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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/523/2010

ATA/406/2014 du 03.06.2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.07.2014, rendu le 08.01.2015, REJETE, 2C_627/2014, 2C_628/2014, 2C_973/2012, 2C_974/2012
Descripteurs : IMPUTATION DES PERTES ; IMPOSITION DANS LE TEMPS ; ÉTANCHÉITÉ ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; COMPTABILITÉ ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE
Normes : LIFD.25 ; LIFD.27.al1 ; LIFD.27.al2.letb ; LIFD.18.al2 ; LIFD.125.al2 ; LIFD.211 ; LIFD.113 ; LHID.8.al2 ; LHID.9.al1.phr.1 ; LHID.10.al1.letc ; LHID.40.al1 ; LHID.40.al2 ; LHID.42.al3 ; LHID.67.al1 ; aLIPP-II.2 ; aLIPP-IV.3 ; aLIPP-V.3.al3 ; aLIPP-V.3.al3.letf ; LPFisc.16.al1 ; LPFisc.16.al2 ; LPFisc.29.al2 ; LPA.69.al1
Résumé : Pas de report des pertes éventuelles résultant de la vente d'un bien immobilier survenue en 2006 dans la taxation fiscale 2007 au motif que le contribuable n'exerce plus d'activité lucrative indépendante en 2007. Application du principe de périodicité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/523/2010-ICCIFD ATA/406/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 juin 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Schaer & Miffon Associés, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2011 (JTAPI/1122/2011)


EN FAIT

1) La présente procédure fait suite à l’arrêt du Tribunal fédéral du 4 octobre 2013 (causes 2C_973/2012 et 2C_974/2012) portant sur l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et sur les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) de l’année fiscale 2007 dus par Madame A______ et Monsieur B______.

Le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 21 août 2012 (ATA/561/2012) et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision. En raison d’une cote d’impôt nulle pour les taxations ICC et IFD 2006, les contribuables ne disposaient pas de la qualité pour recourir contre ces décisions, faute d’intérêt actuel à faire modifier la taxation nulle. Comme l’autorité de la chose jugée ne portait que sur le dispositif de la décision et non sur ses motifs, la chambre administrative violait le droit fédéral en refusant d’examiner les questions soulevées par les contribuables dans le cadre de leur recours contre les taxations ICC et IFD 2007, dans la mesure où ces questions relevaient de la motivation, et non du dispositif, des taxations ICC et IFD 2006.

2) M. B______ a acquis dans les années 1990 plusieurs biens immobiliers, parallèlement à son activité d'ingénieur en chauffage. Il a ainsi acheté avec Monsieur C______ un terrain au chemin D______ à Chêne-Bougeries, dans le but d'y construire deux villas, projet qui s'est réalisé ; et, avec Monsieur E______, un immeuble sis rue F______ ______ aux Eaux-Vives. Ces deux opérations ont été financées à l'aide de fonds empruntés à G_______ (ci-après : G______). En 1998, M. C______ a vendu à M. B______ ses droits de copropriété afférents à la parcelle susmentionnée comportant deux villas sises au ______ et ______, chemin D______. M. B______ est alors devenu seul propriétaire de ce bien immobilier.

3) Entre avril 1996 et mars 2007, M. B______ a été associé gérant de H______ Sàrl (ci-après : H______ Sàrl), puis gérant de cette dernière société jusqu’en août 2011. Créée le 23 avril 1996, H______ Sàrl a été transformée le 4 juillet 2012 en société anonyme et est devenue H______ SA (ci-après : H______ SA).

Mme A______ a été associée de H______ Sàrl entre avril 1996 et août 2011, puis associée gérante de celle-ci jusqu’à sa transformation en société anonyme. Depuis ce changement, Mme A______ est seule administratrice de H______ SA. Elle est également associée gérante de la société I______ Sàrl depuis août 2004.

4) Le 28 janvier 2005, l'office des poursuites (ci-après : OP) a vendu aux enchères publiques à Monsieur J______ l'immeuble précité sis rue F______ 12, à la demande de K______, pour un montant de CHF 1'980'000.-.

Le 7 avril 2006, l’OP a procédé à la vente des villas sises au chemin D______ ______ et ______. Suivant les informations fournies par l’OP, le premier bien a été racheté par Mme A______ pour un montant de CHF 990'000.-, et le second par Monsieur K______ (précédemment locataire à cette même adresse), pour la même somme.

Par jugement du 23 janvier 2007 (JTPI/1______) dans la cause C/1______, le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a déclaré M. B______ en faillite dès le 23 janvier 2007 à 14h15, une réquisition de faillite ayant été présentée le 6 décembre 2006 par K______ pour un montant de CHF 639'021,10 plus intérêts.

5) Dans leurs déclarations fiscales 2004 et 2005, remises respectivement les 6 juillet 2005 et 24 août 2006, les époux B______ n’ont déclaré à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) ni revenu relatif à une activité lucrative indépendante, ni perte ou perte reportée comme déduction. Ils ont, à chacune de ces deux déclarations, joint un document intitulé « Compte de pertes et profits au 31 décembre » concernant la villa sise au 2bis, chemin D______.

Dans la déclaration fiscale 2005, ils ont annoncé la vente forcée de l’immeuble sis 12, rue F______. Le 9 février 2007, ils ont informé l’AFC-GE que l'insuffisance de gage résultant de la vente forcée dudit immeuble était de CHF 639'021.-. Celle-ci était attestée par certificat de l’OP du 2 septembre 2005.

6) Dans leur déclaration fiscale 2006, remise à l'AFC-GE le 29 août 2007, les époux B______ n’ont déclaré aucun revenu relatif à une activité lucrative indépendante. À titre d’autres déductions, ils ont annoncé un montant total de CHF 994'302.-. Celui-ci résultait de la somme d’une perte reportée de CHF 365'012.- et d’une perte de CHF 629'290.-, cette dernière découlant de la vente de la villa sise au chemin D______ 2bis.

En ce qui concernait cette villa, les contribuables ont joint, à leur déclaration fiscale 2006, un document intitulé « Compte de pertes et profits au 7 avril 2006 », un relevé de compte de dettes, ainsi qu’un document relatif au détail des ventes immobilières et des pertes commerciales, dont la présentation était similaire à celle du document joint à leur déclaration fiscale 2007 et reproduit ci-après. Le certificat d’insuffisance de gage de l’OP du 9 février 2007 afférent à la vente de ladite villa était également produit.

7) Le 4 mars 2008, l'AFC-GE a envoyé aux époux B______ leur bordereau ICC 2006. Aucun montant n'était porté en déduction au titre des autres déductions sur le revenu, avec la remarque : « la vente concernant la villa D______ 2bis est considérée comme privée ». Un montant de CHF 365'396.- était admis en tant que pertes reportées (relatives à la vente de l'immeuble de la rue F______ et correspondant pour l'essentiel à la perte de CHF 639'021.- admise l'année précédente, moins le revenu fiscal de ladite année s'élevant à CHF 274'009.-).

Ce même jour, l’AFC-GE a informé les contribuables qu’ils n’étaient pas taxables pour l’IFD 2006.

8) Le 19 mars 2008, les contribuables ont élevé une réclamation contre le bordereau d’impôt IFD (recte : ICC) 2006. Ils invoquaient notamment le fait que la villa sise chemin D______ ______s relevait de la fortune professionnelle de l’époux, de sorte que la perte découlant de la vente de ce bien s’élevant à un montant de CHF 629'290.- devait être entièrement prise en compte dans les pertes commerciales. Ainsi, celles-ci se montaient à une somme totale de CHF 994'686.-.

9) Le 16 septembre 2008, les époux B______ ont remis à l'AFC-GE leur déclaration fiscale 2007. Ils étaient domiciliés au ______, chemin D______, immeuble qu'ils occupaient depuis le 1er janvier 1991 et qui était de la seule propriété de Mme A______. M. B______ était ingénieur en chauffage et Mme A______ employée de bureau ; ils étaient tous deux employés par les sociétés H______ Sàrl et par I______ Sàrl (avec un salaire brut cumulé de CHF 108'384.- pour le premier et de CHF 320'516.- pour la seconde).

Au titre des autres déductions sur le revenu, les époux B______ ont déclaré la somme de CHF 693'203.-, en indiquant qu'il s'agissait de pertes commerciales reportées. Leur revenu imposable était donc nul, l'entier de leur revenu provenant de l'activité dépendante. Ils joignaient un document d’une page, intitulé « B______ Détail des ventes immobilières et pertes commerciales ». Ce document n’était pas signé ; il était daté du 15 septembre 2008 et comportait, au bas de la page à droite, la mention « K______ » (sic). Il se présentait en deux parties comme suit :

F______ D______ ______ D______ ______ Totaux

Patrimoine professionnel privé professionnel

Vente forcée le 28.01.2005 07.04.2006 07.04.2006

Créance -2'622'124,60 -1'906'932,60 -1'609'626,25 -6'138'683,45

Produit de la vente 1'983'103,50 982'678,15 980'336.- 3'946'117,65

-639'021,10 -924'254,45 -629'290,25 -2'192'565,80

Pertes commerciales

2005 F______ -639'021,10

Revenu fiscal 273'625.-

-365'396,10 Pertes reportées sur 2006

2006 Pertes reportées -365'396,10

D______ 2bis -629'290,25

Revenu fiscal provisoire 301'483.-

-693'203,35 Pertes reportées sur 2007

2007 Pertes reportées -693'203,35

Revenu fiscal

-693'203,35 Pertes reportées sur 2008

Les contribuables joignaient également à leur déclaration fiscale 2007 des « relevés de compte dette » relatifs aux trois immeubles précités.

10) Par décision sur réclamation du 1er avril 2009, l'AFC-GE a rejeté la réclamation des époux B______ relative à l’ICC 2006. La perte reportée de CHF 365'396.- était toujours admise en déduction, celle relative à l'immeuble chemin D______ ______ toujours refusée. La vente de ce dernier relevait de la gestion du patrimoine privé. Ce même jour, l'AFC-GE a également notifié aux contribuables leur bordereau rectificatif ICC 2006.

Les époux B______ ont recouru contre cette décision sur réclamation auprès de l’ancienne commission cantonale de recours en matière administrative, devenue dès le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Celle-ci l’a déclaré irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais, par décision du 21 septembre 2009.

11) Le 14 avril 2009, l'AFC-GE a notifié aux époux B______ un bordereau IFD 2007 et un bordereau ICC 2007. Aucun montant n'était déduit au titre des autres déductions sur le revenu, avec pour chaque bordereau la remarque suivante : « Selon notre décision du 1er avril 2009 les pertes privées ne sont pas déductibles commercialement. En outre il n'existe plus de perte non compensée pour l'année fiscale 2007 ».

12) Le 28 avril 2009, les époux B______ ont élevé une réclamation auprès de l'AFC-GE à l'encontre du bordereau ICC 2007.

La villa du chemin D______ ______, vendue le 7 avril 2006, avait toujours été taxée dans la fortune professionnelle de M. B______. Elle avait toujours été louée, et considérée par l'AFC-GE comme objet professionnel, de même que l'ancien immeuble situé rue F______. Il convenait de prendre en compte dans les pertes commerciales les CHF 629'290.- relatifs à cette vente.

13) Par deux décisions sur réclamation du 14 janvier 2010, l'AFC-GE a rejeté la réclamation des époux B______ concernant les bordereaux IFD et ICC 2007. La perte réalisée sur la vente de la villa sise au chemin D______ ______ ne pouvait être admise en déduction, cette vente relevant de la gestion du patrimoine privé.

14) Le 12 février 2010, les époux B______ ont interjeté recours contre ces deux décisions auprès de l’ancienne commission cantonale de recours en matière administrative, concluant à leur annulation ainsi qu’à l'admission du caractère professionnel de l'opération immobilière D______ ______ et de la perte commerciale qui en découlait.

15) Par jugement du 17 octobre 2011, le TAPI a rejeté le recours des contribuables.

Pour bénéficier du report des pertes, le contribuable devait présenter à la fois une comptabilité et justifier les pertes intervenues. En 2007, les époux B______ avaient une activité salariée. M. B______ n'était pas inscrit au registre du commerce en tant que courtier en immeubles. Le document « détail des ventes immobilières et pertes commerciales » joint à la déclaration ne valait pas comptabilité. La perte commerciale alléguée ne pouvait dès lors être admise en déduction, le contribuable ne tenant pas en 2007 de comptabilité commerciale au sens des art. 957 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). La question de savoir si la vente de la villa sise chemin D______ ______ était de nature privée ou commerciale n'avait pas besoin d'être résolue.

16) Par acte posté le 23 novembre 2011, les époux B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, à la reconnaissance du caractère professionnel de l'opération immobilière « ch. D______ ______ », au renvoi de la cause à l'AFC-GE pour révision de la taxation tenant compte de la perte commerciale en cause, et à l'octroi de « dépens » correspondant à une assistance professionnelle.

À l'origine, les opérations immobilières du chemin D______ et de la rue F______ avaient clairement un caractère professionnel. Ce dernier avait du reste été reconnu par l'AFC-GE concernant la seconde, puisque des pertes commerciales avaient été admises en déduction la concernant ; il y avait dès lors une incohérence dans la taxation litigieuse.

L'absence d'une comptabilité commerciale ne faisait, contrairement à ce qu'avait admis le TAPI, plus obstacle à la prise en compte de pertes commerciales. Il fallait donc bel et bien examiner le caractère commercial ou privé de la transaction en cause ; sur la base de différents critères, le premier devait prévaloir en l'espèce. Il y avait notamment eu constitution d'une société simple avec M. C______ pour l'acquisition du terrain, ce qui ressortait de l'acte de vente de 1990, joint au recours.

17) Le 28 novembre 2011, le TAPI a transmis son dossier sans observations.

18) Le 1er février 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La notion de perte commerciale devait être interprétée de manière restrictive. La jurisprudence exigeait, sinon une comptabilité commerciale, du moins des documents suffisamment précis, ce que n'était pas le décompte joint à la déclaration 2007 des époux B______. Au surplus, la location de la villa en cause relevait bien de la gestion du patrimoine privé.

19) Les 13 février et 14 mars 2012, les époux B______ et l’AFC-GE ont respectivement persisté dans leurs conclusions. Le 27 mars 2012, les recourants ont transmis de nouvelles observations, dans le délai accordé au 20 avril 2012 par le juge délégué à toutes les parties.

20) Par arrêt du 21 août 2012, la chambre administrative a rejeté le recours des époux B______.

21) Sur recours des contribuables, le Tribunal fédéral a annulé, le 3 octobre 2013, l’arrêt précité de la chambre administrative et lui a renvoyé, pour les raisons susmentionnées, la cause pour nouvelle décision.

22) Le 8 novembre 2013, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

23) Le 3 janvier 2014, les époux B______ en ont fait de même.

24) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours du 23 novembre 2011 a été admise par la chambre administrative dans l’ATA/561/2012, si bien qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

2) Le présent litige porte sur la déductibilité de la perte résultant de la vente forcée de la villa sise au _______, chemin D______ et s’élevant à un montant de CHF 629'290.-. Les recourants soutiennent que cette perte est une perte commerciale au motif qu’elle a trait à un immeuble relevant de la fortune professionnelle de l’époux. L’autorité fiscale considère au contraire que ledit bien appartient à la fortune privée des recourants et que la perte découlant de la vente forcée de ce dernier ne constitue pas une perte commerciale déductible. Le TAPI estime que la question de l’attribution de ladite villa à la fortune privée ou commerciale du contribuable peut rester ouverte. Selon la juridiction inférieure, ce dernier ne tenait pas une comptabilité commerciale au sens des art. 957 ss CO de sorte que la perte reportée de CHF 693'203,55 ne pouvait pas être admise en déduction.

3) S'agissant du droit applicable, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004).

En l'espèce, l’IFD 2007 est soumis à la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) dans sa teneur de 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 1995. L’ICC 2007 est régi par l'ancienne loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP), divisée en cinq parties (aLIPP-I, aLIPP-II, aLIPP-III, aLIPP-IV et aLIPP-V), entrée en vigueur le 1er janvier 2001 pour coïncider avec le délai fixé aux cantons par la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). En effet, en vigueur depuis le 1er janvier 1993, la LHID est devenue obligatoire pour les cantons au 1er janvier 2001 (art. 72 al. 1 LHID). Trouvent en particulier application la loi sur l’imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (ci-après : aLIPP-II), la loi sur l’imposition des personnes physiques – Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (ci-après : aLIPP-IV), ainsi que la loi sur l’imposition des personnes physiques – Détermination du revenu net – Calcul de l’impôt et rabais d’impôt – Compensation des effets de la progression à froid, du 22 septembre 2000 (ci-après : aLIPP-V). Est également susceptible de s’appliquer à l’ICC 2007 la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), entrée en vigueur le 1er janvier 2002.

Impôt fédéral direct

4) Il s’agit d’examiner si le montant de CHF 629'290.- est déductible du revenu imposable des recourants au regard de la LIFD.

a. L'art. 25 LIFD prévoit que le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD. Sont imposables tous les revenus provenant de l’exercice d’une activité lucrative dépendante et indépendante (art. 16 ss LIFD).

Selon l'art. 27 al. 1 LIFD, les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let. b LIFD). Cette norme-ci pose deux conditions cumulatives à la déductibilité des pertes ; celles-ci doivent porter sur des éléments de la fortune commerciale et avoir été comptabilisées (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.314/2004 du 8 novembre 2004 consid. 2 ; 2A.272/2003 du 13 décembre 2003 consid. 4 ; Yves NOËL in : Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct – Commentaire de la LIFD, 2008, n. 33 s. ad art. 27 LIFD).

La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante (art. 18 al. 2 LIFD). La première exigence de l’art. 27 al. 2 let. b LIFD implique ainsi tant l’exercice d’une activité lucrative indépendante que le fait que le bien en question serve effectivement à son exercice (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, n. 47 p. 109 s.).

La seconde exigence de l’art. 27 al. 2 let. b LIFD présuppose, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, que l’assujetti tienne une certaine forme de comptabilité, indépendamment de la question de savoir si le contribuable doit tenir ou non formellement des livres en vertu de l’art. 957 CO (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 7.2.1 et la jurisprudence citée). D'après l'art. 125 al. 2 LIFD, les personnes physiques dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent joindre à leur déclaration les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultat) de la période fiscale ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à l'usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés.

L'art. 125 al. 2 LIFD ne précise pas ce qu'il faut entendre par « état des actifs et des passifs, relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés ». Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les exigences auxquelles doivent répondre ces états dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, ils doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlés dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_551/2012 et 2C_553/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.1 et la jurisprudence citée ; 2A.300/2006 du 27 février 2007 consid. 3.4 ; 2A.272/2003 précité consid. 4). Il n'appartient pas aux autorités fiscales de rétablir la comptabilité défaillante du contribuable (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_551/2012 et 2C_553/2012 précité consid. 3.1 et 2A.295/2006 du 16 octobre 2006 publié in RDAF II 252 consid. 4.1). Lesdits états doivent en principe être établis chronologiquement aux dates successives de bouclement des exercices commerciaux déterminants pour les périodes fiscales en cause et doivent être datés et signés par le contribuable, étant précisé qu’il ne suffit pas de signer a posteriori les pièces en cause pour que des défauts déjà constatés, qui dépasseraient la simple absence de signature, disparaissent et que les pertes litigieuses soient considérées comme comptabilisées (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_835/2012 précité consid. 7.2.2 et la jurisprudence citée).

b. Toutefois, à l’instar du revenu imposable, qui se détermine d’après les revenus acquis durant la période de calcul (art. 210 LIFD dans sa teneur applicable en 2007), les déductions prévues par l’art. 27 LIFD sont soumises au principe de périodicité et ne sont admises que lorsqu’elles trouvent leur cause dans des événements ayant lieu durant la période de calcul (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_567/2012 du 15 mars 2013 consid. 6.2 et 2C_220/2009 du 10 août 2009 consid. 5.1). La période fiscale correspond, dans les cantons comme Genève ayant opté pour le système d’imposition des personnes physiques postnumerando annuel (art. 1 aLIPP-II), à l’année civile (art. 41 et 208 ss LIFD dans leur teneur applicable en 2007). L’art. 211 LIFD, dans sa teneur applicable en 2007 et reprise à l’art. 31 LIFD depuis le 1er janvier 2014, constitue une exception au principe de périodicité. Cette dernière disposition prévoit que les pertes des sept exercices précédant la période fiscale peuvent être déduites, à condition qu’elles n’aient pas été prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’art. 211 LIFD doit être interprété de manière restrictive. Il ne peut être invoqué par le contribuable qu’aussi longtemps qu’il exerce une activité indépendante ou que si, ayant cessé une telle activité indépendante, il en commence ou poursuit une autre à la suite de la précédente (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_567/2012 précité consid. 6.2 et 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.3 et 3.4 et les références citées).

c. Selon la jurisprudence et la doctrine, constitue une activité lucrative indépendante, l’activité entreprise par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie et reconnaissable de l’extérieur et dans un but de gain (ATF 125 II 113 consid. 5 ; ATA/687/2013 du 15 octobre 2013 consid. 7 ; Yves NOËL, in : Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], op. cit., n. 2 ad art. 18 LIFD et les références citées). Du point de vue fiscal, l'élément décisif est la mesure de l'indépendance personnelle et économique de l'intéressé dans l'accomplissement de sa tâche (ATF 121 I 259 consid. 3c). En ce qui concerne l’activité déployée comme membre de l’administration ou de la direction d’une personne morale, elle est considérée par le Tribunal fédéral comme une activité lucrative dépendante, malgré la nature juridique des rapports civils. Le Tribunal fédéral relève en particulier que l’indépendance économique des membres de conseils d'administration et d'organes de sociétés est limitée. Ils n’exercent pas à proprement parler leur activité à leurs risques et profits (ATF 121 I 259 consid. 3d ; Yves NOËL, op. cit., n. 4 ad art. 18).

d. Les époux vivant en ménage commun exercent leurs droits et s’acquittent de leurs obligations de façon conjointe (art. 113 al. 1 LIFD). Ils signent tous deux la déclaration et les autres écrits destinés aux autorités fiscales (art. 113 al. 2 LIFD). Les époux forment une communauté de taxation, mais chaque conjoint est un contribuable à part entière. Il ne doit déclarer que ses propres revenus et sa propre fortune sur la déclaration commune (Xavier OBERSON, op. cit., n. 44 p. 86).

e. De plus, en matière fiscale, il incombe à celui qui fait valoir l'existence d'un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_551/2012 et 2C_553/2012 précité consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

En l’espèce, pour bénéficier du report de pertes survenues en 2006 dans sa taxation IFD de 2007, M. B______ doit, au regard de la jurisprudence susmentionnée, exercer une activité lucrative indépendante en 2007. Or, tel n’est pas son cas. D’une part, l’époux a vendu l’immeuble sis ______, rue F______ en janvier 2005 et la villa située au ______, chemin D______ en avril 2006. De ce fait, il a depuis lors cessé toute activité en matière immobilière. D’autre part, le fait qu’il soit en 2007 gérant de H______ Sàrl ne permet pas de le considérer, au sens de la jurisprudence précitée, comme ayant alors une autre activité lucrative indépendante. Par ailleurs, il importe peu de savoir si Mme A______ exerce une activité lucrative indépendante, dans la mesure où chaque conjoint est un contribuable à part entière et que la perte litigieuse résulte de la vente d’un bien appartenant à l’époux seul.

Par conséquent, les contribuables ne peuvent pas solliciter le report de la perte contestée de CHF 629'290.- résultant de la vente de la villa sise au ______ chemin D______ survenue en 2006 dans le cadre de leur taxation IFD de 2007. La question de l’attribution de ce bien immobilier à la fortune commerciale ou privée peut ainsi rester ouverte. Il en va de même de l’exigence quant à la précision de la comptabilité relative à ladite perte. Le jugement du TAPI ainsi que la décision sur réclamation de l’AFC-GE relative à l’IFD 2007 seront, par substitution de motifs (art. 69 al. 1 LPA), confirmés. Le recours des contribuables sera donc rejeté en ce qui concerne l’IFD 2007.

Impôt cantonal et communal

5) Il s’agit d’examiner si le montant de CHF 629'290.- est déductible du revenu imposable des recourants au regard du droit genevois applicable à l’ICC 2007.

L’art. 10 al. 1 let. c LHID a la même teneur que l'art. 27 al. 1 et 2 let. b LIFD et prévoit que les pertes effectives, qui ont été comptabilisées et qui sont réalisées sur des éléments de la fortune commerciale des contribuables exerçant une activité lucrative indépendante, constituent des frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel et peuvent être déduites. Cette règle s'impose en droit genevois même si elle n'est pas expressément reprise par l'art. 3 al. 3 aLIPP-V (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_551/2012 et 2C_553/2012 précité consid. 5.2). Cette dernière disposition prévoit uniquement que sont déduits du revenu provenant d'une activité lucrative indépendante les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel, tout en donnant une liste exemplative de ces frais – parmi lesquels ne sont pas mentionnées les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale. L’art. 3 al. 3 let. f aLIPP-V dispose toutefois que les pertes de sept exercices au plus précédant la période fiscale, pour la part qui n’a pas pu être déduite dans la taxation de l'impôt d'années antérieures, font partie des frais déductibles.

De plus, d’une part, l'art. 29 al. 2 LPFisc impose, conformément à l'art. 42 al. 3 LHID, aux personnes physiques, dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante, de joindre à leur déclaration, à chaque période fiscale, les extraits de comptes signés de la période concernée ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à l'usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses, ainsi que des prélèvements et apports privés ; il a la même teneur que l'art. 125 al. 2 LIFD. D’autre part, la notion de fortune commerciale prévue aux art. 8 al. 2 LHID et 3 al. 3 aLIPP-IV correspond à celle de la LIFD.

En outre, l’art. 3 al. 3 let. f aLIPP-V relatif au report des pertes commerciales et l’art. 67 al. 1 LHID ont le même contenu que l’art. 211 LIFD dans sa teneur de 2007. La notion de revenu imposable (art. 9 al. 1 phr. 1 LHID et art. 2 aLIPP-II), celle d’activité lucrative indépendante (art. 8 LHID et art. 3 aLIPP-IV) et l’obligation des époux (art. 40 al. 1 et al. 2 LHID et art. 16 al. 1 et 2 LPFisc) correspondent à celles de la LIFD.

En conséquence, les considérations développées ci-dessus en matière d'IFD s'appliquent mutatis mutandis à l'ICC. Le jugement du TAPI ainsi que la décision sur réclamation de l’AFC-GE relative à l’ICC 2007 seront confirmés par substitution de motifs (art. 69 al. 1 LPA). Le recours doit également être rejeté en ce qui concerne l’ICC 2007.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Le jugement du TAPI ainsi que les deux décisions sur réclamation de l’AFC-GE seront, par substitution de motifs (art. 69 al. 1 LPA), confirmés.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, vu l’issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2011 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge, conjointe et solidaire, de Madame A______ et de Monsieur B______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Schaer & Miffon Associés, mandataire, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :