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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3650/2019

ATA/308/2021 du 09.03.2021 sur JTAPI/924/2020 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.04.2021, rendu le 27.01.2022, REJETE, 1C_236/2021, D 105827/2
Parties : BANQUE J. SAFRA SARASIN SA ET M. SAFRA JACOB, SAFRA Jacob / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, FAB PRIVATE BANK (SUISSE) SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3650/2019-LCI ATA/308/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mars 2021

3ème section

 

dans la cause

BANQUE J. SAFRA SARASIN SA et Monsieur Jacob SAFRA
représentés par Me Mark Muller, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

et

 

FAB PRIVATE BANK (SUISSE) SA

représentée par Me Delphine Zarb, avocate


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 octobre 2020 (JTAPI/924/2020)


EN FAIT

1) FAB Private Bank (Suisse) SA (ci-après : FAB), anciennement dénommée NBAD Private Bank (Suisse), est propriétaire de la parcelle n° 5'601, feuille 36 de la commune de Genève-Cité, située en 1ère zone à bâtir au sens de l'art. 19 al. 1 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT- L 1 30).

Elle déploie ses activités dans l'immeuble (cadastré sous n° G887 : « bureaux ») érigé sur cette parcelle, à l'adresse 5, quai de l'Île, lequel constitue son siège et ne contient pas de logement. Ce bâtiment fait partie d'un ensemble de quatre immeubles, dont trois donnent sur le quai de l'Île, le dernier donnant uniquement sur le quai des Moulins. L'ensemble, visible depuis le quai de l'Île, est donc formé des immeubles érigés sur la parcelle n° 5'601 (bâtiment G931), au centre, sur la parcelle n° 6'824, propriété de Banque J. Safra Sarasin SA (ci-après : Banque J. Safra) et Monsieur Jacob SAFRA (à gauche), et sur la parcelle n° 5'600 (bâtiment G623), propriété de rue des Moulins No. 1 SA (à droite).

2) Le site de l'Île est inscrit à l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels de signification nationale et figure à l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse. Il n'a pas fait l'objet d'une mesure de protection cantonale ou communale. En particulier, il ne se trouve pas dans le périmètre d'une zone protégée (art. 12 al. 5 LaLAT) ou d'un plan de site (art. 38 ss de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05). Les bâtiments G623, G887 et G931 précités ne sont pas classés (art. 10 ss LPMNS) et ne figurent pas à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 LPMNS (art. 7 ss LPMNS).

3) Le 16 avril 2013, FAB a sollicité du département du territoire (ci-après : le département) la délivrance d'une autorisation de construire en vue de la transformation et de la surélévation du bâtiment G887, ainsi que la pose de panneaux photovoltaïques et verre double peau en façade.

4) Par décision DD 105'827-3 publiée dans la feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 12 août 2014, le département a délivré cette autorisation de construire sur la base d'un projet modifié pendant l'instruction du dossier (« projet n° 5 du 25 février 2014 ») et en application de l'art. 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), précisant en particulier que les conditions figurant dans les préavis du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA), de la commission d'architecture (ci-après : CA), du service « sécurité locataire », de l'office cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN), de la direction générale de l'eau - devenue depuis lors office cantonal de l'Eau (ci-après : OCEau) - et de la police du feu, faisant partie intégrante de sa décision, devraient être strictement respectées (cf. condition n° 4).

5) Par acte du 11 septembre 2014, l'association Patrimoine Suisse Genève a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette décision (cause A/2744/2014).

6) Par acte du 12 septembre 2014, Banque J. Safra et M. SAFRA ont également recouru contre cette décision, concluant à son annulation, avec suite de dépens (cause A/2743/2014).

7) Par jugement du 10 juin 2016 (JTAPI/609/2016), le TAPI, après avoir joint les causes A/2743/2014 et A/2744/2014, a rejeté ces deux recours. Ce jugement a été contesté sans succès par Patrimoine Suisse Genève, Banque J. Safra et M. SAFRA devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), dont l'arrêt, rendu le 11 avril 2017 (ATA/414/2017), est entré en force le 6 décembre 2017, suite au prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 rejetant leur recours.

La chambre de céans a en particulier retenu aux consid. 3d, 6c, 7c de son arrêt :

« Le dossier de la cause contient plusieurs avis successifs de la CA qui permettent de se rendre compte dans quelle mesure cette commission a tenu compte de l'importance du site du quai de l'Île et des exigences qu'elle a formulées pour en assurer la sauvegarde. Depuis son préavis de consultation du 7 août 2012, cette commission a souligné la nécessité de garder l'harmonie du site concerné. Elle a notamment relevé que l'endroit était sensible, que ce site était important dans le paysage genevois, sa nature et celle des bâtiments environnants étant exceptionnelles. Le projet proposé se devait, dans ces conditions, d'être de grande qualité et ne devait pas rompre l'unité de l'ensemble.

[...]

« En l'espèce, l'immeuble en cause n'est pas sis dans une zone protégée ou un périmètre faisant l'objet d'un plan de site. Il ne fait pas non plus l'objet d'une mesure de protection particulière prise en application de la LPMNS. Il n'entre dès lors pas dans le champ d'application de l'art. 5 al. 2 RPMNS. Le DALE n'était pas, dans ces conditions, tenu de requérir le préavis de la CMNS. Sa décision de requérir le préavis consultatif du SMS n'est ainsi pas critiquable. Consulté, ce service a, dans son rapport d'entrée du 29 avril 2013, estimé qu'il n'était pas concerné, et s'en est remis au préavis de la CA.

Le site l'Île est certes répertorié dans l'ISOS, et à ce titre, mérite d'être protégé. Toutefois, la nécessité de prendre en compte la protection du site n'implique pas que la CMNS soit saisie pour un préavis. La CA, consultée, a concrètement pris en compte l'importance de cet « endroit sensible » exigeant des modifications et des compléments au projet qui s'intègrent mieux dans le contexte du site, sauvegardent son homogénéité et ne rompent pas l'unité de l'ensemble des bâtiments qui le composent.

[...]

« S'agissant du dépassement du gabarit légal sur la façade du côté rue et de celui donnant sur le quai de l'Île, l'inspection de la construction a, dans son préavis du 25 février 2014, estimé que le gabarit du bâtiment dépassait très légèrement. Après une longue instruction du dossier, ayant donné lieu au dépôt de quatre projets remaniés suite à des préavis précédents, dans lesquels elle avait identifié la nécessité d'une dérogation en application de l'art. 11 LCI, et, formulé plusieurs demandes de compléments, la CA a émis un préavis favorable le 18 mars 2014, indiquant qu'elle donnait également son accord à l'octroi de la dérogation demandée.

« Contrairement à ce que font valoir les recourants, l'examen des préavis successifs de la CA montre que celle-ci a étudié le projet contesté avec diligence, en particulier quant à l'intégration de la surélévation autorisée dans l'ensemble des bâtiments érigés sur l'Île. Les demandes de modification et de compléments qu'elle a requises montrent qu'elle a examiné les conditions de l'octroi de la dérogation aux gabarits légaux sur rue et leur éventuelle asymétrie avec l'ensemble des bâtiments en jeu. Par ailleurs, le dépassement du gabarit légal sur la façade de l'immeuble donnant sur le quai de l'Île figure sur les plans de l'intimée du 18 février 2014 examinés et validés par la CA le 18 mars 2014.

[...]

« En l'espèce, la CA a, dans son préavis de consultation, considéré que le traitement des trois faces du bâtiment en cause manquait de cohérence. La solution consistant à l'envelopper d'une double peau vitrée en saillie n'était pas convaincante. L'élément central d'un ensemble de trois bâtiments ne pouvait pas former une saillie par rapport à l'alignement aux deux autres. La façade formée de capteurs solaires photovoltaïques et de grilles de ventilation n'était pas en harmonie avec le site. Les faces pignon et arrière du bâtiment devaient présenter une homogénéité avec la façade principale. Elle a requis plusieurs modifications et compléments en raison des exigences de nature architecturale et esthétique. Poursuivant l'examen des projets modifiés, elle a indiqué à l'intimée que le projet, situé dans un site important dans le paysage genevois, se devait d'être de grande qualité. Il ne devait pas rompre l'unité de l'ensemble des trois bâtiments au bord du Rhône. Un alignement au bâtiment de la Banque Safra qui n'avait pas le même nombre d'étages n'était pas recommandé. L'attique devait être traité comme fuyant et sans avant-toit, les capteurs solaires prévus intégrés à la toiture. La façade proposée devait être alignée sur tous les étages et les superstructures techniques intégrées dans un volume unitaire. Après un cinquième projet qui répondait à ses exigences esthétiques et architecturales, elle a rendu un préavis favorable. Le DALE a fait sienne cette appréciation. En confirmant cette décision du département, le TAPI n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation. La chambre de céans ne saurait non plus s'écarter de cette appréciation qui n'est pas critiquable ».

8) Le 26 février 2018, Banque J. Safra et M. SAFRA ont introduit une requête de mesures provisionnelles à l'encontre de FAB afin qu'il lui soit notamment fait interdiction d'exécuter les travaux afférents à l'autorisation de construire DD 105'827, interdiction prononcée le 17 mai 2018 par le Tribunal de première instance (ci-après : TPI).

9) Le 22 juin 2018, ces derniers ont déposé devant le TPI une action au fond sur ce même objet.

10) La chambre civile de la Cour de justice a, par arrêt du 27 août 2018 (ACJC/1145/2018), partiellement annulé l'ordonnance du TPI du 17 mai 2018 et, statuant à nouveau, a fait interdiction à FAB d'exécuter les travaux « impliquant pour le 6ème étage une augmentation de l'empiètement et pour les 7ème et 8ème étages un empiètement sur la parcelle n° 6'824 ». Le 5 février 2019, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé contre cet arrêt par Banque J. Safra et M. SAFRA.

11) Le 28 janvier 2019, FAB a déposé auprès du département une demande tendant à la délivrance d'une autorisation de construire complémentaire à l'autorisation DD 105'827 portant sur la « modification angle bâtiment façade Nord-Ouest ». Son mandataire indiquait à cet égard :

« Le dépôt de cette complémentaire consiste à mettre en conformité les plans de l'état existant suite au relevé du géomètre du 22 mars 2018. Ainsi, le plan du 4ème étage est corrigé dans l'angle de la façade Nord/ Ouest.

« Cette mise en conformité de l'existant nécessite une modification mineure, retrait de l'angle de la façade Nord/ Ouest sur les étages 6, 7 et 8 (nouveaux étages).

[...]

« Compte tenu du très faible impact de cette modification par rapport à l'autorisation initiale, il a été convenu avec les services concernés de ne pas joindre pour cette complémentaire les mises à jour des documents suivants :

. Volet santé et sécurité (OCIRT)

Volet concernant l'énergie (OCEN)

(le cas échéant, le dossier « 30 jours avant travaux » sera communiqué en temps opportun) ».

À teneur des plans produits, une surface rectangulaire de 2 m sur 0,75 cm était supprimée sur les 6ème, 7ème et 8ème étages du bâtiment (par rapport au projet autorisé le 12 août 2014) par le retrait des façades formant l'angle Nord-Ouest de ce dernier, adjacent à la parcelle n° 6'824, de façon à ne pas empiéter sur celle-ci. La mention « DROIT DE JOUR - VUE DROITE POSSIBLE (Façade 30 cm en retrait pour garantir 4m vue droit ») était ajoutée sur le plan « FACADE NORD - Coupe transversale ». En outre, il était indiqué que ces façades seraient composées d'un « vitrage translucide ».

12) Dans le cadre de cette demande, enregistrée sous la référence DD 105'827/2 :

- le 4 février 2019, la direction des autorisations de construire (DAC) a émis un préavis favorable sans observations ;

- le 12 février 2019, l'office de l'urbanisme en a fait de même ;

- le 21 février 2019, la police du feu s'est prononcée favorablement, sous les mêmes conditions que celles formulées dans son préavis du 21 janvier 2014 (relatif à l'autorisation de base) ;

- le 12 mars 2019, l'OCEau s'est déclaré favorable à la modification projetée, « avec dérogations » (« Art. 15, al. 7 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L2 05) et article 41c, al. 2, de l'ordonnance sur la protection des eaux du 28 octobre 1998 (OEaux - RS 814.201) ») et sous conditions (soit celles posées en lien avec l'autorisation initiale) ;

- le 9 avril 2019, le service des monuments et des sites (SMS), considérant que le projet était lié à un bâtiment non protégé et sans intérêt patrimonial, a indiqué qu'il n'était pas concerné et qu'il s'en remettait au préavis de la CA « en vue de réaliser la meilleure intégration dans le site, vu que le bâtiment mitoyen (ensemble protégé sous article 89 et suivants de la LCI) ne pourra être surélevé » ;

- le 16 avril 2019, la CA a émis un préavis favorable, sans observations ;

- le 1er juillet 2019, la Ville de Genève (ci-après : la ville) s'est déclarée défavorable au projet (« Restent réservées les dispositions de l'article 10 al. 2 qui, dans le cas d'espèce, permet de prescrire une hauteur inférieure au maximum en fonction du contexte urbain. Au vu de la qualité exceptionnelle du site, l'avis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) sur cette question est demandé. Par ailleurs le bâtiment est mitoyen avec un immeuble protégé au sens de la loi Blondel situé au 1 rue des Moulins qui ne sera vraisemblablement pas surélevé. De plus, la Ville rappelle que l'immeuble se situe entre un immeuble protégé au sens de la loi Blondel (1 rue des Moulins) et la banque Safra qui a été surélevée illégalement. La ville demande à connaître le préavis de la commission d'architecture »).

13) Par jugement du 13 août 2019, le TPI a fait interdiction à FAB d'exécuter les travaux faisant l'objet de l'autorisation DD 105'827. Cette dernière a fait appel de ce jugement le 16 septembre 2019.

14) Le 27 août 2019, le département a délivré l'autorisation de construire DD 105'827/2, sous le libellé « modifications partielles Façade Nord », indiquant en particulier que les conditions figurant dans les préavis de l'OCEau et de la police du feu devraient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de sa décision (cf. condition n° 5).

15) Par acte du 26 septembre 2019, Banque J. Safra et M. SAFRA ont recouru devant le TAPI contre cette décision, dont ils ont requis l'annulation.

FAB n'avait en réalité pas renoncé à l'empiètement consacré par le projet autorisé initialement, puisqu'elle avait recouru contre le jugement du TPI du 13 août 2019 lui faisant interdiction d'exécuter les travaux autorisés en raison de cet empiètement. Elle avait ce faisant induit le département en erreur en déclarant vouloir modifier son projet initial, alors qu'elle entendait toujours le réaliser. Sa requête devait « être déclarée nulle », dès lors qu'elle ne reflétait pas sa réelle volonté.

En outre, l'autorisation du 27 août 2019 prévoyait la construction de vitrage translucide à la limite de propriété des parcelles nos 5'601 et 6'824, sur les deux côtés de la façade modifiée. Or, il découlait du dispositif légal applicable aux distances et vues droites que si une construction pouvait être érigée, en 1ère zone, en limite de propriété, il n'en allait pas de même lorsque la façade comportait des jours. II fallait en effet, dans un tel cas, que les droits à bâtir de la parcelle voisine soient préservés. « Cette règle sous-tend[ait] l'art. 20, al. 2 LCI, qui suppos[ait] en effet que si une construction [était] érigée en limite de propriété, la façade sise en limite soit en attente, soit borgne ». Ce n'était « que si elle [était] pourvue d'un retrait de 4 mètres par rapport à la limite de propriété qu'elle pourra[it] comporter des jours respectant des vues droites de 4 mètres ». La nouvelle façade projetée violait ces dispositions, FAB rendant inconstructible la partie de leur parcelle utilisée pour respecter les vues droites. Même si l'on devait admettre que la distance de 4 m exigée pour les vues droites pouvait être calculée à partir de la limite de propriété, elle n'était en l'espèce pas respectée, ce pour les vues droites donnant au Nord et à l'Ouest.

Enfin, plusieurs préavis obligatoires n'avaient pas été sollicités, ce qui ne permettait pas de s'assurer du respect des législations concernées, de sorte que l'autorisation de construire querellée n'aurait pas dû être délivrée :

-     un nouveau préavis de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) aurait dû être requis en application des art. 4 et 6B de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05). Cette lacune avait pour conséquence de rendre impossible la vérification du respect des normes relevant du droit du travail. Or, il était manifeste que la modification du projet, qui réduisait la surface de plusieurs étages, avait des conséquences à cet égard ;

 

-     un nouveau préavis de l'OCEN était également nécessaire, à teneur de l'art. 13D du règlement d'application de la loi sur l'énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01), dès lors que l'autorisation entreprise entraînait une modification des surfaces créées aux 7ème et 8ème étages et un impact différent sur l'énergie ;

 

-     le projet, devant prendre place sur les rives du Rhône, soit en « zone protégée », nécessitait une autorisation dérogatoire (ce qui ressortait du préavis de l'OCEau), de sorte que le préavis de la CMNS était obligatoire, conformément à l'art. 15 al. 4 LEaux, ce qui était aussi l'avis de la ville au vu de la qualité exceptionnelle du site. L'autorisation en cause ne faisant pas l'objet d'une procédure accélérée, l'exception de l'art. 5 al. 2 let. f du règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01), à lire conjointement avec son art. 15 al. 4, ne lui était pas applicable.

Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/3650/2019.

16) Le département a conclu, le 3 décembre 2019, au rejet du recours.

17) FAB a fait de même le 3 décembre 2019 également.

Elle souhaitait disposer de places de travail supplémentaires dans son bâtiment. À cette fin, elle avait, après que trois instances judiciaires lui avaient donné raison, obtenu l'entrée en force de l'autorisation DD 105'827. Confrontée à une procédure civile ultérieure dont l'issue n'était par définition pas certaine, elle avait demandé à son architecte d'obtenir une autorisation de construire sur un périmètre légèrement restreint (les surfaces par étage étaient diminuées de moins de 2 m2 et suivaient parfaitement les limites de propriété), soit des modifications mineures de la façade Nord du bâtiment. L'autorisation complémentaire ne modifiait en rien l'autorisation de base. Elle avait agi de bonne foi, étant souligné que si elle obtenait au final le rejet de l'action négatoire civile des recourants, elle disposerait de deux autorisations et pourrait choisir laquelle des deux elle entendrait mettre en oeuvre, pour autant, bien entendu, que chacune d'elle soit en force et exécutoire.

La modification querellée consistait à « suivre les limites de parcelle, et à avoir un vitrage translucide sur ce suivi (dans le coin), jouxtant le bâtiment de Banque J. Safra. Pour le surplus, les vitrages fixes rest[ai]ent en place. Le projet initial, autorisé, prévoyait déjà un retrait de 30 cm, indiqué sur le plan ne varietur DD 105827/1. Ce retrait continu[ait] d'exister, de sorte que la limite parcellaire se trouve[rait] à 370 + 30 cm = 4 m ». Quant au « coin » formé de vitrage translucide, selon la jurisprudence, un jour fixe, translucide et non transparent, était assimilé à un mur et serait donc traité comme un mur borgne. Il n'y avait donc pas de vue droite vers l'Ouest. La distance au Nord était respectée, comme dans la première autorisation. La décision querellée améliorerait la situation de Banque J. Safra et M. SAFRA, qui pourraient venir se coller audit mur borgne en cas de transformation de leur propre immeuble. Pour le surplus, toutes les questions de gabarit et de distances et vues droites avaient été traitées dans le cadre de la première autorisation, entrée en force.

18) Par décision du 3 décembre 2019, publiée le même jour dans la FAO, le département a prolongé la validité de l'autorisation de construire DD 105'827 jusqu'au 6 décembre 2020.

19) Par acte du 20 janvier 2020, Banque J. Safra et M. SAFRA ont recouru auprès du TAPI contre cette décision, dont ils ont requis l'annulation, invitant le TAPI à dire que l'autorisation DD 105'827 et, par conséquent, l'autorisation DD 105'827/2 dont la validité dépendait de la première, étaient caduques.

La demande tendant à la prolongation de l'autorisation DD 105'827 aurait dû être adressée au département au plus tard le 6 novembre 2019, conformément à l'art. 4 al. 7 LCI. Or, le dossier consulté le 11 décembre 2019 n'en contenait aucune. En tout état, « le dépôt de cette dernière [était] intervenu le 3 décembre 2019, soit bien après le délai fixé par l'art. 4 al. 7 LCI ».

Par ailleurs, il ressortait de la plate-forme de suivi des dossiers SAD-Consultation que l'instruction de la prolongation de l'autorisation de construire DD 105'827/1, la mise en forme de la décision et la décision de prolongation [avaient] toutes eu lieu le 3 décembre 2019 entre 9h et 16h, qui était aussi la date de la publication de la décision dans la FAO. Or, l'autorisation DD 105'827 ayant été acceptée le 12 août 2014, il était « manifeste que la demande de prolongation datée du 3 décembre 2019, soit plus de 5 ans après, aurait mérité de plus amples investigations ». De nouveaux préavis auraient été nécessaires. Il était évident que cette prolongation avait été décidée « dans l'urgence, mécaniquement, sans que le dossier complet et volumineux accompagnant la DD 105827/1 n'ait été analysé ». Pour ce motif également, elle devait être annulée.

Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/319/2020.

20) Par réplique du 22 janvier 2020, Banque J. Safra et M. SAFRA ont persisté dans leurs conclusions relatives à la cause A/3650/2019.

Les préavis de l'OCIRT et de l'OCEN, émis dans le cadre de l'autorisation initiale, dataient de plus de cinq ans, de sorte que de nouveaux préavis auraient été nécessaires.

La clause esthétique de l'art. 15 LCI, qui devait être appliquée strictement dans le cas d'espèce, avait été violée. Même si les bâtiments édifiés au quai de l'île 3 et 5 et à la rue des Moulins ne faisaient pas l'objet d'une règlementation particulière d'un point de vue de la protection du patrimoine, ils étaient indéniablement représentatifs de l'architecture genevoise de grande valeur et se situaient sur un site privilégié au centre de Genève, entourés de périmètres protégés. Or, il était manifeste que les travaux prévus par la DD 105'827/2 rompraient l'unité des trois immeubles, le décrochement prévu sur la façade côté cour modifiant l'aspect architectural de cet ensemble comportant notamment un immeuble construit par l'architecte BRAILLARD et un magnifique immeuble du XIXème siècle.

L'autorisation entreprise était caduque dans la mesure où sa validité dépendait de l'autorisation de construire principale, elle-même caduque, en application de l'art. 4 al. 5 LCI.

21) Le département et FAB ont persisté les 20 et 24 février 2020 dans leurs conclusions dans la cause A/3650/2019.

22) Le 4 mai 2020 le département a conclu au rejet du recours objet de la cause A/319/2020.

L'architecte de FAB avait sollicité la prolongation de l'autorisation de construire initiale DD 105'827 par courrier du 2 décembre 2019 (dont il produisait copie), lequel lui avait également été adressé par courrier électronique du même jour (dont il produisait une impression). Le délai d'ordre d'un mois prescrit par l'art. 4 al. 7 LCI avait pour seul but de lui permettre de disposer du temps nécessaire pour instruire la demande. Les tiers ne pouvaient en tirer un quelconque droit. En l'occurrence, la délivrance de l'autorisation de construire complémentaire DD 105'827/2 très peu de temps auparavant avait impliqué un réexamen du dossier, qu'il n'était donc pas nécessaire de réitérer. La demande de prolongation ne comportait en outre pas de complexité particulière.

Dans la mesure où l'autorisation de construire complémentaire faisait l'objet d'un recours et où son sort était lié à celui de l'autorisation initiale, il était logique et nécessaire de prolonger l'autorisation initiale, motif que la jurisprudence avait d'ailleurs considéré comme justifié (ATA/539/2012 du 12 août 2012 consid. 2c).

23) Le 15 mai 2020, FAB a également conclu au rejet du recours lié à la cause A/319/2020.

Ses arguments, proches de ceux du département, seront repris ci-dessous en droit dans la mesure utile.

24) Banque J. Safra et M. SAFRA ont répliqué dans cette cause le 18 juin 2020.

Lors de la consultation du dossier DD 105'827 le 11 décembre 2019, le courriel et la lettre du 2 décembre 2019 produits par le département n'y figuraient pas. Il ressortait du courriel que c'était le département qui avait alerté FAB sur la nécessité de la prolongation de l'autorisation de construire initiale, offrant ainsi « un service individualisé inadmissible » et d'autant plus inéquitable que le département ne pouvait ignorer que les autorisations DD 105'827 et DD 105'827/2 faisaient l'objet de longues procédures. Il avait ainsi offert un avantage à l'une des deux parties et outrepassé ses prérogatives, voire violé le principe de l'égalité de traitement envers ses administrés.

En outre, le délai d'un mois prévu par l'art. 4 al. 7 LCI n'était pas un simple délai d'ordre, mais de péremption, son dépassement ayant pour conséquence l'interdiction pour le département d'accorder la prolongation requise. Son respect devait être examiné d'office. Le but de ce délai était de permettre l'instruction de la demande de prolongation et de prolonger l'autorisation de construire avant la fin de sa validité.

En l'occurrence, aucune circonstance particulière ne justifiait que la demande pût être déposée trois jours seulement avant l'échéance de la validité de l'autorisation en question, ce d'autant moins que faute d'avoir été alertée par le département, FAB aurait vraisemblablement omis de la formuler. Dite demande était donc tardive et le département n'aurait pas dû entrer en matière.

À teneur de la jurisprudence, le réexamen du dossier donnait l'occasion au département de relever des faits nouveaux, voire de déceler que l'autorisation de construire souffrait de vices susceptibles, sinon d'entraîner sa révocation, du moins de justifier un refus de prorogation. Cet examen n'était pas identique à celui effectué à l'occasion de la délivrance d'une autorisation de construire complémentaire. Vu la rapidité avec laquelle la décision litigieuse avait été prise, l'examen complet du dossier n'avait pas été effectué.

25) Aux termes de sa duplique du 20 juillet 2020 (cause A/319/2020), le département a relevé que ses différents services étaient régulièrement sollicités par des demandes de renseignements d'administrés. L'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), en particulier, offrait un service individualisé pour toute requête en autorisation de construire vu les propres spécificités de chacune. En informant FAB qu'il lui appartenait de demander la prolongation de l'autorisation de construire DD 105'827, il n'avait pas outrepassé ses prérogatives, ni accordé un traitement de faveur. En outre, Banque J. Safra et M. SAFRA ne démontraient - ni même ne prétendaient - avoir requis, dans les mêmes conditions, la prolongation d'une autorisation de construire qui leur aurait été refusée, de sorte que leur grief relatif à une inégalité de traitement devait être rejeté.

Contrairement à ce que soutenaient Banque J. Safra et M. SAFRA, les dispositions de la LCI ne prévoyaient pas expressément de conséquence en cas de dépassement du délai fixé par l'art. 4 al. 7 LCI, en particulier l'interdiction d'accorder la prolongation requise. Pour le surplus, Banque J. Safra et M. SAFRA ne démontraient pas que la situation au moment de la demande initiale était différente de celle prévalant au moment de la demande de prolongation.

26) Le TAPI a, par jugement du 28 octobre 2020, préalablement joint les causes A/3650/2019 et A/319/2020 sous le n° de procédure A/3650/2019 et, au fond, rejeté les recours formés le 26 septembre 2019 et 20 janvier 2020 par Banque J. Safra et M. SAFRA contre, respectivement l'autorisation de construire DD 105'827/2 délivrée le 27 août 2019 et la décision prolongeant l'autorisation de construire DD 105'827 du 3 décembre 2019. Le département avait fait une application correcte de la législation en vigueur et n'avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation, d'une part, en délivrant l'autorisation de construire complémentaire litigieuse et, d'autre part, en prolongeant d'une année la validité de l'autorisation initiale.

La demande tendant à la prolongation de l'autorisation DD 105'827 avait été adressée au département hors du délai fixé par l'art. 4 al. 7 LCI, mais celui-ci avait été en mesure de statuer sur cette demande et de publier sa décision dans la FAO avant ladite échéance. Le délai prescrit par l'art. 4 al. 7 LCI avait pour seul but de donner au département le temps d'instruire convenablement une telle demande. Le département pouvait assurément décider de ne pas entrer en matière sur une demande de prolongation formulée tardivement. Ce délai n'avait en revanche pas la portée péremptoire stricte de celui, par exemple, prévu par l'art. 4 al. 5 LCI.

Au vu des circonstances du cas d'espèce, on pouvait admettre que le département avait en sa possession tous les éléments utiles lui permettant de se prononcer sans délai dans la mesure, déjà, où il venait de délivrer une autorisation complémentaire modifiant très légèrement le projet déjà validé. Il était ce faisant resté dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation, étant relevé que la situation au moment de la demande de prolongation était identique, à tout le moins sous l'angle de la réglementation en vigueur, à celle qui prévalait au moment de la demande initiale. Pour le surplus, quand bien même le comportement du département avait indéniablement favorisé la préservation des intérêts de FAB, en attirant son attention sur le délai arrivant à échéance et en traitant avec célérité sa demande, ne laissant en soi pas apparaître de violation de la loi, il ne devait pas conduire à l'annulation de la décision querellée, ce d'autant plus qu'aucun intérêt public ou de tiers n'avait été lésé, Banque J. Safra et M. SAFRA ne pouvant eux-mêmes tirer aucun droit de l'art. 4 al. 5 LCI.

Ainsi ni l'autorisation initiale DD 105'827 ni, par voie de conséquence (art. 10A al. 6 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) et ATA/247/2013 du 16 avril 2013 consid. 4 s.), sa complémentaire n'étaient caduques.

Concernant l'autorisation de construire complémentaire DD 105'827/2, le grief fait à FAB d'avoir induit en erreur le département en déclarant vouloir modifier son projet initial, alors que son souhait de le réaliser n'aurait en réalité pas disparu, outre qu'il fût difficilement compréhensible et frisait la témérité, pouvait d'emblée être écarté, dans la mesure déjà où l'autorisation initiale n'avait pas perdu son objet du fait du dépôt et de l'obtention de l'autorisation complémentaire, permettant de réaliser l'un ou l'autre des projets (cf. ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4). Pour le surplus, le département n'avait pas à se préoccuper de la volonté intime des requérants ou des litiges de droit privé pouvant les opposer à leurs voisins

Dans la mesure où les parties de la façade du bâtiment autorisées par la décision querellée seraient constituées d'un vitrage fixe, translucide, mais non transparent, lequel était assimilé à un mur (cf. notamment ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 6c), rien n'empêcherait en soi Banque J. Safra et M. SAFRA d'y accoler un éventuel agrandissement de leur bâtiment (cf. art. 20 al. 1 LCI). Pour le surplus, la modification du projet avait précisément pour objet le retrait de la façade des trois derniers étages du bâtiment, de façon à garantir la longueur minimale des vues droites de 4 m prescrite par l'art. 48 al. 2 LCI.

Il avait déjà été jugé que le préavis de la CMNS n'avait pas à être obtenu (JTAPI/609/2016 du 10 juin 2016 consid. 9 ss et ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 6). Pour le surplus, le nouvel argument tiré d'une violation de l'art. 15 LEaux - GE, devait être écarté. En effet, l'al. 7 de cette disposition n'instituait pas un régime dérogatoire, contrairement à son al. 3, pour l'application duquel le préavis de la CMNS était effectivement nécessaire, hormis pour les requêtes en autorisation de construire instruites en procédure accélérée (cf. art. 15 al. 4 et 5 LEaux-GE). Ainsi, la formulation du préavis de l'OCEau du 12 mars 2019 par laquelle il s'était déclaré favorable à la « dérogation » prévue par l'art. 15 al. 7 LEaux-GE constituait un simple abus de langage, ne liant aucunement le département.

Par ailleurs, au vu de la nature et du caractère tout à fait mineur de la modification du projet présentée par la demande complémentaire, soit une réduction de la surface brute de plancher (ci-après : SBP) supplémentaire initialement autorisée de moins de 2 m2 (2 m x 0,75 m = 1,5 m2, à teneur des plans visés ne varietur) sur trois étages, soit moins de 5 m2 au total, le fait pour le département de ne pas avoir sollicité une nouvelle fois le préavis de l'OCEN et de l'OCIRT ne prêtait pas le flanc à la critique, tant il était évident que les conditions posées par l'OCEN à l'autorisation initiale devraient aussi être strictement respectées pour la mise en oeuvre de l'autorisation complémentaire. Le TAPI ne voyait au demeurant pas quel impact cette modification pourrait avoir sur les aspects relevant de la compétence de l'OCEN et de l'OCIRT.

Le TAPI, puis la chambre administrative, avaient déjà jugé, s'agissant du projet initial, que le préavis déterminant en la matière, à savoir celui de la CA, était favorable, après plusieurs reformulations du projet commandées notamment par des directives de cette commission de nature architecturale et esthétiques. Dans cette mesure, le département qui avait fait sienne l'appréciation exprimée par la CA n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le projet ne nuirait pas au site dans lequel il s'insérait. Le même constat valait pour la modification entérinée par l'autorisation complémentaire litigieuse (peu importante et ne portant que sur la façade côté cour de l'immeuble), dans la mesure où la CA l'avait préavisée favorablement le 16 avril 2019.

27) Banque J. Safra et M. SAFRA ont formé recours devant la chambre administrative contre ce jugement reçu le 30 octobre 2020, par acte expédié le 30 novembre 2020, et ont conclu principalement à son annulation.

Ils se référaient aux faits retenus par le TAPI auxquels devait être ajoutée la publication dans la FAO du 27 août 2019 de l'autorisation complémentaire DD 105'827/2.

Ils revenaient sur leur argumentation déjà précédemment développée en lien avec le délai prévu à l'art. 4 al. 7 LCI, soit de péremption strict et devant être examiné d'office par l'autorité, à l'instar de ceux prévus aux art. 4 al. 5 LCI et 273 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Au vu du nombre d'autorisations délivrées par l'OAC, le respect de ce délai était primordial et nécessaire à la bonne marche de ce service. Le département n'aurait ainsi pas dû entrer en matière sur la demande de prolongation déposée le 3 décembre 2019. Contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, l'instruction d'une telle demande n'était pas identique à celle effectuée à l'occasion de la délivrance d'une autorisation de construire complémentaire. Six ans après la délivrance de l'autorisation de base, sa prolongation aurait nécessité un examen approfondi, comprenant l'obtention de nouveaux préavis et l'examen des modifications des lois applicables. En l'espèce, le respect des nouvelles normes énergétiques des art. 12B, 12C et 12P du règlement d'application de la loi sur l'énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01) entrées en vigueur le 12 juin 2019 n'avait pas été examiné.

Contrairement à ce que retenait le TAPI, le comportement du département avait lésé les intérêts de Banque J. Safra et M. SAFRA dès lors que suite à son aide providentielle, la validité de l'autorisation de construire à laquelle ils s'étaient toujours opposés avait été prolongée. En alertant FAB sur sa caducité proche, il avait offert un avantage à l'une des deux parties. Il paraissait évident que faute de cet avertissement, aucune demande de prolongation n'aurait été déposée. Il était manifeste que toutes les autorisations de construire ne bénéficiaient pas d'un tel suivi. Le département avait outrepassé ses prérogatives et violé le principe d'égalité de traitement.

La prolongation de l'autorisation principale du 12 août 2014 devait être annulée pour ces motifs, ce qui entraînait, outre sa caducité, celle de l'autorisation de construire complémentaire en dépendant du 27 août 2019.

Cette autorisation complémentaire nécessitait l'obtention préalable de nouveaux préavis, indispensables, de l'OCEN et de l'OCIRT, puisque les modifications apportées au projet ne pouvaient être qualifiées de mineures dès lors que ladite autorisation DD 105'827/2 avait fait l'objet d'une publication dans la FAO et que les préavis précédents dataient de six-sept ans durant lesquels des réglementations avaient changé. Les modifications contenues dans l'autorisation de construire complémentaire induisaient notamment une réduction des surfaces de travail et de l'éclairage des locaux de sorte que les conditions de travail des employés auraient dû faire l'objet d'un nouvel examen approfondi de l'OCIRT.

C'était à tort que le TAPI avait considéré que le département n'avait pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en considérant que le projet ne nuirait pas au site dans lequel il s'insérait. Banque J. Safra et M. SAFRA revenaient sur les particularités du site déjà exposées dans leurs précédentes écritures et reprises ci-dessus. Il était manifeste que les travaux prévus rompraient l'unité des trois immeubles et que le décrochement prévu sur la façade côté cour modifierait l'aspect architectural de cet ensemble. L'autorisation complémentaire querellée violait ainsi l'art. 15 LCI.

Pour ces motifs, cette autorisation complémentaire devait également être annulée.

28) Le 15 décembre 2020, le département a conclu au rejet du recours, se référant à la motivation claire du jugement du TAPI et à ses précédentes écritures.

Pour le surplus, le département n'avait à juste titre pas pris en considération les nouveaux art. 12B. 12C et 12P REN, entrés en vigueur le 12 juin 2019, pour la raison qu'une disposition transitoire prévoyait leur application aux seules demandes déposées à partir du 1er janvier 2020.

Tout administré qui contacterait le département quelques jours avant la caducité de son autorisation de construire se verrait, selon son interlocuteur au département et le sujet de la discussion, rendu attentif à cette problématique. Il n'y avait dès lors aucune inégalité de traitement par rapport aux autres administrés, étant relevé que les recourants ne faisaient nullement état d'une situation similaire où ils n'auraient pas obtenu un traitement identique. Mû par un esprit de service public et le souci d'économie de procédure, le département essayait de répondre à toute requête visant à prolonger une autorisation de construire, quand bien même elle aurait été déposée moins de trente jours avant son échéance.

29) Au terme de ses observations du 8 janvier 2021, FAB a conclu au rejet du recours et à l'allocation d'une indemnité équitable pour ses frais de défense.

La décision de prolongation pour une année supplémentaire était justifiée par l'absence de modification des circonstances en deux ans ayant conduit à l'autorisation de construire principale. Le département et les divers services concernés avaient une parfaite connaissance du dossier pour avoir été amenés à l'examiner à plusieurs reprises, les plus récemment à l'occasion de l'autorisation complémentaire, quelques semaines avant la demande de prolongation. Il n'y avait dès lors aucune raison de procéder à un nouvel examen approfondi. Le délai d'ordre d'un mois ne servait qu'à l'administration qui était en droit de le raccourcir. Dans la mesure où un recours avait été introduit le 26 septembre 2019 contre l'autorisation complémentaire, il était nécessaire de prolonger l'autorisation principale. La présente procédure n'avait dès lors pour autre vocation que de contrer par un nouveau biais l'autorisation de construire principale pourtant valablement entrée en force et partant l'autorisation complémentaire. Le grief d'une inégalité de traitement était infondé.

Dans la mesure où l'autorisation de construire principale avait valablement été prolongée, l'autorisation complémentaire n'était pas caduque. Les modifications minimes, soit une réduction de la surélévation de moins de 2 m2, autrement dit de moins de 1 % de la surface de celles autorisées, ne modifiaient en rien la situation de la sécurité et de la santé des travailleurs : les chemins de fuite demeuraient identiques et les pièces où ils seraient amenés à travailler bénéficieraient de la même quantité de lumière, ce qui était attesté par les plans. De pratique constante, de minimes modifications ne nécessitaient pas la consultation de toutes les autorités de préavis consultées dans le cadre de l'autorisation initiale, dont l'OCIRT et l'OCEN. Concernant l'OCEN, conformément à l'art. 33 al. 4 du RCI, un dossier énergétique complet serait remis en temps utile au département chargé de l'énergie pour validation.

FAB ne voyait pas en quoi la clause esthétique pourrait être violée s'agissant d'une autorisation visant le retrait de 2 m2 au projet et la modification portant sur la façade de la cour intérieure, alors même que ces questions d'esthétique avaient été examinées jusqu'au Tribunal fédéral dans la cause A/2743/2014.

30) Dans leur réplique du 26 janvier 2021 Banque J. Safra et M. SAFRA sont revenus sur la nature du délai de l'art. 4 al. 7 LCI et l'examen dont la demande de prolongation aurait dû faire l'objet.

31) Les parties ont été informées le 29 janvier 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI du 28 octobre 2020 confirmant la prolongation du 3 décembre 2019 pour une année de l'autorisation de construire délivrée le 12 août 2014 par le département, respectivement l'autorisation de construire complémentaire du 27 août 2019.

En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (let. b al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

3) Les recourants ne contestent à juste titre pas l'entrée en force de l'autorisation de construire DD 105'827-3 du 12 août 2014 suite à l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 décembre 2017, mais les circonstances de sa prolongation, estimant que le délai pour son dépôt n'a pas été respecté, qu'elle n'a pas fait l'objet de l'instruction requise et que l'intimée a bénéficié d'un régime de faveur de la part du département.

4) a. Selon l'art. 4 al. 5 LCI, l'autorisation est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la FAO. En cas de recours, le délai est suspendu pendant la durée comprise entre cette publication et la fin de la procédure, y compris une éventuelle instance devant une juridiction fédérale (art. 4 al. 6 LCI).

Lorsque la demande en est présentée un mois au moins avant l'échéance du délai fixé à l'alinéa précédent, le département peut prolonger d'une année la validité de l'autorisation de construire ; dans ce cas, la présentation des pièces prévues à l'art. 2 al. 2 LCI n'est pas exigible (art. 4 al. 7 LCI). Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l'autorisation ne peut être prolongée que deux fois (al. 8). La décision accordant une prolongation est publiée dans la FAO (al. 9).

b. La caducité est la conséquence de l'absence de travaux dans le délai mentionné à l'art. 4 al. 5 LCI, ce délai étant un délai de péremption (arrêt du Tribunal fédéral 1A.150/2001 du 31 janvier 2002 consid. 1.1.3 ; ATA/247/2013 du 16 avril 2013 consid. 4b). Selon la doctrine, pour des motifs de stabilisation juridique, les législations prévoient souvent un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé ; il s'agit d'éviter qu'un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l'autorisation qu'il a reçue à un changement de réglementation. De plus, le juge doit examiner d'office si ce droit est périmé (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 102-104).

c. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, la juridiction recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique ; ATF 145 I 108 consid. 4.4.2 ; 143 I 109 consid. 6 ; ATA/273/2019 du 19 mars 2019 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; ATA/1026/2019 du 18 juin 2019 consid. 5a). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 144 III 58 consid. 4.1.3.1).

5) a. Il n'est pas disputé que le délai de l'art. 4 al. 5 LCI est un délai de péremption.

Le sens littéral de l'art. 4 al. 7 LCI des termes « d'un mois au moins » pour présenter une demande de prolongation est en revanche un signal en faveur d'un délai d'ordre.

Le but et la systématique permet de comprendre, comme soutenu par l'autorité à laquelle il s'applique, qu'il s'agit de lui laisser un délai raisonnable pour examiner la demande et se prononcer à son sujet, avec la stricte conséquence que si elle ne le fait pas avant le terme de l'art. 4 al. 5 LCI, l'autorisation est caduque, ce qui peut engager sa responsabilité.

Les travaux préparatoires du PL 6'750 ne permettent guère d'interpréter l'al. 7 de l'art. 4 LCI.

Au vu de ces éléments et dans la mesure où la loi ne prévoit aucune conséquence, en particulier pas le refus de la demande au fond, en cas de non-respect de ce délai, il y a lieu de retenir que le délai prévu à l'art. 4 al. 7 LCI est un délai d'ordre.

b. Ainsi, si effectivement l'intimée a pris le risque que le département ne puisse examiner sa demande en ne la déposant que quatre jours avant la caducité de l'autorisation du 12 août 2014, elle n'était pas forclose à le faire quand bien même elle n'a pas respecté le délai « d'au moins un mois ».

Ce premier grief des recourants sera partant rejeté.

6) Il est établi par la procédure et par les allégations même du département que c'est ce dernier qui a alerté l'intimée le 2 décembre 2019 sur la proche caducité de l'autorisation de construire, à savoir au 6 décembre 2019.

a. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3).

b. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances (ATF 138 V 176 consid. 8.2 et les références citées). Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.1).

c. Dans une cause vaudoise, le Tribunal fédéral avait précisé que, même si l'autorité jouissait d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle statuait sur une demande de prolongation, il était toutefois moins grand que lorsqu'elle prenait la première décision, sans pour autant que soient applicables les règles sur la révocation. Elle devait en particulier respecter le principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2008 du 8 juillet 2008 consid. 4.2).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le département a la faculté de ne pas prolonger la validité d'une autorisation de construire pour des motifs objectifs et pertinents. Le pouvoir de l'administration n'est pas sans limite et si la situation au moment de la demande de prolongation est identique à celle qui a prévalu au moment de la demande initiale, il ne serait pas compris que la première autorisation ne fût prolongée (ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 et références citées).

d. Selon l'art. 30 al. 2 du règlement d'application de la loi sur l'énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01), les art. 12B, 12C et 12P REN dans leur teneur au 12 juin 2019 s'appliquent aux demandes d'autorisation de construire déposées à partir du 1er janvier 2020.

7) Dans le cas d'espèce, le département a délivré le 27 août 2019 l'autorisation complémentaire modifiant très légèrement et à l'avantage des recourants, s'agissant d'une réduction de la surface brute de plancher (ci-après : SBP) supplémentaire initialement autorisées de moins de 2 m2 (2 m x 0,75 m = 1,5 m2, à teneur des plans visés ne varietur) sur trois étages, soit moins de 5 m2 au total, le projet déjà validé par l'autorisation dont la prolongation était sollicitée trois mois plus tard seulement. Aucun élément du dossier ne permet de conclure que le département n'aurait à l'occasion de cet examen pas tenu compte des éléments pertinents pour délivrer l'autorisation complémentaire, de sorte que quelques mois plus tard, il disposait de tous les éléments utiles lui permettant de se prononcer sans délai sur la demande de l'intimée.

La situation factuelle et juridique pertinente (étant relevé que les nouveaux art. 12B. 12C et 12P REN, entrés en vigueur le 12 juin 2019, s'appliquent aux seules demandes déposées à partir du 1er janvier 2020) au moment de la demande de prolongation était identique à celle prévalant lors de la délivrance de l'autorisation initiale, étant rappelé le pouvoir d'appréciation limité du département dans ce cadre et aucun élément concret ne lui permettant en l'espèce de refuser cette prolongation.

Dans ces conditions, le délai de trois jours séparant le dépôt de la demande de prolongation, au demeurant attendue par le département puisqu'il en a lui-même fait la remarque à l'intimée, et son traitement s'agissant de l'instruction moindre qu'il y avait à faire dans les circonstances rappelées ci-dessus, ne sont en soi pas critiquables.

Le fait d'attirer l'attention de l'intimée sur la proche échéance du délai de l'art. 4 al. 5 LCI et de traiter sa demande en quelques jours seulement a indéniablement favorisé la préservation des intérêts de l'intimée. Le département explique toutefois qu'il agit à l'identique dans d'autres dossiers, au gré des contacts que l'administré a avec ses services, et que l'économie de procédure commandait qu'il intervienne vis-à-vis de l'intimée, laissant comprendre que dans la négative une nouvelle demande d'autorisation aurait en tout état été déposée, relançant ainsi l'intégralité du processus. Ce comportement ne viole aucune disposition légale, ce que les recourants ne soutiennent pas, ni le principe de l'égalité de traitement, ces derniers ne prétendant pas avoir fait l'objet d'un traitement différencié dans de mêmes circonstances et ne démontrant pas que tel aurait été le cas pour d'autres administrés. Enfin, l'art. 4 al. 7 LCI n'a pas pour vocation de protéger leurs intérêts de sorte que ce n'est qu'indirectement tout au plus qu'ils seraient lésés, sous l'angle d'un gain de temps dans leur velléité de ne pas voir l'intimée aboutir dans son projet de surélévation. Un tel intérêt ne mérite pas protection en tant que tel, soit au-delà des droits d'opposition amplement garantis par les voies de recours, aux niveaux administratif et civil.

Il en résulte que, comme retenu à juste titre par le TAPI, ni l'autorisation initiale DD 105'827 ni, par voie de conséquence, sa complémentaire (art. 10A al. 6 RCI) ne sont caduques.

8) Les recourants émettent ensuite des critiques en lien avec l'autorisation complémentaire du 27 août 2019. Ainsi l'intimée aurait sciemment induit le département en erreur en déclarant vouloir modifier son projet initial, alors qu'elle entendait toujours le réaliser ; le projet modifié ne concernerait en rien des éléments mineurs, preuve en serait la parution de l'autorisation dans la FAO ; ledit projet rendrait inconstructible une partie de leur parcelle en raison des jours prévus ; les préavis de l'OCEN et de l'OCIRT auraient dû être renouvelés et celui de la CMNS sollicité. Enfin cette autorisation violerait l'art. 15 LCI.

9) a. Selon l'art. 10A al. 1 RCI, est réputée complémentaire la demande qui a pour objet la modification d'une autorisation principale en vigueur, pour laquelle l'attestation de conformité n'a pas encore été adressée au département ou pour laquelle le permis d'occuper n'a pas encore été délivré.

La demande qui a pour objet un projet sensiblement différent du projet initial ou qui porte sur l'adjonction au projet initial d'un ouvrage séparé et d'une certaine importance est traitée comme une demande nouvelle et distincte (art. 10A al. 2 RCI). A moins qu'elles ne portent sur des points mineurs, les demande et autorisation complémentaires sont publiées (al. 5).

Selon l'art. 3 al. 1 LCI toutes les demandes d'autorisation sont rendues publiques par une insertion dans la FAO. Il est fait mention, le cas échéant, des dérogations nécessaires.

Dans le cas du traitement d'une demande par la procédure accélérée, la demande n'est pas publiée dans la FAO, mais l'autorisation délivrée l'est (art. 3 al. 7 LCI).

b. Quand bien même cette autorisation complémentaire a été publiée par le département dans la FAO, dite publication n'était pas obligatoire au sens de l'art. 10A al. 2 RCI a contrario, mais pourrait l'être en application de l'art. 3 al. 1 LCI. En tout état, le fait qu'elle soit intervenue n'entraîne pas ipso facto une qualification de majeures des modifications en cause, lesquelles, comme au contraire retenu ci-dessus, sont bien mineures.

10) a. La législation cantonale en matière de police des constructions a pour but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve expressément le droit des tiers. Selon les principes généraux du droit, il n'appartient donc pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n'ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 LCI ; ATA/1334/2019 du 3 septembre 2019 consid. 3b).

b. Comme retenu à juste titre par le TAPI et déjà jugé par la chambre de céans, l'autorisation initiale valablement prolongée n'a pas perdu son objet du fait du dépôt et de l'obtention d'une l'autorisation complémentaire, l'intimée conservant la possibilité de réaliser l'un ou l'autre des projets qu'elles concernent (ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4).

c. On ne voit dès lors pas en quoi l'intimée aurait cherché à tromper le département dans la mesure où la procédure ne l'empêche nullement de déposer une requête d'autorisation complémentaire modifiant une autorisation principale en vigueur et le moment venu d'exécuter le projet autorisé de son choix.

Ces griefs, sans fondement, doivent être rejetés.

11) a. La chambre administrative a eu l'occasion de définir la notion de mur et a notamment retenu qu'un jour fixe, translucide et non transparent est assimilé à un mur. Constituent un mur, au sens des art. 79 et 112 LCI, toutes les installations fixées dans le sol créant une séparation visuelle entre les deux côtés de l'installation (ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 6c).

b. Selon l'art. 20 al. 1 LCI, les constructions peuvent être édifiées à la limite de deux propriétés privées.

c. L'art. 47 définit les vues droites comme des baies ouvrant directement sur l'extérieur et disposant d'un champ de vue libre.

La longueur des vues droites se calcule de la même manière que les distances entre constructions (art. 45 LCI). Elle est mesurée, pour chaque baie, perpendiculairement à la façade et sur une longueur de 4 m au moins. Le champ visuel d'une baie doit s'étendre en outre sur toute la hauteur et toute la largeur de cette baie (art. 48 al. 1 et 2 LCI).

d. Dans la mesure où les parties de la façade nord/ouest du bâtiment projeté selon autorisation complémentaire, seront équipées d'un vitrage fixe, translucide et donc non transparent, et partant assimilé à un mur, cela n'empêchera pas les recourants à l'avenir, dans les limites de l'art. 20 LCI, d'y accoler un éventuel agrandissement de leur immeuble. Leur argument d'une inconstructibilité en raison du respect des vues droite tombe dès lors à faux et sera rejeté.

12) a. Selon l'art. 15 al. 1 LEaux-GE, aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu'en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 et 50 m de la limite du cours d'eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée à la présente loi (s'il existe un projet de correction du cours d'eau, cette distance est mesurée à partir de la limite future). Cette carte et ses modifications ultérieures sont établies selon la procédure prévue par la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957.

L'al. 3 de cette disposition prévoit diverses dérogations, cas échéant assorties de charges ou de conditions (al. 6), lesquelles, selon l'al. 4, doivent être approuvées par le département et faire l'objet, hormis pour les requêtes en autorisation de construire instruites en procédure accélérée, d'une consultation de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites

Selon l'art. 15 al. 7 LEaux, les constructions et installations existantes dûment autorisées, qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont pas conformes à l'affectation de la zone, bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise. Le département peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction.

b. Comme retenu à juste titre par le TAPI, la question de l'absence de nécessité de l'obtention d'un préavis de la CMNS a déjà été définitivement tranchée en lien avec l'ISOS, par le Tribunal fédéral en dernier lieu (arrêt du Tribunal fédéral C_297/2017 du 6 décembre 2017), suite au recours formé contre l'ATA/414/2017 du 11 avril 2017. Il y sera renvoyé expressément.

c. Les recourants invoquent un nouveau biais pour remettre en cause cette décision par une prétendue violation de l'art 15 LEaux - GE. Or là encore le raisonnement du TAPI ne prête pas le flanc à la critique. En effet, l'al. 7 de cette disposition n'institue pas un régime dérogatoire, pour les installations et constructions existantes à l'instar des immeubles des recourants et de l'intimée, contrairement à son al. 3, pour l'application duquel le préavis de la CMNS serait effectivement nécessaire, hormis pour les requêtes en autorisation de construire instruites en procédure accélérée (art. 15 al. 4 et 5 LEaux-GE). Ainsi, il faut retenir avec le TAPI que la formulation du préavis de l'OCEau du 12 mars 2019 favorable « avec dérogations (art. 15 al. 7 LEaux-GE) et art. 41c al. 2 de l'ordonnance sur la protection des eaux du 28 octobre 1998 (OEaux - RS 814.201) », constitue un simple abus de langage, s'agissant de l'usage du mot dérogation, ne liant aucunement le département.

Force est ainsi de retenir que le préavis de la CMNS n'était pas davantage requis en application de la LEaux-GE, de sorte que ce grief sera également rejeté.

d. La recevabilité du grief allégué par les voisins de l'immeuble dont la surélévation est projetée, au niveau de l'exigence d'être touchés directement par l'autorisation querellée (art. 60 al. 1 let. b LPA), en lien avec la prétendue nécessité de demander de nouveaux préavis de l'OCEN et l'OCIRT, est douteuse.

En tout état, comme relevé par l'intimée, suivie en cela par le département, puis le TAPI, on ne voit pas en quoi la minime réduction de la SBP, soit moins de 5 m 2 sur trois étages, aurait un impact devant conduire l'OCEN à se positionner à nouveau sur la situation, étant relevé que le préavis joint à l'autorisation initiale devra évidemment, s'agissant du respect des prescriptions et standards énergétiques applicables, être respecté. Il en va de même du préavis de l'OCIRT, les recourants se contentant à cet égard d'alléguer, sans le démontrer, que les modifications envisagées auraient un impact sur la sécurité des travailleurs, ce qui est difficilement soutenable compte tenu du caractère minime des modifications en cause, l'intimée n'étant pas contredite lorsqu'elle explique que les chemins de fuite, de même que la luminosité des locaux, resteront les mêmes.

Ce grief sans fondement sera en conséquence également rejeté.

13) Enfin, la chambre administrative a déjà retenu et largement motivé dans son arrêt ATA/414/2017 du 11 avril 2017, en ses consid. 3d, 6c et 7c rappelés ci-dessus, que le département, qui avait fait sienne l'appréciation de la CA, n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le projet initial ne nuirait pas au site dans lequel il s'insérait (art. 15 LCI). Il est, en tant que de besoin, expressément renvoyé à sa motivation d'alors.

Les minimes modifications apportées au projet par l'autorisation complémentaire ne sont pas de nature à renverser ce constat et cette motivation.

Ainsi, en tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

14) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1), de même qu'une indemnité de procédure de CHF 2'000.- en faveur de l'intimée, qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2020 par Banque J. Safra Sarasin SA et Monsieur Jacob SAFRA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de Banque J. Safra Sarasin SA et Monsieur Jacob SAFRA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à FAB Private Bank (Suisse) SA, à la charge solidaire de Banque J. Safra Sarasin SA et Monsieur Jacob SAFRA ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mark Muller, avocat des recourants, au département du territoire-OAC, à Me Delphine Zarb, avocate de FAB Private Bank (Suisse) SA, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Mascotto et Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :