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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1806/2022

ATA/386/2023 du 18.04.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;RÉSILIATION;COMPOSITION DE L'AUTORITÉ;DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ;RÉCUSATION;COMPÉTENCE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;PÉRIODE D'ESSAI
Normes : Cst.29.al2; Cst.29.al1; LPA.15.al1; LPA.11.al1; Cst.9; Cst.5.al3; LIP.134; RStCE.70; RStCE.71; Cst.8; LIP.136.al1; RStCE.76; RStCE.78
Résumé : Licenciement d'une chargée d'enseignement au terme de la période probatoire. Demande de récusation fondée et absence de motif de récusation. Décision prononcée conformément aux règles applicables en matière de compétence. Absence de violation des principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement. Constat d'insuffisance des prestations fondé. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1806/2022-FPUBL ATA/386/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) a. Madame A______, titulaire d'une maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire (ci-après : MASE) en histoire, obtenue le 30 juin 2017, a été engagée par le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) en qualité de chargée d'enseignement en période probatoire au cycle d'orientation de B______ (ci-après : CO) à 80 % dès le 1er septembre 2018.

b. Selon sa fiche d'engagement annuel, lui étaient attribuées, pour l'année 2018-2019, 0,75 h de surveillance, 1h de cours de citoyenneté ainsi que 2h de cours d'histoire à des élèves de 9ème année de niveau R3, 0,75 h de dispositif passerelles à des élèves de 10ème année en section langues vivantes et communication (ci-après : LC), 5h de français à des élèves de 10ème en section littéraire-scientifique (ci-après : LS), ainsi que 5h de français et 2h d'histoire à des élèves de 11ème LS.

2) En octobre 2018, une récitation de Mme A______ dans son cours de français à des 11ème LS a fait l'objet d'une évaluation par Monsieur C______, doyen, globalement positive.

3) Le 25 janvier 2019, Madame D______, responsable de la formation auprès de la direction du CO (ci-après : RF-dir), a effectué une visite de classe pendant un cours de français de Mme A______ à des 10ème LS. Le cours était préparé avec sagacité et les documents fournis aux élèves de bonne qualité. L'enseignante était déterminée et soucieuse de la compréhension de chaque apprenant. Elle impliquait la classe, sachant profiter des questions des élèves pour les aider dans leur apprentissage. Elle encourageait les échanges verbaux, créant un climat propice au travail scolaire. Ses explications et consignes étaient données avec précisions et dans un langage adapté. Elle n'hésitait pas à intervenir et faire preuve de fermeté en cas de transgressions. Elle était rendue attentive au fait que lors des activités individuelles nécessitant du silence, des explications collectives à haute voix pouvaient déranger certains apprenants.

4) Le 8 avril 2019, Mme A______ a fait l'objet d'un entretien d'évaluation et de développement pour le personnel enseignant en période probatoire (ci-après : EEDP) après huit mois d'activité, mené par Madame E______, directrice du CO, qui avait préalablement procédé à une visite de classe, le 3 avril 2019.

Selon l'appréciation générale, Mme A______ semblait très soucieuse de bien faire mais devait encore progresser sur plusieurs plans essentiels pour faire preuve des compétences attendues d'une enseignante. Elle devait gagner en confiance pour témoigner l'assurance nécessaire face à un public d'adolescents, par exemple en cas de doute, apprendre à différer les réponses.

5) Le 1er juillet 2019, Mme A______ a obtenu un certificat de spécialisation en didactique d'une discipline supplémentaire d'enseignement (ci-après : CSDS) pour le français.

6) En 2019-2020, lui ont été attribuées 0,75 h de surveillance, 0,75 h de dispositif passerelles, 5h de français et 1h de français lecture à des 9ème R2, 5h de français et 1h de français lecture à des 9ème R3 ainsi que 4h de français et 2h de français à des 10ème LS.

7) Le 7 mai 2020, Mme A______ a fait l'objet d'un EEDP après 18 mois d'activité, mené par la directrice du CO après avoir effectué une visite de classe le 5 mars 2020. La prolongation de la période probatoire du 1er septembre 2020 au 31 août 2021 était envisagée.

Selon l'appréciation générale, Mme A______ était une enseignante ayant le souci de bien faire. Elle s'était montrée sincère et courageuse dans le cadre de l'EEDP, notamment en ayant choisi un cours de grammaire pour la visite de classe, domaine qui avait posé problème l'année précédente. Elle avait partiellement tenu compte des observations faites lors du précédent EEDP et avait en partie amélioré les insuffisances relevées. Certains aspects devaient être encore mieux travaillés et un élément demandé l'année précédente manquait, ne permettant pas d'évaluer un point, de sorte que la période probatoire devait être prolongée.

Mme A______ a observé que les constats avaient été effectués sur la base d'une seule visite de classe. L'évaluatrice a jugé que cette visite pouvait être considérée comme représentative, s'agissant d'une classe de 10ème LS au mois de mars et ne posant pas de problème.

8) Par décision du 15 mai 2020, la directrice du CO a prolongé la période probatoire de Mme A______ d'une année, jusqu'au 31 août 2021.

9) En 2020-2021, lui ont été attribuées 0,75 h d'études surveillées/cercle d'études, 1,5 h de dispositif passerelles et 5h de français à des 10ème LC, 10h de français à des 10ème LS et 0,75 h de dispositif passerelles à des 11ème en section communication et technologie (ci-après : CT).

10) Le 27 octobre 2020, une épreuve de Mme A______ pour ses élèves du 10ème LS a fait l'objet d'une évaluation par M. C______, finalisée le 11 janvier 2021.

L'épreuve était de qualité, puisqu'elle sollicitait une bonne analyse par les élèves de la notion étudiée. En revanche, elle envisageait un champ d'études un peu simple pour une classe de 10ème LS. La séquence annexée lui faisait craindre un certain manque de dynamisme dans le déroulement des leçons. Il serait plus propice d'accélérer l'entrée en matière, quitte à ralentir si le besoin se faisait sentir. Dans le contexte particulier de son action de contrôle de l'enseignement, il considérait l'épreuve comme réussie, avec cependant une mise en garde quant à l'intérêt suscité, non pas par l'épreuve elle-même, mais par la manière de mener la séquence.

11) Le 2 et 12 novembre 2020, Mme A______ a assisté à deux leçons de deux collègues et a rédigé un bref bilan de chacune de ces visites.

12) a. Le 2 novembre 2020, M. C______ a procédé à une visite de classe pendant un cours de Mme A______ à des 10ème LS.

Étaient relevés des points positifs relatifs à l'entrée en classe, à la préparation du cours et à l'interaction avec les élèves. S'agissant de ce dernier point, elle avait tenu compte des remarques précédentes du doyen sur la nécessité de ne pas laisser son stress l'empêcher d'entrer en communication avec les élèves. Il avait davantage ressenti un lien entre ces derniers et l'enseignante. Elle avait pertinemment cherché à expliciter ses objectifs pédagogiques. Elle avait continuellement le souci de passer dans les rangs pour vérifier l'avancement du travail ou apporter de l'aide.

Malgré ces éléments positifs et un début de leçon prometteur, le bilan de la visite était très mitigé. Après le début de cours satisfaisant, elle s'était fourvoyée et la leçon n'avait pas été performante, principalement en raison d'un déséquilibre entre son temps de parole et l'activité des élèves. Elle s'était enferrée dans de longues tirades explicatives dont le sens n'apparaissait pas aux élèves, et peut-être plus grave encore, pas à elle-même. Il lui fallait gagner en assurance quant à la matière à enseigner, pour entrer véritablement en interaction avec ses élèves et les aider à surmonter leurs difficultés. Elle devait donner des explications concises, sans répétitions ni ajout d'éléments apportant la confusion, puis laisser régner un silence complet pour laisser les élèves effectuer les tâches demandées et répondre aux questions individuelles à voix basse, sans perturber l'ensemble de la classe par une explication à voix haute dont le destinataire n'était pas défini, en s'assurant d'avoir bien compris la question de l'élève afin d'y répondre de manière précise et brève, sans longue explication en périphérie.

b. Le 16 novembre 2020, M. C______ a effectué une nouvelle visite dans la même classe.

Les points positifs de la précédente visite restaient valables. Elle avait laissé régner le silence nécessaire au travail individuel des élèves. Certes, par moments, elle entrait encore dans des explications un peu confuses, mais dans l'ensemble, elle avait su abréger son discours pour remettre les élèves au travail. Elle avait également bien alterné entre les explications collectives et les aides individuelles. Il fallait néanmoins être encore plus précise lorsqu'elle cherchait à remettre tous les élèves dans la même action. Parfois, il fallait prendre le temps de repréciser la page du dossier, le chapitre et la question qu'elle voulait traiter.

Elle avait mis en œuvre les changements nécessaires dans les interactions avec les élèves et la place qu'elle laissait à l'activité de ces derniers. Il lui fallait encore améliorer l'efficience du temps consacré aux corrections des dossiers théoriques pour pouvoir aller plus rapidement aux exercices.

13) a. Le 8 mars 2021, Mme A______ a fait l'objet d'un EEDP en vue de la nomination, mené par Mme E______. Le préavis pour la nomination était défavorable.

Selon l'appréciation générale, les progrès constatés n'étaient pas suffisants malgré l'accompagnement et le suivi dont avait bénéficié Mme A______. Elle préparait son enseignement avec soin, mais la relation même d'apprentissage était problématique. En cours, elle ne savait pas donner un rythme, s'adapter aux élèves, se mettre à leur place, rebondir en fonction de leurs réactions ou de leurs lacunes. Lorsqu'ils manifestaient leur incompréhension ou mécompréhension, elle éprouvait un stress tel qu'elle était capable de rendre confuse une notion qu'elle avait préparée. Elle perdait le fil et ne parvenait pas à réagir sereinement et efficacement aux questions posées ou aux écueils rencontrés. Les leçons observées étaient des classes de LS, composées d'élèves plutôt scolaires, entrant dans les apprentissages et ne demandant pas de gestion particulière.

b. Mme A______ a formulé des commentaires, annexés à l'EEDP, répondant point par point à celle-ci et contestant les insuffisances relevées. L'appréciation générale négative était basée de manière disproportionnée sur d'anciennes EEDP (stress, confusion) et ne rendait presque pas compte de ses qualités d'enseignante (aptitude à gérer une classe, bienveillance envers les élèves, prise en compte de leur scolarité passée, conception de matériel didactique structuré, etc.). Son professionnalisme avait été largement minimisé.

14) a. Le 26 avril 2021, la directrice du CO a convoqué Mme A______ à un entretien de service le 12 mai 2021. L'objectif était de l'entendre par rapport à sa situation au regard de l'insuffisance des prestations fournies ainsi que sur ses propos durant l'EEDP du 8 mars 2021, repris dans le courrier. Mme A______ avait notamment accusé Mme E______ d'avoir décidé dès le départ qu'elle ne serait pas nommée et de ne pas en demander autant à tout le monde.

b. Le 12 mai 2021 a eu lieu l'entretien de service, en présence de Mme A______, assistée d'un membre du bureau de la Fédération des Associations des Maître.sse.s du Cycle d'Orientation (ci-après : FAMCO), de la directrice du CO et de Madame I______, responsable des ressources humaines (ci-après : RRH et RH) auprès de la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO).

Durant celui-ci ont en particulier été abordés la planification de l'enseignement ne correspondant pas au cours donné, le rythme de travail trop lent en inadéquation avec le degré et le profil de la classe, l'implication insuffisante des élèves dans le cours, liée à la problématique du rythme de travail trop lent, et la perte de la maîtrise du cours et des élèves dans les moments de stress.

Mme A______ a contesté les insuffisances, persisté dans la position exprimée dans ses commentaires au troisième EEDP et a demandé à annexer au formulaire d'entretien de service trois courriers de soutien des 30 et 31 mars ainsi que 20 avril 2021 de collègues enseignant dans le même CO, dont Madame J______ et Monsieur H______. Tant elle-même que le membre du bureau de la FAMCO ont ensuite apporté des corrections au compte-rendu d'entretien de service, sous la forme de commentaires.

15) Par décision du 5 juillet 2021, spécifiant avoir été prise d'entente avec la direction des RH (ci-après : DRH), la directrice du CO a résilié les rapports de service liant le DIP à Mme A______ avec effet au 31 octobre 2021 et l'a libérée de l'obligation de travailler.

À l'issue des trois années probatoires, les progrès restaient insuffisants. Son enseignement n'atteignait toujours pas le niveau attendu par l'institution au terme de la période probatoire, même prolongée d'une année, malgré l'accompagnement et le suivi dont elle avait bénéficié. Elle préparait son enseignement avec soin mais la relation même d'apprentissage était problématique. Elle éprouvait des difficultés à donner un rythme à ses leçons, à s'adapter aux élèves, à rebondir en fonction de leurs réactions ou lacunes. La directrice avait choisi de ne pas lui confier de maîtrise de classe afin de lui éviter une surcharge et de lui permettre de se concentrer sur sa progression, dans le but de pouvoir répondre aux attentes de l'institution et être confirmée. Elle avait pour la même raison veillé à la construction de son poste pour l'année 2020-2021 en lui confiant deux classes parallèles de 10ème LS et une classe quasiment parallèle de 10ème LC, de sorte qu'elle n'ait pas tout le programme à créer et qu'elle puisse s'appuyer sur le travail de l'année précédente. Malheureusement, cela n'avait pas suffi à lui permettre d'atteindre les objectifs fixés. Ses prestations professionnelles restaient insuffisantes.

16) a. Le 6 septembre 2021, Mme A______ a contesté cette décision auprès du Conseil d'État, concluant à son annulation et à sa nomination en tant que fonctionnaire ou, subsidiairement, à une nouvelle prolongation de sa période probatoire d'une année.

b. Elle a notamment produit deux courriers du 3 septembre 2021, l'un de Madame G______, chargée d'enseignement en didactique de l'histoire au sein de l'Institut universitaire de formation des enseignants (ci-après : IUFE), et l'autre de Madame K______, chargée d'enseignement en didactique du français à l'IUFE.

17) Par arrêté du 27 avril 2022, prononcé après un échange d'écritures, le Conseil d'État a pris acte de la récusation de la Conseillère d'État en charge du DIP et a rejeté le recours de Mme A______.

Le fait que la directrice du CO soit une ancienne enseignante de français n'emportait aucune violation du principe de l'égalité de traitement dans l'évaluation de Mme A______ par rapport aux enseignants des autres matières. Il appartenait à la direction de l'établissement, sans égard à sa formation, d'évaluer les prestations des chargés d'enseignement. Le choix de ne pas lui attribuer de classes d'histoire ou de maîtrise de classe mais uniquement de français avait pour but de lui permettre de se concentrer sur l'essentiel et d'atteindre les objectifs fixés, en vue de sa nomination. Il n'existait en outre aucune pratique consistant à confier une maîtrise de classe aux enseignants en période probatoire, activité qui était au demeurant évaluée dans des postes considérés comme suffisants s'agissant de Mme A______. Il n'existait aucun élément au dossier permettant de douter de l'objectivité de la directrice du CO.

La décision avait été prononcée par la directrice du CO et donc par l'autorité compétente.

S'il était manifeste que Mme A______ avait progressé au terme des trois années probatoires, l'ensemble des objectifs n'avait néanmoins pas été atteint ou que partiellement, malgré le dispositif mis en place. Les insuffisances de prestations étaient récurrentes et portaient sur des compétences essentielles de la profession d'enseignant (planification de l'enseignement, conduite des activités, gestion des interactions et évaluation). La troisième année probatoire ne lui avait pas permis de remédier aux insuffisances constatées, malgré le soutien et les conseils dont elle avait bénéficié. Il n'était pas envisageable de ne pas tenir compte de la troisième année probatoire et de lui permettre de la refaire. Les courriers des deux chargées d'enseignement de l'IUFE n'étaient pas de nature à modifier l'appréciation. Les éléments positifs relevés par le doyen ne suffisaient pas non plus à considérer les prestations comme suffisantes. L'intérêt de l'élève devait primer dans la pesée des intérêts. Fondée sur des éléments objectifs après un suivi de l'enseignante, l'appréciation du DIP était justifiée. La résiliation des rapports de service était conforme au droit.

Le pouvoir d'examen incluant l'opportunité ne permettait pas de prolonger la période probatoire pour une quatrième année, ce qui serait contraire au droit.

18) Par acte du 30 mai 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation, à sa nomination en tant que fonctionnaire ou, subsidiairement, à une nouvelle année probatoire et à l'allocation d'une indemnité équitable de procédure. Préalablement, elle a demandé la production de l'intégralité du dossier, y compris toute pièce démontrant la composition de l'autorité pour le prononcé de l'arrêté, sa comparution personnelle et l'audition de Mmes J______, G______ et K______ ainsi que M. H______.

Elle avait relevé à de multiples reprises, notamment lors de l'EEDP du 8 mars 2021, l'entretien de service du 12 mai 2021 et ses observations sur celui-ci, la partialité de la directrice du CO. Si, alors non assistée par un mandataire, elle n'avait pas employé le terme de récusation, ses propos étaient néanmoins explicites. Il revenait dès lors à l'autorité de statuer sur cette demande, ce qui n'avait jamais été fait. Elle avait expressément soulevé l'apparence de partialité dans son recours auprès du Conseil d'État, qui n'avait pas interpelé la directrice du CO à ce propos. La mise en œuvre effective de la récusation de la Conseillère d'État en charge du DIP était contestée.

Aucune correspondance ni échange avec la DRH ne figurait au dossier. Il était contesté que son approbation ait été sollicitée et obtenue. La décision, qui n'était pas signée par la DRH et devait être prononcée et signée par les deux autorités mentionnées dans le texte légal, avait été prise par une autorité incompétente.

Le Conseil d'État n'avait à aucun moment instruit et établi les faits de la cause. Il n'avait procédé à l'audition d'aucun témoin, ni requis l'apport au dossier des résultats de ses élèves. Il avait violé la maxime d'office et son droit d'être entendue.

La décision de prolongation de sa période probatoire mentionnait expressément qu'elle avait pour but de lui permettre de progresser dans ses enseignements du français et de l'histoire. Or, aucune période d'histoire de lui avait été attribuée. La résiliation des rapports de service la sanctionnait pour n'avoir pas atteint des objectifs, tout en l'ayant privée de la possibilité de le faire. C'était d'autant plus contraire à la bonne foi qu'elle avait été évaluée par la directrice du CO, elle-même professeure de français, de sorte que ses compétences d'enseignement de l'histoire avaient été entièrement écartées.

Le principe d'égalité de traitement avait également été violé, puisqu'elle n'avait pas eu l'opportunité d'œuvrer à l'amélioration de ses prestations comme l'avait normalement tout collaborateur dont la période probatoire était prolongée. Elle avait par ailleurs été la seule, sur les huit enseignants en période probatoire, à ne pas bénéficier d'une maîtrise de classe.

Le postulat d'une insuffisance de prestations était insoutenable et ne pouvait être confirmé. Une juste appréciation de ses progrès et de ses prestations démontrait que la confirmation de la décision de l'autorité intimée par le Conseil d'État constituait une violation de la réglementation applicable, couplée à une appréciation arbitraire des preuves et un abus de pouvoir d'appréciation.

19) Le 22 juin 2022, le Conseil d'État s'est référé à son arrêté.

Dans celui-ci, il était spécifié qu'il était pris acte de la récusation de la Conseillère d'État en charge du DIP. Certifié conforme, les informations y figurant correspondaient à la réalité. Contester la récusation effective de la magistrate en cause sans justification pouvait revenir à soutenir que la chancellerie d'État avait notifié un faux à Mme A______.

20) Par réponse du 5 juillet 2022, le DIP a conclu au rejet du recours, au besoin en entendant préalablement M. C______ et Monsieur F______, responsable du secteur RH à la DRH du DIP.

La demande de récusation aurait dû être présentée au plus tard après l'entretien de service, moment auquel elle était assistée par un représentant syndical de la FAMCO et donc un mandataire professionnellement qualifié. Elle n'avait au demeurant pas non plus pris une conclusion en ce sens dans son recours devant le Conseil d'État, alors qu'elle était représentée par un avocat, ni d'ailleurs devant la chambre administrative, de sorte que ce point n'avait pas à être tranché. La demande était tardive et infondée. Mme A______ faisait valoir des impressions purement individuelles, ce qui n'était pas suffisant pour conclure à une prévention de la directrice du CO. Le processus de licenciement avait impliqué d'autres personnes, dont le doyen, et avait été soumis à la DRH. Le seul fait de ne pas partager l'avis de sa directrice au sujet de ses compétences professionnelles ne constituait pas un motif de récusation.

La DRH avait donné son aval dans un courriel du 10 juin 2021. La signature de la DRH n'était pas requise.

Il n'était pas pertinent d'entendre d'autres témoins ayant le même profil, ceux-ci ne pouvant pas, objectivement, évaluer les compétences de Mme A______ lorsqu'elle se trouvait seule face à une classe. Le dossier très complet de la cause était très fourni et contenait de nombreux comptes rendus écrits sur lesquels elle avait pu s'exprimer à chaque fois. La maxime d'office et le droit d'être entendu avaient été pleinement respectés.

Les insuffisances de prestations n'avaient pas trait à la matière enseignée, mais à l'enseignement et à la gestion des interactions en classe. Le fait de lui confier des classes de français de 10ème LS avait pour but de l'aider. Il n'existait pas de règle selon laquelle une maîtrise de classe serait confiée à tout chargé d'enseignement en période probatoire. Aucun objectif en ce sens n'avait été fixé dans l'EEDP du 7 mai 2020 et il s'agissait d'un projet de carrière évoqué par Mme A______ pour les années 2021 et suivantes auquel il n'y avait pas d'obligation de donner suite. Une telle activité entrait dans deux critères jugés satisfaisants dans l'EEDP. Seule enseignante dont la période probatoire avait été prolongée, elle se trouvait dans une situation différente de ses collègues. Le fait que la directrice du CO soit enseignante de français n'était pas pertinent, puisque c'était les compétences d'enseignement qui étaient évaluées. Il s'agissait au contraire d'un avantage pour l'accompagnement. Il n'y avait pas de violation des principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement.

Il n'était pas contesté que certaines prestations étaient satisfaisantes et que pour d'autres, une amélioration avait été amorcée. Il n'en demeurait pas moins que la progression n'avait pas été suffisante pour atteindre le niveau requis pour la nomination. Ces éléments ressortaient des évaluations. Le licenciement était fondé.

21) a. Le 12 septembre 2022, Mme A______ a persisté dans son recours et a demandé la production des échanges de courriels complets sur la concertation avec le DRH.

Les éléments produits par le DIP ne prouvaient en l'état pas l'existence de la concertation requise.

Pendant sa première année probatoire, elle était stagiaire en français dans le cadre d'une formation de spécialisation à l'IUFE. Elle était engagée en qualité de chargée d'enseignement pour l'histoire. Des visites auraient donc dû être effectuées dans un de ses cours d'histoire durant sa première année probatoire et des heures d'histoires auraient dû lui être attribuées en deuxième année. Au terme de l'année de formation, elle avait obtenu son diplôme en français, ce qui contredisait l'insuffisance de prestations.

b. Mme A______ a notamment produit une fiche d'attribution de stage pour le CSDS, soit un stage en français à raison de six périodes au CO pendant l'année scolaire 2018-2019.

22) Les 10 octobre, 9 novembre et 9 décembre 2022 ainsi que 30 janvier 2023 ont eu lieu des audiences de comparution personnelle et d'enquêtes.

a. Selon Mme A______, son enseignement n'avait pas porté préjudice à l'apprentissage des élèves, dont les résultats aux examens cantonaux ne se situaient pas en dessous de la moyenne cantonale et qui avaient ensuite suivi sans problème les cours d'un enseignant très exigeant. Elle ralentissait parfois le rythme pour poser de bonnes bases, ce qui permettait ensuite d'avancer plus vite. Lors de la discussion du 8 mars 2021, elle s'était rendue compte que la directrice du CO discutait de détails et que quoi qu'elle-même dise, cela n'allait pas. Mme A______ avait compris que dès le départ, sa directrice ne voulait pas qu'elle soit nommée. Durant sa formation, elle avait fait l'objet de douze évaluations par six formateurs différents, qui avaient conclu à l'unanimité qu'elle devait être certifiée. La décision était disproportionnée au regard de son bagage universitaire et de ses dix ans d'expérience professionnelle, pendant lesquels elle avait eu des retours très positifs.

b. M. F______ a expliqué, en référence à son courriel du 10 juin 2021, que la situation était claire, soit qu'au vu des EEDP et de la prolongation de la période probatoire, la nomination ne pouvait pas avoir lieu. Il avait accès à l'intégralité du dossier de Mme A______ et s'était fondé sur l'ensemble de ces renseignements pour sa détermination. Il n'y avait pas eu à sa connaissance de nouveaux éléments après le 10 juin 2021. Il avait déjà connaissance de la situation de l'intéressée avant le 10 juin 2021. Compte tenu de la prolongation de sa période probatoire, son dossier avait déjà été discuté avec le service RH de la DGEO lors d'un point de situation.

c. M. C______, témoin, a confirmé ses rapports des visites des 2 et 16 novembre 2020. Les quatre points à améliorer de son rapport du 2 novembre 2020 mettaient en exergue de sérieuses difficultés. Il y avait notamment une lacune importante dans la communication, l'écoute et le fait de ne pas se perdre dans les réponses. Sans correction, ces points poseraient problème pour la suite, pour un enseignement de qualité. Mme A______ avait reçu ses observations avec énomément d'écoute et d'envie de s'améliorer. Lors du 2ème passage, un progrès important avait été fait, même si des lacunes importantes demeuraient, notamment s'agissant du dynamisme des leçons. Mme A______ était venue en appui dans le cadre de la passerelle dans une de ses classes pendant toute une année. Il ne s'en souvenait initialement pas et n'avait pas de réserve à émettre sur la manière dont cela s'était passé.

d. Mme E______ a confirmé les trois EEDP et l'entretien de service. Le choix de confier à Mme A______ des heures de cours de français plutôt que d'histoire était lié à l'organisation de l'enseignement dans l'école. Le fait d'assister à des cours de collègues était usuel pour les stagiaires dans le cadre de leur formation. Il était utile de voir d'autres enseignants à l'œuvre pour améliorer son propre enseignement. Il s'agissait d'une mesure de soutien pour une collaboratrice en difficulté. Le rapport de visite de Mme D______, qui ne suivait normalement que les stagiaires, ne figurait pas au dossier. Elle n'avait pas reçu de plaintes d'élèves ou de parents au sujet de Mme A______.

e. Mme G______, témoin, a confirmé son appréciation du 3 septembre 2021. Elle avait suivi Mme A______ lors de sa première année de formation en 2011-2012. Les chargés d'enseignement discutaient chaque mois, avec la participation du professeur en charge de la didactique, de l'ensemble des étudiants en formation. Ils n'avaient jamais eu d'alerte concernant l'enseignement de Mme A______, ce qui signifiait qu'aucun problème n'avait été relevé par la ou le responsable de formation. Elle ne pouvait pas se prononcer sur la qualité des prestations de Mme A______ pendant ses trois années probatoires. Elle avait trouvé en elle une enseignante de qualité pendant sa formation.

f. M. H______, témoin, a réitéré l'appréciation très positive qu'il portait sur le travail de Mme A______ dans le cadre de l'année en passerelle dans sa classe, relevant la très grande qualité des documents qu'elle préparait et le fait qu'elle était très adaptée dans son rapport aux élèves, sur le plan humain. Il n'était pas responsable de formation dans son établissement et n'avait pas été chargé de l'évaluation des prestations de Mme A______.

g. Mme J______, témoin, ne travaillait plus au CO, d'où elle était partie fâchée contre la directrice, qui employait des méthodes qui lui paraissaient injustes, et certains collègues. Le traitement de Mme A______ lui avait aussi pesé. Elle a confirmé l'attestation du 31 mars 2021, écrite une année avant qu'elle ne se fâche contre la directrice et certains collègues. Elle n'avait pas eu d'autres occasions d'observer Mme A______ dans son travail. L'heure passerelle était donnée dans une autre classe, de sorte qu'elle n'avait pas pu observer directement l'intéressée, qui avait un comportement d'empathie et d'adaptabilité avec les élèves en difficulté. Elle-même avait demandé au DIP de retirer deux rapports de son dossier rédigés par Mme E______, qui ne lui avait pas donné la possibilité de s'exprimer à leur sujet.

h. Mme K______, témoin, a confirmé l'attestation du 3 septembre 2021. Elle n'avait jamais reçu d'aucune direction des écoles dans lesquelles Mme A______ avait effectué des stages de doléances ou de signalements. Elle ne pouvait pas se prononcer sur la qualité du travail pendant la période probatoire, celle-ci étant intervenue après la formation.

i. Mme A______ a produit un rapport de stage en accompagnement rédigé par l'enseignant d'accueil le 15 mai 2019. Le DIP a versé à la procédure des échanges de courriels notamment entre une responsable RH, le directeur général de la DGEO, M. F______ et Mme E______ des 9 et 10 juin 2021 concernant Mme A______.

23) Le 17 février 2023, le DIP a maintenu sa position.

L'objet de la procédure concernait la qualité de l'enseignement pendant la période probatoire et non ses résultats lors de sa formation intiale à l'IUFE, qui n'étaient ni contestés, ni pertinents. Les objectifs fixés à un étudiant et à un enseignant en période probatoire n'étaient pas les mêmes. Les témoignages de Mmes G______, K______ et J______ n'apportaient aucun élément pertinent. M. H______ ne pouvait se prononcer valablement sur les capacités d'enseignante de Mme A______. Les résultats des élèves ne constituaient pas un critère pour évaluer un enseignant.

24) a. Les 17 février et 2 mars 2023, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

L'instruction avait permis d'établir le caractère infondé des reproches à son encontre et que ceux-ci étaient le résultat de la partialité de la directrice du CO. Les déclarations de cette dernière avaient démontré le peu de sérieux avec lequel la procédure avait été menée.

Dans le cadre du stage en responsabilité complète, l'enseignant stagiaire était seul avec ses classes, dans une situation identique à un chargé d'enseignement en période probatoire ou un enseignant titulaire. La formation était donc parfaitement à même de démontrer les compétences et prestations professionnelles sur le terrain. La différence entre ces deux situations étaient les modalités d'évaluation, dépendant, pour le chargé d'enseignement en période probatoire, de la seule directrice.

Les résultats des élèves reflétaient en partie les effets de l'enseignement sur le public concerné, l'apprentissage étant l'objectif principal de l'enseignant. Les résultats constituaient un critère qui devait entrer en considération.

b. Elle a notamment produit son curriculum vitae, son rapport de stage en accompagnement en histoire au collège de Saussure en deuxième année de MASE rédigé par l'enseignante d'accueil le 28 avril 2017 et trois attestations de directeurs d'une école de commerce et d'un cycle d'orientation des 11 février 2014, 23 juin 2015 et 3 juillet 2017 concernant des remplacements et suppléances.

25) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 65 al. 6 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 - RStCE - B 5 10.04 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité la résiliation des rapports de service de la recourante au terme de sa période probatoire.

3) La recourante conclut à la production de l'intégralité du dossier de la cause, y compris toute pièce démontrant la composition du Conseil d'État dans le cadre des délibérations et du prononcé de l'arrêté attaqué, ainsi qu'à celle des résultats des élèves dont elle avait eu la charge. Elle reproche par ailleurs au Conseil d'État une violation de son droit d'être entendue car il n'a procédé à l'audition d'aucun témoin, ni requis l'apport au dossier des résultats de ses élèves, lui reprochant d'avoir par-là également violé la maxime d'office (en réalité, la maxime inquisitoire).

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_638/2020 du 17 juin 2021 consid. 2.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1).

b. Le chancelier d’État a la garde des sceaux authentifiant les actes du Conseil d’État (art. 18 al. 1 de l'ancien règlement pour l'organisation du Conseil d'État de la République et canton de Genève du 25 août 2005 - aRCE, repris à l'actuel art. 50 al. 3 du règlement pour l’organisation du Conseil d’État de la République et canton de Genève du 15 mars 2023 - RCE - B 1 15.03).

c. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA).

d. En l'espèce, s'agissant des résultats de ses élèves, la recourante n'a non seulement à aucun moment demandé leur production devant le Conseil d'État, mais surtout, ceux-ci dépendent de nombreux facteurs et ne sont pas susceptibles d'apporter des éléments permettant d'apprécier les compétences d'enseignement de la recourante. Leur production n'était dès lors pas utile devant le Conseil d'État, pas plus qu'elle ne l'est devant la chambre administrative.

Par ailleurs, la recourante n'a à aucun moment sollicité l'audition de témoins devant le Conseil d'État, s'étant au contraire opposée à l'audition de M. C______ dans sa réplique devant celui-ci, indiquant que les rapports rédigés par ce dernier étaient suffisants. Or, durant la procédure devant le Conseil d'État, les différents rapports et EEDP ont tous été produits, tout comme les courriers des deux chargées d'enseignement en didactique ainsi que les lettres de soutien des collègues de la recourante. Cette dernière et l'autorité intimée ont par ailleurs pu exposer leurs points de vue par écrit.

Il ne peut dans ces circonstances être reproché au Conseil d'État d'avoir considéré disposer des éléments nécessaires pour lui permettre de trancher le litige, n'ayant dès lors ni violé le droit d'être entendu de la recourante, ni la maxime inquisitoire. Ces griefs seront écartés.

La chambre administrative dispose d'un dossier encore plus complet que le Conseil d'État. Elle a procédé à des audiences de comparution personnelle et d'enquêtes, ayant entendu tous les témoins dont l'audition était sollicitée, et les parties ont pu s'exprimer par écrit tant avant qu'après lesdites audiences. L'autorité intimée et le Conseil d'État ont par ailleurs produit chacun leur dossier, comprenant les éléments susmentionnés. La première demande de production de la recourante a ainsi sur ce point été satisfaite.

S'agissant de la production de toute pièce démontrant la composition du Conseil d'État dans le cadre des délibérations et du prononcé de l'arrêté attaqué, comme l'a relevé le Conseil d'État, ledit arrêté a, d'une part, été authentifié par la chancelière d'État et son dispositif prend, d'autre part, acte de la récusation de la Conseillère d'État en charge du DIP. Ces éléments suffisent à démontrer la récusation de cette dernière sans que des pièces supplémentaires soient nécessaires. La recourante n'apporte d'ailleurs aucun élément permettant de douter des éléments précités.

Au vu de ce qui précède, la chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, sans qu'il ne soit utile ou nécessaire de procéder à des actes d'instruction complémentaire. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux requêtes d'instruction complémentaire de la recourante.

4) La recourante affirme que la directrice aurait dû se récuser.

a. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst. – applicable lorsque l'impartialité des membres d'une autorité non judiciaire est invoquée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_643/2010 du 1er février 2011 consid. 5.1 ; 2C_36/2010 du 14 juin 2010 consid. 3.1) –, toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Selon la jurisprudence, ce droit permet notamment d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s'imposer même si une prévention effective du membre de l'autorité visée n'est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d'une des personnes impliquées n'étant pas décisives (ATF 142 III 521 consid. 3.1.1 ; 131 I 24 consid. 1.1 ; 127 I 196 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_629/2015 du 1er décembre 2015 consid. 3.1). La récusation doit demeurer l'exception (ATF 116 Ia 14 consid. 4). Un risque de prévention ne doit dès lors pas être admis trop facilement, mais doit se justifier par des motifs particulièrement importants (ATF 122 II 471 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.267/2006 du 17 juillet 2006 consid. 2.1).

b. Contrairement à l'art. 30 al. 1 Cst., l'art. 29 al. 1 Cst. n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation. En règle générale, les prises de position qui s'inscrivent dans l'exercice normal de fonctions gouvernementales, administratives ou de gestion, ou dans les attributions normales de l'autorité partie à la procédure, ne permettent pas la récusation (ATF 125 I 119 consid. 3f. ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 ; 2P.56/2004 du 4 novembre 2004 consid. 3.3). À cet égard, une appréciation spécifique est nécessaire dans chaque situation particulière, en tenant compte des fonctions légalement attribuées à l'autorité (ATF 125 I 119 consid. 3f ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_831/2011 du 30 décembre 2011 consid. 3.2 ; 2C_643/2010 du 1er février 2011 consid. 5.5.1). Une autorité, ou l'un de ses membres, a le devoir de se récuser lorsqu'elle dispose d'un intérêt personnel dans l'affaire à traiter, qu'elle manifeste expressément son antipathie envers l'une des parties à la procédure ou s'est forgé une opinion inébranlable avant même d'avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause (arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 ; 1C_455/2010 du 7 janvier 2011 consid. 2.2). Une partie ne peut pas justifier le devoir de récusation d'une personne au seul motif que cette personne a, dans une procédure antérieure, pris une décision à son détriment ou contribué à une prise de décision antérieure la concernant (ATF 114 Ia 278 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 du 7 janvier 2009 consid. 3.2).

c. Au niveau cantonal, l'art. 15 al. 1 LPA prévoit que les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se retirer et sont récusables par les parties s'ils ont un intérêt personnel dans l'affaire (let. a), s'ils sont parents ou alliés d'une partie en ligne directe ou jusqu'au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s'ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple (let. b), s'ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c) et s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).

d. Selon un principe général, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (art. 15 al. 3 LPA ; ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2), dès lors qu'il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l'autorité pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2).

e. En l'espèce, la recourante affirme que l'autorité intimée aurait dû trancher la question de la récusation car elle avait soulevé à de multiples reprises la partialité de la directrice du CO, même si elle n'avait pas expressément employé le terme de récusation, relevant qu'elle n'était alors pas assistée par un mandataire professionnellement qualifié.

Néanmoins, contrairement à ce qu'elle affirme, la recourante a été assistée durant une partie de la procédure devant l'autorité intimée, puisqu'un membre du syndicat des enseignants du cycle d'orientation l'a accompagnée à son entretien de service. Elle aurait dès lors dû expressément formuler une requête de récusation à l'encontre de la directrice du CO, si elle estimait que celle-ci faisait preuve de prévention. Or, comme elle le reconnaît elle-même, la recourante ne l'a pas fait, de sorte que sa demande, formulée pour la première fois devant le Conseil d'État sous la forme d'un grief de composition irrégulière de l'autorité, était tardive.

En tout état de cause, la recourante a échoué à établir une apparence de prévention et donc l'existence d'un motif de récusation. Elle se contente en effet de substituer sa propre appréciation à celle de la directrice du CO et d'affirmer que celle-ci aurait décidé dès le départ qu'elle ne serait pas nommée, sans apporter de réelle substance à son allégation. Il sera à cet égard relevé que la directrice du CO a opté dans un premier temps pour une prolongation de la période probatoire, ce qui dénote une volonté de laisser une chance à la recourante et contredit l'existence d'une décision dès le départ d'absence de nomination.

Le grief sera par conséquent écarté.

5) La recourante affirme que la décision de résiliation des rapports de service serait nulle, car elle aurait été prise par une autorité incompétente.

a. La compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 LPA).

b. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger a sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1) Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 139 II 243 consid. 11.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2).

c. Le Conseil d’État peut déléguer la compétence de résilier les rapports de service avec le corps enseignant non nommé aux directions d’établissement scolaire agissant d’entente avec le service des RH compétent du DIP (art. 136 al. 2 loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10). Le RStCE prévoit que la direction d'établissement scolaire, agissant d'entente avec la DRH compétente du DIP, est compétente pour la résiliation des rapports de service avec un chargé d'enseignement (art. 78 al. 1 RStCE).

d. En l'espèce, la décision litigieuse a été signée par la directrice du CO. Contrairement à ce qu'affirme la recourante, l'art. 78 al. 1 RStCE ne requiert pas la signature de la DRH compétente, mais uniquement une concertation avec celle-ci.

Or, la décision elle-même spécifie avoir été prise d'entente avec la DRH et les courriels versés à la procédure le confirment.

Les 9 et 10 juin 2021, des courriels ont été échangés concernant la décision à prendre au sujet des rapports de service de la recourante, tant la directrice du CO, le directeur général de la DGEO, la responsable RH auprès de la DGEO et le responsable de secteur RH auprès du DIP ayant figuré parmi les destinataires de ces échanges de courriels. Si le responsable de secteur RH auprès du DIP a indiqué n'avoir suivi cette décision que de loin et laisser les autres destinataires prendre la décision, il a néanmoins donné son avis, allant dans le sens de l'opposition à une nomination, et une séance « visio » a été programmée avec la responsable RH de la DGEO, qui avait déjà indiqué partager l'avis du responsable de secteur RH.

Dans ces circonstances, la chambre administrative retiendra qu'il y a eu une concertation avec la DRH compétente, soit la DGEO, de sorte que la décision litigieuse a été prononcée dans le respect des compétences prévues par la LIP et le RStCE.

Le grief sera écarté.

6) La recourante reproche à l'autorité intimée d'avoir violé le principe de la bonne foi.

a. Le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale et leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1 ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2021, p. 624 n. 2023).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1 ; 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 5.1).

b. La nomination d’un membre du personnel enseignant s’effectue dans l’ensemble de l’enseignement primaire ou de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement spécialisé. La nomination ne limite toutefois pas le droit du département de lui confier un enseignement dans un autre degré, dans une autre école ou dans un autre domaine d’enseignement que celui pour lequel il a été nommé (art. 134 al. 1 LIP). L’affectation d’un membre du personnel enseignant dans les différents établissements dépend des besoins du département (art. 134 al. 2 LIP). Un changement d’affectation ne peut entraîner de diminution de traitement (art. 134 al. 3 LIP). Sont réservés les cas individuels de changement d’affectation intervenant comme alternative à la résiliation des rapports de service au sens de l’art. 141 (art. 134 al. 4 LIP).

Le contrat d’engagement fait l’objet d’une lettre adressée à l’intéressé par l’autorité d’engagement (art. 70 al. 1 RStCE). La lettre d’engagement mentionne notamment : la délégation de compétence du département à l’autorité d’engagement (let. a), l’engagement en qualité de chargée ou chargé d'enseignement (let. b), le fait que l’engagement est de durée indéterminée. Exceptionnellement, le contrat peut être de durée déterminée. Dans ce cas, l’engagement correspond à une période dûment précisée, d’une année scolaire au maximum (let. c), l’indication du traitement (let. d), la durée de la période probatoire, qui est, en principe, de deux ans ou, si le contrat est de durée déterminée, le fait qu’il prend fin à son échéance, sous réserve de l’art. 76 (let. e), la charge de l’enseignement et la répartition des périodes hebdomadaires (let. f), l’affiliation à la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (let. g ; art. 70 al. 2 RStCE). Le nombre de périodes hebdomadaires confiées à la chargée ou au chargé d’enseignement dépend prioritairement des besoins de l’administration et n’est pas nécessairement identique d’une année scolaire à l’autre (art. 70 al. 3 RStCE). La lettre d’engagement de la chargée ou du chargé d’enseignement ne limite pas le droit du département de lui confier une fonction ou un enseignement dans une autre école ou, le cas échéant, un autre ordre d’enseignement que celui pour lequel il a été engagé (art. 71 RStCE).

c. En l'espèce, la recourante reproche à l'autorité intimée une violation du principe de la bonne foi car la décision de prolongation de sa période probatoire précisait avoir pour but de lui permettre de progresser dans ses enseignements du français et de l'histoire, alors qu'aucune période d'histoire ne lui avait ensuite été attribuée.

S'il est vrai que durant l'année 2020-2021, la recourante ne s'est vu attribuer aucune heure d'enseignement de l'histoire, la décision de prolongation de la période probatoire ne contient aucune assurance ou promesse que des périodes d'histoire lui seraient confiées, ce que la recourante ne prétend d'ailleurs pas.

Au surplus, comme le prévoient expressément la LIP pour le personnel enseignant nommé et le RStCE pour les chargés d'enseignement, l'attribution des périodes dépend des besoins de l'administration, soit en l'occurrence, des besoins du CO concerné. Le fait que la directrice du CO, responsable de l'évaluation de la recourante, soit une enseignante de français n'a à cet égard aucun impact.

Le grief de violation du principe de la bonne foi est par conséquent infondé et sera écarté.

7) La recourante soulève une violation du principe de l'égalité de traitement.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2 ; 2C_1016/2019 du 5 octobre 2021 consid. 8.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2).

b. En l'espèce, la recourante affirme que l'autorité intimée aurait violé le principe de l'égalité de traitement car elle n'aurait pas eu, comme tout collaborateur dont la période probatoire était prolongée, l'opportunité d'œuvrer à l'amélioration des prestations jugées insatisfaisantes et aurait été la seule des enseignants en période probatoire à ne pas bénéficier d'une maîtrise de classe.

Or, non seulement la recourante a vu sa période probatoire prolongée et a donc pendant ladite prolongation eu l'opportunité de démontrer l'amélioration de ses prestations professionnelles, mais surtout elle ne démontre pas en quoi sa situation aurait été traitée différemment de situations semblables ou aurait été traitée de la même manière que des situations différentes. Par ailleurs, elle ne peut se prévaloir d'avoir eu un droit à se voir attribuer une maîtrise de classe en vertu du principe de l'égalité de traitement, puisque, selon les informations au dossier, elle était la seule à se trouver dans une situation de prolongation de la période probatoire et, donc, se trouvait dans une situation différente permettant un traitement différent.

L'autorité intimée n'a dès lors pas violé le principe de l'égalité de traitement. Le grief sera écarté.

8) La recourante conteste toute insuffisance de prestations.

a. Le personnel enseignant de l'instruction publique comprend les fonctionnaires (let. a), les chargées et chargés d'enseignement (let. b), les membres du personnel enseignant en formation, les maîtresses et maîtres en formation dans l'enseignement professionnel (ch. 1), les maîtresses et maîtres stagiaires en responsabilité dans l'enseignement général secondaire et tertiaire B (ci-après : maîtresses ou maîtres stagiaires en responsabilité ; ch. 2 ; let. c ; art. 1 RStCE). Est une chargée ou un chargé d'enseignement la maîtresse ou le maître au bénéfice de tous les titres requis pour l'enseignement et, dans l'enseignement professionnel, de l'expérience professionnelle exigée : qui est en période probatoire en vue d'une nomination (ch. 1), qui exerce dans l'enseignement professionnel une activité accessoire à l'année parallèlement à une activité professionnelle principale du même domaine (ch. 2), qui dispense un enseignement professionnel spécialisé pour une durée déterminée (ch. 3), qui exerce une activité d'enseignement à temps partiel inférieure à 50 %, dans des situations particulières justifiées (ch. 4  ; art. 66 RStCE). En principe, la nomination intervient après deux années passées au service du département. Dans l'enseignement secondaire, elle intervient de surcroît une année scolaire après l'obtention du titre professionnel requis, acquis en emploi (art. 46 et 70 al. 2 let. e RStCE). La période probatoire peut être prolongée, exceptionnellement, d’un an au maximum en cas de prestations insuffisantes (art. 7A let. b du règlement relatif au traitement des membres du personnel enseignant non nommé du 26 février 2003 - RtrEns - B 5 15.10).

b. Pour les membres du corps enseignant non nommés, les conditions de résiliation des rapports de service avec préavis ou avec effet immédiat sont fixées par voie réglementaire (art. 136 al. 1 LIP).

Les rapports de service d'une chargée ou d'un chargé d'enseignement ne peuvent prendre fin que dans les cas suivants : résiliation des rapports de service (art. 78 ; let. a), invalidité (art. 79 ; let. b), démission (art. 79A ; let. c ; art. 76 RStCE). La direction d’établissement scolaire, agissant d’entente avec la DRH compétente du DIP, peut mettre fin aux rapports de service avec préavis de trois mois pour la fin d’un mois en cas de suppression de l’activité exercée par la chargée ou le chargé d’enseignement (let. a), en cas d’insuffisance de prestations (let. b), en cas d'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. c), en cas de disparition durable d'un motif d'engagement. (let. d ; art. 78 al. 1 RStCE). La direction d’établissement scolaire, agissant d’entente avec la DRH compétente du DIP, peut libérer, le cas échéant immédiatement, la chargée ou le chargé d’enseignement de son obligation de travailler (art. 78 al. 1 let. b RStCE). La décision est notifiée par lettre motivée après que l'intéressée ou l'intéressé a été entendu (art. 78 al. 4 RStCE).

Selon la jurisprudence rendue dans le cadre de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), le but de la période probatoire est de permettre à l’employeur de jauger, au vu des prestations fournies par l’employé et du comportement adopté pendant celle-ci, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination, s’il s’avère que l’engagement à long terme de l’agent public ne répondra pas aux besoins du service. L’employeur public dispose dans ce cadre d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Dans sa prise de décision, il reste néanmoins tenu au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité, de la proportionnalité, de l’interdiction de l’arbitraire et du droit d’être entendu. Sous l’angle du respect du principe de la proportionnalité, la prolongation de la période probatoire est une mesure moins incisive que la fin des rapports de service (ATA/211/2023 du 7 mars 2023 consid. 4d et les références citées).

La situation dans le cadre de la LIP et du RStCE se distingue néanmoins de la LPAC : alors que la LPAC prévoit que, pendant la période probatoire, la seule condition s'agissant des motifs de la résiliation est celle de leur communication à l'employé concerné (ATA/154/2023 du 14 février 2023 consid. 5d et les références citées), les motifs de résiliation pendant la période probatoire prévu par l'art. 78 al. 1 let. b à d RStCE reprennent les motifs fondés de résiliation des rapports de service du personnel enseignant nommé (art. 141 al. 3 LIP et 64 al. 2 RStCE). Il en découle ainsi que l'un des motifs de résiliation doit être réalisé, cependant interprété à l'aune du but de la période probatoire.

c. En l'espèce, l'autorité intimée a licencié la recourante en raison d'une insuffisance de prestations au terme de la période probatoire prolongée, malgré les progrès observés pendant celle-ci. Elle a estimé que la relation d'apprentissage était problématique : difficultés à donner un rythme aux leçons, à s'adapter aux élèves, à rebondir en fonction de leurs réactions ou lacunes.

Le premier compte-rendu de visite de classe a été très positif. Ladite visite a toutefois été effectuée par la RF-dir dans le cadre de la dernière année de formation de la recourante et se distingue dès lors d'une visite de classe effectuée dans le cadre de la période probatoire. Par ailleurs, le compte-rendu relève tout de même la nécessité du silence lors des activités individuelles et le dérangement généré pour certains apprenants par des explications collectives à haute voix, ce qui rejoint certaines insuffisances constatées ensuite.

S'agissant de l'évaluation de la recourante pendant sa période probatoire, les insuffisances dont l'autorité intimée se prévaut pour la résiliation des rapports de service apparaissent déjà dans le premier EEDP, du 8 avril 2019. Les rubriques de conduite des activités d'enseignement et de gestion des interactions en classe avaient alors été jugées insuffisantes. Le rythme du cours observé était beaucoup trop lent : ce qui nécessitait dix minutes avait pris une heure, ce qui expliquait le désintérêt d'un grand nombre d'élèves. Le rituel d'entrée en classe et la gestion du temps devaient être mieux maîtrisés. Il fallait prendre les mesures nécessaires si l'état de la classe n'était pas propice à un travail de qualité. Il était essentiel de solliciter le plus grand nombre d'élèves possible et de les rendre partie prenante à l'activité proposée. La recourante devait gagner en confiance pour témoigner l'assurance nécessaire face à un public d'adolescents, par exemple en apprenant à différer la réponse en cas de doute. Ces éléments ont conduit à la fixation comme objectifs d'améliorer le rythme de travail en classe, de solliciter le plus grand nombre d'élèves possible et de les impliquer dans l'activité proposée.

L'EEDP suivant, du 7 mai 2020, dénote une amélioration, mais encore insuffisante, ce qui a conduit à la prolongation de la période probatoire. Ainsi, les deux objectifs susmentionnés ont été atteints, mais uniquement partiellement, et la conduite de l'enseignement et la gestion des interactions restaient insuffisantes. Le rythme de travail était meilleur, mais il devait être encore plus soutenu. Il convenait de soigner particulièrement l'entrée en classe, moment décisif permettant de poser le cadre dès le début. La répartition de la parole entre les élèves était également meilleure, mais l'œil de l'enseignante devait couvrir la classe afin de veiller à l'équilibre entre les élèves. Le silence devait être exigé pendant l'exercice et il fallait distinguer nettement les moments de concentration et de travail en silence ainsi que ceux où les élèves pouvaient poser des questions, permettant ainsi de rythmer le cours. En définitive, la recourante avait en partie amélioré les insuffisances relevées mais certains aspects devaient encore être mieux travaillés. Dans ces circonstances, lui était notamment fixé comme objectif de retravailler le rythme des cours, ce qui serait évalué dans le cadre de visites de classe par le doyen portant sur l'entrée et la sortie de classe, la participation des élèves, le rythme des activités, la transition entre leçon et exercices.

La première visite effectuée par M. C______ le 2 novembre 2020 a dénoté, malgré un début de leçon prometteur, la persistance des insuffisances : elle s'était fourvoyée et la leçon n'avait pas été performante, principalement en raison d'un déséquilibre entre son temps de parole et l'activité des élèves. Elle s'était enferrée dans de longues tirades explicatives dont le sens n'apparaissait pas aux élèves, et peut-être plus grave encore, pas à elle-même. Il lui fallait gagner en assurance quant à la matière à enseigner, pour entrer véritablement en interaction avec ses élèves et les aider à surmonter leurs difficultés. Elle devait donner des explications concises, sans répétitions ni ajout d'éléments apportant la confusion, puis laisser régner un silence complet pour laisser les élèves effectuer les tâches demandées et répondre aux questions individuelles à voix basse, sans perturber l'ensemble de la classe par une explication à voix haute dont le destinataire n'était pas défini, en s'assurant d'avoir bien compris la question de l'élève afin d'y répondre de manière précise et brève, sans longue explication en périphérie. Le doyen a donc fait des constations qui rejoignent celles de la directrice du CO.

La visite suivante effectuée par le doyen, qui a eu lieu deux semaines plus tard, le 16 novembre 2020, dénote une nette amélioration par rapport à la précédente mais également une nécessité de progresser encore. Elle avait laissé régner le silence nécessaire au travail individuel des élèves. Certes, par moments, elle entrait encore dans des explications un peu confuses, mais dans l'ensemble, elle avait su abréger son discours pour remettre les élèves au travail. Elle avait également bien alterné les explications collectives et les aides individuelles. Il fallait néanmoins être encore plus précise lorsqu'elle cherchait à remettre tous les élèves dans la même action. Parfois, il fallait prendre le temps de repréciser la page du dossier, le chapitre et la question qu'elle voulait traiter. Elle avait mis en œuvre les changements nécessaires dans les interactions avec les élèves et la place qu'elle laissait à l'activité de ces derniers. Il lui fallait encore améliorer l'efficience du temps consacré aux corrections des dossiers théoriques pour pouvoir aller plus rapidement aux exercices. Là encore, les points à améliorer sont les mêmes que ceux relevés dans les EEDP.

Le dernier EEDP, du 8 mars 2021, qui fait suite à une visite de classe par la directrice du CO le 3 mars 2021, note à nouveau l'existence de progrès mais la persistance d'insuffisances notamment dans les deux domaines de la conduite des activités d'enseignement et la gestion des interactions en classe. Le déséquilibre entre le temps de parole de l'enseignante et le temps d'activité des élèves était encore bien trop présent. Le destinataire des questions n'était pas toujours défini. Dans les moments de stress, la recourante perdait les élèves par des questions ouvertes, voire donnait les réponses à ses propres questions. Le rythme était trop lent, les références aux notions précédentes, en lien avec l'activité du jour, n'étaient ni rappelées, ni sollicitées concrètement, l'objectif général fixé pour la leçon n'était pas atteint, pas plus que l'objectif de la deuxième activité et les élèves n'étaient pas assez actifs. Au début du cours, la participation des élèves interrogés était laborieuse et peu intéressante pour les autres ; il aurait fallu s'adapter. Elle n'avait pas reformulé une réponse d'élève intégrée à son cours, alors que c'était nécessaire pour entendre, valider et clarifier par une reformulation. Ce qui précède a conduit la directrice du CO à conclure que les progrès constatés n'étaient pas suffisants. Elle préparait son enseignement avec soin, mais la relation même d'apprentissage était problématique. En cours, elle ne savait pas donner un rythme, s'adapter aux élèves, se mettre à leur place, rebondir en fonction de leurs réactions ou de leurs lacunes. Lorsqu'ils manifestaient leur incompréhension ou mécompréhension, elle éprouvait un stress tel qu'elle était capable de rendre confuse une notion qu'elle avait préparée. L'intéressée perdait le fil et ne parvenait pas à réagir sereinement et efficacement aux questions posées ou aux écueils rencontrés.

La recourante conteste les appréciations faites dans les EEDP, affirmant que les objectifs étaient atteints à rigueur même des commentaires relatifs à ceux-ci et et que ses prestations ne pouvaient être jugées comme insuffisantes, s'appuyant sur les courriers et témoignages des chargées d'enseignement en didactique à l'IUFE et de ses collègues, sur un rapport de stage, sur des attestations concernant des remplacements et suppléances effectuées avant d'avoir ses diplômes de l'IUFE et sur les rapports de visite du doyen.

Néanmoins, les éléments concernant sa formation – courriers, témoignages, rapports de stage –, aussi positifs soient-ils, ne peuvent être pertinents s'agissant de l'examen de ses prestations pendant sa période probatoire. Ainsi, si les chargées d'enseignement et didactique à l'IUFE ont toutes deux souligné la qualité du travail de la recourante pendant sa formation, elles ont également indiqué ne pas pouvoir se prononcer sur la qualité de l'enseignement de la recourante pendant sa période probatoire.

Il en va de même des éléments relatifs à des remplacements ou suppléances effectués avant de devenir chargée d'enseignement et même avant d'avoir accompli sa formation.

Par ailleurs, les appréciations de ses collègues dans le même CO, très positives, ne sont pas non plus déterminantes. Ceux-ci n'ont, en effet, pas été amenés à observer l'enseignement de la recourante dans ses classes, mais ont uniquement collaboré avec elle dans d'autres cadres, en particulier la passerelle, ce que les deux collègues entendus comme témoins ont confirmé en audience devant la chambre administrative.

Finalement, les rapports du doyen rejoignent les carences relevées lors des EEDP. Le second est certes plus positif et dénote une progression, mais il en ressort également que des insuffisances demeurent, ce que la directrice du CO a constaté lors de sa dernière visite de classe ayant conduit aux appréciations retenues dans le dernier EEDP. Le doyen a confirmé ce qui précède en audience, puisqu'il a en effet souligné les progrès importants lors de la deuxième visite, mais également les lacunes importantes qui demeuraient.

Pour le reste, il sera relevé que les compétences de la recourante s'agissant de la préparation de son enseignement ne sont pas contestées, le soin apporté à celle-ci et l'implication de la recourante dans son travail ressortant d'ailleurs du dossier, mais que cela ne suffit pas à renverser la constatation d'insuffisances de prestations, qui porte sur des éléments distincts.

En définitive, le Conseil d'État était fondé à retenir que, malgré les progrès constatés et les compétences non contestées qui viennent d'être relevées, les insuffisances de prestations étaient établies et qu'elles justifiaient une résiliation des rapports de service au terme de la période probatoire, eu égard au but celle-ci. Le grief sera écarté.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée et l'arrêté du Conseil d'État sont conformes au droit et ne consacrent pas d'abus de leur pouvoir d'appréciation. Le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, qui demandent l'annulation de la décision litigieuse et la nomination, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2022 par Madame A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 27 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :