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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4353/2021

ATA/419/2022 du 26.04.2022 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 01.06.2022, rendu le 22.02.2023, REJETE, 8D_5/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4353/2021-FPUBL ATA/419/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

 

contre

 

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1973, a été engagé au sein de l’État de Genève en 2004. Il a intégré l’établissement fermé de la Brenaz (ci-après : la Brenaz) le 1er décembre 2007 où il a travaillé en tant que commis administratif, jusqu’à sa nomination comme chef de service le 1er mai 2010. Il a ensuite exercé cette même fonction au sein du centre éducatif de détention et d’observation de la Clairière entre le 1er avril 2013 et le 31 octobre 2017. Il a été détaché à Champ-Dollon le 29 juin 2015, où il a été nommé directeur adjoint à compter du 1er novembre 2017.

Il fait partie des cadres supérieurs de l’État et du conseil de direction
(ci-après : CODIR) de la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison).

Depuis le départ de Monsieur B______, directeur de la prison, (ci-après : l’ancien directeur) en septembre 2021, M. A______ assume la fonction de directeur ad interim, fonction qu’il avait déjà occupée du 1er janvier au 31 août 2019.

2) Depuis de nombreux mois, de hauts cadres de la prison ainsi que, notamment, des gardiens, ont dénoncé auprès de leur hiérarchie ce qu’ils considéraient comme des dysfonctionnements au sein de la prison, les conditions de travail ne permettant pas, à leur avis, d’assurer le respect de leurs personnalité et santé.

L’attitude et le management de l’ancien directeur et du directeur général de l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD), Monsieur C______ (ci-après : le directeur de l’OCD), étaient notamment au cœur des doléances exprimées.

La mise en œuvre du projet de réforme « Ambition » était aussi contestée.

3) Le 15 juin 2021, le CODIR s’est adressé au conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le conseiller d’État). Il détaillait la situation, la qualifiant de critique, et sollicitait son intervention urgente.

4) Le 28 juin 2021, huit gardiens-chefs adjoints de la prison se sont adressés au Conseil d’État, faisant état d’une situation « dangereuse », dénonçant un management « dur, autoritaire et dénué de toute capacité d’écoute comme de bienveillance ». Ils terminaient leur envoi par « un appel au secours ».

5) Un audit de mise en œuvre du projet de réforme « Ambition » ainsi qu’une médiation ont été mis en place.

6) Le 27 juillet 2021, le CODIR a sollicité que le mandat confié aux experts leur soit soumis pour formuler d’éventuelles observations. La demande a été refusée par le conseiller d’État.

7) M. B______ a démissionné de son poste de directeur de la prison le 6 septembre 2021.

8) Une assemblée générale extraordinaire a réuni, le 15 septembre 2021, les membres du syndicat de la prison au sujet du projet de réforme « Ambition ». Ils se sont prononcés « contre "Ambition" telle que dans sa configuration actuelle ».

9) Le 21 septembre 2021 s’est tenu un CODIR auquel la directrice générale adjointe de l’OCD a participé. Elle a relevé que les problèmes devaient être identifiés et que le CODIR devait proposer des variantes, par écrit, le plus tôt possible pour être validées lors de la prochaine séance de direction de projet, le 29 septembre 2021.

10) Lors de ladite séance de direction du projet « Ambition », aucun document écrit n’avait été remis par le CODIR.

Le procès-verbal a fait l’objet de nombreux échanges entre le directeur général de l’OCD et M. A______ notamment.

11) Le 5 octobre 2021 s’est tenu un CODIR. La directrice générale adjointe de l’OCD y a notamment indiqué attendre les propositions demandées.

12) Le 13 octobre 2021, le gardien chef principal, membre de la direction générale de l’OCD (ci-après : la DG-OCD), a proposé à M. A______ de le rencontrer le 21 octobre 2021 pour lister les mesures organisationnelles simples et rapides dans leur mise en œuvre et déterminer un ordre de priorité. La réunion a toutefois été annulée.

13) Par courriel du 26 octobre 2021, l’avocat du CODIR a indiqué au directeur général de l’OCD que « ses mandants » étaient atteints dans leur personnalité et ne pourraient plus participer à des séances du type de celle du 29 septembre 2021 : « Les conditions dans lesquelles celle-ci s’est déroulée ne sont pas acceptables et ne respectent pas le droit au respect de la personnalité [des membres du CODIR] ». « Dans ces circonstances, il n’est pas possible d’exposer [ces derniers] déjà atteints dans leur santé, à d’autres séances de ce type, à tout le moins aussi longtemps qu’un cadre assurant le minimum de bienveillance et de respect de la personnalité requis par l’article 2A LPAC [sic]. De l’avis aussi des médecins suivant cette situation, il en va en effet de [leur] santé ».

14) Le contenu du rapport d’audit, de cinquante-six pages, a été communiqué à la fin du mois d’octobre 2021.

S’agissant du bilan du projet « Ambition », l’auditeur mentionnait : un projet présentant des objectifs stratégiques prometteurs a été précipité et introduit en dépit de nombreuses résistances internes. Sa mise en œuvre dans le quotidien de l’établissement n’avait été que trop peu préparée. Les entrevues avaient révélé un manque de confiance manifesté par le CODIR et le directeur. Les entrevues externes étaient venues confirmer les connaissances acquises en interne.

S’agissant du bilan de la « méta analyse de la prison », l’auditeur relevait que les collaborateurs de la prison avaient développé une culture d’établissement spécifique. Pour différentes raisons, qu’il développait, il notait une faible distance et prédisposition aux changements chez les collaborateurs. « Le projet "Ambition" a[vait] manqué d’un message selon lequel une spécialisation apport[ait] aux collaborateurs de nombreux avantages et un grand potentiel de développement dans le sens d’un enrichissement de leurs tâches et que cette spécialisation fai[sai]t désormais de la norme du système suisse d’exécution des sanctions ».

Plusieurs recommandations étaient formulées : un engagement global pour la prison, le maintien des orientations du projet « Ambition », le renforcement progressif de la sécurité dynamique, la mise en place d’une vraie participation, la flexibilisation de l’organisation en cas de surpopulation, la restauration de la confiance entre l’OCD et la prison, la révision de l’affectation du personnel selon les besoins, le recrutement du nouveau directeur/de la nouvelle directrice et structure de la coalition, les spécialisation et flexibilité, la clarification des rôles et la développement personnel.

À propos de la restauration de la confiance entre l’OCD et Champ-Dollon, le rapport indiquait que la relation de confiance entre l’OCD et la prison était fortement dégradé. « La méfiance mutuelle entre les cadres responsables sur place et la direction de l’OCD est clairement perceptible. Restaurer cette confiance d’une manière qui doit être déterminée par la classe politique constitue une base essentielle pour les évolutions nécessaires. Le processus approfondi de changement doit être accompagné activement, avec le soutien de l’OCD. Parmi ces mesures de soutien, citons plus particulièrement le coaching du nouveau directeur ou de la nouvelle directrice, la représentation de la direction de l’OCD au sein du comité de pilotage du projet ultérieur ainsi que l’apport du savoir-faire de spécialistes en fonction des besoins. L’organisation du soutien de l’OCD doit être précisée dans le mandat de projet ultérieur par la classe politique (ex : participation à l’organisation du projet, rôle des participants) ».

15) a. Le 9 novembre 2021, la DG-OCD a informé M. A______ que, faute d’avoir reçu, comme demandé, un ordre du jour en vue d’une séance de direction prévue le lendemain concernant la mise en œuvre du projet « Ambition », elle partait de l’idée que la séance était annulée.

b. Le 12 novembre 2021, la DG-OCD a proposé à M. A______ une séance le 18 novembre, ce que ce dernier a refusé.

La date du 1er ou 2 décembre 2021 a alors été proposée par la DG-OCD. En l’absence de réponse, la DG-OCD a relancé M. A______ le 17 novembre 2021. Le 20 novembre 2021, ce dernier a confirmé la date du 2 décembre 2021. Il a annulé la séance le 30 novembre 2021. Il a transmis un document PowerPoint le 2 décembre 2021 au conseiller d’État comprenant des propositions de variantes.

16) Le 30 novembre 2021, le conseiller d’État a annoncé, qu’au vu des conclusions de l’audit, le projet de réforme « " Ambition" ne sera pas poursuivi sous la forme que nous lui connaissons. Il s’agit ainsi de procéder à brève échéance aux aménagements nécessaires à la mise en œuvre des objectifs généraux de la réforme ». Il indiquait avoir « demandé à l’OCD de constituer un comité de pilotage, présidé par le directeur général de l’OCD avec des représentants de la direction générale, du [CODIR], de gardiens-chefs et gardiens-chefs adjoints et des membres des organisations représentatives du personnel de Champ-Dollon ». Le secrétaire général adjoint du département l’y représenterait.

17) Le 13 décembre 2021, veille de la première séance du comité de pilotage (ci-après : COPIL), l’avocat du CODIR s’est adressé au secrétaire général du département.

Comme il le lui avait expliqué de vive voix le jour même, « la maltraitance imposée au travail à mes mandants rend impossible – de l’avis aussi des médecins – toute perspective réaliste d’avancer en présence de la DG-OCD actuelle. Il aurait été facile de dispenser le directeur général actuel de cette tâche. Mais rien n’a été fait. Je serai ainsi présent comme unique représentant du CODIR, tout autre configuration étant objectivement et bien malheureusement, malgré mes efforts auprès de vous comme de mes mandants, impossible en l’état ».

18) Le 14 décembre 2021, le conseiller d’État a relevé l’absence de réponse à ses demandes de la part du CODIR. Son avocat s’était présenté à la réunion du jour même. Les autres associations et commissions du personnel avaient désigné leurs représentants respectifs. La manière de procéder du CODIR était inacceptable, s’agissant d’une séance de travail à laquelle l’OCD, le secrétaire général, un accompagnement externe et lui-même étaient présents. Il était exclu que l’avocat représente des collaborateurs de l’État, cadres supérieurs de surcroît, dont l’expérience et les propositions étaient attendues dans l’intérêt des collaborateurs et des détenus de la prison. Les motifs de l’absence du CODIR étaient irrecevables et « prétextueux », sachant que ces séances avaient pour but d’orienter l’organisation à venir de la prison en fonction des problématiques soulevées. Il n’appartenait pas aux membres du COPIL de dicter à leur hiérarchie, y compris au conseiller d’État, avec quelle personne ils étaient prêts à travailler et, conséquemment, de qui ils étaient prêts à suivre les ordres. Les craintes exprimées quant au respect de leur personnalité, martelées depuis des mois maintenant, étaient « inaudibles », s’agissant de séances auxquelles il était présent ou représenté. Il déplorait cette attitude, qui ne visait qu’à exercer et accroître des pressions pour obtenir le départ du directeur général de l’OCD, le tout accompagné d’attaques médiatiques et d’interventions politiques dont personne n’était dupe. Il ferait directement savoir aux intéressés ce qu’il pensait d’un tel comportement.

19) Par courriel du même jour, adressé à M. A______ et au chef de
l’état-major, le conseiller d’État leur a fixé un délai au 15 décembre 2021 pour lui faire connaître les raisons circonstanciées et étayées de leur absence respective et de la non-désignation de membres du CODIR, employés par l’État de Genève, pour participer au COPIL, dont les objectifs leur avaient été transmis par son courriel du 7 décembre 2021.

Ils avaient délibérément décidé de ne pas honorer son invitation et de se faire représenter par un avocat. Ladite invitation avait précisément pour but de restaurer un dialogue professionnel et constructif dans le cas de la situation de la prison, selon les recommandations de l’audit quant à la réforme « Ambition ». Cette séance se tenait partiellement en sa présence et, de façon permanente pour cette séance ainsi que pour les suivantes, par un membre de son secrétariat général. D’un point de vue institutionnel, ce procédé était inacceptable, compte tenu du devoir de loyauté et de fidélité que tout membre du personnel devait à son employeur, ce d’autant plus qu’ils exerçaient les fonctions les plus élevées à la prison. Dès lors, il considérait leur absence comme injustifiée et réservait en conséquence toute suite éventuelle à ce comportement qui s’apparentait, en l’état, à un refus d’assumer leurs tâches et responsabilités.

20) Dans le délai imparti, les membres du CODIR ont transmis leurs observations. Devant l’atteinte institutionnelle comme personnelle subie par chacun des membres du CODIR, qui étaient désormais directement menacés de sanctions et autres désagréments, ils n’avaient pas eu d’autre choix que de saisir le groupe de confiance (ci-après : GdC) d’une plainte à l’encontre de tous les échelons supérieurs de leur hiérarchie, sollicitant la prise de mesures provisionnelles visant à leur protection immédiate.

En parallèle, ils saisissaient le président du Conseil d’État d’une requête en prononcé de mesures provisionnelles urgentes au sens de l’art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) combiné avec l’art.  3 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15).

21) Par courrier du 17 décembre 2021 adressé à M. A______, le conseiller d’État a fait suite à la séance du 14 décembre 2021. Il en ressortait que le rétablissement d’un dialogue avec la direction générale de l’OCD était impossible, de sorte que les travaux nécessaires au bon fonctionnement institutionnel et à la bonne marche de l’établissement étaient gravement prétérités. En conséquence, « dans l’intérêt de toutes les parties, afin de garantir le bon fonctionnement de la prison de Champ-Dollon et répondre à [sa] demande visant à préserver [sa] personnalité, [il] l’inform[ait] qu’[il] a[vait] demandé à la direction générale de l’OCD de [le] détacher provisoirement dans un autre établissement avec la même fonction, laquelle [lui] sera[it] communiquée à brève échéance ».

Sa mission de remplacement ad interim du poste de directeur de la prison se terminerait à la date fixée de son détachement.

22) Par couriel du 21 décembre 2021, le directeur général de l’OCD a indiqué à M. A______, qu’en exécution du courrier du 17 décembre 2021, il était envisagé de le détacher provisoirement au sein de l’établissement de Favra (ci-après : Favra) en tant que directeur adjoint ad interim, à compter du 3 janvier 2022, pour une durée initiale de six mois. Il lui serait notamment demandé de soutenir la direction dans le développement des ateliers. Un délai au 27 décembre 2021 lui était imparti pour faire part de ses observations écrites.

23) Le même jour, M. A______ a sollicité du département « l’intégralité du dossier établi en marge de la décision querellée ».

Par retour de courriel, le conseiller d’État a confirmé qu’il n’y avait pas de dossier, ce dont l’intéressé était au courant.

24) Par acte mis à la poste le 27 décembre 2021, M.  A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, qualifié de « décision ». Il a conclu à son annulation. Préalablement, il devait être ordonné à l’autorité intimée de produire le dossier intégral de l’audit mené au sein de la prison, comprenant notamment le mandat confié aux experts et tous les échanges entretenus avec eux, sous quelque forme que ce soit ; ainsi que le dossier intégral de la médiatrice engagée dans ce cadre, comprenant notamment tous les constats et/ou rapports rendus, le cas échéant après caviardage des données sensibles ; il devait être autorisé à compléter son écriture à réception des documents précités et des enquêtes devaient être ouvertes ainsi que la tenue d’une audience de comparution personnelle répondant aux réquisits de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ordonnée.

Il existait, à la prison, de graves dysfonctionnements, régulièrement dénoncés par tout le personnel, y compris par les hauts cadres. Leurs doléances étaient systématiquement minimisées, voire ignorées par le directeur de l’OCD et l’ancien directeur de la prison. Le climat de travail était devenu invivable. La mise en œuvre du projet « Ambition » avait contribué aux tensions.

Les seize plus hauts gradés de la prison en avaient informé, par courriers, le conseiller d’État. Les résultats de l’audit avaient confirmé les lacunes dénoncées, y compris le fait que les difficultés avaient déjà été identifiées par l’entremise de la filière de santé au travail en février 2021.

La décision querellée le destituait de son poste de directeur ad interim de la prison pour le réaffecter en qualité de directeur adjoint ad interim dans l’établissement de Favra et ce, « de toute évidence dans une logique de sanction et pressions ». L’établissement de Favra était dirigé par une directrice et une directrice adjointe déjà en poste.

S’agissant d’une sanction déguisée et non d’un acte d’administration interne, le recours était recevable. Son droit d’être entendu avait été violé, le DSPS indiquant qu’il n’existait pas de dossier à lui transmettre. Le principe de la légalité était violé, les sanctions en destitution d’un poste et attribution d’un autre n’étant pas prévues par l’art. 25 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50). Enfin, le principe de la bonne foi n’avait pas été respecté, aucune des demandes de protection de sa personnalité n’ayant été prise en compte par l’autorité intimée.

25) Par courrier du 29 décembre 2021, le directeur de l’OCD, faisant suite au courrier du conseiller d’État, et en l’absence de détermination de M. A______, a confirmé à celui-ci les conditions de son détachement temporaire. Il serait affecté à Favra à compter du 3 janvier 2022 pour une durée initiale de six mois. Il assurerait le remplacement de Madame D______, directrice adjointe de l’établissement, et serait rattaché hiérarchiquement à Madame E______, directrice de l’établissement.

Durant la période de détachement, sa situation contractuelle resterait inchangée. Les conditions relatives aux indemnités perçues seraient adaptées à celles de l’établissement de rattachement. En tant que de besoin et afin de garantir le bon fonctionnement de la prison, à supposer que ce détachement provisoire soit considéré, contre toute attente, comme une décision au sens de la LPA, son caractère immédiatement exécutoire nonobstant recours était « affirmé ».

26) Après un échange d’écritures sur effet suspensif, la chambre administrative a, par décision du 20 janvier 2022, rejeté, en tant qu’elle était recevable, la demande de mesures provisionnelles formées par M. A______.

27) Dans sa réponse au fond, du 8 février 2022, l’autorité intimée a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le besoin de réformes de la prison était urgent. Le recourant était incapable de les porter. Le détachement annoncé dans le courrier du 17 décembre 2021 n’avait aucun caractère concret et obligatoire pour son destinataire, ce qui ressortait également du courriel du 21 décembre 2021 dans lequel le directeur de l’OCD précisait que le détachement était seulement envisagé. L’acte attaqué était une mesure organisationnelle interne provisoire et non une décision.

28) Le 16 mars 2022, le GdC a ouvert une enquête préliminaire à l’encontre du directeur de l’OCD, mais a refusé d’en ouvrir une à l’encontre de l’ancien directeur de la prison.

29) Par courrier du 30 mars 2022, M. A______ a sollicité de nouvelles mesures provisionnelles visant à ce qu’il soit fait interdiction à l’État de Genève, et plus particulièrement à l’OCD, de mettre au concours le poste de directeur adjoint de la prison jusqu’à droit connu dans la présente procédure. Il a produit une communication parue sur intranet le 24 mars 2022, mentionnant que le poste de directeur adjoint de la prison serait prochainement mis au concours.

30) L’autorité intimée a conclu, le 4 avril 2022, au rejet de la requête en mesures provisionnelles.

Le refus du recourant d’intégrer l’établissement de Favra et son absence prolongée avaient non seulement mis en difficulté ledit établissement, mais aussi celui de la Brenaz. En effet, la directrice adjointe de celui-là, qui avait été détachée à la Brenaz, avait dû réintégrer partiellement l’établissement de Favra, si bien que chacun des deux établissements ne disposait désormais plus que d’une directrice adjointe à temps partiel.

Le recourant n’avait pas conclu à être à nouveau placé au poste de directeur adjoint de la prison, mais avait requis l’annulation d’une affectation provisoire au motif qu’elle constituait une sanction déguisée. L’objet du litige était donc la réaffectation provisoire du recourant. La seule annulation de l’affectation provisoire du recourant dans l’établissement de Favra ne saurait mener automatiquement à sa réintégration à son ancien poste, mais imposerait tout au plus à l’autorité intimée de choisir un nouveau lieu de détachement. Cette assertion était d’autant plus vraie que le collaborateur avait démontré de grandes difficultés à atteindre les objectifs fixés dans le poste qu’il occupait précédemment, que sa présence était pour l’heure exclue en raison de sa maladie prolongée, que ce poste s’avérait essentiel au bon fonctionnement du plus grand établissement pénitentiaire du canton et qu’il impliquait des échanges réguliers avec des personnes avec lesquelles M. A______ avait annoncé ne pas pouvoir ou vouloir collaborer.

Si, par impossible, la chambre de céans devait estimer qu’une annulation du détachement provisoire devait impliquer la reprise de son poste de directeur adjoint par le recourant, le fait que ce poste était déjà occupé par une personne n’empêcherait nullement l’exécution de la décision de justice. Peu importait à cet égard que cette dernière y ait été placée pour une durée déterminée ou indéterminée, puisqu’un changement d’affectation permettrait de libérer le poste.

31) Dans sa réplique au fond, puis sur mesures provisionnelles, le recourant a relevé que la mention de la mise au concours du poste de directeur adjoint de la prison avait été supprimée.

De nombreux reproches avaient été formulés par l’autorité intimée, dans ses écritures, à son encontre, ce qui confirmait que son déplacement constituait en réalité une sanction. Le but de la décision était en outre apparu clairement dans la communication de l’OCD du 24 mars 2022, à savoir se débarrasser de lui afin de pouvoir repourvoir son poste. L’autorité intimée avait ainsi déguisé la révocation de ses fonctions de directeur adjoint de la prison dans un déplacement temporaire.

L’atteinte à sa personnalité, durant les mois qui avaient précédé la décision, était objectivée par l’ouverture d’une enquête préliminaire par le GdC. Les différences entre les établissements de Champ-Dollon et de Favra ressortaient de leur taille et du nombre d’employés sous la responsabilité du directeur, soit vingt places de détention pour le premier et trois cent quatre-vingt-sept places pour le second, étant précisé qu’elle accueillait en moyenne plus de six cents détenus depuis de nombreuses années.

Il n’avait jamais contesté le besoin de réformes à Champ-Dollon. Il en avait initié de nombreuses depuis son arrivée. Il avait, de même, fait des propositions notamment le 27 février 2019, puis le 2 décembre 2021. Un courriel du 15 décembre 2019 témoignait de son enthousiasme à réformer la prison. Sa hiérarchie avait toutefois été fermée à la discussion et avait souhaité imposer ses projets.

Son droit d’être entendu avait été violé puisqu’il n’avait toujours pas eu accès au « dossier de la cause », l’autorité intimée affirmant qu’il n’y en avait pas. Cette approche était encore plus problématique. Le délai de vingt-quatre heures, qui lui avait été accordé pour se déterminer, consacrait, lui aussi, par sa courte durée, une violation du droit d’être entendu. Enfin, le recourant n’avait jamais été interpellé, avant la prise de décision, sur les reproches qui étaient formulés à son encontre.

Il était en arrêt maladie en raison des conditions de travail qui lui avaient été fautivement imposées.

32) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles et au fond.

33) Le contenu des pièces sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Préalablement, le recourant sollicite l'accès au « dossier de la cause », au dossier intégral de l’audit mené au sein de la prison et à celui de la médiatrice. Il sollicite la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties répondant aux exigences de l’art. 6 CEDH.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à des offres de preuve ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3). L'art. 6 CEDH, pour autant qu’il ne trouve pas application dans la présente cause, ne confère pas une protection plus étendue que celle qui découle, sur le plan interne, de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 121 I 306 consid. 1b).

b. En l’espèce, l’objet du présent litige porte sur le courrier du conseiller d’État du 17 décembre 2021 au recourant l’« informant qu’[il] a[vait] demandé à la direction générale de l’OCD de [le] détacher provisoirement dans un autre établissement avec la même fonction, laquelle [lui] serait communiquée à brève échéance ».

La fin de sa mission de remplacement ad interim du poste de directeur de la prison n’est pas contestée. Seul est en conséquence litigieux le détachement provisoire.

Le litige ne porte ainsi ni sur l’audit ni sur la médiation à laquelle le recourant n’a au demeurant pas souhaité participer, même si ces circonstances constituent une partie importante du contexte dans lequel se sont inscrits les motifs qui ont conduit au détachement présentement querellé. Le recourant n’indique d’ailleurs pas en quoi la production de ces documents serait pertinente.

Le recourant sollicite la production du « dossier de la cause ». L’autorité intimée indique qu’un tel dossier n’existe pas. De nombreuses pièces ont été versées à la procédure. Le recourant ne donne toutefois aucune indication sur les documents qu’il souhaiterait voir produits par l'autorité, alors même que cela lui incombait.

Dans ces conditions, l’apport des documents sollicités n’est pas pertinent pour l’issue du présent litige, dont l’objet est strictement limité à ce qui précède. La chambre de céans considère être en possession d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige et il ne sera pas donné suite à la requête de production de pièces.

c. Le recourant propose l’audition de plusieurs hauts cadres de la prison afin de prouver que son détachement a pour vocation de le sanctionner.

L’existence de tensions entre le directeur général de l’OCD et le CODIR est établie et non contestée. L’analyse des causes de cette « méfiance mutuelle » telle que qualifiée par le rapport d’audit, ne fait pas partie du présent litige, conformément aux considérants qui suivent.

d. De même, la requête portant sur la tenue d'une audience de comparution personnelle sera rejetée. Le recourant a eu l’occasion de faire valoir sa détermination à plusieurs reprises, tant dans la procédure non contentieuse, que devant la chambre de céans. Il n’a par ailleurs pas de droit à une audition orale, l’art. 6 CEDH ne trouvant pas application conformément à ce qui suit.

3) Le recourant se plaint d’une violation du principe de la légalité. Il relève que les sanctions en destitution d’un poste et attribution d’un autre ne sont pas prévues par l’art. 25 LOPP.

a. La LOPP vise à assurer un statut unifié pour le personnel pénitentiaire de tous les établissements afin de garantir la mobilité interne (art. 2 al. 1 LOPP).

Le personnel pénitentiaire est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LOPP (art. 6
al. 1 LOPP).

b. Sont soumis à l’autorité de la direction générale de l’OCD, au sens de l’art. 1 al. 2 LOPP, notamment l’établissement de Champ-Dollon (art. 1 al. 2 let. a du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 22 février 2017 - ROPP - F 1 50.01).

Tous les membres du personnel pénitentiaire sont subordonnés hiérarchiquement au directeur général de l’OCD et à son suppléant, le directeur général adjoint. Ils respectent les consignes émises par les directeurs et chefs de service de la direction générale et leurs suppléants dans le cadre de leurs fonctions ou des tâches qui leur sont déléguées par le directeur général (art. 2 al. 1 ROPP).

c. La direction de l’établissement est composée du directeur de l’établissement et de son suppléant (art. 2 al. 2 ROPP). Le directeur de l’établissement n’est pas une personne gradée au sens de l’art. 21 al. 3 LOPP (art. 2 al. 3 ROPP). Le suppléant seconde le directeur de l’établissement et le remplace. En fonction de la taille de l’établissement, le suppléant peut être une personne gradée au sens de l’art. 21
al. 3 LOPP ou une autre personne désignée (art. 2 al. 4 ROPP).

d. Les agents de détention affectés à l'établissement de Favra et la direction de celui-ci sont soumis par analogie au ROPP (art. 2 al. 6 ROPP).

e. Le directeur ou son suppléant qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peut faire l’objet, selon la gravité de la faute, des sanctions disciplinaires suivantes : a) le blâme ; b) la réduction du traitement pour une durée déterminée ; c) le retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans ; d) la révocation (art. 25 al. 2 LOPP).

4) Aux termes de l'art. 12 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), l'affectation d'un membre du personnel dépend des besoins de l'administration ou de l'établissement et peut être modifiée en tout temps (al. 1). Un changement d'affectation ne peut entraîner de diminution de salaire (al. 2). Sont réservés les cas individuels de changements d'affectation intervenant comme alternative à la résiliation des rapports de service au sens de l'art. 21 al. 3 LPAC (al. 3).

5) a. Il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel. Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (art. 2B al. 1 et 2 LPAC).

b. Aux termes de l’art. 5 al. 1 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10), le GdC est chargé de la mise en œuvre et de la bonne application du dispositif de protection de la personnalité prévu aux art. 5 à 30 RPPers.

La mission principale du GdC consiste à traiter les demandes des personnes qui font appel à lui. Il contribue à ce que la hiérarchie fasse cesser les atteintes à la personnalité (art. 5 al. 3 RPPers).

c. Le GdC travaille en toute indépendance. Il est rattaché fonctionnellement à la présidente ou au président du Conseil d'État et administrativement à la chancellerie d'État (art. 7 du RPPers).

À l'issue de l'examen préalable, le GdC peut proposer à la personne requérante, en plus des mesures citées aux art. 13 et 14 RPPers relatifs aux entretiens confidentiels, aux propositions de mesures et à la médiation, de déposer une demande écrite formelle dans la perspective d'une investigation menée par le groupe de confiance (art. 16 al. 1 RPPers).

La procédure d'investigation a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non
(art. 19 RPPers).

Avant d'ouvrir l'investigation, le GdC peut procéder à une enquête préliminaire du cas. Il procède conformément aux art. 23 à 26 et entend les parties, ainsi que les témoins qu'il juge utiles. Si, sur la base de cette enquête préliminaire, le GdC conclut que les conditions d'une atteinte à la personnalité d'une certaine gravité ne sont manifestement pas réalisées, il classe l'affaire sans suite et en informe par écrit les parties et l'autorité d'engagement. L'art. 21 est applicable pour le surplus. Faute de classement, le GdC notifie aux parties et à l'autorité d'engagement l'ouverture de l'investigation et poursuit l'instruction (art. 22 RPPers).

Lorsqu'il considère l'instruction de la demande terminée, le GdC octroie aux parties et à l'autorité d'engagement un délai de dix jours pour consulter le dossier et requérir toutes autres mesures d'instruction complémentaires qu'elles jugent utiles. Dans les dix jours qui suivent la réception des demandes d'instruction complémentaire, le GdC informe s'il donne suite ou non aux mesures d'instruction complémentaires requises. À l'issue de l'instruction complémentaire, le GdC octroie un nouveau délai de dix jours aux parties et à l'autorité d'engagement pour consulter le dossier (art. 28 RPPers).

Une fois l'instruction terminée, le GdC octroie un délai de trente jours aux parties pour lui faire part de leurs déterminations par écrit. Dans les trente jours qui suivent la réception des déterminations des parties, le GdC établit un rapport contenant l'exposé des faits, donne son appréciation sur l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et indique l'identité de l'auteur identifié. Sont annexées au rapport les déterminations des parties (art. 29 al. 1 et 2 RPPers).

6) a. Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Elle garantit ainsi l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit. Elle ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action. Elle ne s'applique toutefois pas, notamment, aux actes internes de l'administration qui n'ont pas le caractère d'une décision (arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2017 du 20 août 2018 consid. 7.1 ; aussi ATF 136 I 323 consid. 4.4).

La décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d'administrés en tant que sujets de droit et donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d'autres termes, extérieurs à l'administration. On oppose dans ce contexte la décision à l'acte interne ou d'organisation, qui vise des situations à l'intérieur de l'administration; l'acte interne peut avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet, et c'est pourquoi il n'est en règle générale pas susceptible de recours. Deux critères permettent généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D'une part, l'acte interne n'a pas pour objet de régler la situation juridique d'un sujet de droit en tant que tel et, d'autre part, le destinataire en est l'administration elle-même, dans l'exercice de ses tâches.

b. La distinction entre acte administratif interne et décision peut s'avérer particulièrement difficile en ce qui concerne les fonctionnaires (à ce sujet voir David HOFMANN, L'engagement et la gestion du personnel, in: Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 122 ss).

Doivent être considérées comme des décisions les mesures qui affectent les droits et obligations d'un fonctionnaire en tant que sujet de droit, par exemple la fixation de son salaire, ou d'indemnités diverses, les sanctions disciplinaires ou encore le changement d'affectation qui va au-delà de l'exécution des tâches qui incombent au fonctionnaire dans sa sphère d'activité habituelle ou des instructions qui lui sont données dans l'exercice de ces tâches.

En revanche, un acte qui a pour objet l'exécution même des tâches qui lui incombent en déterminant les devoirs attachés au service, telles que la définition du cahier des charges ou des instructions relatives à la manière de trancher une affaire, est un acte interne. Lorsque le fonctionnaire s'oppose à un acte de ce type, ce sont les mesures disciplinaires ou autres moyens de contrainte ressortissant aux règles régissant les rapports internes qui sont susceptibles de s'appliquer (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; arrêt 8D_2/2018 du 21 février 2019 consid. 6.2 avec renvoi à l'arrêt 8D_5/2017 du 20 août 2018 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).  

c. Tout changement d'affectation n'ouvre pas la voie d'un recours à l'autorité judiciaire. Un changement d'affectation d'un fonctionnaire constitue une décision attaquable lorsqu'il est susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité de l'employé, y compris le droit au respect de sa vie familiale, ou encore lorsqu'il est de nature à porter atteinte à la considération à laquelle il peut prétendre au regard notamment de ses aptitudes. Il en va de même quand le changement d'affectation représente une sanction déguisée et constitue de ce fait un acte attaquable (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2016 précité consid. 5.2 et les arrêts cités).

Il a été jugé que le reclassement d'un fonctionnaire dans une fonction inférieure devait être considéré comme une sanction disciplinaire déguisée, puisque décidé uniquement en raison de la commission d'une infraction aux devoirs de service par cette personne et non pas parce qu'elle se serait révélée inapte à remplir les exigences liées à son poste (ATA C. du 27 juin 1990, in SJ 1991 p. 501). Lorsque le changement d'affectation était motivé par la nécessité de garantir un fonctionnement optimal du service et que les relations entre le fonctionnaire et sa hiérarchie avaient évolué de telle façon qu'il leur était devenu impossible de collaborer, il a été jugé que ce changement d'affectation ne constituait pas une sanction déguisée, même si une sanction disciplinaire avait été prononcée parallèlement (ATA/226/2004 du 16 mars 2004 ; ATA/641/2000 du 24 octobre 2000). Une mutation ne constituait pas une sanction déguisée, lorsque la nouvelle fonction était mieux adaptée aux aptitudes de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2P.93/2004 du 15 octobre 2004 consid. 3.2 confirmant l'ATA/226/2004 du 16 mars 2004). Il est considéré qu'un transfert peut également constituer un moyen de régler un conflit de personnes au sein d'un service, la personne en prise à une situation conflictuelle pouvant être déplacée dans un autre service de l'administration afin d'apaiser les tensions au sein du service, respectivement de l'en épargner (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2016 précité consid. 5.5 ; ATA/1054/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/69/2016 précité consid. 3b ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 145 ss, spéc. 159).

d. Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, un changement d'affectation d'un fonctionnaire relève en principe de la gestion interne de l'administration. Les conditions pour admettre une sanction déguisée sont strictes. En principe, en l'absence de modification de traitement et en présence d'un poste concernant les sphères de compétences du fonctionnaire, il ne s'agit pas d'une sanction déguisée (ATA/575/2014 du 29 juillet 2014 consid. 9 et 10 et 11 ; ATA/221/2009 du 5 mai 2009 consid. 4, confirmé l'arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2009 du 3 mars 2010), même si la mesure en cause est comprise comme une sanction par l'intéressé (ATA/69/2016 du 26 janvier 2016). Dans un cas où la réorganisation répondait aux besoins du service, principalement au motif que la fonction de juriste en charge des mesures de contrainte n'avait jamais fait l'objet d'une évaluation préalable, qu’elle se fondait sur une analyse détaillée, que le poste entrait dans les sphères de compétences du fonctionnaire, la chambre de céans a retenu que le « transfert » n'était pas une sanction déguisée, même avec une diminution du traitement (ATA/1572/2019 du 29 octobre 2019 consid. 7e).

7) En l’espèce, le recourant ne conteste pas la fin de son interim en qualité de directeur de la prison. Est seul litigieux, comme précisé précédemment, son « détachement » à l’établissement de Favra.

Détaché en qualité de directeur adjoint, sa fonction demeure inchangée, ce qu’il ne conteste pas. L’exécution des tâches qui lui incombent n’est pas modifiée, et l’intéressé reste dans sa sphère d’activité habituelle.

De même, son traitement ne subit pas de modifications, seules les conditions relatives aux indemnités perçues étant adaptées à celles de l’établissement de rattachement.

Si certes, l’établissement où il est détaché, accueille un nombre nettement moins élevé de détenus et que ses responsabilités, en termes de gestion du personnel, sont largement moindres, le recourant ne conteste pas qu’il n’existe qu’un seul établissement de la taille de Champ-Dollon dans le canton. Ainsi, sauf à rester au sein de ce dernier, le détachement s’effectue forcément dans un établissement de moindre importance.

Dans la correspondance litigieuse, du 17 décembre 2021, le conseiller d’État a relevé faire suite à la séance du COPIL qui s’était tenue le 14 décembre 2021. Le recourant ne conteste pas les objectifs décrits dans ledit courrier par le signataire, à savoir de déterminer le contour du modèle et de l’organisation qui serait mise en place et qui reprendrait certains des objectifs du projet « Ambition ».

Il ne conteste pas non plus avoir eu, avec le conseiller d’État, deux rencontres, respectivement les 17 et 24 novembre 2021, au cours desquels il lui aurait transmis des problématiques que le magistrat aurait repris dans son invitation du 7 décembre 2021.

Les parties reconnaissent l’existence de tensions entre le directeur général de l’OCD et le recourant. Elles divergent sur les modalités pour renouer le dialogue, voire surmonter les difficultés. À ce titre, le recourant a considéré être dans l’impossibilité de participer à une réunion en présence du directeur de l’OCD et ce, malgré la présence du conseiller d’État ainsi que d’un accompagnant externe dont la présence consistait à assurer un dialogue constructif. Il allègue qu’une telle situation était incompatible avec la protection adéquate de sa personnalité.

Au vu de l’importance des postes occupés par le recourant et le directeur de l’OCD, de l’absolue nécessité de leur collaboration, de l’impossibilité alléguée par le recourant de se rendre à une séance en présence du directeur de l’OCD et même d’y désigner, pour son remplacement, des membres du CODIR, il ne peut être reproché à l’autorité intimée d’avoir, dans ces conditions et au vu du contenu des allégations du recourant, envisagé comme solution auxdites difficultés de le détacher dans un autre établissement. La lettre litigieuse a immédiatement précisé que le détachement était provisoire et qu’il conserverait la même fonction. Ces termes contredisent l’appréciation du recourant qui considère cette « décision » comme une sanction à son encontre.

Les raisons invoquées par le conseiller d’État dans la missive litigieuse, une fois le cadre rappelé, font état, respectivement, « de l’intérêt de toutes les parties », « afin de garantir le bon fonctionnement de la prison de Champ-Dollon » et « répondre à votre demande visant à préserver votre personnalité ». Ainsi, aucun des trois motifs cités par l’autorité intimée ne comprend une notion de sanction. Ladite correspondance fait état de l’intérêt public au bon fonctionnement de la prison, ce qui implique à la fois la situation du personnel et celle des détenus. Elle évoque l’obligation de l’État de veiller à la protection de la personnalité de son personnel ainsi que la requête spécifiquement faite en ce sens par le recourant. Enfin l’intérêt commun des parties à une situation différente, au vu de leur absence, en l’état, de dialogue, apparait raisonnable étant rappelé que l’impasse concerne tant la participation du recourant à une séance dirigée par le directeur de l’OCD que la délégation à ladite séance d’un autre cadre de la prison.

Le caractère provisoire du détachement est expressément relevé.

Au vu de ce qui précède et de la jurisprudence, du fait que les fonction et traitement du recourant n’ont pas été modifiés, des tensions existantes entre le directeur de l’OCD et le recourant, de l’impérieuse nécessité d’un bon fonctionnement de la prison et de la demande expresse du recourant de protection de sa personnalité, il ne peut être considéré que le courrier litigieux constitue une sanction déguisée.

S’il a certes des effets juridiques sur le recourant, son détachement a été imposé par la nécessité que l’État puisse assurer le bon fonctionnement de ses institutions et la protection de la personnalité de ses employés. Il s’agit dès lors d’une mesure organisationnelle.

8) Le recourant se plaint d’une violation du principe de la bonne foi. Il relève que son employeur n’a pas respecté ses demandes de protection de sa personnalité et n’a pris aucune mesure en sa faveur.

Ce grief ne fait pas partie de l’objet du litige.

Il appartiendra pour le surplus au GdC d’établir l’éventuelle existence d’une atteinte à la personnalité du recourant au sens de l’art. 3 al. 1 RPPers. Conformément à l’art. 19 RPPers, la procédure d’investigation a en effet précisément pour but d’établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d’une atteinte à la personnalité sont réalisés, étant rappelé que le GdC entend les parties et peut procéder à l’audition de témoins (art. 24 à 26 RPPers).

9) La communication litigieuse relevant d’une mesure organisationnelle, et ne remplissant en conséquence pas les conditions d’une décision formelle, le recours sera déclaré irrecevable.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 27 décembre 2021 par Monsieur A______ contre le courrier du conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé, du 17 décembre 2021 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :