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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3951/2015

ATA/1547/2017 du 28.11.2017 sur JTAPI/934/2016 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PLAN D'AFFECTATION ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.29.al2 ; LAT.29.al2 ; LCI.1; LExt.15A ; RPUS.2.al1 ; RPUS.9 ; LCI.3.al3
Parties : VILLE DE GENÈVE / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, LA MOBILIERE SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES SA, MOBILIÈRE SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES, AGENCE GÉNÉRALE DE GENÈVE, DENIS HOSTETTLER
Résumé : Confirmation de la situation au rez-de-chaussée d'une arcade, compte tenu de la déclivité de la rue dans laquelle elle se trouve. Le RPUS est donc applicable in casu, conditionnant l'examen du nouvel aménagement de celle-ci. Les conditions de son changement d'affectation, soit des commerces en bureaux ouverts, admis par arrêt antérieur, n'ont pas été reprises dans l'autorisation de transformer alors octroyée. Compte tenu des circonstances à cet égard, de l'aménagement actuel davantage destiné à recevoir la clientèle, des services proposés et de l'environnement de cette arcade, il y a lieu de permettre aux intimées d'y conserver leur activité. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3951/2015-LCI ATA/1547/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 novembre 2017

3ème section

 

dans la cause

VILLE DE GENÈVE

contre

MOBILIÈRE SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA,
représentée par Me Andreas Fabjan, avocat

et

MOBILIÈRE SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES, AGENCE GÉNÉRALE DE GENÈVE, DENIS HOSTETTLER,
représentée par Me Andreas Fabjan, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2016 (JTAPI/934/2016)


EN FAIT

1) Inscrite au registre du commerce en 2005, la Mobilière Suisse Société d'assurances, Agence générale de Genève, Denis Hostettler (ci-après : l'agence la Mobilière) est une entreprise en raison individuelle, dont le but social est l'exploitation de l'agence générale de Genève de la Mobilière Suisse Société d'assurances (ci-après : la Mobilière Suisse SA), sise à Berne.

2) a. La Mobilière Suisse SA est propriétaire de la parcelle n° 5'789 feuille 28, en ville et commune de Genève, section Cité, sur laquelle est érigé un immeuble destiné à l'habitation et à des bureaux, sis à l'angle des rues de la Cité 1 et de la Confédération 4.

b. Actuellement, l'agence la Mobilière occupe l'arcade située à gauche de l'entrée de l'immeuble, dont l'accès se fait de plain-pied par la rue de la Cité 1. L'arcade de droite est occupée par le restaurant à l'enseigne Edward's, tandis que celle située en-dessous, donnant sur la rue de la Confédération 4, est louée par une boutique à l'enseigne de la Chemiserie Centrale. L'entrée de l'immeuble par la rue de la Cité 1 comprend deux sas. Le premier sépare l'accès des arcades occupées par l'agence la Mobilière et le restaurant Edward's, du second donnant sur les ascenseurs permettant d'accéder aux étages.

Compte tenu de cette configuration du bâtiment concerné, la problématique liminaire réside dans la définition de l'étage auquel se trouve l'arcade occupée par l'agence la Mobilière, à savoir au rez-de-chaussée ou à l'entresol, laquelle conditionne l'application du plan d'utilisation du sol (ci-après : PUS) ayant une incidence sur une affectation conforme au règlement relatif aux PUS de la Ville de Genève (ci-après : la ville) du 20 février 2007 approuvé par le Conseil d’État le 27 février 2008 (RPUS - LC 21 211).

3) Le 17 octobre 1988, la Société Immobilière Cité Fontaine (ci-après : la SI), alors propriétaire de ladite parcelle, a déposé une demande d'autorisation de construire DD 90'156 portant sur la transformation des deux arcades du
rez-de-chaussée, situées à droite (sic) de l'entrée de l'immeuble à la rue de la
Cité 1, le changement et la rénovation de l'ensemble des vitrages desdites arcades, ainsi que la transformation et la rénovation complète du chauffage, afin d'y installer la réception de la Mobilière Suisse SA, détentrice de son capital-actions.

4) Par arrêt du 5 février 1992 (91.TP.105), le Tribunal administratif, devenu le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a rejeté le recours interjeté par le département des travaux publics, devenu depuis le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), contre la décision de la commission de recours en matière de constructions (ci-après : CCRC), annulant sa décision de refus d'autorisation de construire du 7 juin 1990.

Le fait que l'arcade concernée soit considérée comme située au
rez-de-chaussée, et non à l'entresol, de l'immeuble n'était pas contesté par les parties et était retenu par la chambre administrative. Le passage d'un commerce à un bureau ouvert au public constituait cependant un changement d'affectation, l'animation offerte étant moindre. Dans la mesure où le projet prévoyait des aménagements destinés à assurer le maintien d'une certaine animation au sein du quartier, tels que la suppression des bureaux en arrière-arcade, un emplacement pour la location de billets de spectacles, concerts et voyages, ainsi que la mise en place d'expositions itinérantes, il consistait néanmoins en des bureaux ouverts au public. Il était ainsi conforme au PUS. Le dossier était renvoyé au DALE afin qu'il assortisse l'autorisation de transformer d'une charge selon laquelle toute utilisation des locaux devait être conforme au projet autorisé.

5) a. Le 12 juin 1992, la SI a déposé une demande d'autorisation de construire définitive DD 91'818 visant l'aménagement des arcades aux niveaux entresol et rez-de-chaussée, la mise en place de verres isolants, ainsi que le remplacement et la modification du système de chauffage à ces mêmes étages.

Selon les plans produits, l'entresol, accessible directement depuis le rue de la Cité, était conçu comme un vaste espace, servant de réception pour les services véhicules et sinistre, comportant un salon pour les clients, un local d'archives et un local technique.

b. Par décision du 31 août 1992, le DALE a délivré ladite autorisation de construire. Celle-ci ne mentionnait pas expressément la charge sus-indiquée dans l'arrêt du 5 février 1992. Elle précisait en son chiffre 2 : « Demeure réservé l'examen, par les autorités compétentes, de toute demande qu'implique, en particulier, à teneur de la législation fédérale et cantonale, l'exploitation ou l'utilisation, conformément à leur destination, des constructions ou installations présentement autorisées ».

6) Par contrat de bail du 13 juin 2006, l'agence la Mobilière a pris en location à partir du 1er juillet 2006, les « bureaux du rez au 4ème étage », ainsi qu'un local d'archivage au premier sous-sol, sis à la rue de la Cité 1.

7) a. Le 19 septembre 2012, par l'intermédiaire de l'entreprise ASS Architectes Associés SA (ci-après : ASS Architectes), la Mobilière Suisse SA a déposé une requête en autorisation de construire définitive DD 105'234 portant sur la transformation du bâtiment et la pose de panneaux solaires en toiture.

D'après le plan y relatif, la surface de l'entresol représentait 92,9 m2. Un sas était prévu pour les deux entrées des locaux commerciaux du rez-de-chaussée, entre la porte d'entrée du bâtiment et celle permettant d'accéder aux ascenseurs conduisant dans les étages, afin de les séparer.

b. Au mois de juin 2013, l'agence la Mobilière a transféré son siège de la rue de la Cité 1 à la route du Grand-Lancy 6A aux Acacias.

c. Le 12 juillet 2013, l'autorisation définitive de construire DD 105'534 a été délivrée.

8) Par contrat de bail du 5 novembre 2014, l'agence la Mobilière a repris en location les locaux commerciaux sis rue de la Cité 1. La surface était réduite au bureau situé à l'entresol et à un dépôt se trouvant au rez-de-chaussée.

9) a. Le 5 décembre 2014, la Mobilière Suisse SA a déposé une demande d'autorisation de construire complémentaire DD 105'234-5 concernant la modification de l'entrée de l'immeuble sis rue de la Cité 1, ainsi que l'agrandissement de l'arcade commerciale se trouvant à l'entresol de celui-ci.

Selon les plans remis, la surface nette de l'arcade commerciale à l'entresol, totalement dépourvue de cloisons, était augmentée à 116,2 m2. L'entrée de l'immeuble était également réaménagée, avec la pose d'une porte vitrée coulissante pour accéder au bâtiment.

b. Cette autorisation a été accordée le 9 juillet 2015.

10) Le 15 juillet 2015, par l'intermédiaire d'ASS Architectes, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière ont déposé une nouvelle demande d'autorisation de construire DD 42'993 visant l'« aménagement d'une arcade commerciale à l'entresol » de l'immeuble sis rue de la Cité 1.

À teneur des plans produits, sur une surface totale de 108 m2, il était prévu d'aménager un hall d'entrée de 24,60 m2, servant de réception, depuis lequel un couloir de 2,73 m2 menait à deux isoloirs de 6,80 m2 et 8,39 m2, ainsi que deux emplacements de respectivement 17,81 m2 et 18,92 m2, comprenant chacun quatre bureaux disposés en open space, avec un coin cuisine et sanitaires.

11) L'ensemble des services et commissions consultés dans le cadre de l'instruction de la demande ont rendu des préavis favorables, dont la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) en date du 22 juillet 2015, sous réserve « qu'une totale réversibilité de l'ensemble de l'intervention soit assurée » compte tenu de l'intérêt patrimonial du bâtiment.

12) Le 6 août 2015, le DALE, soit pour lui l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), a avisé les requérantes que la ville avait, pour sa part, demandé des informations complémentaires sur l'affectation actuelle des locaux, dans son préavis du 4 août 2015.

13) Par courriel du 12 août 2012, ASS Architectes a répondu que l'affectation future des locaux demeurait inchangée par rapport à celle prévalant avant les travaux, ceux-ci étant destinés à l'activité d'une agence de la Mobilière Suisse SA.

14) Le 3 septembre 2015, la ville a émis un préavis défavorable au motif que l'affectation à destination de bureaux pour une assurance n'était pas conforme au RPUS, s'agissant « d'un lieu hautement fréquenté et bénéficiant d'une continuité commerciale avérée ». L'octroi d'une dérogation n'était pas envisageable.

15) Par courriel du 14 septembre 2015, ASS Architectes a confirmé au DALE que l'agence genevoise de la Mobilière Suisse SA s'était toujours trouvée à cet emplacement depuis la construction de l'immeuble, en 1952. Elle avait fermé provisoirement en raison des travaux de rénovation ayant débuté au mois de janvier 2014. La demande d'autorisation de construire DD 42'993 tendait à la modification de l'aménagement intérieur de l'agence, par le biais de cloisonnements, la fonction principale de celle-ci étant d'accueillir la clientèle et de la conseiller. Les bureaux et le « back-office » avaient été transférés aux Acacias pour cette raison.

16) Par décision du 12 octobre 2015, le DALE a refusé de délivrer l'autorisation de construire APA 42'993 sollicitée.

L'objet de la demande se trouvait à l'entresol d'un immeuble situé dans un secteur hautement fréquenté et bénéficiant d'une continuité commerciale avérée. Toutefois, le projet prévoyait l'aménagement d'un bureau pour une assurance, soit des locaux fermés au public au sens de l'art. 9 RPUS. L'affectation envisagée ne permettait ainsi pas de garantir que les activités déployées seraient accessibles au public. Certes, une agence d'assurance occupait ces locaux avant leur fermeture provisoire pour travaux de rénovation. Cependant, la réception occupait précédemment une vaste partie de l'étage, de sorte qu'elle était ouverte au public. Tel n'était plus le cas avec le projet, vu la création envisagée d'isoloirs et d'« open space » sur la majorité des surfaces. Ces éléments ressortaient également du préavis défavorable du 3 septembre 2015 de la ville.

17) Par acte du 11 novembre 2015, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation de construire requise, subsidiairement au renvoi du dossier au DALE, « sous suite de frais et dépens ».

Les modifications apportées à l'aménagement des locaux par rapport à l'état antérieur étaient en réalité minimes. L'agencement prévu dans la requête en autorisation de construire était sensiblement identique à celui existant depuis 1996, alors que l'usage desdits bureaux était déjà affecté à une agence de la Mobilière Suisse SA. Ces locaux étaient sis à l'entresol, et non pas au
rez-de-chaussée, sans être accessibles depuis la rue. En l'absence de changement d'affectation prévu, le RPUS n'était pas applicable à leur demande d'autorisation de construire et la ville n'était pas habilitée à émettre un préavis à cet égard.

18) Dans leurs observations des 17 décembre 2015, respectivement 13 janvier 2016, la ville et le DALE ont conclu au rejet du recours.

Leur argumentation sera reprise ultérieurement dans la mesure utile.

19) Le 4 février 2016, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière ont répliqué.

À l'appui de ces écritures, elles produisaient des photographies de l'intérieur de l'arcade sise rue de la Cité 1, datées du 18 avril 2012, lesquelles montraient une réception, des espaces aménagés sous forme de bureaux et un local de réunion. Des stores masquant l'intérieur des locaux étaient apposés devant les vitres, à l'enseigne de « La Mobilière ».

20) Par duplique des 23 et 25 février 2016, le DALE, respectivement la ville ont persisté dans leurs positions.

21) Le 16 juin 2016 a eu lieu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Monsieur Denis HOSTETTLER a indiqué que la Mobilière Suisse SA disposait de six agences à Genève. Les bureaux, le « back office » et un accueil pour les clients étaient réunis aux Acacias. Les travaux de rénovation effectués à l'agence de la rue de la Cité 1 avaient nécessité la fermeture de celle-ci de fin janvier 2013 à septembre 2015. Actuellement, onze personnes travaillaient à l'agence sise rue de la Cité 1, soit huit conseillers à la clientèle et trois personnes chargées de l'accueil. Elles étaient toutes en contact avec des clients. Les dossiers confidentiels traitaient de sujets personnels, tels les assurances-vie ou des problématiques liées à la santé. En moyenne, environ vingt clients par jour se rendaient à cette agence. 80 % des clients n'étaient pas reçus dans les isoloirs, mais dans l'« open space », le coin cuisine ou à la réception. Avant les travaux, les clients étaient accueillis soit au rez-de-chaussée dans les isoloirs, soit dans les étages. Il n'y avait alors pas de conseillers à la clientèle au rez-de-chaussée. La fréquentation de la clientèle avait augmenté après les travaux en raison de la convivialité du nouvel aménagement et de la proximité recherchée par la Mobilière Suisse SA. Les clients pouvaient venir sur place, payer leur prime, avoir des réponses à leurs questions, ce qui n'était pas le cas dans les autres assurances. Un rendez-vous avec un client durait en moyenne entre dix et quinze minutes. Le client ne se déplaçait en agence que pour la conclusion du contrat, beaucoup de points étant discutés au téléphone auparavant. L'agence n'accueillait que des clients de la Mobilière Suisse SA et ne vendait pas d'autres produits que ceux lui appartenant. La Mobilière Suisse SA ne l'avait jamais fait. La surface accessible aux clients était aujourd'hui plus grande qu'en 1992. Si les méthodes de travail avaient probablement changé, l'affectation des locaux restait la même.

b. Monsieur Donato PINTO, architecte au sein d'ASS Architectes, a notamment précisé, concernant le plan de l'autorisation de construire du 3 juin 2015 (APA 42'993), auquel correspondaient les aménagements actuels, que les clients rentraient depuis le palier de l'immeuble, puis étaient accueillis par des réceptionnistes les dirigeant vers leur conseiller à la clientèle. Soit les conseillers les recevaient dans l'« open space », le coin cuisine autour d'un café, soit dans les isoloirs pour les dossiers plus confidentiels.

c. Les représentantes de la ville et du DALE ont rappelé leur position.

22) a. Les 29 et 30 juin 2016, le DALE, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière, ainsi que la ville ont adressé des observations écrites à la suite de cette audience, chacun maintenant sa position.

La ville produisait notamment des photographies de la vitrine de l'agence la Mobilière, côté rue de la Cité, montrant que celle-ci était couverte sur sa moitié inférieure d'un autocollant publicitaire masquant l'intérieur des locaux.

b. Les 26 juillet et 25 août 2016, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière se sont encore déterminées sur ces écritures.

c. La ville a derechef répondu le 14 septembre 2016.

23) Par jugement du 20 septembre 2016, le TAPI a admis le recours interjeté par la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière, annulant la décision du DALE du 12 octobre 2015.

L'arcade de l'agence la Mobilière était atteignable par quatre marches en raison de la forte déclivité de la rue de la Cité. Elle n'en demeurait pas moins accessible de plain-pied depuis cette rue, de sorte qu'elle devait être considérée comme sise en rez-de-chaussée, même surélevée. L'art. 9 RPUS lui était donc applicable. Cette localisation avait d'ailleurs déjà été retenue dans l'arrêt du 5 février 1992. Le nouvel aménagement des locaux ne constituait cependant pas un changement d'affectation contraire au RPUS dans la mesure où cette arcade visait uniquement à accueillir la clientèle. En outre, les explications de la Mobilière Suisse SA et de l'agence la Mobilière, selon lesquelles la conservation d'une arcade à la rue de la Cité pour un usage majoritairement administratif paraissait peu soutenable en terme de logique économique, compte tenu des coûts d'un loyer au centre-ville, étaient convaincantes. En revanche, l'argument du DALE tiré de la taille de la réception ne l'était pas, puisque les plans prévoyaient une réception et un espace accessible à la clientèle dans sa totalité, contrairement à la configuration précédente. L'infrastructure proposée par le projet répondait à une évolution des méthodes de travail depuis les années 90, de sorte qu'elle était adaptée à un usage ouvert au public. S'agissant du manque d'attractivité des horaires d'ouverture et des vitrines de l'agence la Mobilière, le premier juge suivait l'appréciation de la CCRC dans sa décision du 18 janvier 1991, selon laquelle il était envisageable que d'autres personnes que les assurés de la Mobilière Suisse SA viennent se renseigner sur les modalités de conclusion de contrats d'assurances. Les assurances faisaient également parties des besoins de base de la population et les services mis à disposition par l'agence la Mobilière contribuaient à la diversité des activités présentes dans les alentours. Le fait que l'agence la Mobilière ne vendait que ses propres produits n'apparaissait pas contraire à une activité accessible au public. Cette charge n'était nullement suggérée par la législation applicable, ni par l'autorisation de construire DD 91'818. L'activité de l'arcade n'était donc pas destinée à un public dit captif, tout un chacun pouvant entrer à l'intérieur pour demander des conseils, des renseignements, voire une offre, quant aux produits vendus par l'agence la Mobilière. Ces bureaux présentaient donc une affectation mixte contenant majoritairement des surfaces ouvertes au public, de sorte que celles-ci étaient conformes à l'art. 9 al. 1 RPUS. Au surplus, il n'était pas contesté que l'APA 42'993 respectait les autres dispositions applicables, ni que toutes les instances spécialisées consultées avaient émis un préavis favorable au projet.

24) Par acte du 21 octobre 2016, la ville a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, en concluant à son annulation, à la confirmation de la décision du DALE du 12 octobre 2015, ainsi qu'à la condamnation de la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière en tous les frais et « dépens ».

Contrairement à ce que le premier juge avait retenu, l'arcade concernée n'était pas destinée, pour la nette majorité de sa surface, à des activités accessibles au public, l'espace d'accueil n'en occupant qu'une partie tout à fait réduite, et
celui-ci étant destiné à une clientèle captive. Les dispositions de l'art. 9 RPUS avaient été adoptées afin de maintenir l'animation et l'attractivité du centre-ville et de lutter contre les vitrines mortes. L'examen des plans soumis à autorisation démontrait que l'espace situé à l'arrière de l'arcade ne pouvait constituer, de bonne foi, un local ouvert au public au sens du RPUS de par sa composition, sa disposition et son aménagement pour les huit bureaux individuels des collaborateurs, sa situation à l'arrière de l'office, et l'absence d'espace prévu pour accueillir les clients. L'« open space » était ainsi conçu et aménagé comme un espace dans lequel était déployée une activité administrative de « back office ». Il n'était donc pas destiné à accueillir de la clientèle. Précédemment, l'espace en question était pratiquement dévolu à l'accueil. Il s'agissait d'un vaste espace, entièrement ouvert, de sorte qu'il répondait aux exigences d'attractivité et d'accessibilité au public. Le TAPI avait donc retenu de manière arbitraire que celui-ci était plus important dans le projet APA 42'993 que dans celui précédemment autorisé par la DD 91'818. En outre, les critères sur lesquels il se fondait pour retenir le changement des méthodes de travail depuis les années 90 n'étaient pas explicités. Il ne suffisait pas d'alléguer qu'un espace était ouvert aux clients pour que l'aménagement soit en adéquation avec la destination annoncée des locaux. Les deux isoloirs servant à recevoir des clients dans des conditions de confidentialité ne pouvaient être considérés comme accessibles au public au sens de l'art. 9 ch. 2.2 RPUS. S'agissant de la cuisine, ouverte sur les bureaux en « open space », il apparaissait douteux que l'agence la Mobilière y reçoive ses clients. Ce type d'espace était usuellement destiné aux employés des arcades concernées. Cela étant, la totalité de la surface effectivement destinée à accueillir des clients, soit l'espace d'accueil et la cuisine, ne correspondait nullement à la « nette majorité de la surface » de l'arcade en question. Le TAPI avait donc admis en violation de l'art. 9 ch. 1 RPUS que cette arcade contenait majoritairement des surfaces ouvertes au public.

L'argument tiré de l'impact économique du montant du loyer de l'arcade apparaissait marginal au vu de l'envergure financière de la Mobilière Suisse SA. Les horaires de l'agence la Mobilière correspondaient à ceux des bureaux, ses vitrines, opaques sur leur partie basse, n'étaient pas attractives et la nette majorité de la surface était affectée à des activités de type « back office ». Aucun des critères développés par la jurisprudence pour retenir qu'une arcade répondait aux exigences d'ouverture au public n'était rempli en l'occurrence.

Si la charge, selon laquelle toute utilisation des locaux devait être conforme au projet autorisé n'avait pas été mentionnée dans l'autorisation DD 91'818, il n'en demeurait pas moins qu'elle ressortait clairement de l'arrêt du 5 février 1992. L'exigence de l'affectation mixte n'avait jamais été respectée, ce que le représentant de l'agence la Mobilière avait confirmé en audience. Tant le RPUS que la jurisprudence concernant l'accessibilité des arcades au rez-de-chaussée imposaient une telle affectation, sans qu'il soit nécessaire de la mentionner dans une autorisation de construire. Pour être considérée comme ouverte au public, une arcade devait être destinée à favoriser l'acquisition de la clientèle. Ainsi, c'était l'ouverture à un large public et non seulement aux clients de l'entité en question, qui était déterminante pour apprécier l'accessibilité au public de l'arcade. Le fait que l'autorisation de construire précédemment en force ne contenait pas une charge de maintien d'affectation n'était pas déterminant, cette dernière correspondant strictement aux exigences d'accessibilité au public au sens du RPUS.

La nécessité d'un transport sur place s'imposait d'autant plus que les travaux litigieux avaient déjà été réalisés en dépit du refus d'autorisation du DALE et que les explications des représentants de la Mobilière Suisse SA et de l'agence la Mobilière quant à l'utilisation de la surface paraissaient insolites au vu de l'aménagement de celle-ci. Contrairement aux allégations de la Mobilière Suisse SA et de l'agence la Mobilière, il n'était pas usuel de recevoir des clients dans un espace cuisine, en principe destiné aux employés des agences. Ainsi, en se fondant uniquement sur les déclarations de la Mobilière Suisse SA et de l'agence la Mobilière, le TAPI avait procédé à une appréciation arbitraire des preuves et violé son droit d'être entendue.

25) Par courrier du 26 octobre 2016, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

26) Dans leur réponse du 8 décembre 2016, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière ont conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, « sous suite de frais et dépens ».

27) Dans ses observations du 9 décembre 2016, le DALE a conclu à l'admission du recours interjeté par la ville et à la confirmation de sa décision du 12 octobre 2015.

À juste titre, le TAPI avait retenu que l'arcade de la Mobilière Suisse SA et de l'agence la Mobilière était située au rez-de-chaussée, de sorte que l'art. 9 RPUS était applicable. Vu le but du PUS visant à conserver, voire augmenter l'animation et l'attractivité des quartiers qu'il régissait, la ville relevait à raison que le projet déjà réalisé par la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière ne respectait aucunement la condition d'ouverture au public. L'aménagement des locaux semblait plus destiné à du travail de bureau qu'à l'accueil de clientèle. Compte tenu des propos de M. HOSTETTLER quant à la fréquentation de l'arcade, les employés consacraient environ sept heures trente minutes par jour à des travaux de prospection ou de gestion de leur portefeuille, soit une activité de bureau et de « back office ». Tel que relevé en première instance, la majeure partie des clients venait payer leur prime ou chercher leur carte verte. Il s'agissait donc d'un public captif et non de passants attirés par l'arcade. L'aménagement en question avait ainsi pour conséquence d'affecter les locaux en très nette majorité à une activité administrative, fermée au public, plutôt qu'à une activité d'accueil à la clientèle, ouverte au public, comme c'était le cas auparavant, dans le cadre de l'autorisation DD 91'818. Les allégations des requérantes étaient sans incidence, puisque seules la pertinence et l'adéquation de l'aménagement projeté étaient examinées et déterminantes. Dans le cadre de son écriture de réplique par-devant le TAPI, la requérante avait soutenu pour la première fois que « l'open space » et la cuisine étaient utilisés pour la réception du public. Ces aménagements n'apparaissaient toutefois pas adaptés à une telle utilisation. Il semblait ainsi que la requérante avait tenté en cours de procédure de trouver des nouvelles affectations et justifications aux espaces qu'elle avait déjà aménagés avant la délivrance de l'autorisation de construire de manière non conforme au PUS. Le TAPI avait donc effectué des mauvaises interprétation et application de l'art. 9 RPUS.

Pour le surplus, il reprenait en substance l’argumentation développée par la ville.

28) Le 19 janvier 2017, la ville a répliqué, persistant dans ses arguments.

Au surplus, l'interprétation de l'art. 9 RPUS, faite par la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière, quant à la notion de rez-de-chaussée ne correspondait pas à l'esprit et au but de cette disposition, visant à maintenir l'attractivité du centre-ville. Contrairement à l'arcade de la Chemiserie centrale, dont l'accès se faisait par la rue de la Confédération, celui de l'arcade de la Mobilière Suisse SA se faisait par la rue de la Cité. Il n'était donc pas illogique de retenir que ces arcades étaient toutes deux situées au rez-de-chaussée. L'entrée des locaux de la Mobilière Suisse SA, située juste après la porte d'entrée coulissante de l'immeuble, n'était pas unique en ville de Genève. D'autres arcades sises dans la rue de la Cité ou la Grand-Rue connaissaient cette situation. S'agissant de l'accessibilité des locaux concernés au public, contrairement aux allégations de la Mobilière Suisse SA et de l'agence la Mobilière, des réserves, mentionnées dans le préavis défavorable, avaient d'emblée été émises au sujet de l'affectation de la surface. En outre, le fait que quelques clients pouvaient être reçus pendant un temps limité dans l'espace « back office » n'était pas suffisant pour permettre de retenir que la surface concernée était accessible au public. S'agissant du nombre de visiteurs de l'arcade allégué et non démontré, il était probable qu'une partie importante de ceux-ci étaient uniquement reçus dans le hall d'entrée, lorsqu'ils venaient, par exemple, chercher des attestations. Les horaires d'ouverture de l'agence la Mobilière étaient plus restreints que ceux de deux commerces voisins, soit le magasin Coop Pronto et le café Edward's, et ceux des arcades de la rue de la Confédération, une des rues les plus passantes de la ville, lesquels correspondaient à ceux prévus par la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM - I 1 05). Le fait que le marché des services de billetterie était en crise, n'autorisait pas la Mobilière Suisse SA, ni l'agence la Mobilière à modifier l'affectation de leur arcade. Au demeurant, les autres arcades que celles spécifiquement visées par l'art. 9 ch. 3 RPUS devaient uniquement être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, sans qu'il ne soit exigé que le type d'activité soit maintenu.

29) Les parties ayant été informées que la cause était gardée à juger, la Mobilière Suisse SA et l'agence la Mobilière ont souhaité dupliquer, ce qu'elles ont fait le 15 novembre 2017. Ces écritures ont été immédiatement transmises aux autres parties, la cause restant gardée à juger.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre
2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite un transport sur place pour visiter l'arcade des intimées concernée.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2) ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/356/2016 du 26 avril 2016).

Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'occurrence, un transport sur place n'apporterait pas d'éléments supplémentaires, les documents nécessaires, en particulier les plans des locaux visés et des photographies, décrivant en détail leur agencement, ayant été versés à la procédure. Les parties ont en outre pu se déterminer à réitérées reprises par écrit et par oral sur les faits de la cause. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés par la recourante en toute connaissance de cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête d'instruction.

En conséquence, le grief de la recourante tiré de la violation du droit d'être entendue doit être écarté.

3) Le litige porte sur l'applicabilité du RPUS à une arcade sise rue de la Cité 1, en raison de sa situation, et, cas échéant, de la conformité de la transformation opérée à ses dispositions.

4) Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; art. 1 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Dès que les conditions légales sont réunies, le DALE est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

5) a. Afin de maintenir et de rétablir l’habitat dans les quatre premières zones de construction au sens de l’art. 19 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), et dans leurs zones de développement, d’y favoriser une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée, tout en garantissant le mieux possible l’espace habitable et en limitant les nuisances qui pourraient résulter de l’activité économique (art. 1 al. 1 RPUS), les communes élaborent en collaboration avec l’État et adoptent des PUS approuvés par leur conseil municipal (art. 15A al. 1 de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 - LExt - L 1 40).

À cette fin, les dispositions du RPUS s’appliquent aussi bien aux constructions existantes qu’aux constructions nouvelles (art. 2 al. 1 RPUS).

Selon le plan d'utilisation du sol annexé au RPUS, la ville est découpée en trois secteurs : le premier comprend la vieille ville (secteur 1), le deuxième (secteur 2) est composé de trois sous-secteurs couvrant tous les quartiers de la ville, à l'exception des zones faisant l'objet de plans localisés de quartier (PLQ), ces dernières étant attribuées au troisième secteur (secteur 3). Les parcelles considérées sont située dans le secteur 2.

b. À teneur de l'art. 9 RPUS relatif aux règles applicables aux activités contribuant à l'animation des quartiers, afin de développer l'animation et l'attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l'implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu'elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public (art. 9 al. 1 ch 1.1 RPUS). Cette règle ne s'applique pas lorsqu'une construction nouvelle ne se situe pas en continuité avec des bâtiments dont les rez-de-chaussée sont affectés à des locaux ouverts au public (art. 9 ch. 1.2 RPUS).

Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l'artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l'exclusion des locaux fermés au public (art. 9 ch. 2.1 RPUS). Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l'entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d'avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. (art. 9 ch. 2.2 RPUS).

Les cafés, restaurants, tea-rooms, théâtres, cinémas, musées, salles de concert, de spectacles, de conférences, de lieux de loisirs et d'animations divers, notamment sur le plan social, culturel et récréatif, ainsi que les magasins d'alimentation, situés tout particulièrement au centre-ville (secteur A) ou en bordure des rues commerçantes de quartier (secteur B) selon la carte annexée, conservent en règle générale leur activité en cours d'exploitation ou leur dernière exploitation, s'il s'agit de locaux vacants (art. 9 al. 3 RPUS).

S'il est démontré que l'exploitation des activités, citées aux al. 3 et 4, exercées dans un ou des locaux, ne peut pas être poursuivie, pour d'autres motifs qu'une majoration de loyer excessive ou un prix d'acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce, une dérogation au sens de l'art. 14 peut être octroyée (art. 9 al. 5 RPUS).

Les changements de destination de surfaces de plancher, au sens du présent article seront soumis à autorisation du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, même en l'absence de travaux, en application de l'art. 1 al. 1 let. b LCI (art. 9 al. 6 RPUS).

c. Selon la jurisprudence développée sur l'ancien art. 8 al. 1 du RPUS dont le contenu était similaire à l'art. 9 RPUS, le passage de l'affectation d'un magasin à celle de bureaux ouverts au public constitue un changement d'affectation au sens de cette disposition. En effet, même s'il contribue à assurer une certaine animation au quartier, un bureau ouvert ne la favorise pas autant qu'un commerce (ATA/830/2004 du 26 février 2004 et les références citées).

L'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public, les surfaces au
rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes », constitue manifestement un but d'intérêt public, en particulier dans les zones fréquentées et animées (ATA/830/2004 précité ; ATA/553/2002 du 17 septembre 2002 et les références citées).

Cela étant, la réaffectation de locaux commerciaux sis au rez-de-chaussée d'un bâtiment à une activité administrative dans des bureaux fermés au public a été admise lorsque ceux-ci se trouvaient dans un périmètre où il n'y avait pratiquement pas d'activité ni d'animation piétonne. Ainsi, dans un cas concernant la transformation d'arcades, originairement destinées à une affectation commerciale accessible au public, en des salons privés à un usage personnel et familial, le propriétaire a été autorisé à les garder fermées au public. Cette approche était justifiée au regard du principe de l'égalité de traitement, compte tenu de la présence de deux banques en rez-de-chaussée dans le même périmètre, et de l'inaction des autorités pour faire respecter le PUS et le RPUS (ATA/282/2006 du 23 mai 2006 et les références citées).

d. L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/634/2014 du 19 août 2014 consid. 6c ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 consid. 5c ; ATA/537/2013 du 27 août 2013 consid. 6b ; ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 5 et les références citées). Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. Leur intervention n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/634/2014 précité consid. 6c ; ATA/451/2014 précité consid 5c ; ATA/537/2013 précité consid. 6b ; ATA/117/2011 du 15 février 2011 consid. 7b et les références citées).

e. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi (art. 3 al. 3 LCI).

Selon la jurisprudence, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de ces dernières. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 consid. 5d ; ATA/581/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5b et les références citées). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/86/2015 précité consid. 5d ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 11b ; ATA/719/2013 du 29 octobre 2013 consid. 6c ; ATA/539/2009 du 27 octobre 2009 consid. 4b).

6) a. En l'espèce, la parcelle considérée est située dans le secteur 1. L'adresse des locaux concernés étant rue de la Cité 1, il convient d'examiner leur situation sous cet angle, et non pas sous celui de la rue de la Confédération, quand bien même le bâtiment se trouverait au croisement de ces deux rues. En effet, l'accès à celui-ci s'effectue par la première et non pas par la seconde. La rue de la Cité présentant une déclivité importante, quelques marches permettent d'arriver devant l'entrée de l'immeuble où se trouve l'agence des intimées. La porte d'entrée de celle-ci se trouve immédiatement à gauche de celle du bâtiment, avant une seconde porte permettant effectivement l'accès aux étages. En dépit de la particularité de la configuration de la rue de la Cité, il est manifeste que l'arcade concernée, de
plain-pied par rapport à l'entrée du bâtiment, se trouve précisément au
rez-de-chaussée de celui-ci. Le fait qu'elle soit placée juste après une porte coulissante vitrée n'autorisant encore pas l'accès aux étages de l'immeuble, ne permet pas de considérer qu'il ne s'agit pas d'un passage ouvert au public. Tel que relevé par le premier juge, il apparaît au contraire que telle était bien l'intention des transformations successives de cette entrée. Cet aspect n'avait d'ailleurs fait l'objet, à juste titre, d'aucune discussion dans la cause 91.TP.105, dont l'arrêt du
5 février 1992 avait retenu cette location.

En tant que l'arcade occupée par l'agence des intimées est sise au
rez-de-chaussée du bâtiment à l'adresse rue de la Cité 1, le RPUS lui est applicable. Il conditionne ainsi l'examen du nouvel aménagement de celle-ci.

b. Dans ce contexte, avec le premier juge, il convient de relever que le changement d'affectation de commerces en bureaux ouverts exploités par la Mobilière Suisse SA, avait été admis par la chambre de céans dans son arrêt du 5 février 1992.

Il est vrai que le projet soumis en 1992 avait notamment été autorisé en raison des dispositions prises pour assurer le maintien d'une certaine animation au sein du quartier, consistant essentiellement en une activité accessoire de billetterie et d'organisation d'expositions. Le dossier avait ainsi été renvoyé au département avec la mission d'assortir l'autorisation de transformer d'une charge par laquelle toute utilisation des locaux devait être conforme au projet autorisé. Cependant, ladite autorisation, accordée le 31 août 1992 ne la mentionne aucunement. Au mieux, elle contient une sorte de clause de réserve générale, dont la portée paraît peu claire. De plus, aucun avertissement en ce sens n'a été adressé aux intimées durant près de vingt-cinq ans, alors qu'elles ont déposé plusieurs demandes d'autorisation de construire depuis lors. Ainsi, force est de constater que ni la ville ni le DALE n'ont veillé à ce que cette condition soit respectée, de sorte qu'aucun des deux n'a manifesté une réelle intention de faire respecter le PUS et le RPUS. L'attitude des autorités est d'autant plus surprenante in casu que les bâtiments considérés se trouvent en plein centre-ville et qu'il leur était dès lors aisé de vérifier les éventuelles irrégularités commises.

À cela s'ajoute que l'aménagement antérieur des locaux comprenait déjà des espaces de bureaux, de même qu'un local de réunion, tel que cela ressort des photographies datées du 18 avril 2012. Si l'aménagement proposé comprend désormais deux isoloirs destinés uniquement au traitement des dossiers confidentiels, il n'en demeure pas moins que le reste de la surface est ouvert et conçu dans la perspective de recevoir la clientèle. Alors qu'auparavant, les bureaux de la réception étaient disposés de façon à restreindre l'accès au reste de la surface, sur laquelle étaient disposés des bureaux, celui-ci apparaît au contraire désormais dégagé. Il convient aussi d'admettre que dans la mesure où la totalité du « back office » et des bureaux a été déplacée dans les locaux sis aux Acacias, il apparaît peu concevable de conserver une arcade en centre-ville, uniquement pour y maintenir ce type d'activité sans en obtenir une plus-value. Dans cette perspective, le taux de fréquentation de l'agence allégué par les intimées apparaît crédible, compte tenu des objectifs économiques d'une telle entité.

Concernant les horaires d'ouverture de l'agence de l'intimée, ceux-ci semblent se situer dans une moyenne, compte tenu de ceux, plutôt restreints, de certaines autres arcades de la rue de la Cité et de ceux, relativement flexibles, des restaurants et supermarchés alentours, sans compter la présence de banques dans un périmètre proche. Sur cet aspect également, il y a donc lieu de se référer à l'appréciation du premier juge. Quand bien même une assurance se contenterait de ne vendre que ses propres produits, leur accessibilité et leur nécessité pour la population restent indéniables. À l'inverse, d'autres échoppes destinées à une clientèle spécifique, les services offerts par une assurance répondent aux besoins de nombreux consommateurs. En ce sens, elle favorise la diversité et l'animation.

Au vu ce qui précède, il s'impose de confirmer le jugement entrepris et ainsi, permettre aux intimées de conserver leur activité dans les locaux sis au
rez-de-chaussée de la rue de la Cité 1.

7) Le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la présente procédure faisant suite au non-respect par les parties de l’arrêt du Tribunal administratif du 5 février 1992 (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2016 par la Ville de Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève, à Me Andreas Fabjan, avocat des intimées, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :