vendeuse à la Coop depuis 1996, a été expertisée par le M. X______ le 12 janvier 2004 à la demande de son assureur pour perte de gain, suite à une incapacité de travail à 100% prononcée le 6 mars 2003 pour maladie psychique. L’expert a conclu à une pleine capacité de travail.

L’entretien avait duré une heure.

L’assurée apparaissait comme une femme qui s’était « joué un scénario tout cuit d’avance ». Elle avait parlé comme une personne qui avait énormément réfléchi à toutes ses limitations. Elle avait pu donner des descriptions pour le moins inédites, quasiment médicales, « que l’on ne retrouvait jamais dans la bouche des malades ».

Sur le plan médical, il n'existait aucun argument pour dire que Mme Y______ se trouvait en incapacité de travail.

7. Suite à cette expertise, Mme Y______ a été licenciée et son assurance a cessé le versement de ses indemnités.

Expertise de Monsieur Z______ :

8. M. Z______, enseignant en incapacité de travail depuis plusieurs mois à 100% en raison d'une dépression, a été expertisé par M. X______ au printemps 2005, à la demande de son assurance perte de gain. L'expertise a conclu à une pleine capacité de travail dès juillet 2005, avec la reprise d'une classe à la rentrée de septembre.

L’assuré présentait les traits d’une personnalité narcissique, avec une assez haute estime de lui-même. Il recourait à des mécanismes de défense archaïques : régression, projection, en particulier sur l’expert, qu’il ressentait de manière agressive avec recours à des mécanismes paranoïaques et représentation d’objets clivés. Comme souvent, lorsqu’une personne narcissiquement blessée se sentait mal comprise et désajustée, les activations de mécanismes de défense archaïques débouchaient sur des revendications outrancières. L’assuré semblait se montrer comme une victime de beaucoup de choses et de beaucoup de personnes et trouvait parfaitement injustifié que, pour ne pas avoir été souvent en arrêt de travail pendant vingt ans et avoir payé ses primes d’assurance indemnités journalières, on lui verse 320 jours d’indemnités. Il avait toutefois la capacité de discernement lui permettant de comprendre que ses plaintes étaient exagérées et qu’il y avait dans sa démarche une recherche de bénéfices secondaires, consciente ou inconsciente.

9. Le 7 juin 2005, le Docteur Constantin Protoulis, médecin traitant de M. Z______, a vertement contesté les conclusions de l'expertise auprès du médecin conseil de l'assurance concernée.

Son patient connaissait un grave épisode dépressif, après avoir effectué quinze ans de travail sans absentéisme avec une application remarquable. Il était dans une réelle incapacité de reprendre sont emploi. L'expertise était pleine d'inexactitudes. L'expert n'avait vu son patient qu'une seule fois ; il travaillait dans une tour d'ivoire et communiquait peu avec le médecin traitant. Ses conclusions étaient fausses.

Articles de presse :

10. Le 1er juin 2004, est paru dans le journal « 24 heures », un article de presse intitulé « Je suis un psychiatre moins profitable aux criminels », qui a alimenté le courrier des lecteurs.

11. En particulier, Mme C______, lectrice, a envoyé à la rédaction un article intitulé « un entretien traumatisant ».

Elle était « l’une des victimes » de M. X______. Après trente minutes d’entretien, lors desquelles elle s’était sentie humiliée par les doutes de l’expert sur son état de santé, elle s’était enfuie de son cabinet, complètement déstabilisée. L’expertise avait conclu à une absence de dépression, d’anxiété et de souffrance personnelle, à une possible attente de bénéfices secondaires de la maladie et à une exagération des symptômes pour des motifs non médicaux. Ce document constituait douze pages d’insultes et d’horreurs qui l’avaient privée d’indemnités, alors qu’elle avait un emploi à 100% et deux enfants à charge. La doctrine de ce médecin était de rechercher systématiquement la simulation, le mensonge, les exagérations et les contre-vérités, sans prise en compte de la souffrance humaine.

Elle concluait en ces termes : Dr X______, « est ce que je suis votre seule victime ? »

12. Suite à cette publication, une autre lectrice a écrit un article publié sous le titre « Je connais une autre victime ». Elle y relatait, avec les mêmes griefs, le cas d’une de ses amies (Mme Y______).

13. Après ces parutions, le conseil de M. X______ est intervenu auprès du journal pour demander la cessation de ce qu’il considérait comme une atteinte à la personnalité.

 

 

Plainte de Mme Y______ :

14. Le 25 mai 2005, Mme Y______ a déposé une plainte contre M. X______ auprès de la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission).

Elle souffrait de dépression et de douleurs aiguës et persistantes depuis 2003 et la première phrase prononcée par l’expert à son arrivée avait été « vous n’avez pas l’air dépressive ! ». Ensuite, ce dernier avait mis en doute chacune de ses réponses avec un air de supériorité qui l'avait humiliée. Le médecin ne croyait pas ses plaintes ; il semblait avoir pris ses conclusions d'expertise dès le début de l’entretien. Il l’avait priée de remplir seule un test psychologique de plusieurs pages, qu’elle avait rendu à la secrétaire sans le revoir. Celle-ci l’avait priée de se rendre dans un immeuble voisin avec un formulaire. Elle s'était retrouvée dans un laboratoire, dans lequel elle avait subi une prise de sang, sans avoir été préalablement informée de cette analyse.

L’expertise était pleine d’erreurs de fait, de jugements portés sur des sujets non discutés, de contradictions et d’inexactitudes. Elle avait cru lire un acte d’accusation de quinze pages concernant quelqu’un d’autre. Les termes utilisés étaient diffamatoires. Elle y était traitée de menteuse et de comédienne. Les conclusions de l'expert étaient contraires à celles des trois autres médecins qui la suivaient (son médecin traitant, un psychiatre et un rhumatologue).

Cette expertise l’avait plongée dans une dépression plus profonde encore.

Elle avait lu plusieurs articles de presse au sujet de ce médecin et souhaitait dénoncer ses pratiques pour éviter que d’autres personnes ne subissent le même sort qu’elle.

15. Le 20 juin 2005, M. X______ s’est exprimé sur la plainte de Mme Y______ devant la commission.

Il avait une longue expérience des expertises médicales assécurologiques. Les tribunaux et les assurances appréciaient la qualité et l’exhaustivité de ses rapports. La plainte avait été déposée longtemps après l’expertise, par des circuits qui permettaient de s’interroger sur son bien-fondé et sur les réelles attentes qui la sous-tendaient.

Il avait à cœur de recevoir chaleureusement les patients et de les mettre à l’aise. Le fait que l’entretien dure au minimum une heure ne signifiait pas une limitation à ce temps-là.

Il ne débutait pas ses entretiens en faisant des remarques aux assurés ; il commençait par leur rappeler sa mission et leur exposer les questions posées. Il cherchait ensuite à saisir la personne dans sa globalité, sans a priori. Il ne posait pas ses diagnostics sur des impressions visuelles, contrairement à ce que soutenait la plaignante.

Un expert donnait une opinion médicale ; il ne prenait pas de décision. Il était faux, dès lors, de penser que son travail pouvait entraîner des conséquences psychotraumatologiques ou une quelconque dépression grave. Les véritables interlocuteurs de l’assuré étaient l’assurance et le médecin-conseil de cette dernière.

16. Mme Y______ a réagi à la réponse de M. X______ devant la commission, le 6 août 2005.

Ce médecin s’étonnait du délai écoulé entre l’expertise et la plainte ; il passait totalement sous silence les différents courriers qu’elle lui avait envoyés consécutivement à l’expertise et dont elle envoyait copie à la commission.

Plainte de M. W______ :

17. Le 10 juin 2005, Monsieur W______ a déposé une plainte auprès de la commission à l’encontre de M. X______.

Il souffrait d’une dépression profonde et de troubles somatoformes douloureux persistants depuis décembre 2002.

Pendant l’expertise, M. X______ lui avait dit qu’il n’obtiendrait jamais l'AI parce qu’il n’était pas malade et lui avait indiqué que son travail n’était pas stressant car il avait été repris par une femme. L'expertise contenait des erreurs de faits et de dates. L'assuré ne s'était pas senti écouté. L'expert lui avait prêté des propos qu’il n’avait pas tenus. Ses conclusions étaient fausses, les médecins et les expertises subséquentes concluant unanimement à une incapacité de travail totale.

Sa plainte faisait suite à des articles de presse parus au sujet de ce médecin.

18. Le 4 octobre 2005, M. W______ a fait part à la commission des éléments complémentaires suivants.

Plusieurs erreurs figurant dans son anamnèse dressée par l’expert.

Ce dernier lui avait reproché d'être passif dans l'attente du résultat de sa demande d’AI, alors qu’une telle demande n’avait pas été déposée.

Il avait affirmé que M. W______ « mentait » lorsqu’il prétendait suivre son traitement de Surmontil, car les taux sérologiques étaient nuls. Or, il résultait d’un rapport médical du 21 mai 2003, en possession de l’expert, que ses médecins avaient décidé d’interrompre ce traitement à cause des effets secondaires de ce médicament.

Plainte de M. Z______ :

19. Le 17 juillet 2005, Monsieur Z______ a déposé une plainte à l’encontre de M. X______ auprès de la commission.

Il souhaitait dénoncer « les pratiques barbares qu’infligeait ce médecin sous une apparence civilisée et professionnelle ». Lors de l’expertise, ce dernier l’avait traité comme une marchandise et avait tenu des propos désobligeants à son égard. L’entretien avait viré en séance de torture. La lecture de l’expertise l’avait profondément insulté. Celle-ci contenait des erreurs et faisait état de propos qu’il n’avait pas tenus. Il en avait été effondré. Il n’était pas suffisamment rétabli pour reprendre son travail d’enseignant et tenir une classe. Ses médecins avaient d'ailleurs confirmé ce fait. En une heure, M. X______ avait balayé plusieurs mois d'efforts et de soins et l'avait plongé dans l'insécurité.

Audition de M. X______ par la commission et suite de la procédure :

20. M. X______ a été entendu par la commission le 19 octobre 2006 au sujet des plaintes susmentionnées.

Lorsqu’il recevait pour la première fois un expertisé, il veillait à son bien-être et mettait à sa disposition de l’eau et des aliments sucrés pour diminuer son stress.

Il ne se fixait pas une limite de temps pour mener sa mission. En général, une expertise AI prenait entre deux et quatre heures. Pour les pertes de gain, il fallait compter entre trois quarts d’heure et une heure et demie.

Il n’effectuait des examens de sang qu’avec l’accord de l’intéressé. Ces examens s’inscrivaient dans un axe purement médical et thérapeutique. L’assuré pouvait également les faire chez son médecin traitant. Tant Mme Y______ que M. W______ avaient été parfaitement informés au sujet des dosages sérologiques qu’il leur avait demandé d’effectuer.

A son avis, les plaintes étaient en relation avec l’article paru dans la presse début 2005, qui l’avait décrit comme un expert très dur. Cette publication avait été rédigée par un journaliste qui n’avait pas traduit correctement sa pensée.

Une autre explication pouvait se trouver dans la tendance de certains avocats à instrumentaliser leurs clients pour utiliser une procédure disciplinaire dans le cadre d’une autre procédure, civile ou administrative, ce qui leur permettait, cas échéant, de solliciter une contre-expertise. Certains médecins invitaient également leurs patients à déposer plainte contre des jeunes médecins.

Le style de ses expertises se fondait sur les pratiques en vigueur aux Etats-Unis, où il était coutume de mettre très à plat les constatations et d’être très clair. L’expertisé savait ainsi ce que pensait l’expert de lui et pouvait répondre plus facilement.

Il était possible qu’il n’ait vu Mme Y______ que 50 minutes. Il adaptait le temps de l’expertise aux besoins de sa mission ; cette souplesse n’était pas compliquée à gérer, car il disposait de locaux très spacieux et de personnel en suffisance, ce qui lui permettait de demander à un collaborateur psychologue de recevoir préalablement l’intéressé ou de lui donner son avis, si l’entretien n’était pas terminé.

Il admettait ne voir, en général, les assurés qu’une seule fois. Le médecin traitant communiquait le résultat de l’expertise à son patient. A Genève et à Lausanne, il était coutume de voir les expertisés deux fois. Cette pratique était destinée, à son avis, à éviter la critique. Une seule audition suffisait et ne l’empêchait pas de reprendre les propos du patient en présence de ce dernier pour corriger d’éventuelles erreurs de transcription ou de compréhension, ce qu'il faisait d'ailleurs souvent.

21. Le 18 décembre 2006, M. X______ a nié l'existence de toute faute professionnelle devant la commission.

La qualité de son travail ne pouvait être remise en cause. Les plaintes déposées étaient infondées et découlaient exclusivement d'un sentiment de déception et d'acrimonie à son encontre, suite aux conclusions négatives de l'expertise, à cause des conséquences importantes de celles-ci sur la vie des patients.

La plainte de M. Z______ était probablement consécutive à son incompréhension quant au rôle de l’expert et au résultat de l’expertise.

22. Le 9 octobre 2008, M. X______ a demandé à la commission une copie de son dossier, relativement à la procédure concernant M. W______.

23. Cette juridiction a répondu à la demande de communication du dossier de M. X______, le 22 octobre 2008.

Bien qu’elle ait déjà précédemment transmis à M. X______ une copie de l'intégralité de ce dossier, elle lui renvoyait les pièces demandées une nouvelle fois, à l’exception d’un courrier et de ses annexes, communiqués le 6 octobre précédent.

24. La commission a rendu son préavis au département de l'économie et de la santé (ci-après : DES), le 13 novembre 2008, concluant au prononcé d'un avertissement.

25. Dans une décision du 4 décembre 2008, le département a entériné cette proposition, pour des motifs qui seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

En substance, les conclusions des expertises n'étaient pas mises en cause, car seules des contre-expertises pouvaient les mettre en doute. En revanche, la méthode de travail de ce médecin-expert n'était pas satisfaisante ; il ne prenait pas assez de temps pour ses entretiens, manquait de rigueur dans l'établissement de l'anamnèse du patient, ne voyait l'assuré qu'une fois et non deux, utilisait des termes inutilement blessants dans ses rapports avec les expertisés et n'était pas suffisamment clair à leur égard sur son rôle d'expert.

26. Le 17 décembre 2008, le nouveau conseil de M. X______ a demandé au département de lui envoyer une copie de l'intégralité des trois dossiers objets de la décision, avant le 5 janvier 2008, le délai pour recourir contre celle-ci échéant le 8 janvier 2009.

27. Cette demande a été transmise par le département à la commission, par courrier du vendredi 19 décembre 2008.

28. Ces copies ont été envoyées au mandataire de M. X______ entre le 5 et la mi-janvier, à une date qui n'est pas établie.

29. Par acte du 7 janvier 2009, M. X______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, concluant à son annulation.

Son droit d'être entendu avait été violé ; son conseil avait demandé au département une copie de son dossier dès réception de la décision attaquée, sans succès. Par économie de procédure, il ne concluait pas à l'annulation de la décision pour ce motif, mais à ce qu'il soit ordonné au département de fournir les pièces demandées.

La soumission des expert-psychiatres à la surveillance de l'Etat ne figurait pas explicitement dans la loi. Seuls les médecins étaient soumis à une telle surveillance ; l'expert-psychiatre n'exerçait pas la profession de médecin dans sa fonction d'expert. Il n'existait aucun lien juridique entre lui-même et l'expertisé. Faute d'une base légale soumettant la profession d'experts à surveillance, la sanction disciplinaire violait le principe de la légalité.

La prescription était acquise s'agissant de la plainte de M. W______. Il fallait en effet admettre qu'en l'absence de dispositions expresses figurant dans l'ancienne loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (ci-après : aLPS), applicable au cas d'espèce, la prescription de cinq ans, usuelle en droit administratif, devait s'appliquer. L’expertise ayant été menée en novembre 2003, M. X______ ne pouvait plus être poursuivi pour ces faits.

Les violations aux obligations professionnelles retenues par le département ne se fondaient sur aucune disposition légale ou directive en matière d'expertise ; le droit d'obtenir une décision motivée était dès lors violé.

Sur le fond, l'art. 108 aLPS ne trouvait pas application, car M. X______ n'avait commis aucun agissement professionnel incorrect. Selon la doctrine médicale, l'expert devait s'interdire une approche trop personnelle pour éviter de susciter de la part des personnes expertisées des attentes difficiles à combler. On ne pouvait ainsi lui reprocher sa franchise, considérée par la littérature comme un principe important en matière d'expertise, même si une telle attitude pouvait être déstabilisante. Par ailleurs, M. X______ contestait absolument ne pas avoir dûment expliqué aux intéressés son rôle d'expert. Quant à la durée trop courte de l'entretien et l'absence d'une seconde audition, il n'existait aucune directive sur le sujet, ni au sein du département, ni dans la doctrine, ni dans les lignes directrices de la société suisse de psychiatrie d'assurance pour l'expertise des troubles psychiques, dont il versait des extraits à la procédure. Selon la jurisprudence, pour qu'un rapport médical ait une valeur probante, il fallait que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur les examens complets, qu'il prenne en compte les plaintes exprimées par les personnes examinées, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et, enfin, que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Il n'y avait pas, dans ces exigences, de durée ou un nombre d'entretien proposé.

Le département n'avait pas pris en compte, dans son appréciation, le fait que les plaignants s'étaient vus refuser les prestations auxquelles ils prétendaient et s'en étaient trouvés fâchés.

30. Le département a déposé ses observations le 7 avril 2009 et conclu au rejet du recours.

Le reproche adressé par le recourant à l'encontre du département s'agissant du refus de lui communiquer son dossier était parfaitement infondé ; M. X______ avait changé plusieurs fois d'avocat dans le cadre de cette procédure et l'autorité avait dû envoyer, à lui-même ou à ses avocats successifs, des copies des pièces de son dossier, voire de l'intégralité de ce dernier, à plus de quatre reprises. Une copie dudit dossier lui avait même été envoyée après l'injonction de l'avocat nouvellement constitué, postérieurement au prononcé de la sanction incriminée, avant le délai fixé, pendant la période des fêtes de fin d'année.

La décision était suffisamment motivée, car elle exposait la nature des agissements reprochés, que le recourant avait d'ailleurs très bien compris, puisqu'il les reprenait un par un dans son recours.

L'existence des remarques désobligeantes formulées par M. X______ à l'égard des expertisés lors de ses auditions avait été établie par les déclarations concordantes des plaignants.

En tant que médecin-psychiatre, M. X______ était soumis à la surveillance disciplinaire instituée par l'aLPS.

La prescription n'était acquise pour aucune des plaintes litigieuses, et si tel était le cas pour l'expertise la plus ancienne (celle de M. Z______), cette conséquence était sans incidence sur le bien-fondé de la décision, les agissements professionnels incorrects retenus dans les autres plaintes suffisant à fonder la décision attaquée.

Le principe de l'instruction d'office n'avait pas été violé, car il n'avait pas été établi que l'audition des expertisés n'avait duré qu'une heure et que les propos tenus par l'expert lors de celle-ci avaient été blessants.

Concernant les agissements reprochés, et en particulier, le ton employé dans les expertises, M. X______ soulevait que la franchise était de rigueur. Il perdait cependant de vue qu'il exerçait en qualité de médecin-psychiatre ; les personnes qu'il voyait entre 50 et 60 minutes étaient parfois maintenues en équilibre précaire. Elle étaient susceptibles de régresser ou de s'effondrer à la lecture d'un rapport les concernant, si son contenu était blessant. Ce n'étaient ainsi pas les conclusions de l'expertise qui étaient mises en cause, mais le ton péremptoire employé et les doutes non dissimulés sur la véracité des propos tenus par les personnes expertisées. Ces propos étaient d'autant plus déplacés, au vu du temps consacré à leur écoute.

Certes, il n'existait pas de directive sur le temps minimum d'audition ou sur le nombre de consultations nécessaires dans une expertise. La qualité d'une expertise dépendait néanmoins d'une étude circonstanciée du cas et nécessitait un temps d'audition d'une heure au minimum. L'insuffisance du temps passé dans les cas d'espèce était attestée par les erreurs commises dans l'anamnèse des plaignants. M X______ relevait que ces derniers ne partageaient pas son opinion à ce sujet ; il perdait toutefois de vue que les anamnèses constituaient un recueil de renseignements fourni par le sujet interrogé sur son histoire médicale et qu'il n'était pas possible d'avoir des avis divergents sur ce point.

Le recourant avait ainsi fait preuve d'une négligence dans l'établissement des faits de ses expertises, qui était inacceptable au vu de l'importance des enjeux pour les expertisés.

En sus, M. X______ aurait dû revoir les personnes expertisées avant de rendre son expertise, en raison des conclusions potentiellement conflictuelles qu'il allait prendre, notamment pour leur soumettre son résumé de leur anamnèse. Il admettait lui-même qu'à Genève et Lausanne, il était de coutume de voir les personnes deux fois.

Le recourant avait considéré que la dénonciation de M. Z______ était consécutive à « l'incompréhension du patient quant au rôle de l'expert et quant au résultats de l'expertise ». Il était ainsi malvenu de soutenir que ce reproche ne se basait sur aucun élément factuel concret.

La décision avait retenu comme facteur aggravant le fait que les patients avaient été reçus au sein de la propre clinique de l'expert, créant une obligation accrue d'information quant au devoir d'information de l'expert sur son rôle. Il s'était avéré, après vérification, que les plaignants n'avaient peut-être pas tous les trois été reçus dans la clinique V______, vu la date d'ouverture de la clinique, au bénéfice d'une autorisation d'exploiter datant de janvier 2004. Mme Y______ et M. Z______ l'avaient été en tout cas, ce qui suffisait à fonder la décision sur ce point.

31. Le juge délégué a entendu les parties le 11 juin 2009.

M. X______ a expliqué à cette occasion qu'il avait pratiqué environ 1'200 expertises depuis le début de sa pratique en qualité d'expert à la demande d'assurances privées et de l'AI. Suite à l'accroissement des demandes, il avait créé la Clinique V______, spécialisée dans les expertises et les conseils médicaux. Le centre effectuait actuellement environ mille expertises pas an. Il coordonnait ces dernières sans toutefois participer à chacune d'entre elles.

La sanction qui lui avait été infligée avait la portée d'une condamnation. Il avait recouru contre elle pour ce motif.

Il avait mis sur pied une structure d'accueil adaptée aux besoins de l'expertise. Les patients venaient à la Clinique V______ après avoir été dûment informés par leur assurance du fait qu'ils se présentaient à un tel examen. Dans la salle d'attente, les brochures exposant les deux volets d'activité de la clinique leur était remises. Une fois dans le cabinet, les questions et les buts de l'expertise leur étaient à nouveau précisés. A cette occasion, il leur était demandé s'ils avaient des remarques à ajouter ou des questions complémentaires par rapport à celles posées par l'assurance.

Une expertise était en général vécue comme une contrainte désagréable par les intéressés, qui en outre, venaient souvent de loin et devaient se faire accompagner. Pour ces raisons, l'expertise était d'ordinaire limitée à une consultation. Il arrivait que deux consultations soient nécessaires, notamment lorsque le cas était litigieux.

En moyenne, la durée d'une consultation d'expertise était d'une heure pour la majorité des experts. Cette durée constituait en outre un minimum.

Le ressentiment des plaignants se trouvant à l'origine de la présente procédure s'expliquait sans doute par le fait qu'aucun d'entre eux n'avait obtenu les prestations d'assurance qu'ils souhaitait. Les points prétendument faux relevés par ces derniers dans les expertises litigieuses relevaient d'une stratégie de défense, pour emporter l'adhésion des tribunaux et faire partager leurs points de vue.

32. Les deux documents présentant la clinique de M. X______, donnés aux assurés au début de l'expertise, ont été versées à la procédure à cette occasion.

33. Le département a déposé ses observations après enquêtes, le 24 juin 2009.

M. X______ avait exposé lors de l'audience de comparution personnelle que la durée moyenne de ses expertises était d'une heure. Devant la commission, le 19 octobre 2006, il avait même admis que celle de Mme Y______ avait pu ne durer que 50 minutes ; il ne pouvait dès lors valablement reprocher au département d'avoir violé le principe de l'instruction d'office en ayant tenu ce fait pour établi.

La question de savoir si une personne expertisée devait être revue une deuxième fois ne dépendait pas seulement de l'existence de conclusions contradictoires ; l'importance des enjeux pour ces personnes et le caractère potentiellement conflictuel des conclusions de l'expertise devaient être prises en compte.

M. X______ avait expliqué lors de son audition qu'il donnait avant sa consultation, deux documents aux personnes expertisées, destinés à expliciter le rôle de l'expert. Cette indication confirmait que les plaignants avaient bien été reçus au sein de la clinique, contrairement à ce que le recourant soutenait dans son recours. Par ailleurs, ces dépliants n'étaient rien d'autre que des documents publicitaires ; ils n'étaient pas destinés, ni aptes, à expliciter aux patients le rôle de l'expert.

Le nombre d'expertises effectuées par M. X______ rendait encore davantage nécessaire la sanction très légère prononcée à son égard, qui remplissait un but préventif.

34. Le 29 juin 2009, le recourant a persisté dans ses conclusions, en précisant toutefois que la violation de l'accès au dossier avait été réparée dans la procédure de recours.

Il contestait avoir adopté un ton péremptoire et exprimé des doutes sur la véracité des déclarations des plaignants. Ces accusations ne reposaient sur aucune constatation factuelle concrète. En outre, le droit de l'expert de douter était reconnu par la doctrine médicale.

Les intéressés avaient par ailleurs parfaitement été informés de son rôle d'expert ; qu'ils l'aient ou non pleinement compris était une autre question, qui ne relevait plus de sa responsabilité.

Il prenait le temps nécessaire pour effectuer des expertises de qualité. L'audition durait une heure, mais ne constituait pas l'entier de l'expertise, qui était également composée d'autres éléments (étude du dossier, entretien avec le médecin traitant, rédaction, etc.).

35. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger, conformément à ce qui avait été indiqué aux parties par le juge délégué à la fin de leur comparution, le 11 juin 2009.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56Ass de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03) est entrée en vigueur le 1er septembre 2006. Selon les dispositions transitoires de cette loi, la commission de surveillance connaît de toutes les demandes, plaintes, dénonciations et recours relevant de la LComPS déposés postérieurement à l'entrée en vigueur de celle-ci (art. 34 al. 1er LComPS). En revanche, les affaires introduites avant l'entrée en vigueur de ladite loi et pendantes devant la commission de surveillance des professions de la santé sont instruites (et jugées, si la compétence leur en est donnée par la loi), par cette autorité. La commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ne peut pas en être saisie (art. 34 al. 2 LComPS).

En l'espèce, les plaintes précitées ont été déposées les 25 mai, 10 juin et 17 juillet 2005, soit avant l'entrée en vigueur de la LComPS. Les procédures les concernant étant en cours devant l'ancienne commission au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette commission était compétente pour instruire ces plaintes.

La décision est conforme à la loi de ce point de vue.

3. Entrée en vigueur le 1er septembre 2006, la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) a abrogé la loi sur l’exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (aLPS - K 3 05 ; art. 136 let. e LPS).

Cependant, conformément au principe général de non rétroactivité des lois, le nouveau droit s’applique aux situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur et non à celle survenues auparavant (ATF 130 V 560 p. 562 ; 111 V 46 p. 47 ; ATA/356/2008 du 24 juin 2008 ; voir aussi U. HAEFELIN/G. MÜLLER/ F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zurich, 2006, p. 66, no 327a ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne 1994, p. 171). Les faits à l’origine du litige s’étant déroulés en 2003, 2004 et 2005, soit antérieurement au 1er septembre 2006, et le droit actuellement en vigueur ne prévoyant pas, au chapitre des sanctions administratives, de régime plus favorable au recourant, le cas d’espèce reste, au plan du droit matériel, régi par la aLPS, en vigueur au moment des faits (ATA/205/2009 du 28 avril 2009, consid. 1.2 ; ATA/204/2009 du 28 avril 2009, consid. 1.5 ; ATA/412/2008 du 26 août 2008 consid. 2.a).

4. En tant que médecin-psychiatre autorisé à exercer la profession de médecin au sein d'une clinique, il n'est pas discutable que M. X______ est soumis à la surveillance des professions de la santé instituée par la loi, sous l'ancien, comme sous le nouveau droit (art. 2 al. 1 let. a et 41 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 - Loi sur les professions médicales, LPMéd - 811.11 ; art. 3 ch. 1 let. a aLPS ; art. 3 al. 2 let. j, 71A et 126ss LS), indépendamment des procédures qui peuvent être initiées suite à ses expertises auprès d'autres autorités ou juridictions, visant à en contester les conclusions ou les effets (recours contre la décision de cessation des prestations d'assurance, recours contre un refus d'octroi d'une rente AI, etc.). M. X______ est mandaté par les assurances sociales en qualité de médecin ; il doit être soumis à surveillance, ce d’autant plus qu'il se présente comme un psychiatre expert dont les conclusions et les propositions bénéficient d'une crédibilité accrue. C'est en vain que le recourant tente de se soustraire à cette surveillance, en alléguant qu'il n'existe pas de rapport contractuel entre l'assuré et lui-même. Cette question souffre de rester ouverte, car elle n'est pas déterminante. En effet, la surveillance des professions n'est pas liée nécessairement à l'existence d'une telle relation. Un avocat peut violer des règles professionnelles à l'égard d'une autre personne que son client et faire l'objet d'une procédure disciplinaire pour ce motif, sans qu'une relation contractuelle n'existe entre eux. Cette circonstance aurait même tendance à renforcer la protection publique visée par les lois de surveillance, le lésé ne pouvant se prévaloir d'une inexécution du contrat. Enfin, il n'est pas anecdotique de relever que M. X______ allègue parallèlement intervenir, dans certains aspects de son expertises (analyses de sang notamment), « dans un axe purement médical et thérapeutique » (audition du 19 décembre 2006 devant la commission).

5. Le recourant considère que le département a violé le principe de l'instruction d'office en ne lui permettant pas d'être confronté aux plaignants, au stade de l'instruction de la plainte, pour établir s'il avait tenu des propos désobligeants à l'égard de ceux-ci et pour déterminer le temps qu'avaient pris les auditions des expertises concernées, la durée d'une heure étant contestée.

Qu'il se fonde sur le principe de l'instruction d'office ou sur le droit d'être entendu (sous l'angle du droit de participer à l'administration des preuves en sollicitant des mesures d'instruction), ce grief est mal fondé.

En effet, concernant la durée des auditions des expertises, M. X______ a admis devant la commission le 19 octobre 2006 que celle de Mme Y______ avait pu ne durer que 50 minutes, ce qui est venu confirmer les dires de la plaignante, malgré la mention d'un entretien d'une heure qui figure dans le préambule de l'expertise. La durée de l'audition de M. W______ est mentionnée dans l'expertise. Quant à celle de M. Z______, il résulte du courrier de l'expert, du 29 août 2005 adressé à la commission, qu'elle a également duré une heure. En outre, dans son audition du 11 juin 2009 par le tribunal de céans, M. X______ expose que ce temps constitue la durée moyenne habituelle des expertises d'assurance pour pertes de gain.

Ces éléments de fait pouvaient ainsi être admis sans autre instruction.

Quant à l'existence de propos désobligeants, on ne saurait reprocher à l'autorité une violation du principe de l'instruction d'office au sujet d'une preuve qui ne pouvait être apportée au sens strict. La commission a tenu ce fait pour établi, en se basant sur les déclarations concordantes des plaignants. Cette question relève de l'appréciation des preuves et il en sera traité ci-dessous.

6. Le recourant relève une double violation du droit d'être entendu. Il se plaint de n'avoir pas eu accès en temps utile à son dossier et du fait que la décision ne remplirait pas les exigences de motivation garanties par ce droit constitutionnel.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d'accéder à son dossier. Cette prérogative comprend en règle générale le droit de consulter les pièces au siège de l'autorité, de prendre des notes et, pour autant que cela n'entraîne aucun inconvénient excessif pour l'administration, de faire des photocopies (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112 et les arrêts cités).

En l'espèce, l'autorité a souscrit à deux reprises aux demandes du recourant de lui transmettre l'intégralité de son dossier. La troisième demande est parvenue à l'autorité en pleines fêtes de fin d'année. Elle a du être traitée par une commission qui ne fonctionne pas en permanence. Même si celle-ci n'a envoyé son dossier au recourant que courant janvier 2009, le droit d'être entendu n'a pas été violé, loin s'en faut. Le dossier avait été transmis plusieurs fois auparavant. Il était au surplus consultable à très courts délais. Aucune violation du droit d'être entendu ne saurait être constatée. Une éventuelle réparation de ce droit devant le tribunal de céans n'entre ainsi pas en ligne de compte.

b. Du point de vue de la motivation de la décision, il suffit que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.33/2008 du 20 mai 2008 consid. 2.1 ; 1B_255/2007 du 24 janvier 2008 consid. 2.1 et arrêts cités ; ATA/489 2008 du 23 septembre 2008 consid. 7).

En l'espèce, la décision attaquée sanctionne l'intéressé au motif qu'il a commis un agissement professionnel incorrect « au sens de la loi K 3 05 » du 11 mai 2001. Bien que la base légale exacte (l'art. 108 aLPS) de l'infraction retenue ne soit pas mentionnée expressément, le fondement de la sanction y est clairement explicité. La base légale sur laquelle le département fonde sa compétence pour prendre ladite sanction (l'art. 110 al. 2 aLPS) est indiquée dans les motifs. Avec ces éléments, le recourant pouvait savoir ce qui était retenu contre lui et préparer utilement sa défense. L'absence de référence à des publications ou à des directives circonscrivant les obligations des experts en matière d'assurance sociale relève du fond (légalité de la sanction sous l'angle de sa prévisibilité pour la personne incriminée), et non de ce grief formel.

En conséquence, aucune violation du droit d'être entendu ne saurait être retenue.

7. Le recourant soutient que la prescription est atteinte s'agissant de la plainte de M. W______, déposée le 10 juin 2005 au sujet d'une expertise menée en novembre 2003. Pour résoudre cette question, il convient préalablement de déterminer quel est le droit applicable, au titre de la lex mitior (sur l'application de ce principe aux règles sur la prescription, cf. Arrêts du Tribunal fédéral 2A.310/2006 du 21 novembre 2006 consid. 3 et 6P.184/2004 du 9 mars 2005 consid. 8.1).

a. Selon le droit actuel, applicable depuis le 1er septembre 2007, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (Loi sur les professions médicales, LPMéd - 811.11), la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (art. 46 al. 1er LPMéd en relation avec l'art. 133A LS). Tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés entraîne une interruption du délai de prescription (art. 46 al. 2 LPMéd). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (art. 46 al. 3 LPMéd).

En l'espèce, la plainte a été déposée par M. W______ le 10 juin 2005, soit avant l'échéance des dix ans depuis l'expertise contestée, qui date de novembre 2003. La commission a immédiatement instruit la plainte et le département a pris sa décision le 4 décembre 2008, de sorte que la prescription n'est pas acquise en application du nouveau droit.

b. La loi applicable au moment de l'agissement incriminé, soit la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001, ne contient pas de règles sur la prescription.

Selon la jurisprudence constante applicable au moment de l'agissement incriminé, soit en 2003, la prescription relative pour les infractions commises par les professionnels de la santé était de cinq ans et la prescription absolue de sept ans et demi (ATA/616/2005 du 20 septembre 2005 ; ATA/37/2001 précité). Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette jurisprudence, dont la validité a été confirmée à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.652/2003 du 8 février 2005, consid. 5 et 2P.180/2002 du 12 août 2003, consid. 5, ad ; ATA/324/2002 du 11 juin 2002).

En application de ces règles, la plainte n'est pas prescrite non plus, la procédure ayant été ouverte et instruite, sans discontinuer, de 2005 à ce jour.

Cette exception doit donc être rejetée.

8. A teneur de l'art. 108 al. 2 let. b aLPS, le médecin qui a commis un agissement professionnel incorrect dûment constaté et qualifié comme tel par la commission peut faire l'objet, notamment, d'un avertissement prononcé par le département (art. 110 al. 2 let. a aLPS).

9. Par agissement professionnel incorrect, il faut entendre l'inobservation d’obligations faites à tout praticien d'une profession de la santé, formé et autorisé à pratiquer conformément au droit en vigueur, d'adopter un comportement professionnel consciencieux, en l'état du développement actuel de la science. Cet agissement professionnel incorrect peut notamment résulter d'une infraction aux règles de l'art, de nature exclusivement technique, par commission, par omission ou par une violation de l'obligation générale d'entretenir des relations adéquates avec les patients (ATA/205/2009 du 28 avril 2009 ; ATA/204/2009 du 28 avril 2009, consid. 1.5 ; ATA/412/2008 du 26 août 2008, consid. 2.a ; ATA/687/2003 du 23 septembre 2003).

L'interprétation de cette notion indéterminée peut être revue librement par la juridiction de recours, lorsque celle-ci s'estime apte à trancher en connaissance de cause. Cependant, si ces notions font appel à des connaissances spécifiques, que l'autorité administrative est mieux à même d'apprécier qu'un tribunal, les tribunaux administratifs et le Tribunal fédéral s'imposent une certaine retenue lorsqu'ils estiment que l'autorité inférieure est manifestement mieux à même d'attribuer à une telle notion un sens approprié au cas à juger. Ils ne s'écartent en principe pas des décisions prises dans ces domaines par des personnes compétentes, dans le cadre de la loi et sur la base des faits établis de façon complète et exacte (ATF 109 IV 211 ; 109 Ib 219 ; ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; ATA/687/2003 du 23 septembre 2003 ; ATA H. du 29 avril 1992 ; ATA M. du 7 mars 1990 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. I., Neuchâtel, 1984, p. 336 et 337).

10. Le département a considéré que la méthode de travail du recourant ne satisfaisait pas aux exigences d'un comportement professionnel consciencieux. M. X______ soutient que ces reproches ne trouvent pas de base légale, que les règles sur lesquelles ils se fondent ne font pas l'objet d'un consensus et ne figurent dans aucun document.

Son raisonnement ne peut être suivi sur ce point. En effet, il résulte des lignes directrices de la société suisse de psychiatrie d'assurance pour l'expertise médicale des troubles psychiques, dont le recourant se prévaut, les principes suivants, notamment :

les troubles psychiques comportent des aspects biologiques, intrapsychiques et socioculturels. Il appartient à l'expert de prendre en compte et de décrire tous ces différents aspects qui sont spécifiques et singuliers pour chaque patient (art. 1.1) ;

pour qu'un rapport médical ait valeur probante, il faut que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée et motivée par l'expert et que le rapport d'expertise se fonde sur des examens complets, tenant compte des plaintes de l’assuré et des données exhaustives du dossier médical (art. 1.2) ;

L'expert doit occuper une position impartiale et neutre entre l'assurance et l'expertisé (…). La réflexion critique apportée par l'expert à ses propres manières de penser, de ressentir et de se comporter constitue un critère de qualité primordial d'une expertise psychiatrique (art. 1.5) ;

L'expert doit prendre en compte l'interaction émotionnelle entre l'expertisé et lui-même, les facteurs motivationnels à l'œuvre chez l'expertisé, de même que les questions liées aux mécanismes de défense, au transfert et au contre-transfert, dans l'esprit du principe médical « primum non nocere ».

Le Tribunal fédéral a jugé que pour évaluer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Un rapport médical a une valeur probante si les points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée, le rapport se fonde sur des examens complets, s'il prend également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, a été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, si la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale sont claires et enfin si les conclusions de l'expert sont dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a ; 122 V 160 consid. 1c et les références ; Arrêt du Tribunal fédéral I.829/02 du 2 mai 2003 c3).

11. En l'espèce, le département a constaté que ces exigences n'étaient pas remplies. S'agissant du temps consacré, elle n'a pas imposé un temps minimum pour l'expertise, ni exigé absolument que l'expert revoie l'assuré deux fois ; elle a constaté qu'avec une heure ou 50 minutes consacrées aux expertisés, en une seule audition, les expertises ne remplissaient pas les exigences de qualité et de contenu requises par la loi.

Le fait que des erreurs ont été commises par M. X______ dans l'anamnèse des expertisés n'a pas été contesté par ce dernier. Les dossiers des patients n'ont pas toujours été étudiés avec le soin requis. Ainsi en est-il allé dans le cas de M. W______ : les conclusions de l'expert se fondent sur la non compliance de ce patient à un traitement dont il ressort de son dossier médical qu'il a été supprimé. Elles se basent également sur d'une demande d'AI inexistante, dont M. W______ attendrait passivement l'issue. Ces erreurs dénotent un manque de rigueur qui n'est pas acceptable.

De même, certains jugements portés par l'expert n'apparaissent pas comme des appréciations sujettes à discussion ; ils sont exposés comme des faits dont la réalité ne peut être mise en doute (pour M. W______ : le patient « ment », n'est pas sincère avec l'expert et ses médecins, n'utilise pas les mesures thérapeutiques qui lui sont proposées, ne veut pas progresser, etc.). Ces affirmations violent les règles essentielles énoncées ci-dessus, relatives au devoir de l'expert de rester critique par rapport à ses propres manières de penser, de ressentir et de se comporter. Contrairement à ce que soutient le recourant, la franchise n'impose pas un tel comportement. L'expert peut rester parfaitement sincère en exposant ce qu'il ressent, à condition que ses impressions apparaissent comme telles et non comme des faits établis.

Cette attitude entraîne elle-même une autre violation ; celle des règles relatives au principe « primum non nocere », car elle blesse et humilie inutilement les patients. Certes, la mission de l'expert est difficile et délicate. Au vu du but poursuivi, ses conclusions ne peuvent pas toujours rencontrer l'adhésion de la part des personnes expertisées. Cette difficulté, la nature potentiellement conflictuelle des conclusions à prendre, l'état psychologique souvent fragilisé des personnes expertisées et les conséquences très importantes qu'une telle expertise peut entraîner dans la vie des personnes concernées, sont autant de facteurs imposant à l'expert une grande rigueur dans la réalisation de sa mission.

Cette rigueur a fait défaut en l'espèce.

L'information donnée par M. X______ aux plaignants au sujet de son rôle d'expert prête également le flanc à la critique. Il ressort en effet des deux brochures versées à la procédure, données par le recourant aux expertisés à des fins d'information, que ces documents sont établis à de pures fins publicitaires. Ils ne comportent aucune indication propre à informer le patient sur ce qui est attendu de lui pendant l'expertise (les moyens dont il dispose pour vérifier les faits établis pas l'expert, les tests psychologiques qu'il va devoir remplir, les analyses de sang auquel il doit se soumettre, à quelles conditions il peut s'y opposer et avec quelles conséquences pour lui, etc.).

Cette information est inadéquate et ne saurait être considérée comme participant à l'information qui doit être donnée par l'expert dans ces circonstances.

Ces manquements suffisent à fonder une infraction aux règles professionnelles au sens de l'art. 108 aLPS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la réalité des propos blessants et inadéquats qu'aurait tenus M. X______ pendant ses auditions d'expertise aux dires des assurés concernés. En effet, vu la clémence dont le département a fait preuve et l'interdiction de la reformatio in pejus, l'existence de ceux-là n'a pas besoin d'être établie pour que la sanction soit confirmée tant dans son principe que dans sa quotité.

12. S'agissant de cette quotité, l’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité, une telle sanction n’étant pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise, mais à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient, c’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction. Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003).

En l'espèce, il est frappant de constater que l'expert ne s'est pas interrogé, ne serait-ce qu'une fois dans la procédure, sur sa façon de travailler. Il n'a cessé de vanter la qualité de son travail, de ses méthodes et de ses expertises, alors même que quatre personnes (les trois plaignants et une lectrice) ont soutenu avec une véhémence peu commune que ses méthodes et la formulation de ses conclusions les avaient profondément blessées et humiliées. Cette attitude surprend de la part d'un médecin-psychiatre, dont la vocation est d'être à l'écoute des plaintes des patients, que celles-ci soient fondées ou non.

La sanction infligée apparaît clémente, eu égard à cette attitude et aux infractions retenues.

13. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

14. Le présent arrêt sera communiqué, pour information, au Tribunal cantonal des assurances sociales, qui connaît des litiges connexes, fondés sur le droit des assurances sociales (art. 56V LOJ).

15. Il sera mis à la charge du recourant, qui succombe, un émolument de CHF 2'000.-. Aucune indemnité ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 janvier 2009 par Monsieur X______ contre la décision du département de l'économie et de la santé du 4 décembre 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur X______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Jeandin, avocat du recourant, au département de l'économie et de la santé, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients et, pour information, au Tribunal cantonal des assurances sociales.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :