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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2364/2011

ATA/397/2012 du 26.06.2012 sur JTAPI/1349/2011 ( AMENAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; PERSONNE MORALE ; AMENDE ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; DÉCHET DE CHANTIER ; PUNISSABILITÉ
Normes : CP.102; CP.102a; LGD.43.al1
Résumé : En droit administratif, la punissabilité des personnes morales n'est pas limitée qu'aux délits et crimes, comme le prescrit l'art. 102 du code pénal (CP). Par conséquent, les sociétés anonymes peuvent faire l'objet d'amendes administratives, comme en l'espèce, ce d'autant que la loi sur la gestion des déchets (LGD) ne contient aucune disposition ne prohibant ou limitant la punissabilité des personnes morales.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2364/2011-AMENAG ATA/397/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2012

 

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POLICE ET DE L'ENVIRONNEMENT - GESDEC

contre

A______ S.A.

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 novembre 2011 (JTAPI/1349/2011)


EN FAIT

1. A______ S.A. (ci-après : la société) est une société anonyme sise à Confignon, dont le but statutaire est le commerce de légumes, fruits, fleurs, agrumes et céréales, et l'importation, exportation et transformation de produits exotiques et produits alimentaires.

2. Le 8 mai 2007, le service cantonal de gestion des déchets (ci-après : GESDEC) du département du territoire (ci-après : DT), mais rattaché dès 2009 au département de la sécurité, de la police et de l'environnement (ci-après : DSPE) s'est adressé par courrier à la société, en lui enjoignant de ne plus broyer de déchets non organiques et de ne plus en épandre sur les champs qu'elle exploitait.

3. Le 6 décembre 2007, le GESDEC a ordonné à la société l'arrêt immédiat et définitif des activités de broyage et d'épandage sur les champs de déchets non organiques tels bois, plastique, papier et carton.

Par décision séparée du même jour, il a infligé à la société une amende administrative de CHF 1'000.- pour avoir continué, malgré son injonction du 8 mai 2007, à épandre des déchets non organiques broyés sur les champs.

4. Le 17 juin 2011, un inspecteur du GESDEC a dressé un rapport de renseignement à l'encontre de la société. Il était passé la veille dans un champ situé au chemin I______/chemin P______ à Perly-Certoux et exploité par la société. Il avait constaté la présence de nombreux tas de déchets formés de légumes et fruits, de débris de cagettes en bois et de plastique broyées, de même que d'autres déchets en matière plastique jonchant une partie du terrain et de la parcelle.

Il proposait de prononcer une amende administrative de CHF 2'000.- pour récidive. Des photographies étaient jointes au rapport.

5. Le 8 juillet 2011, le GESDEC a ordonné à la société l'arrêt immédiat et définitif des activités de broyage et d'épandage de déchets non organiques sur les champs, en particulier sur la parcelle n° ______ de la commune de Perly-Certoux.

Par décision séparée du même jour, il a infligé à la société une amende administrative de CHF 2'000.- pour avoir continué, malgré ses décisions du 6 décembre 2007, à épandre des déchets non organiques broyés sur les champs qu'elle exploitait.

6. Le 12 juillet 2011, la société a écrit au GESDEC.

Depuis qu'elle avait reçu l'injonction du service en 2007, elle avait respecté à la lettre ses consignes. Elle déversait, tous les deux à trois jours, une remorque de déchets contenant des pluches de fruits et légumes sur la parcelle de Perly, mais en aucun cas cette marchandise n'était broyée.

Ces déchets organiques n'étaient pas mélangés à d'autres déchets d'une nature différente. La maison R______ enlevait régulièrement les déchets issus des compacteurs de bois et de carton. Quant au plastique et au polystyrène expansé, ils étaient entreposés dans des containers qui étaient débarrassés deux fois par semaine.

La société s'étonnait du courrier reçu ainsi que de l'amende, à laquelle elle s'opposait formellement.

7. Le 15 juillet 2011, le GESDEC a répondu à la société. Il maintenait ses décisions, qui pouvaient être contestées auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) selon les modalités indiquées au bas de celles-ci.

8. Le 8 août 2011, la société a interjeté auprès du TAPI un recours contre l'amende administrative infligée, sans prendre de conclusions formelles.

Depuis 2007, le broyeur avait été déplacé et n'avait pas été remis en service. Il était donc erroné d'affirmer qu'elle continuait à broyer des déchets non organiques.

Suite aux décisions du 8 juillet 2011, elle avait constaté qu'il y avait effectivement dans la parcelle en cause des plastiques, mais ceux-ci n'étaient pas broyés. Ils provenaient des bennes de déchets végétaux qui étaient régulièrement déversés, des sacs de mise sous vide et des sachets plastique d'emballage de fruits et légumes se mélangeaient à ces derniers. Le champ avait donc été « passé au peigne fin » afin d'en retirer tous les plastiques, et le personnel avait été sensibilisé à la problématique. Quant aux ficelles et aux « clips » issus de plantations de tomates, ils étaient biodégradables.

Il était enfin regrettable que l'inspecteur n'aie pas cherché à obtenir des explications directement auprès des intéressés.

9. Par courrier du 11 octobre 2011 adressé au TAPI, la société a indiqué qu'elle entendait recourir non seulement contre l'amende administrative mais aussi contre la décision du 8 juillet 2011 d'interdiction de broyage et d'épandage des déchets non organiques.

10. Le 25 novembre 2011, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Monsieur C______, administrateur et président de la société, a reconnu que des plastiques avaient été épandus avec les épluchures de légumes, malgré les instructions données au personnel en vue de trier les déchets plastiques. Il avait broyé des cagettes en plastique noires, en vue de leur évacuation par l'entreprise Chevalley ; s'il y en avait dans le champ, ce n'était qu'à côté de l'endroit où le camion avait été chargé. Tous les bouts de plastique blancs étaient biodégradables.

b. L'inspecteur du GESDEC a expliqué s'être rendu sur la parcelle suite à une dénonciation d'un voisin qui voyait l'épandeuse rejeter des déchets sur le champ. Il s'était rendu sur place avec cette personne et avait pris des clichés. Celui où l'on voyait des copeaux de bois avait été pris dans la cour et non dans le champ. Il avait constaté que le broyeur avait fonctionné, et que l'épandeuse avait rejeté des morceaux de plastique, constatant la présence sur la parcelle de plastique broyé.

c. Le chef du secteur déchets du GESDEC a indiqué que par rapport à la décision du 6 décembre 2007, la société avait respecté l'interdiction s'agissant des déchets de bois, papier et cartons. Il y avait cependant encore des déchets de plastique broyés et non broyés. Une rencontre avec M. C______ avait eu lieu trois semaines auparavant, et, suite à un dialogue constructif, un accord avait été trouvé concernant le processus de tri à la source. Le champ avait été totalement nettoyé.

11. Par jugement du 25 novembre 2011, le TAPI a rejeté le recours en tant qu'il concernait la décision d'interdiction de broyage et d'épandage des déchets non organiques.

Il l'a en revanche admis en tant qu'il concernait l'amende administrative, et a annulé celle-ci.

Les amendes administratives étaient de nature pénale. La quotité de la peine administrative devait être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal. En vertu de l'art. 1 al. 2 de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y avait lieu de faire application de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). L'art. 105 al. 1 CP précisait que les dispositions sur la punissabilité de l'entreprise n'étaient pas applicables aux contraventions. Dans un arrêt rendu en 2010, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait dans un tel cadre annulé une amende, car celle-ci ne pouvait pas être infligé à une personne morale. Enfin, la loi sur la gestion des déchets, du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20), ne contenait aucune disposition spécifique permettant d'infliger une amende à une personne morale.

12. Par acte posté le 19 décembre 2011, le DSPE a interjeté un recours partiel auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant - néanmoins - à son annulation pure et simple et au renvoi de la cause au TAPI afin que ce dernier confirme l'amende administrative infligée le 8 juillet 2011.

Le jugement entrepris n'était contesté que sur le point de l'annulation de l'amende administrative.

Les amendes pénales et administratives étaient régies par des règles totalement différentes, notamment du point de vue procédural. Il n'était pas admissible d'appliquer tels quels les art. 1 à 110 CP aux amendes administratives, même s'il était opportun de leur appliquer a simile certains principes issus du droit pénal, tels que la nécessité d'une faute. Certaines dispositions de la partie générale du CP ne pouvaient pas s'appliquer aux amendes administratives, comme par exemple l'inscription au casier judiciaire.

Ces dernières permettaient de sanctionner tant les personnes morales que les personnes physiques, sauf indication contraire de la loi spécifique. Le Tribunal administratif avait du reste confirmé ce point de vue à plusieurs reprises, notamment en 2002, 2006 et 2008, étant précisé que jusqu'en octobre 2003, le CP ne permettait en aucun cas de punir une personne morale.

Le Grand Conseil avait adopté le 13 octobre 2011 la loi 10702, non encore en vigueur, qui prévoyait expressément, afin de couper court à toute mésinterprétation, la possibilité d'infliger des amendes administratives aux personnes morales.

La jurisprudence de la chambre administrative de 2010 citée par le TAPI concernait une amende que la loi qualifiait expressément de pénale. Cet arrêt ne pouvait donc pas être appliqué à la cause.

Enfin, l'amende était justifiée dans son principe et le montant retenu proportionné aux circonstances.

13. Le 25 janvier 2012, la société a conclu à la confirmation du jugement attaqué.

L'inspecteur du GESDEC aurait dû venir discuter avec les organes de la société ou les membres de son personnel. En outre, il n'y avait pas de récidive.

14. Le 31 janvier 2012, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 2 mars 2012 pour toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15. Aucune des parties ne s'est manifestée depuis lors.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Même s'il déclare dans le préambule de son acte de recours n'attaquer le jugement du TAPI que sur la question relative à l'amende administrative, le département recourant n'en conclut pas moins à l'annulation du jugement, sans faire de nuance.

Cette conclusion, en tant qu'elle concerne la partie du jugement entrepris qui confirme la décision d'interdiction de broyage et d'épandage des déchets non organiques, doit être déclarée irrecevable, dès lors que le recourant s'est vu allouer le plein de ses conclusions sur ce point en première instance, et qu'il ne possède ainsi pas d'intérêt actuel à recourir y relatif.

3. En droit administratif, les sanctions ou mesures administratives - le premier de ces vocables devant être pris dans un sens très large - comprennent classiquement les mesures d'exécution forcées et les mesures répressives. Les premières ont pour but d'établir ou de rétablir une situation conforme au droit, notamment en assurant les moyens de faire exécuter les décisions rendues par l'administration. Elles ne supposent pas l'existence d'une faute de la part de l'administré. On range dans les mesures de ce type la poursuite pour dettes, l'exécution par équivalent (ordinaire ou immédiate), et la contrainte ou exécution directe (U. HÄFELIN/G. MÜLLER/F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6e éd., Zurich 2010, n. 1134 ss ; P. TSCHANNEN/ U. ZIMMERLI, Allgemeines Verwaltungsrecht, 3e éd., Berne 2009, chap. 32 n. 6 ss ; T. JAAG, Sanktionen im Verwaltungsrecht, in Wirtschaft und Strafrecht - Festschrift für Niklaus Schmid zum 65. Geburtstag, Zurich 2001, pp. 559-583).

Les mesures répressives ne permettent pas d'établir ou de rétablir une situation conforme au droit. Elles se réfèrent dès lors à un état de fait révolu, et supposent l'existence d'une faute. On range dans les mesures répressives les sanctions disciplinaires, les sanctions de type pénal (telles qu'amende, peine pécuniaire et peine privative de liberté), ainsi que l'infraction d'insoumission aux actes de l'autorité, prévue à l'art. 292 CP (ibid.).

Le contentieux lié aux mesures administratives, y compris les amendes administratives, est régi au plan cantonal par la LPA (ATA/196/2012 du 3 avril 2012 consid. 2).

4. Par ailleurs, la législation prévoit des amendes pénales, c'est-à-dire des contraventions au sens de l'art. 103 CP. Dans le domaine du droit pénal fondamental, les cantons ne peuvent prévoir des contraventions que dans les limites de l'art. 335 CP, tandis qu'en matière de droit pénal accessoire, ils ont pleine compétence, conformément à l'art. 123 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) pris a contrario.

Les contraventions pénales de droit cantonal sont régies par la LPG, qui renvoie sur le fond à l'application de la partie générale du CP (art. 1 al. 1 let. a LPG). Pour ce qui est du contentieux, l'art. 8 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10) prévoit l'application du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP -RS 312.0 ; entré en vigueur le 1er janvier 2011) à titre de droit cantonal supplétif.

5. Les amendes administratives - au sens strict, c'est-à-dire les amendes non disciplinaires - prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions ; ce qui implique que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal, en particulier des art. 47 ss CP relatifs à la fixation de la peine, et que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/71/2012 du 31 janvier 2012 consid. 5 ; ATA/14/2011 du 11 janvier 2011 ; ATA/788/2010 du 16 novembre 2010 ; ATA/571/2010 du 31 août 2010 ; T. TANQUEREL, Précis de droit administratif, Zurich 2011, n. 1211 ; U. HÄFELIN/G. MÜLLER/ F. UHLMANN, op. cit., n. 1171-1172 ; P. TSCHANNEN/U. ZIMMERLI, op. cit., chap. 32 n. 51 ; M. OGG, Die verwaltungsrechtlichen Sanktionen und ihre Rechtsgrundlagen, Zurich 2002, pp. 44-47 ; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 2002, p. 139 s).

6. La jurisprudence de la chambre de céans mentionne également que, par le biais de la LPG, la partie général du CP s'applique à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve des dispositions qui concernent exclusivement le juge pénal, tels notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (ATA/627/2011 du 4 octobre 2011 consid. 4b), ce qui n'a pas suscité d'objections de la part du Tribunal fédéral (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.309/2005 du 1er novembre 2005 consid. 3.2 ; 1P.531/2002 du 27 mars 2003 consid. 2.2).

Cette opinion doit cependant être nuancée et précisée, en ce sens que - au contraire de ce qui se passe pour les contraventions pénales - la LPG ne trouve pas application directe en droit administratif, fût-ce pour des sanctions revêtant un caractère pénal. Ce dernier commande néanmoins que des garanties procédurales spécifiques soient accordées au justiciable, en particulier celles prévues aux art. 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 2 et 4 du Protocole no 7 à la CEDH du 22 novembre 1984 (PA7 CEDH - RS 0.101.07), et que certains principes issus du droit pénal de fond soient respectés, tels ceux qui imposent l'existence d'une faute ou gouvernent la fixation de la peine. La partie générale du CP n'est ainsi applicable que par analogie, et dans la mesure où, si l'on excepte des règles très générales comme les principes de la légalité et de la proportionnalité, le droit administratif de fond et de forme ne prévoit généralement pas de règles spécifiques à la mise en application des sanctions.

C'est le lieu de rappeler que le raisonnement par analogie sert au premier chef à combler des lacunes proprement dites de la loi (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_168/2010 du 24 janvier 2011 consid. 7.2 et les arrêts cités ; E. A. KRAMER, Juristische Methodenlehre, 2e éd., Berne - Munich - Vienne 2005, pp. 173 ss) ; c'est ainsi par analogie que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit faire application des règles contenues à l’art. 49 CP lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions (ATF 122 II 180 consid. 5b et les arrêts cités).

7. Dès lors, un grand nombre de dispositions de la partie générale du CP ne trouvent pas à s'appliquer en matière d'amendes administratives, soit parce qu'elles ne concernent pas les contraventions (par ex. les art. 40 à 46 CP), soit - comme la jurisprudence déjà citée le rappelle - parce qu'elles ne concernent que le juge pénal, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas de sens en droit administratif ou qu'elles ne peuvent être appliquées par analogie en raison de la restriction aux droits fondamentaux qu'elles emportent. C'est le cas notamment des dispositions sur l'inscription au casier judiciaire (art. 366 al. 2 let. b CP cum art. 3 de l'ordonnance sur le casier judiciaire, du 29 septembre 2006 - ordonnance VOSTRA - RS 331), sur la confiscation (art. 69 à 73 CP) ou sur la conversion de l'amende (art. 106 al. 2 à 5 cum art. 35 et 36 al. 2 à 5 CP).

8. S'agissant de la punissabilité des personnes morales, le principe societas delinquere non potest (une personne morale ne peut commettre de délits) prévalait en droit pénal suisse jusqu'à l'introduction en 2003 des art. 100quater et 100quinquies CP (devenus aujourd'hui 102 et 102a CP). La punissabilité des entreprises est néanmoins limitée par les art. 102 al. 1 a contrario et 105 al. 1 CP aux crimes et aux délits, et seulement lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts et qu'elle ne peut être imputée à aucune personne physique en raison du manque d'organisation de l'entreprise (art. 102 al. 1 CP).

En droit administratif en revanche, les personnes morales sont des sujets de droit au même titre que les personnes physiques (P. MOOR, Droit administratif : les fondements généraux, vol. 1, 2e éd., Berne 1994, p. 26 ; F. GYGI, Verwaltungsrecht, Berne 1986, p. 118), et peuvent donc faire l'objet de sanctions administratives, lesquelles ne se limitent du reste pas aux amendes administratives stricto sensu.

Il en découle que l'art. 102 CP n'est pas applicable aux amendes administratives, qui peuvent en principe être infligées aux personnes morales.

9. Le TAPI fonde son raisonnement sur l'ATA/423/2010 du 22 juin 2010. Celui-ci concerne néanmoins une amende infligée sur la base de l'art. 32 de la loi sur les procédés de réclame du 9 juin 2000 (LPR - F 3 20), qui est intitulé « dispositions pénales ». Il s'agissait donc d'une amende pénale et non d'une amende administrative comme en l'espèce ; la question de la compétence des juridictions administratives n'y est pas abordée, mais quoi qu'il en soit, l'applicabilité directe de la LPG, et celle - par renvoi légal exprès de cette dernière - de l'art. 102 CP ne peuvent pas être transposées à une amende administrative. Cet arrêt n'est donc d'aucun secours pour trancher le présent litige.

En revanche, la juridiction de céans a, à plusieurs reprises, admis le prononcé d'amendes administratives à l'encontre de personnes morales, alors même qu'elle considérait déjà les amendes administratives comme revêtant un caractère pénal (ATA/201/2010 du 23 mars 2010 ; ATA/253/2009 du 19 mai 2009 ; ATA/167/2008 du 8 avril 2008 ; ATA/543/2006 du 10 octobre 2006, justement à propos d'une amende infligée sur la base de l'art. 43 al. 1 LGD).

10. En l'espèce, l'amende du 8 juillet 2011 se base sur l'art. 43 al. 1 LGD, lequel précise expressément qu'il s'agit d'une amende administrative. Aucune règle spécifique contenue dans cette loi ne prohibe ni ne limite la punissabilité des personnes morales, si bien que l'infliction sur cette base légale d'une amende administrative à une société anonyme n'est pas en soi illicite. Ladite amende ne pouvait donc pas être annulée sur le seul fondement de l'art. 102 CP.

11. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis dans la mesure où il est recevable, et le jugement du TAPI du 25 novembre 2011 annulé en tant qu'il admet le recours interjeté contre la décision d'amende administrative du 8 juillet 2011.

La cause sera renvoyée au TAPI pour nouveau jugement et le cas échéant complément d'instruction, dès lors qu'il n'a pas abordé la question du bien-fondé de l'amende administrative et de sa quotité, pas plus du reste que celle du respect du droit d'être entendu - étant précisé que les griefs soulevés par la société devant la chambre de céans ressortissent exclusivement à ces différents aspects.

12. Vu l'issue du litige et les circonstances particulières de la cause, il sera renoncé à percevoir un émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le GESDEC n'y ayant pas conclu et ne s'étant pas fait représenter (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 19 décembre 2011 par le département de la sécurité, de la police et de l'environnement - GESDEC contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 novembre 2011 ;

annule le jugement du TAPI du 25 novembre 2011 en tant qu'il admet le recours interjeté contre la décision d'amende administrative du 8 juillet 2011 ;

renvoie la cause au TAPI pour nouveau jugement au sens des considérants et, cas échéant, complément d'instruction ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département de la sécurité, de la police et de l'environnement - GESDEC, à A______ S.A. ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, MM. Dumartheray et Verniory, juges, Mme Chirazi, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :