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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/523/2010

ATA/561/2012 du 21.08.2012 sur JTAPI/1122/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.10.2012, rendu le 04.10.2013, ADMIS, 2C_627/2014, 2C_628/2014, 2C_973/2012, 2C_974/2012
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/523/2010-ICCIFD ATA/561/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame B______ S______ et Monsieur R______ S______

représentés par Schaer & Miffon Associés, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2011 (JTAPI/1122/2011)


EN FAIT

1) Le litige porte sur l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) de Madame B______ S______, née le ______ 1958, et de Monsieur R______ S______, né le ______ 1958 (ci-après : les époux S______).

2) M. R______ S______ a acquis dans les années 1990 plusieurs biens immobiliers, parallèlement à son activité d'ingénieur en chauffage. Il a ainsi acheté avec Monsieur Z______ un terrain au chemin L______ à Chêne-Bougeries, dans le but d'y construire deux villas, projet qui s'est réalisé ; et, avec Monsieur  T______, un immeuble sis rue E______ aux Eaux-Vives. Ces deux opérations ont été financées à l'aide de fonds empruntés à la Banque N______ (ci-après : N______).

3) Le 28 janvier 2005, l'office des poursuites (ci-après : OP) a vendu aux enchères publiques à Monsieur H______ l'immeuble précité sis rue E______, à la demande de la Fondation de valorisation des actifs de la N______ (ci-après : fondation de valorisation), pour un montant de CHF 1'980'000.-.

4) Le 6 juillet 2005, les époux S______ ont remis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur déclaration fiscale 2004. Ils ne déclaraient aucun revenu relatif à une activité lucrative indépendante, et n'annonçaient aucune perte ou perte reportée comme déduction.

5) Le 7 avril 2006, l’OP a procédé à la vente des immeubles sis au chemin L______ 2 et 2bis. Le premier bien a été racheté par Mme B______ S______ pour un montant de CHF 990'000.-, et le second par Monsieur M______ (précédemment locataire à cette même adresse), pour la même somme.

6) Le 24 août 2006, les époux S______ ont remis à l'AFC-GE leur déclaration fiscale 2005. Ils ne déclaraient aucun revenu relatif à une activité lucrative indépendante, et n'annonçaient aucune perte ou perte reportée comme déduction.

Dans le cadre d'un échange de courriers subséquent, ils ont toutefois annoncé le 9 février 2007 l'insuffisance de gage de CHF 639'021.- relative à l'immeuble de la rue E______. L’AFC-GE a déduit dans leurs bordereaux ICC et IFD 2006, du 11 mai 2007, ce montant à titre de perte commerciale.

7) Par jugement du 23 janvier 2007 (JTPI/1483/2007) dans la cause C/29152/2006, le Tribunal de première instance a déclaré M. R______ S______ en faillite dès le 23 janvier 2007 à 14h15, une réquisition de faillite ayant été présentée le 6 décembre 2006 par la fondation de valorisation.

8) Le 29 août 2007, les époux S______ ont remis à l' AFC-GE leur déclaration fiscale 2006. Ils ne déclaraient aucun revenu relatif à une activité lucrative indépendante, et annonçaient une perte reportée en déduction, d'un montant de CHF 629'290.-.

9) Le 4 mars 2008, l'AFC-GE a envoyé aux époux S______ leurs bordereaux ICC et IFD 2006. Aucun montant n'était porté en déduction au titre des autres déductions sur le revenu, avec la remarque : « la vente concernant la villa L______ est considérée comme privée ». Un montant de CHF 365'396.- était admis en tant que perte reportée (relative à la vente de l'immeuble de la rue E______, et correspondant pour l'essentiel à la perte de CHF 639'021.- admise l'année précédente, moins le revenu fiscal de ladite année s'élevant à CHF 274'009.-).

10) Le 16 septembre 2008, les époux S______ ont remis à l'AFC-GE leur déclaration fiscale 2007.

M. R______ S______ était ingénieur en chauffage et Mme B______ S______ employée de bureau ; ils étaient tous deux employés par les sociétés B______ S.à r.l. (recte : S.A.) et par A______ S.à r.l. (avec un salaire brut cumulé de CHF 108'384.- pour le premier et de CHF 320'516.- pour la seconde), étant précisé que Mme B______ S______ était administratrice unique avec signature individuelle de la première société, et associée gérante unique de la seconde.

Ils étaient domiciliés au ______, chemin L______, immeuble qu'ils occupaient depuis le 1er janvier 1991 et qui était propriété de Mme B______ S______ à 100 %.

Au titre des autres déductions sur le revenu, les époux S______ ont déclaré la somme de CHF 693'203.-, en indiquant qu'il s'agissait de pertes commerciales reportées. Leur revenu imposable était donc nul, l'entier de leur revenu provenant de l'activité dépendante.

Un document intitulé « détail des ventes immobilières et pertes commerciales » était joint pour justifier de ces dernières. Un premier tableau détaillait les ventes immobilières. L'immeuble « V______ » appartenait au patrimoine professionnel du contribuable ; une vente forcée avait eu lieu le 28 janvier 2005, la créance s'élevait à CHF 2'622'124,60, le produit de la vente à CHF 1'983'103,50, et la perte ainsi à CHF 639'021.-. Pour l'immeuble « L______ », qui appartenait au patrimoine privé, vendu le 7 avril 2006, les chiffres étaient respectivement de CHF 1'906'932,60, CHF 982'678,15 et CHF 924'254,45 ; pour l'immeuble « L______ ______bis », qui relevait du patrimoine professionnel, vendu le 7 avril 2006, de CHF 1'609'626,25, CHF 980'336.- et CHF 629'290,25. Pour les pertes reportées, en 2005 la perte liée à l'immeuble « V______ » avait été compensée à concurrence de CHF 273'625.- sur le revenu fiscal ; un solde de CHF 365'396,10 restait à reporter. En 2006, ce solde venait s'ajouter à la perte liée à l'immeuble « L______ ______bis », et devait être compensée avec le revenu fiscal - non encore taxé définitivement - de CHF 301'483.-, ce qui donnait un solde reporté pour 2007 de CHF 693'203,35. Etaient également joints des « relevés de compte dette » relatifs aux trois immeubles précités.

Enfin, leur fortune brute s'élevait à CHF 2'229'133.-, mais était contrebalancée par des dettes chirographaires et hypothécaires d'un total de CHF 3'598'483.-.

11) Le 1er avril 2009, l'AFC-GE a notifié aux époux S______ leurs bordereaux ICC et IFD 2006 rectifiés. La perte reportée de CHF 365'396.- était toujours admise en déduction, celle relative à l'immeuble chemin L______ ______bis toujours refusée. Le revenu brut des époux S______ s'élevait à CHF 560'363.- mais leur revenu imposable, après les déductions admises, à CHF 20'348.-, si bien que leur imposition était nulle tant pour l'IFD que pour l'ICC.

12) Le 14 avril 2009, l'AFC-GE a notifié aux époux S______ un bordereau IFD 2007 de CHF 18'728.- et un bordereau ICC de CHF 53'206,55. Aucun montant n'était déduit au titre des autres déductions sur le revenu, avec pour chaque bordereau la remarque suivante : « Selon notre décision du 1er avril 2009 les pertes privées ne sont pas déductibles commercialement. En outre il n'existe plus de perte non compensée pour l'années (sic) fiscale 2007 ».

13) Le 1er avril 2009, l'AFC-GE a rejeté la réclamation des époux S______ relative à leur taxation 2006.

14) Le 28 avril 2009, les époux S______ ont élevé une réclamation auprès de l'AFC-GE à l'encontre des bordereaux précités.

La villa du chemin L______ ______bis, vendue le 7 avril 2006, avait toujours été taxée dans la fortune professionnelle de M. R______ S______. Elle avait toujours été louée, et considérée par l'AFC-GE comme objet professionnel, de même que l'ancien immeuble situé rue E______. Il convenait de prendre en compte dans les pertes commerciales les CHF 629'290.- relatifs à cette vente.

L'intégralité des intérêts chirographaires et hypothécaires devait être déduite, y compris ceux relatifs aux dettes dues à la fondation de valorisation et à la banque du D______, qui étaient exclusivement professionnelles et ressortissaient aux activités immobilières de M. R______ S______.

Un recours était déposé en parallèle auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (recte : la commission cantonale de recours en matière administrative, ci-après : CCRA, devenue dès le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance, ci-après : TAPI) pour la taxation 2006.

15) Par décision du 21 septembre 2009, la CCRA a déclaré irrecevable le recours dirigé contre la taxation 2006, pour défaut de paiement de l'avance de frais.

16) Le 14 janvier 2010, l'AFC-GE a rejeté la réclamation des époux S______. Les intérêts chirographaires avaient été admis pour le montant déclaré. La perte réalisée sur la vente de la villa sise au chemin L______ ______bis ne pouvait être admise en déduction, cette vente relevant de la gestion du patrimoine privé.

17) Le 12 février 2010, les époux S______ ont interjeté recours par-devant la commission de recours en matière d'impôts (recte : le TAPI) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation et à l'admission du caractère professionnel de l'opération L______ _______bis et de la perte commerciale qui en découlait.

18) Par jugement du 17 octobre 2011, le TAPI a rejeté le recours.

Selon un arrêt cantonal de 2001, pour bénéficier du report des pertes, le contribuable devait présenter à la fois une comptabilité et justifier les pertes intervenues. En 2007, les époux S______ avaient une activité salariée. M. R______ S______ n'était pas inscrit au registre du commerce en tant que courtier en immeubles. Le document « détail des ventes immobilières et pertes commerciales » joint à la déclaration ne valait pas comptabilité. La perte commerciale alléguée ne pouvait dès lors être admise en déduction, le contribuable ne tenant pas en 2007 de comptabilité commerciale au sens des art. 957 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). La question de savoir si la vente de la villa sise chemin L______ _______bis était de nature privée ou commerciale n'avait pas besoin d'être résolue.

19) Par acte posté le 23 novembre 2011, les époux S______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à la reconnaissance du caractère professionnel de l'opération immobilière « ch. L______ ______bis », au renvoi de la cause à l'AFC-GE pour révision de la taxation tenant compte de la perte commerciale en cause, et à l'octroi de dépens correspondant à une assistance professionnelle.

A l'origine, les opérations immobilières du chemin L______ et de la rue E______ avaient clairement un caractère professionnel. Ce dernier avait du reste été reconnu par l'AFC-GE concernant la seconde, puisque des pertes commerciales avaient été admises en déduction la concernant ; il y avait dès lors une incohérence avec la taxation litigieuse.

L'absence d'une comptabilité commerciale ne faisait, contrairement à ce qu'avait admis le TAPI, plus obstacle à la prise en compte de pertes commerciales. Il fallait donc bel et bien examiner le caractère commercial ou privé de la transaction en cause ; sur la base de différents critères, le premier devait prévaloir en l'espèce. Il y avait notamment eu constitution d'une société simple avec M. Z______ pour l'acquisition du terrain, ce qui ressortait de l'acte de vente de 1990, joint au recours.

20) Le 1er février 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La notion de perte commerciale devait être interprétée de manière restrictive. La jurisprudence exigeait, sinon une comptabilité commerciale, du moins des documents suffisamment précis, ce que n'était pas le décompte joint à la déclaration 2007 des époux S______.

En outre, la déduction de la perte reportée avait été déjà annoncée l'année précédente, et refusée, et la taxation 2006 était entrée en force. L'utilisation du report de pertes n'était pas laissée à la discrétion du contribuable. Lorsqu'il n'intervenait pas durant un exercice bénéficiaire et que la taxation n'était pas contestée ou était entrée en force, le report de pertes était réputé épuisé et ne pouvait plus être invoqué par la suite.

Au surplus, la location de la villa en cause relevait bien de la gestion du patrimoine privé.

21) Le 13 février 2012, les époux S______ ont persisté dans leurs conclusions.

22) Le 14 mars 2012, l'AFC-GE en a fait de même.

23) Le 15 mars 2012, le juge délégué a donné aux parties un délai au 20 avril 2012 pour formuler toutes requêtes et observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

24) Le 27 mars 2012, les époux S______ ont fait valoir qu'ils n'auraient pas eu d'intérêt juridique à contester leur taxation 2006, dans la mesure où leur revenu imposable de CHF 20'348.- avait conduit à une taxation nulle.

25) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 53 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la déductibilité des pertes reportées dans le cadre de la taxation IFD et ICC 2007. Comme le veut la jurisprudence, les deux impôts seront abordés séparément (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1).

Impôt fédéral direct

3) A teneur de l'art. 18 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), sont notamment imposables tous les revenus provenant de l'extinction d'une entreprise commerciale ou de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante.

Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD).

Dans le cadre de l'imposition du revenu d'une activité lucrative indépendante, peuvent être déduits les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD). Dès lors qu'il s'agit d'une déduction visant à réduire l'obligation fiscale du contribuable, le fardeau de la preuve lui incombe (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e éd., 2007, chap. 2, §7 n°228).

Font notamment partie de ces frais, les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let. b LIFD).

4) Est une activité lucrative indépendante celle qui est entreprise par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie dans le but d'obtenir un gain en participant à la vie économique (ATF 125 II 113 consid. 5b ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_376/2011 du 27 avril 2012 consid. 5 et 2C_307/2010 du 27 août 2010 consid. 2.2).

Le report de pertes n'est possible qu'aussi longtemps que le contribuable exerce une activité lucrative indépendante (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.3 = RDAF 2010 II 205 et RF 65/2010 p. 318) ; celle-ci ne prend toutefois fin qu'au terme de la dernière opération de liquidation (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_376/2011 du 27 avril 2012 consid. 6.3.5 ; 2C_33/2009 précité consid. 3.4).

5) Pour pouvoir déduire un report de pertes, le contribuable doit exercer une activité en la forme commerciale et tenir une comptabilité. Pour les contribuables astreints à la tenue d'états financiers, il doit s'agir d'une comptabilité au sens des art. 957 et ss CO ; pour les autres, d'une comptabilité personnelle qui garantisse un enregistrement complet et fiable des revenus et de la fortune commerciale, et donc permettre à l'administration de vérifier les opérations. Doit au moins être produite avec la déclaration, une documentation contenant les éléments rappelés à l'art. 125 al. 2 LIFD, permettant de constater un état des actifs et passifs, des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés (X. OBERSON, op. cit., § 7 n° 250). Les exigences qui peuvent être posées en rapport avec cette « comptabilité » dépendent des circonstances du cas d'espèce, du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Sont en tout cas nécessaires des relevés propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvant être contrôlés dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.272/2003 = RDAF 2004 II 30 ; ATA/367/2010 du 1er juin 2010 consid. 4).

6) Selon l'art. 211 LIFD, applicable à Genève par renvoi des art. 208 et 41 LIFD, les pertes des sept exercices précédant la période fiscale peuvent être déduites, à condition qu’elles n’aient pas été prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années (dans la version allemande : nicht berücksichtigt werden konnten, dans la version italienne : a condizione che non se ne sia potuto tener conto al momento del calcolo del reddito imponibile di tali anni). Si l'on se réfère à ces deux versions, il faut ainsi qu'elles n'aient pas pu être prises en compte, et pas seulement qu'elles ne l'aient pas été ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 précité consid. 2.1 ; D. YERSIN/Y. NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2007, n. 9 ad art. 67 al. 1 LIFD et les références citées, notamment les arrêts selon lesquels un bénéfice imposable égal à 0 ne fait pas disparaître le droit au report de pertes).

La jurisprudence fédérale confirme ce principe : statuant ainsi dans le cadre de l'art. 67 LIFD, qui concerne l'impôt sur le bénéfice mais dont la teneur est - même en français - identique à celle des versions allemande et italienne de l'art. 211 LIFD (M. ZWEIFEL/P. ATHANAS [éd.], Bundesgestz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden [StHG], 2e éd., Bâle 2002, n. 3 ad art. 67 LHID, indiquent que les deux dispositions sont pratiquement identiques), le Tribunal fédéral a considéré que les pertes ne pouvaient pas être reportées par le contribuable à la période de son choix, mais qu'en présence d'un revenu imposable non encore compensé, il convenait de reporter les pertes à ce moment-là, sans plus tarder ; en présence d'une taxation entrée en force avec la constatation qu'aucune perte ne devait être reportée, le contribuable - qui aurait dû emprunter les voies de droit à sa disposition - ne pouvait plus demander le report des pertes les années suivantes (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_240/2011 du 8 avril 2011 consid. 2).

7) L'on se trouve précisément en l'espèce dans un cas du même genre, dès lors que les contribuables ont déjà prétendu au report de la perte en question en 2006. Or leur taxation 2006 - dont l'imposition était certes, en fin de compte, nulle, mais pas le résultat, le revenu brut s'élevant à CHF 560'363.- - est entrée en force suite à la décision du TAPI du 21 septembre 2009, qu'ils n'ont pas contestée.

Leur argumentation relative à l'absence d'intérêt juridique tombe par ailleurs à faux. D'une part en effet, ce n'est pas pour ce motif que le TAPI a déclaré leur recours irrecevable, mais en raison du non-paiement de l'avance de frais. D'autre part, même avec une imposition nulle, ils conservaient un intérêt actuel et juridique à voir tranchée la question du report de pertes dès lors qu'ils pouvaient le cas échéant en bénéficier pendant encore plusieurs années fiscales selon l'art. 211 LIFD.

8) Il s'ensuit que le recours doit être, en ce qui concerne l'IFD, rejeté pour ce motif déjà. Dans cette mesure, point n'est besoin d'examiner plus en détail les questions liées à la précision de la comptabilité et au caractère privé ou commercial de l'opération immobilière en cause.

Impôt cantonal et communal

9) a. Sur le plan cantonal, la nouvelle loi sur l’imposition des personnes physiques adoptée le 12 juin 2009 par le Grand Conseil a été acceptée en votation populaire le 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Cette loi unifie les cinq lois issues de l’adaptation de la législation fiscale genevoise sur l’imposition des personnes physiques aux exigences de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). A teneur de son art. 69 al. 1 let. e, la LIPP abroge la loi genevoise sur l’imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16).

b. Conformément à son art. 71, la LIPP est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. D’après son art. 72 al. 1, elle s’applique pour la première fois aux impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

c. Le litige concerne la période fiscale 2007 et doit ainsi être examiné à l’aune du régime juridique mis en place par l’aLIPP-V, entrée en vigueur le 1er janvier 2001.

10) a. Selon l’art. 1 aLIPP-V, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 2 à 8.

b. En application de l’art. 3 al. 3 aLIPP-V, sont déduits du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante, « les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel ». Font notamment partie de ces frais les pertes de sept exercices au plus précédant la période fiscale, pour la part qui n’a pas pu être déduite dans la taxation des années antérieures (let. f). La réglementation s’inspire de l'art. 67 al.1 LHID à teneur duquel, lorsqu’elles n’ont pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années, les pertes des sept exercices précédant la période fiscale sont déduites.

L’art. 29 al. 2 LPFisc dispose en outre à cet égard que les personnes physiques dont le revenu provient d’une activité lucrative indépendante doivent joindre à leur déclaration, à chaque période fiscale, les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats et, le cas échéant, annexe) de la période concernée ou, à défaut d’une comptabilité tenue conformément à l’usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés.

11) Les dispositions fédérales et cantonales définissent ainsi de la même manière la notion de frais et de charges déductibles dans le cadre de l’activité indépendante (ATA/469/2012 du 31 juillet 2012 consid. 11c ; ATA/301/2008 du 10 juin 2008 consid. 7).

Toutes les considérations émises ci-dessus pour la taxation IFD 2007 sont donc également valables pour l’ICC.

Les griefs des recourants relatifs à la violation du droit cantonal seront donc écartés.

12) Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, il ne leur sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2011 par Madame B______ S______ et Monsieur R______ S______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge, conjointe et solidaire, de Madame B______ S______ et Monsieur R______ S______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame B______ S______ et Monsieur R______ S______, représentés par Schaer & Miffon Associés, mandataire, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Dentella Giauque

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :