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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1083/2020

ATA/979/2021 du 21.09.2021 sur JTAPI/873/2020 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.11.2021, rendu le 16.01.2023, REJETE, 2C_877/2021
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;FARDEAU DE LA PREUVE;LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES;CRÉDIT HYPOTHÉCAIRE;PRÊT DE CONSOMMATION;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;ACTIONNAIRE;TAUX D'INTÉRÊT;PRESTATION COMPARABLE;PRIX DU MARCHÉ;CRÉANCE GARANTIE PAR GAGE;PRINCIPE DE PLEINE CONCURRENCE;PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL
Normes : LPA.62.al1.leta; LPFisc.7.al2; LIFD.145; LIFD.57; LIFD.58.al1; LHID.24.al1.leta; LIPM.12.leta; LIPM.12.letd
Résumé : Recours contre une décision de taxation portant sur la reprise fiscale d'un montant de CHF 301'132.- d'intérêts non admis sur le prêt d'un actionnaire octroyé à la société recourante (ICC et IFD 2016). Rappel des critères jurisprudentiels en matière de distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent. Pour écarter l'existence d'une prestation appréciable en argent, il convient d'examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence. L'AFC-CH édicte chaque année des directives sur les taux d'intérêts déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent, publiées sous la forme de lettres-circulaires. Même si ces lettres-circulaires sont des directives internes à l'administration ne liant ni le contribuable, ni l'autorité de taxation, ni le Tribunal fédéral, elles tendent à une application uniforme et égale du droit, de sorte qu'elles ne sont écartées que si elles ne traduisent pas une concrétisation convaincante des dispositions légales applicables. En l'espèce, il n'existe aucune raison de ne pas appliquer la lettre-circulaire de 2016. Sur le fond, la société recourante, qui s'est vu octroyer un prêt par son actionnaire à un taux d'intérêt de 4,35 % – taux supérieur à celui fixé dans la lettre-circulaire de 2016 –, n'a pas réussi, dans le cadre de ce contrat de prêt, à démontrer le respect du principe de pleine concurrence. Elle n'est donc pas parvenue à renverser la présomption réfragable visée par la lettre-circulaire de 2016 en matière de taux d'intérêts sur des prêts entre des sociétés et leurs actionnaires. C'est donc à juste titre que l'AFC-GE puis le TAPI ont décidé d'appliquer le taux d'intérêt prévu par la lettre-circulaire. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1083/2020-ICCIFD ATA/979/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 septembre 2021

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Nicolas Merlino, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2020 (JTAPI/873/2020)


EN FAIT

1) Selon le registre du commerce de Genève, la société A______ SA (ci-après : A______), inscrite le 16 juillet 1993, a pour but l'achat, la vente, la construction et la gérance d'immeubles, ainsi que les conseils en investissements immobiliers.

2) En octobre 2003, elle a conclu une convention de prêt avec sa société-mère et actionnaire, B______ SA (ci-après : B______), sise à Zoug.

3) Elle gère un immeuble locatif sis ______ , rue C______ qui, en 2016, faisait l'objet d'un financement en premier rang avec un taux fixe auprès d'une compagnie d'assurance – D______ (ci-après : D______) – à hauteur de CHF 15'940'000.-, jusqu'au 31 décembre 2020.

En fin d'année 2016, le contrat de prêt hypothécaire conclu avec D______ sur l'immeuble précité a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2031.

4) À l'appui de sa déclaration fiscale 2015, A______ a produit une note au taxateur au sujet du taux d'intérêt de 4,35 % appliqué au prêt à long terme accordé par B______. Ce taux s'appuyait sur le taux du marché, conformément à une « offre » faite par le F______ dans le cadre de discussions avec cet organisme, dont elle a joint une copie à la déclaration fiscale.

5) Par bordereau du 2 juin 2016, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la contribuable pour l'année 2015, admettant en déduction la totalité des intérêts payés à son actionnaire.

6) Un contrat de prêt a été formalisé par écrit le 15 décembre 2016 entre A______ et son actionnaire. Par ce contrat, ce dernier accordait à la contribuable un prêt de CHF 9'000'000.- pour une période de dix ans, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2026. Le prêt était renouvelable, le taux d'intérêt applicable – 4,35 % – était fixe et les intérêts étaient payables trimestriellement, à terme échu.

7) Le 26 juillet 2017, la contribuable a déposé sa déclaration fiscale 2016.

Elle y a mentionné une dette envers son actionnaire, pour un montant de CHF 9'000'000.-, et des intérêts s'élevant à CHF 392'632.-, soit un taux d'intérêt de 4,35 %. La valeur de l'immeuble sis ______, rue C______, selon les comptes 2016 transmis en annexe, s'élevait à CHF 24'500'000.-.

8) Par lettre du 8 novembre 2017, l'AFC-GE a requis un complément d'information auprès de la contribuable, lui demandant de lui transmettre l'identité du bénéficiaire des intérêts de CHF 392'632.-, toutes les explications utiles et justifications permettant d'expliquer la fixation du taux d'intérêt ainsi qu'une copie du contrat de prêt conclu entre B______ et la contribuable.

9) Le 15 novembre 2017, la contribuable a transmis les précisions et documents requis, en précisant que le taux d'intérêt fixé correspondait au taux déterminé par le F______ dans son offre formulée en lien avec la demande de refinancement d'A______ en février 2016.

10) Par bordereaux de taxation datés du 11 janvier 2018, l'AFC-GE a procédé à une reprise fiscale de CHF 301'132.- d'intérêts non admis sur le prêt de l'actionnaire, tant pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2016 que pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2016.

Elle considérait que les conditions du prêt n'étaient pas identiques aux conditions mentionnées dans le courriel du F______.

11) Le 8 février 2018, la contribuable a élevé réclamation à l'encontre des bordereaux de taxation ICC et IFD pour la période fiscale 2016.

Le taux d'intérêt appliqué dans le contrat de prêt – 4,35 % – correspondait au taux déterminé par le F______ dans son offre formulée en 2016. Afin de tenir compte des observations de l'AFC-GE relatives aux divergences entre les conditions de l'offre précitée et celles du prêt de son actionnaire, le contrat de prêt ferait l'objet d'un amendement pour que les conditions de l'offre et du prêt soient alignées.

L'amendement préciserait que le contrat de prêt serait renouvelable aux conditions du marché qui prévaudraient à l'échéance du prêt, en 2026. Il formaliserait également l'amortissement annuel pour un montant de CHF 500'000.-, la première fois le 31 décembre 2017. Une copie de l'amendement signé serait transmise dès signature à l'AFC-GE pour information.

12) Le 28 mars 2018, l'AFC-GE a requis de la contribuable qu'elle lui remette l'attestation d'un institut financier démontrant qu'avec les actifs et passifs 2016 de la société, un montant de CHF 9'000'000.- aurait été prêté à taux d'intérêt de 4,35 %.

13) Dans son courriel du 26 juin 2018, la contribuable a répondu qu'un tel document était matériellement impossible à obtenir, aucun établissement bancaire n'étant habilité à établir une offre ou une attestation de taux d'intérêt de manière rétrospective.

Néanmoins, dans un souci de collaboration, une attestation de E______ qui confirmait l'authenticité de l'offre formulée par le F______ en 2016, sur laquelle se fondait le taux de 4,35 %, était jointe au courriel.

La contribuable sollicitait également un entretien avec l'AFC-GE afin de pouvoir donner tous les éclaircissements complémentaires utiles à sa prise de décision.

14) Par décisions sur réclamation du 26 février 2020, concernant d'une part l'ICC 2016 et d'autre part l'IFD 2016, l'AFC-GE a rejeté les réclamations de A______, en retenant les taxations initiales notifiées le 11 janvier 2018.

Le taux d'intérêt prévu dans le contrat s'écartant de ceux prescrits par la lettre-circulaire 2016 de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), il appartenait à A______ de démontrer que ledit taux d'intérêt était conforme au principe de pleine concurrence. Or, la documentation produite ne permettait pas de constater qu'un prêt comparable aurait été fourni dans les mêmes conditions par un tiers. De plus, le contrat de prêt produit couvrait une période débutant le 1er janvier 2017, alors que la taxation contestée portait sur la période fiscale 2016. La pièce produite n'était ainsi à cet égard pas pertinente.

L'échange de courriels produits avec le F______ n'était pas probant, dès lors qu'il ne constituait pas « une proposition concrète », mentionnant uniquement qu'une reprise était envisageable.

Enfin, la proposition du F______ différait du prêt fourni, dans la mesure où aucun remboursement de la dette et aucune garantie immobilière n'étaient mentionnés dans le contrat de prêt remis.

15) Par acte du 28 avril 2020, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation et à ce que des nouvelles décisions de taxation, tant pour l'ICC que l'IFD 2016, soient prononcées, admettant en déduction de son bénéfice net imposable l'intégralité des intérêts dus à B______, comptabilisés sur l'exercice 2016.

Le fait que le contrat de prêt écrit ne couvrît pas la période fiscale 2016 n'était pas déterminant, dès lors qu'il existait déjà un contrat de prêt de fait depuis la période fiscale 2015. Dans un tel cas, l'allongement de la durée du prêt, soit douze ans au lieu de dix, aurait eu pour effet d'augmenter le taux d'intérêt, ce qui ressortait de l'offre formulée par le F______.

Cette offre était concrète et émanait du responsable d'équipe du « Mortgage lending center ». L'authenticité de l'offre avait au demeurant été corroborée par une attestation de E______. Ces pièces étaient suffisamment probantes pour que le taux de 4,35 % puisse être admis comme comparable à celui du marché.

Les divergences entre l'offre formulée par la banque et le contrat de prêt convenu entre les parties, soit la question de l'amortissement de la dette et de la garantie immobilière, ne pouvaient remettre en question le taux convenu entre les parties. En effet, ces éléments étaient de nature à justifier une réduction du taux d'intérêt, les risques encourus par le prêteur étant moindres. L'absence d'amortissement et de garantie immobilière dans le contrat de prêt démontrait ainsi que le taux d'intérêt fixé entre les parties n'était pas excessif. Au demeurant, le contrat de prêt avait expressément été modifié pour tenir compte des remarques de l'AFC-GE et le prêt ferait l'objet d'un amortissement annuel à compter de la période fiscale 2017.

Enfin, l'offre de la banque avait été reconnue comme probante par l'AFC-GE qui avait admis, dans sa décision du 2 juin 2016, une déduction totale des intérêts payés par la contribuable avec un taux de 4,35 % pour la période fiscale 2015. Cette dernière s'était fondée sur cette appréciation pour répéter l'exercice en 2016. L'administration avait changé d'approche sans avertissement et sans motif valable, remettant ainsi en question sa précédente analyse fiscale du dossier.

16) Dans sa réponse du 18 juin 2020, l'AFC-GE a conclu à ce que la cause lui soit renvoyée pour rectification des bordereaux de taxation du 11 janvier 2018 en appliquant un taux d'intérêt de 1,5 % – et non plus de 1,017 % – et au rejet du recours pour le surplus.

Aucune demande d'arrangement fiscal n'avait été déposée par A______ et ce n'était que dans une note au taxateur qu'elle avait justifié le taux d'intérêt pratiqué. Elle n'avait pas cherché à valider les taux d'intérêts en amont du processus de taxation. Si un contrat de prêt pouvait juridiquement être conclu oralement, il était néanmoins étrange qu'un prêt du montant considéré, soit CHF 9'000'000.-, ait été passé uniquement de cette manière, sans établir le taux d'intérêt par écrit. Dans ces conditions, en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, c'était à bon droit que l'administration s'était fondée sur les taux d'intérêt de la lettre-circulaire de l'AFC-CH pour la période fiscale 2016, même si le contrat de prêt avait pu s'appliquer de fait avant cette période.

En payant des intérêts plus onéreux sur une créance chirographaire, A______ n'avait agi que dans l'intérêt de son actionnaire, dans la mesure où elle avait eu la possibilité de mettre en gage un bien immobilier et de supporter des intérêts hypothécaires moins onéreux.

Compte tenu du caractère insolite du prêt, celui-ci était qualifié par l'AFC-GE de crédit immobilier, soumis à des taux inférieurs selon la séquence définie de la lettre-circulaire de l'AFC-CH dans sa version 2016.

S'agissant de la méthode des transactions comparables, applicable dans le cas d'espèce, la contribuable comparait un prêt effectif à une proposition commerciale théorique – l'offre du F______ – qui mentionnait un taux indicatif. En outre, les prêts divergeaient sur de nombreux éléments, soit la date effective, la nature du crédit, l'objet, le rang et la garantie du prêt, ce qui les rendait impossibles à comparer. La preuve que le taux d'intérêt du prêt de l'actionnaire était conforme au principe de pleine concurrence n'avait ainsi pas été fournie, d'autant plus que l'engagement à signer l'amendement précité restait sans suite à ce stade-là. Au demeurant, les termes utilisés par le F______, ainsi que l'utilisation du conditionnel présent, démontraient que sa proposition était théorique et non concrète.

En raison d'un changement de sa pratique, elle était disposée à appliquer un taux d'intérêt supérieur, soit 1,5 % et non plus 1,017 %, dans la mesure où l'immeuble en cause était un immeuble à usage strictement commercial. Le redressement fiscal était ainsi ramené de CHF 301'132.- à CHF 255'382.-.

17) Le 14 juillet 2020, A______ a répliqué.

Le fait que les parties n'aient prévu ni de gage immobilier ni d'amortissement de la dette ne suffisait pas à conclure que le taux d'intérêt du prêt de l'actionnaire n'était pas conforme au principe de pleine concurrence. Dès lors que ces éléments étaient de nature à revoir à la hausse le taux d'intérêt, l'application d'un taux d'intérêt « bas » de 4,35 % relevait de la précaution pour s'assurer du respect du principe de pleine concurrence.

L'offre du F______ devait être qualifiée de comparable et représentait le prix du marché. Le taux d'intérêt formulé par cet établissement, qui tenait compte d'une garantie immobilière, correspondait déjà au taux convenu entre les parties sans gage immobilier. Ce dernier n'était dès lors pas excessif. La proposition de la banque était concrète et suffisante pour que les parties puissent s'y fier en vue de déterminer le taux applicable à leur relation financière. En effet, elle avait fait l'objet de nombreux échanges et précisions pendant plusieurs mois.

L'immeuble en cause était déjà grevé d'un gage immobilier de premier rang par un contrat à terme fixe échéant au 31 décembre 2020, de sorte que la contribuable n'aurait pu le grever que d'un gage immobilier de deuxième rang, ce que le F______ avait précisément refusé de faire. Dès lors, le fait de fixer en 2016 les modalités d'un prêt hypothécaire en vue du refinancement du crédit de premier rang qui aurait déployé ses effets en 2021 aurait été de nature à agir à l'encontre des intérêts de la société.

Les principes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après : OCDE) applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (édition juillet 2010 ; ci-après : principes OCDE) s'adressaient à des entreprises multinationales et n'étaient dès lors pas applicables à la transaction en cause, la contribuable étant une PME.

Les circonstances permettaient d'écarter la question d'une prestation appréciable en argent, dès lors que les parties s'étaient fondées sur une offre du F______ portant sur la même période fiscale et dont la force probante avait été reconnue par l'AFC-GE dans le cadre de la taxation 2015.

18) Par jugement du 12 octobre 2020, le TAPI a admis partiellement le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation en matière d'ICC et d'IFD 2016, le taux d'intérêt appliqué devant être fixé à 1,5 % et la reprise ramenée de CHF 301'132.- à CHF 255'583.-.

Dans le cadre de son financement, la contribuable aurait dû, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral applicable en la matière, recourir dans un premier temps à des crédits hypothécaires, ce qu'elle n'avait pas fait, créant ainsi une présomption réfragable qu'une prestation appréciable en argent avait été accordée à l'actionnaire.

L'échange de courriels avec le F______ devait être considéré comme une réponse prudente à une demande de renseignements, et non comme une offre. L'attestation de E______ mentionnait uniquement que l'offre avait été demandée par la société et que la réponse émanait bien du F______, mais aucunement que ce taux correspondait effectivement au prix du marché, ni même que les éléments de cette proposition pouvaient être considérés comme comparables au prêt octroyé par l'actionnaire. La contribuable n'avait produit aucune autre offre émanant d'institutions bancaires lui permettant de démontrer que le taux fixé dans le contrat passé avec son actionnaire était conforme au taux du marché. La production d'autres offres aurait permis de s'assurer que le taux fixé entre les parties était réellement conforme au taux du marché et respectait le principe de pleine concurrence, ce qui aurait permis d'écarter l'application du taux fixé par la lettre-circulaire de 2016.

En ne réussissant pas à démontrer que la proposition du F______ était suffisamment concrète, A______ n'avait pas réussi à renverser la présomption réfragable visée par la lettre-circulaire de 2016 en matière de taux d'intérêts sur des prêts entre des sociétés et ses actionnaires.

En application du principe de l'étanchéité des exercices comptables et des périodes fiscales, l'autorité n'était pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée. Ainsi, l'AFC-GE n'était pas obligée de se fonder sur la taxation 2015 pour rendre la taxation 2016.

19) Par acte posté le 13 novembre 2020, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation ainsi qu'au prononcé de nouvelles décisions de taxation – tant pour l'ICC que pour l'IFD 2016 – admettant en déduction du bénéfice net imposable de la société l'intégralité des intérêts de CHF 392'632.- dus à son actionnaire et comptabilisés sur l'exercice 2016. Elle a également conclu à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Comme le démontraient les pièces du dossier, notamment un courrier de D______, elle était dans l'impossibilité de contracter un prêt hypothécaire en 2016 et ne pouvait que contracter un prêt chirographaire, de sorte que le taux d'intérêt de 1,5 % fixé dans la lettre-circulaire de l'AFC-CH de 2016 n'était pas applicable. Celle-ci était par ailleurs inapplicable au cas d'espèce, dans la mesure où son application aurait conduit à retenir arbitrairement un taux d'intérêt effectif inférieur pour les crédits d'exploitation par rapport à ceux applicables aux crédits immobiliers.

Le détail du calcul du taux d'intérêt proposé et communiqué par le F______ démontrait que le taux d'intérêt fixé dans le contrat de prêt – 4,35 % – reposait sur des composantes objectives, qui reflétaient le prix du marché en 2016. Ainsi, la société pouvait s'y fier et le reprendre dans le contrat conclu avec son actionnaire, dans le strict respect du principe de pleine concurrence. Or, le TAPI avait passé sous silence le détail du calcul du taux d'intérêt, qui représentait pourtant la pièce maîtresse de cette offre.

Dans son offre, le F______ avait fait usage du conditionnel présent uniquement pour exprimer le fait que le prêt sollicité n'aurait pu se matérialiser qu'en 2018. Le conditionnel présent était également le mode traditionnel utilisé avant l'envoi d'une offre prête à signer.

Les seules divergences entre l'offre précitée et le prêt conclu entre la société et son actionnaire n'étaient pas pertinentes et le fait que le TAPI ne les ait pas prises en compte le démontrait.

Le TAPI avait violé le droit en indiquant que les contribuables avaient l'obligation de produire une offre d'un tiers prête à être signée en vue de rendre inapplicables les taux d'intérêts publiés par l'AFC-CH. Les exigences requises pour prouver que le taux fixé était conforme au taux du marché se révélaient excessives et auraient conduit à exiger des contribuables qu'ils mènent des négociations de mauvaise foi, engageant par-là leur responsabilité contractuelle.

20) Le 18 février 2021, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Dans son courrier, D______ se limitait à indiquer qu'A______ était prohibée de contracter auprès d'un tiers un prêt hypothécaire de rang paritaire. Elle mentionnait également ne pas avoir donné son accord pour un prêt supplémentaire de CHF 9'000'000.- garanti par gage immobilier de premier rang. Ainsi, la société s'était trouvée uniquement dans l'impossibilité de conclure un nouveau prêt hypothécaire de premier rang et aurait pu contracter un prêt supplémentaire de second rang. Au demeurant, elle aurait pu conclure un contrat de prêt hypothécaire avec le F______, à la condition que ce dernier eût financé l'entier de l'immeuble.

La proposition du F______ divergeait d'une façon trop importante du prêt litigieux. Alors que le fardeau de la preuve lui incombait, la société n'avait produit aucune autre offre émanant d'institutions bancaires lui permettant de démontrer que le taux fixé dans le contrat passé avec l'actionnaire était conforme au taux du marché. Elle avait également eu la possibilité de demander à l'AFC-GE un « bon pour accord » en amont du processus de taxation, ce qu'elle n'avait pas fait.

Le taux d'intérêt de 4,35 % proposé par F______ s'écartait des taux d'intérêts hypothécaires classiques et correspondait vraisemblablement à un taux d'intérêt chirographaire. Les principes relatifs aux problématiques d'intérêts insuffisants sur les prêts aux actionnaires étaient également applicables à la problématique d'intérêts excessifs. Dès lors, la lettre-circulaire de l'AFC-CH de 2016 était applicable au cas d'espèce.

Compte tenu des taux inférieurs prévus dans la lettre-circulaire de 2016 pour les crédits immobiliers, il s'avérait hautement probable que, si le prêt avait été conclu avec une personne tierce n'ayant aucun lien avec elle, la société aurait cherché à obtenir un taux d'intérêt plus bas que celui de 4,35 %.

21) Le 9 mars 2021, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 9 avril 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires.

22) Dans sa réplique du 9 avril 2021, A______ a persisté dans ses conclusions.

Il était notoire qu'aucun établissement bancaire ne finançait un gage immobilier de second rang sans être au bénéfice du premier rang. Le courriel de l'UBS produit à l'appui du recours le confirmait. Dès lors, en 2016, la société se trouvait bel et bien dans l'impossibilité de contracter un prêt hypothécaire et ne pouvait que contracter un prêt chirographaire. Ainsi, dans sa relation contractuelle avec son actionnaire, elle avait respecté les exigences en matière de pleine concurrence.

L'AFC-GE avait l'obligation de s'écarter des lettres-circulaires de l'AFC-CH, qui n'étaient que des « safe harbour rules », si elle constatait que leur application conduirait à un résultat arbitraire, comme c'était le cas en l'espèce. Les taux de la lettre-circulaire de 2009 de l'AFC-CH, que l'AFC-GE avait évoqués dans sa réponse au travers d'un arrêt du Tribunal fédéral, étaient fondamentalement différents de ceux retenus dans la lettre-circulaire de 2016. Il découlait de l'application de la lettre-circulaire de 2009 que les taux d'intérêts du crédit d'exploitation étaient supérieurs aux crédits immobiliers, ce qui était conforme au principe de pleine concurrence. Or, ceci n'était pas le cas de la lettre-circulaire de 2016 de l'AFC-CH, à teneur de laquelle, pour un prêt de CHF 9'000'000.-, le taux d'intérêt d'un crédit immobilier de premier rang (1,5 %) était supérieur à celui des crédits d'exploitation (1,22 %). Dès lors, les taux d'intérêts figurant dans cette lettre-circulaire n'étaient pas opposables à la société dans le cadre de son prêt de CHF 9'000'000.-.

L'offre proposée par le F______ ainsi que le courrier de D______, par lequel cette dernière confirmait que le contrat de prêt hypothécaire de premier rang avait été prolongé pour une durée de dix ans à un taux d'intérêt de 3,90 %, prouvaient que le taux d'intérêt prévu par le contrat de prêt correspondait à un taux reflétant et respectant le prix du marché en 2016.

Dans sa lettre-circulaire de 2016, l'AFC-CH avait fixé un écart admissible de 0,75 % entre le taux d'intérêt de l'hypothèque de premier rang (1,5 %) et celui de deuxième rang (2,25 %). Dès lors, pour déterminer le taux d'intérêt respectant le principe de pleine concurrence pour un prêt garanti par un gage immobilier de deuxième rang, il suffisait de suivre cette systématique en ajoutant au taux hypothécaire de premier rang – 3,90 % en l'espèce – un écart de 0,75 %. Ainsi, le taux d'intérêt que la société et son actionnaire auraient pu exploiter était de 4,65 %, soit un taux d'intérêt supérieur à celui retenu (4,35 %).

23) L'AFC-GE ne s'est quant à elle pas manifestée.

24) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) a. Le litige porte sur l'ICC et l'IFD pour l'année fiscale 2016 de la recourante.

b. Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATA/463/2020 du 7 mai 2020 consid. 6b).

3) Le litige s'inscrit dans le cadre d'une reprise de CHF 301'132.- – ramenée à CHF 255'382.- par le TAPI – effectuée, pour la période fiscale 2016, par l'AFC-GE à titre d'intérêts excessifs sur le prêt accordé par l'actionnaire à la recourante. Ladite reprise a pour effet d'augmenter le bénéfice net imposable. Selon l'AFC-GE, le taux appliqué par la contribuable est trop élevé de sorte que les intérêts que cette dernière a payés à son actionnaire constituent, pour la partie excessive, une prestation appréciable en argent (ou distribution dissimulée de bénéfice), ce qui est contesté par la recourante.

4) a. Aux termes de l'art. 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les distributions dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial (let. b 5ème tiret).

Selon l'art. 24 al. 1 let. a LHID, l'impôt sur le bénéfice a pour objet l'ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats. Cette règle est concrétisée en droit genevois par l'art. 12 let. a et d de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), qui correspond sur ce point à l'art. 58 al. 1 let. a et b LIFD.

b. Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2 ; 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 7.1 ; 2C_124/2016 du 31 janvier 2017 consid. 6.1). Il convient ainsi d'examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« dealing at arm's length » ; ATF 140 II 88 précité consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n'est pas pertinent que la disproportion d'une prestation soit justifiée par l'intérêt du groupe (ATF 140 II 88 précité consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_834/2011 du 6 juillet 2012 consid. 2.3).

Les formes d'apparition des prestations appréciables en argent sont multiples. Elles peuvent être réalisées par un accroissement injustifié des frais généraux (salaire excessif, paiement d'intérêts disproportionnés pour un prêt de l'actionnaire, rémunération trop importante d'un service rendu par l'actionnaire), ou par une comptabilisation insuffisante d'un produit (la société n'exige pas une contre-prestation appropriée pour un service rendu à l'actionnaire). Elles peuvent également apparaître sous la forme d'une diminution exagérée d'actifs (acquisition d'actifs sans valeur, octroi d'un prêt dont le remboursement n'est pas concevable, renonciation à une créance) ou d'un accroissement de passifs (la société se reconnaît débitrice pour une prestation qu'elle n'a jamais reçue ; ATA/876/2018 du 28 août 2018 et les références citées).

5) a. L'AFC-CH édicte chaque année des directives sur les taux d'intérêts déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent, publiées sous la forme de lettres-circulaires, destinées à simplifier la mise en œuvre du principe de pleine concurrence en relation avec les taux d'intérêts de prêts conclus en francs suisses entre des sociétés et leurs actionnaires ou associés – ou leurs proches – (ATF 140 II 88 précité consid. 5.1).

La lettre-circulaire de l'AFC-CH porte sur le taux d'intérêt admis fiscalement sur les avances ou les prêts en francs suisses, et vise à faciliter le calcul des prestations appréciables en argent. S'agissant des prêts des actionnaires ou associés, elle fixe des taux d'intérêts maximums (chiffre 2 de la lettre-circulaire de 2016). D'après cette directive, lorsqu'une société accorde des avances ou des prêts sans intérêt ou contre un intérêt insuffisant à ses porteurs de parts ou à des tiers qui leur sont proches, elle leur concède une prestation appréciable en argent. Il en va de même lorsqu'une société paie des intérêts à un taux surfait sur les créances détenues par les porteurs de droits de participation ou par des tiers qui leur sont proches.

Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser que, même si ladite lettre-circulaire de l'AFC-CH est une directive interne à l'administration ne liant ni le contribuable, ni l'autorité de taxation, ni le Tribunal fédéral, elle tend à une application uniforme et égale du droit, de sorte qu'elle n'est écartée que si elle ne traduit pas une concrétisation convaincante des dispositions légales applicables (ATF 140 II 88 précité consid. 5.1.2 et les arrêts cités). Le but de cette directive est de simplifier la mise en œuvre du principe de pleine concurrence en relation avec les taux d'intérêts de prêts conclus en francs suisses entre des sociétés et leurs actionnaires ou associés ou leurs proches (ATF 140 II 88 précité consid. 5.1). Sauf preuve du contraire ou circonstance particulière, les taux d'intérêt minimaux et maximaux y figurant sont ainsi réputés refléter ceux pratiqués en situation de pleine concurrence pour l'année en cause. S'agissant de la reprise d'intérêts, sont déterminants les taux pratiqués lors de la période fiscale considérée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_443/2017 du 15 janvier 2018 consid. 6.2).

b. Le chiffre 2 de la lettre-circulaire de 2016 distingue les crédits immobiliers (ch. 2.1) et les crédits d'exploitation (ch. 2.2) et prévoit des taux d'intérêts maximums différents suivant que le prêt concerne les premiers ou les seconds.

En matière de crédits immobiliers, sur un crédit immobilier égal à la première hypothèque, soit sur une première tranche correspondant aux 2/3 de la valeur vénale de l'immeuble, le taux d'intérêt maximum est de 1 % pour la construction de logements et l'agriculture et de 1,5 % pour l'industrie, les arts et métiers. Sur le solde, jusqu'à concurrence de maximum 70 % de la valeur vénale des terrains à bâtir, des villas, des propriétés par étages, des maisons de vacances et d'immeubles industriels et jusqu'à concurrence de maximum 80 % de la valeur vénale des autres immeubles, le taux d'intérêt maximum est de 1,75 % pour la construction de logements et l'agriculture et de 2,25 % pour l'industrie, les arts et métiers.

En matière de crédits d'exploitation, le taux d'intérêt maximum, jusqu'à CHF 1'000'000.-, est de 3 % dans le commerce et l'industrie et de 2,5 % pour les holdings et les sociétés de gérance de fortune. À partir de CHF 1'000'000.-, le taux d'intérêt maximum est de 1 % dans le commerce et l'industrie et de 0,75 % pour les holdings et les sociétés de gérance de fortune.

6) a. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1223/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c).

Par ailleurs, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (ATA/1223/2020 précité consid. 3d et les références citées).

b. Dans le domaine des prestations appréciables en argent, telles que des distributions dissimulées de bénéfice, le fardeau de la preuve se répartit comme suit : les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante ; si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_207/2019 du 16 juillet 2019 consid. 4.2 ; 2C_1157/2016 du 2 novembre 2017 consid. 4.2.3). Par ailleurs, une fois qu'un fait est tenu pour établi, la question du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 137 III 226 consid. 4.3). Les autorités doivent en effet pouvoir s'assurer que seules des raisons commerciales, et non les rapports personnels et économiques étroits entre la société et le bénéficiaire de la prestation, étaient déterminantes pour le choix de la prestation présentant un caractère insolite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011 consid. 5.2 et les références citées ; ATA/222/2019 du 5 mars 2019 consid. 7).

Les taux d'intérêt déterminants fixés par l'AFC-CH ne constituent que des « safe harbour rules ». En conséquence, l'irrespect de ces taux ne crée qu'une présomption réfragable d'existence de prestation appréciable en argent, qui renverse toutefois le fardeau de la preuve en défaveur de la société contribuable, cette dernière devant démontrer que la prestation octroyée est néanmoins conforme au principe de pleine concurrence (ATF 140 II 88 précité consid. 7).

c. La détermination du taux d'intérêt d'un prêt conforme au principe de pleine concurrence dépend de multiples facteurs, dont, notamment, le montant et la durée du prêt, sa nature, son objet (crédit commercial, prêt à objet général, crédit immobilier, etc.), la garantie dont le prêt est assorti ou non et la surface financière de l'emprunteur (ATF 140 II 88 précité consid. 6.2).

S'agissant des taux d'intérêts de prêts entre sociétés et actionnaires ou leurs proches, le Tribunal fédéral a tendance à appliquer dans sa jurisprudence la méthode de la comparaison avec une transaction comparable pour déterminer le taux d'intérêt qui aurait été appliqué à un prêt entre tiers indépendants. Cette méthode est également celle qui est préconisée par l'OCDE lorsque la problématique du prix de transfert concerne un prêt d'argent, au motif qu'elle est aisée à mettre en œuvre dans ce contexte (ATF 140 II 88 précité consid. 6.1 et les références citées). Ladite méthode (également nommée méthode du prix comparable) consiste à procéder à une comparaison avec le prix appliqué entre tiers dans une transaction présentant les mêmes caractéristiques, soit en tenant compte de l'ensemble des circonstances déterminantes (ATF 140 II 88 précité consid. 4.2 et les références citées). Si les conditions économiques pertinentes diffèrent de celles de la transaction examinée, des ajustements doivent être effectués, afin de gommer les effets de ces différences (principes OCDE, n. 1.33 ss). On ne peut toutefois totalement exclure qu'une transaction comparable n'ait pas été conclue au prix du marché, dès lors que la formation du prix peut être influencée par plusieurs éléments, tels que les conditions du marché, les conditions contractuelles (par exemple, l'existence de prestations secondaires, la quantité de biens vendus, les conditions de paiement), la stratégie commerciale poursuivie par ce tiers acquéreur ou les fonctions économiques des parties. Il n'en demeure pas moins que le prix pratiqué dans une transaction comparable est présumé correspondre au prix du marché ; en cas de contestation, la preuve du contraire incombe à la société (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.2 et les références citées).

7) a. La recourante prétend que la lettre-circulaire de l'AFC-CH de 2016 serait inapplicable au cas d'espèce en raison du fait que le montant du prêt s'élève à CHF 9'000'000.-.

b. En effet, selon cette lettre-circulaire, pour un prêt de CHF 9'000'000.-, le taux d'intérêt d'un crédit immobilier de premier rang (1,5 %) serait supérieur à celui des crédits d'exploitation (1,22 %). Dès lors, un créancier qui ne serait pas au bénéfice d'une garantie au moment d'octroyer un prêt de CHF 9'000'000.- à un tiers fixerait un taux d'intérêt moins élevé que s'il était au bénéfice d'un gage immobilier, ce qui constituerait un résultat arbitraire.

8) Il convient dès lors de déterminer si l'AFC-GE pouvait se fonder sur les taux indiqués dans la lettre-circulaire de 2016 pour rendre sa décision.

9) Dans une application tout à fait stricte de la lettre-circulaire de 2016, les immeubles commerciaux loués se voient appliquer le taux d'intérêt applicable – de 1 % – à la catégorie « construction de logements et agriculture », de sorte que, pour un prêt de CHF 9'000'000.-, le taux d'intérêt d'un crédit immobilier de premier rang (1 %) serait inférieur – et non supérieur – à celui des crédits d'exploitation (1,22 %). Or, c'est bien l'autorité de taxation genevoise qui, par une nouvelle pratique et en dérogation à l'application stricte de la lettre-circulaire, fait bénéficier les immeubles commerciaux loués du taux d'intérêt plus élevé (1,5 %) applicable à la catégorie « industrie, art et métiers ». Cette nouvelle pratique, au demeurant favorable à la recourante, ne saurait remettre en cause l'application de la lettre-circulaire de 2016 pour un prêt de CHF 9'000'000.-.

Compte tenu de ce qui précède, la lettre-circulaire de 2016 est applicable au cas d'espèce.

10) a. Dans le cadre du contrat de prêt conclu avec son actionnaire, la recourante n'a pas respecté les taux d'intérêt déterminants fixés par l'AFC-CH, dans la mesure où le taux d'intérêt fixé dans ce contrat – 4,35 % – est supérieur à celui figurant dans la circulaire de 2016 (1,5 %). Cet irrespect crée une présomption réfragable d'existence de prestation appréciable en argent, qui renverse le fardeau de la preuve en défaveur de la recourante. Cette dernière doit ainsi démontrer que la prestation octroyée à son actionnaire est néanmoins conforme au principe de pleine concurrence.

En règle générale, par rapport à une dette chirographaire, le taux d'intérêt appliqué à une dette garantie par gage est plus bas. Ainsi, lorsqu'elle en a la possibilité, une société qui emprunte de l'argent garantit normalement sa dette par le biais d'un gage, afin de profiter d'un taux d'intérêt plus favorable, sauf si elle a des raisons pour ne pas le faire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020, consid. 5.6.3).

b. L'autorité intimée soutient que la recourante avait la possibilité de contracter un prêt hypothécaire de second rang.

Quant au TAPI, il relève que la recourante n'a pas recouru, dans un premier temps, à des crédits hypothécaires, dont le taux est plus bas que les crédits chirographaires, alors qu'elle en avait la possibilité, créant ainsi la présomption réfragable qu'une prestation appréciable en argent, sous la forme de versement d'intérêts excessifs, a été accordée à son actionnaire.

La recourante conteste le fait qu'elle avait la possibilité de contracter un prêt hypothécaire, dans la mesure où, compte tenu des circonstances, elle ne pouvait que contracter un prêt chirographaire.

c. En l'espèce, au vu des pièces du dossier, notamment du courrier de D______ et de celui du F______, la recourante ne pouvait pas contracter un prêt hypothécaire de premier rang. En effet, son immeuble faisait déjà l'objet d'une hypothèque de premier rang et, selon le contrat conclu avec D______, il lui était défendu de contracter un autre prêt de rang paritaire. Par ailleurs, en 2016, D______ n'a pas donné son accord pour un prêt supplémentaire de CHF 9'000'000.- garanti par gage immobilier de premier rang.

Dès lors, il convient de déterminer si elle pouvait contracter un prêt hypothécaire de deuxième rang.

Le F______ n'était prêt à lui accorder un prêt de deuxième rang qu'à partir du 1er janvier 2018 et à condition qu'il pût financer l'ensemble de l'immeuble de la recourante, car il ne souhaitait pas octroyer de crédits hypothécaires en deuxième rang sans la reprise du premier. L'argument de la recourante selon lequel aucun tiers ne procède à des financements hypothécaires de deuxième rang exclusivement sans être bénéficiaire du premier rang est corroboré par le courrier adressé par l'UBS. Dès lors, il apparaît que la recourante ne pouvait pas non plus contracter de prêt hypothécaire de second rang en 2016, le premier rang faisant déjà l'objet d'un financement par D______. Cette impossibilité ne saurait néanmoins la soustraire à son obligation de démontrer le respect du principe de pleine concurrence dans sa relation contractuelle avec son actionnaire.

11) Dans ces circonstances, il reste à déterminer si la recourante a prouvé que le taux fixé dans le contrat qu'elle a conclu avec son actionnaire correspondait au taux du marché, respectant ainsi le principe de concurrence.

12) a. En l'espèce, comme la recourante a cherché à contracter un crédit immobilier auprès de D______ d'une part, et qu'elle s'est également renseignée auprès du F______ dans ce but d'autre part, il convient de retenir, à l'instar de l'autorité intimée, que le prêt contracté par la recourante avec son actionnaire est également un crédit immobilier, à plus forte raison que cette dernière s'est basée sur la prétendue offre du F______ pour démontrer que la prestation – le taux d’intérêt à 4,35 % – aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société.

b. Selon le TAPI, la recourante n'a en réalité produit aucune offre émanant d'institutions bancaires lui permettant de démontrer que le taux fixé dans le contrat passé avec son actionnaire est conforme au taux du marché.

c. La recourante s'appuie quant à elle sur l'offre proposée par le F______ ainsi que sur le courrier de D______, par lequel cette dernière aurait confirmé que le contrat de prêt hypothécaire de premier rang a été prolongé pour une durée de dix ans à un taux d'intérêt de 3,90 %, pour démontrer que le taux d'intérêt prévu par le contrat de prêt correspond à un taux reflétant et respectant le prix du marché en 2016. De plus l'attestation fournie par E______ démontrerait que le taux de 4,35 % fixé dans le contrat correspondait au taux du marché en 2016. La prolongation du contrat de prêt avec D______ le confirmerait également.

Elle ne peut toutefois pas être suivie sur ces points.

L'offre proposée par le F______ diverge d'une façon trop importante du contrat de prêt conclu entre la recourante et son actionnaire, de sorte que la chambre de céans ne peut considérer que la recourante a démontré que le taux d'intérêt prévu par le contrat de prêt correspond à un taux reflétant et respectant le prix du marché en 2016.

En effet, le contrat conclu entre la recourante et son actionnaire ne prévoit pas de reprise du crédit de premier rang, ne porte pas sur un crédit hypothécaire de deuxième rang ni sur la même période et ne comprend aucune garantie. L'offre du F______, qui n'aurait pu au demeurant être mise en œuvre que dès le 1er janvier 2018, fixait le taux d'intérêt à la « valeur spot » – et non à un taux fixe – et prévoyait un amortissement annuel de CHF 500'000.-. Le F______ a également laissé entendre qu'il aurait pu également envisager une réduction commerciale de l'ordre de 0,25 % dans le cadre de son financement. Dès lors, la recourante ne peut se baser sur cette offre, trop approximative, pour prétendre que le taux d'intérêt prévu par le contrat de prêt correspondait à un taux reflétant et respectant le prix du marché en 2016. Au demeurant, comme l'estime l'AFC-GE et au vu des taux – inférieurs – prévus dans la lettre-circulaire de 2016 pour les crédits immobiliers, il est hautement probable que, si le prêt avait été réellement conclu avec le F______, soit une personne tierce n'ayant aucun lien avec elle, la recourante aurait cherché à obtenir un taux d'intérêt plus bas que celui de 4,35 %. Elle semble considérer le taux proposé par le F______ comme définitif mais perd de vue que, si les démarches avec ladite banque étaient allées plus loin, ce taux aurait très certainement été sujet à négociation et aurait été revu à la baisse. Contrairement à ce qu'elle affirme, le détail du taux d'intérêt transmis par le F______ ne suffit pas à démontrer le caractère concret de l'offre dans la mesure où il ne constitue qu'une simple explication des composantes du taux d'intérêt, sans démontrer que ces dernières reposeraient réellement sur des composantes objectives et propres au marché.

Comme l'a relevé à juste titre le TAPI, l'attestation de E______ indique uniquement que l'offre a été demandée par la recourante et que la réponse émane bien du F______, mais aucunement que ce taux correspond effectivement au prix du marché, ni même que les éléments de cette proposition peuvent être considérés comme comparables au prêt octroyé par l'actionnaire. Si la recourante a bel et bien démontré que le contrat de prêt avec D______ a été prolongé, elle n'a en revanche fourni aucun document attestant que ce contrat a été renouvelé au taux de 3,90 %.

La recourante a démontré qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de contracter un prêt immobilier hypothécaire en 2016, l’obligeant ainsi à conclure un contrat de prêt avec son actionnaire. Comme la chambre de céans l’a relevé ci-dessus, il n’est pas contestable qu’il s’agit d’un crédit immobilier. En fixant dans le contrat de prêt passé avec son actionnaire le taux proposé par le F______, elle a cherché à démontrer que la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, la transaction en cause respectant ainsi le principe de pleine concurrence. Or, dès lors qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de contracter un prêt immobilier, il lui était en réalité impossible de démontrer que ladite prestation aurait été accordée dans les mêmes conditions à un tiers étranger à la société, précisément parce qu’aucun tiers n’aurait accepté de lui accorder un crédit hypothécaire à ce moment-là. Par conséquent, et devant cette impossibilité de fournir ladite preuve, elle se devait de fixer le taux d’intérêt prévu par la lettre-circulaire de 2016, ce qu’elle n’a pas fait. Ainsi, en fixant un taux d’intérêt supérieur audit taux, elle a concédé à son actionnaire une prestation appréciable en argent, ce que l’AFC-GE et le TAPI ont retenu à juste titre.

Dans ces circonstances, en particulier faute pour la recourante d'avoir réussi à démontrer le respect du principe de pleine concurrence et à renverser la présomption réfragable visée par la lettre-circulaire de 2016 en matière de taux d'intérêts sur des prêts entre des sociétés et leurs actionnaires, c'est à juste titre que l'AFC-GE puis le TAPI ont décidé d'appliquer le taux d'intérêt prévu par cette lettre-circulaire.

Par conséquent, au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le jugement du TAPI confirmé.

13) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2020 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Merlino, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

I. Semuhire

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :