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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/920/1997

ATA/616/2005 du 20.09.2005 ( CE ) , ADMIS

Descripteurs : SUSPENSION; MEDECIN; SANCTION DISCIPLINAIRE; PRESCRIPTION ABSOLUE
Normes : CP.71; LPS.1
Résumé : Médecin-dentiste radié du registre des médecins-dentistes pour une durée de six mois. Sanction annulée par le TA en raison de l'écoulement du temps dès lors que les faits reprochés au recourant remontent tous à plus de 7 ans et demi. Prescription absolue applicable par analogie à la poursuite disciplinaire des infractions commises par des professionnels de la santé.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/920/1997-CE ATA/616/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 septembre 2005

dans la cause

 

Monsieur F__________
représenté par Me François Tavelli, avocat

contre

CONSEIL D'éTAT DE LA RéPUBLIQUE ET CANTON DE GENèVE


 


1. Le Docteur F__________ exerce la profession de médecin-dentiste depuis le 8 décembre 1975.

2. Par arrêté du 18 août 1997, le Conseil d’Etat a prononcé la radiation de l’inscription du Dr F__________ du registre des médecins-dentistes pour une durée de 6 mois, pendant lesquels il lui était interdit d’exercer sa profession dans le canton de Genève et ce, sur la base du préavis de la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission), suite au dépôt de plaintes de plusieurs anciens patients, à savoir Mesdames T__________, A__________, R__________ et Monsieur R__________, en raison de traitements terminés pour la plupart en 1995.

Les faits allégués à l’appui de ces dénonciations étaient avérés et manifestement constitutifs d’agissements professionnels incorrects graves. Les griefs retenus à l’encontre du Dr F__________ étaient par ailleurs corroborés par la commission des litiges de l’association des médecins-dentistes de Genève (ci-après : la commission des litiges) qui connaissait ce praticien pour l’avoir interpellé à 15 reprises, de 1991 à 1995 et ce, dans la majorité des cas, pour la qualité insuffisante des soins prodigués. De même, par courriers des 2 juillet et 10 octobre 1996, l’office cantonal des personnes âgées (OCPA) s’était adressé à la commission pour lui indiquer que malgré de nombreuses interpellations, le Dr F__________ n’avait jamais jugé bon de justifier les facturations présentées à certaines patientes. Enfin, ce médecin-dentiste avait déjà été sanctionné par le département de l’action sociale et de la santé (ci-après : le DASS ou le département) en 1992 pour mauvaise exécution de son travail et s’était vu infliger un blâme.

3. Le Dr F__________ a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 22 septembre 1997. Il conclut, préjudiciellement, à la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit connu des procédures civiles instruites par-devant le Tribunal de première instance (causes C/8181/1997-l et C/8405/1997-c) et, principalement, à l’annulation de la décision du Conseil d’Etat ainsi qu’au versement d’une équitable indemnité à titre de dépens.

Dans le cadre des deux procédures civiles susmentionnées, une expertise serait prochainement ordonnée afin de déterminer la qualité des soins prodigués. Le sort de la présente procédure étant en étroite connexité avec celles pendantes devant le Tribunal de première instance, il apparaissait judicieux de suspendre celle-ci jusqu’à droit jugé devant les instances civiles. Cela étant, la majeure partie des faits qui lui étaient reprochés concernait des traitements effectués il y avait de nombreuses années et ils étaient par conséquent prescrits. Enfin, la décision du Conseil d’Etat n’était pas suffisamment motivée, les faits qui lui étaient reprochés infondés et la sanction disproportionnée.

4. Le 24 septembre 1997, le Tribunal administratif a prononcé la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit connu dans les procédures civiles susmentionnées.

5. Par courrier du 29 février 2000, Mme A__________ a adressé pour information à la commission ainsi qu’au Tribunal administratif, copie d’un rapport d’expertise du Dr P__________, médecin-dentiste à la policlinique de Lausanne, rendu dans le cadre de la procédure civile l’opposant au Dr F__________.

Il ressortait en substance de ce document que le cas de Mme A__________ résultait d’une succession de fautes professionnelles particulièrement graves, liées à une négligence thérapeutique.

6. Le 26 juin 2000, le Tribunal administratif a demandé au Dr F__________ de bien vouloir lui faire parvenir une copie de l’arrêt rendu par la Cour de justice le 18 juin 1999 dans la cause l’opposant à Mme T__________, ce qu’il a fait le 28 du même mois. Copie dudit arrêt a été adressée au Conseil d’Etat le 6 juillet 2000.

Dans son arrêt, la Cour de justice retenait l’existence de plusieurs fautes professionnelles ainsi que la violation du devoir d’information de ce praticien à l’égard de sa patiente. Celui-ci était condamné au remboursement de frais de dentiste à hauteur de CHF 538.20 ainsi qu’au versement d’un montant de CHF 7'500.- en réparation du tort moral.

7. Par courrier du 8 mars 2005, le Tribunal administratif s’est adressé au Dr F__________ afin de connaître l’évolution des procédures civiles et pénales en cours.

8. Ce dernier a informé le tribunal de céans, le 30 mars 2005, qu’aucune information pénale n’avait été ouverte à son encontre et qu’en outre, il soulevait l’exception de prescription pour tous les faits qui lui étaient reprochés. Une copie du jugement du Tribunal de première instance du 19 décembre 2002 l’opposant à Mme T__________ ainsi que de l’arrêt de la Cour de justice du 10 octobre 2003 l’opposant à Mme T__________ étaient versées à la procédure.

9. Le département a fait parvenir ses observations le 14 juin 2005 dans lesquelles il conclut au rejet du recours, sans toutefois se prononcer sur l’exception de prescription soulevée par le recourant.

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 lit. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 2. Par décision du 24 septembre 1997, la présente procédure a été suspendue jusqu’à droit connu dans les procédures civiles C/8181/1997-1 et C/8405/1997-c. La Cour de justice a rendu deux arrêts dans les causes susmentionnées les 18 juin 1999 et 10 octobre 2003. La procédure devant le tribunal de céans est ainsi reprise de plein droit depuis cette dernière date.

3. La loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical a été modifiée le 11 mai 2001. La novelle est entrée en vigueur le 1er septembre 2001 (LPS - K 3 05). En vertu du principe de la non-rétroactivité, le nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, 2ème édition, Berne, 1994, p. 178, n° 2.5.3. ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème édition, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 116). Le droit nouveau ne peut avoir un effet rétroactif que si la rétroactivité est prévue par la loi, est limitée dans le temps, ne conduit pas à des inégalités choquantes, est motivée par des intérêts publics pertinents et ne porte pas atteinte à des droits acquis (P. MOOR, op. cit., p. 179-180 ; B. KNAPP, op. cit., p. 118). Etant donné que la LPS ne prévoit pas d’effet rétroactif et que les faits reprochés au Dr F__________ se sont déroulés avant le 1er septembre 2001, la présente espèce sera jugée selon les dispositions de l’ancien droit (aLPS - K 3 1).

4. a. Comme le Tribunal administratif a déjà eu l’occasion de le relever, l’aLPS, tout comme la LPS d’ailleurs, ne contiennent aucune disposition sur la prescription des sanctions qu'elles instaurent (ATA/37/2001 du 23 juillet 2001 ; ATA/459/1998 du 28 juillet 1998).

De jurisprudence constante, le Tribunal administratif fixe par conséquent la prescription relative à la poursuite disciplinaire à cinq ans et la prescription absolue à sept ans et demi pour les infractions commises par les professionnels de la santé par comparaison avec des professions également soumises à la surveillance disciplinaire, tels les avocats ou les notaires (ATA/37/2001 précité ; art. 55 al. 2 de la loi genevoise sur le notariat du 25 novembre 1988 ; LNot - E 6 05 ; art. 51 de la loi genevoise sur la profession d'avocat du 15 mars 1985, abrogé à la suite de l'entrée en vigueur de l'art. 19 de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats ; LLCA - RS 935.61). Le bien-fondé de cette jurisprudence a été confirmé à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.652/2003 du 8 février 2005, consid. 5 et 2P.180/2002 du 12 août 2003, consid. 5, ad ATA/324/2002 du 11 juin 2002).

b. Selon l'article 71 du Code pénal suisse du 31 décembre 1937 (CP - RS 311.0), la prescription court du jour où le délinquant a exercé son activité coupable, si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises, du jour du dernier acte ou si ses agissements coupables ont une certaine durée, du jour où ils ont cessé.

La radiation pour une durée de six mois du registre des médecins-dentistes est manifestement de nature disciplinaire. Elle sanctionne la commission de plusieurs fautes professionnelles et un comportement non conforme aux règles de la profession médicale. Le tribunal de céans relève toutefois qu’en l’espèce, la majorité des faits reprochés au recourant sont antérieurs à 1995, étant précisé que l’OCPA s’est encore plaint du comportement de ce dernier en juillet et octobre 1996, car certaines de ses factures ne correspondaient pas aux soins effectivement prodigués. Partant, en application de la jurisprudence précitée, force est d’admettre que la prescription absolue pour la poursuite disciplinaire était acquise, fin avril 2004 déjà.

5. Le recours est admis et la sanction prise à l’encontre du recourant annulée. Ce dernier, qui obtient gain de cause en raison du seul écoulement du temps, n’a pas droit à une indemnité de procédure. Il ne sera en revanche pas condamné aux frais de celle-ci.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 septembre 1997 par Monsieur F__________ contre l’arrêté du Conseil d'Etat du 18 août 1997 ;

au fond :

l’admet ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me François Tavelli, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat et à la commission de surveillance des professions de la santé du canton de Genève.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :