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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/726/2022

ATA/382/2022 du 08.04.2022 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/726/2022-EXPLOI ATA/382/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 8 avril 2022

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Dimitri Tzortzis, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



Vu, en fait, qu’à la suite de l’appel d’offres de la Ville de Genève (ci-après : la ville) du 27 mai 2021 relatif à la mise à disposition d’une halle sise à B______ dédiée aux producteurs et productrices, artisan-e-s et artistes locaux et locales regroupant un ensemble d’activités et d’animations diverses pendant trois saisons, celle-ci a attribué, le 28 juillet 2021, l’exploitation des « C______ » au « D______, Monsieur F______ E______  » ;

que, selon les explications concordantes des parties, A______ est la société porteuse du « D______ » ; les administrateurs de cette société sont Messieurs G______ E______, H______ E______ et F______ E______  ;

que le 5 octobre 2021, I______ , dont M. F______ E______ est administrateur président, a été inscrite au registre du commerce ; par courrier du 8 octobre 2021, « D______ » a informé la ville que cette société avait été créée afin d’exploiter le site ; le signataire de la convention avec la ville devait donc être modifié ;

que le projet de convention, daté du 22 octobre 2021, rédigé par la ville, retient qu’aux fins de réaliser le projet « C______ », les lauréats avaient constitué I______ et que cette société pouvait être « considérée comme l’interlocutrice de la ville et organisatrice du projet » ;

que des échanges de courriels des 17 et 18 novembre 2021 entre Monsieur J______ , directeur de A______, et la ville ont encore porté sur des modifications du projet de convention ;

que la ville soutient avoir appris le 22 novembre 2021, par voie de presse, que MM. G______E______ et H______ E______ , deux « personnes-clefs » du projet, faisaient l’objet d’une procédure pénale pour des infractions de droit pénal économique ; ceux-ci étaient prévenus d’abus de confiance, de gestion déloyale et de faux dans les titres en relation avec leurs fonctions d’administrateurs de K______  ;

que, dans un courrier du 23 novembre 2021, les intéressés ont exposé leur point de vue sur les informations diffusées par la presse à leur sujet ;

qu’une audition de M. F______ E______ et M. J______ par une délégation des membres de la direction et secrétariat du département de la sécurité et du sport (ci-après : DSSP) a eu lieu le 25 novembre 2021 ; que par courrier du 26 novembre 2021, les intéressés ont encore fourni des explications complémentaires au sujet de la procédure pénale en cours ;

que par courrier du 2 décembre 2021, le conseil administratif de la ville (ci-après : CA) a informé A______ qu’il envisageait de révoquer l’attribution, en raison de la procédure pénale dirigée contre MM. G______ E______ et H______ E______ , dont ceux-ci n’avaient pas fait état, et les convoquait à une audition le 8 décembre 2021 ;

que par courrier du 3 décembre 2021, A______ a pris acte de l’intention du CA de révoquer la décision d’attribution et contesté les motifs de révocation, la condition de l’honorabilité des frères E______ demeurant remplie en l’absence de condamnation pénale ;

que lors de la réunion du 8 décembre 2021, ces derniers et M. J______ se sont expliqués au sujet de la procédure pénale, des frais déjà engagés et de la révocation envisagée ; ils ont insisté sur le fait que lors de la procédure d’appel d’offres, aucune question au sujet d’une procédure pénale n’avait été posée ; au vu de la présomption d’innocence, leur probité et honorabilité ne pouvaient être remises en cause ; M. H______ E______ avait d’ailleurs obtenu gain de cause devant la chambre administrative de la Cour de justice lorsque le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) avait refusé de renouveler son autorisation d’exploiter un établissement en raison de l’existence d’une procédure pénale en cours, qui aurait entaché son honorabilité ;

qu’aux termes de la réunion, A______ et les frères E______ ont produit plusieurs documents et explications complémentaires concernant, notamment, les frais engagés en vue de réaliser le projet ;

que, par décision du 2 février 2022, la ville a révoqué sa décision du 28 juillet 2021 ; l’appel d’offres avait été régi par la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) ; l’offre avait été retenue en raison de enjeux qualitatifs d’animation du site ; le CA avait valorisé la pertinence du concept d’animation et de restauration, le sérieux et la solidité des projets, eu égard notamment à la personnalité des porteurs (« personnes-clefs ») ; le CA demandait ainsi que ces derniers présentant toutes les qualités requises en termes de moralité pour un projet initié et soutenu par une collectivité publique ; il s’agissait de l’attribution d’un droit d’usage d’un bien de celle-ci et non de l’octroi d’une autorisation de police, de sorte que les attentes de la ville ne se limitaient pas aux exigences de l’art. 9 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) ; le projet « C______ » constituait une opération de valorisation d’un site urbain sensible que la ville avait voulu réaliser sous la forme d’un partenariat public-privé ; le dossier présenté par A______ avait notamment été retenu pour les qualités de sérieux et de solidité des animateurs du projet, vu leur expérience dans la gestion de plusieurs établissements publics et « leur maîtrise directe des entités prestataires des différents services nécessaires à la mise en œuvre du projet » ;

or, au vu des nouveaux éléments portés à la connaissance du CA, celui-ci considérait que la condition de la moralité n’était pas remplie au moment de l’attribution du projet, compte tenu de la procédure pénale diligentée contre deux « personnes-clefs » dudit projet ; les infractions poursuivies étaient de nature économique relatives à une entreprise active dans le secteur sur lequel portait le projet ; si ceux-ci bénéficiaient de la présomption d’innocence, il n’était pas exclu qu’ils soient condamnés, même partiellement ; si le CA avait connu cette circonstance, celle-ci aurait pesé en défaveur du projet présenté par A______ ; en effet, les « personnes-clefs » auraient pu être affectées dans leur probité, voire dans leur capacité concrète de gestion du projet ; de plus, A______ avait dissimulé cet élément, ce qui entraînait la rupture du lien de confiance, pourtant nécessaire à la réalisation d’un projet d’une nature, d’une durée et d’une sensibilité telles que celui des « C______ » ; compte tenu du rôle prépondérant que MM. G______ E______ et H______ E______ étaient supposés assumer à teneur du dossier de candidature, A______ aurait dû être transparente et informer la ville de la procédure dont l’importance était indiscutable ; la société et ses administrateurs avaient ainsi gravement failli à leur devoir de transparence à l’égard de la ville ;

que, par ailleurs, A______ avait effectué des changements d’ordre organisationnel, dont la ville n’avait pris connaissance que lors des pourparlers relatifs à la convention ; l’assise financière et l’expérience de I______ n’étaient pas comparables à celles de A______ ; en outre, il était devenu difficile de déterminer à la suite des changements opérés quelles étaient les « personnes-clefs » qui mèneraient à bien le projet ; alors que le dossier de candidature mentionnait MM. G______ E______ et H______ E______ comme « personnes-clefs », l’organigramme transmis le 17 décembre 2021 mentionnait M. J______ comme directeur opérationnel et MM. L______ et M______ comme managers ; le « centre de gravité » de gestion du projet, déterminant pour l’appréciation de sa qualité, avait été déplacé en direction d’une société tierce (N______ ), sous-traitante non annoncée ni autorisée par la ville ; les relations de celle-ci avec A______ restaient de surcroît floues et uniquement fondées sur un contrat de consulting non produit ; le déplacement du projet en mains d’acteurs nouveaux, dont les compétences et l’expérience n’étaient ni établies ni documentées, conduisait également à la révocation de la décision d’attribution ;

que, par ailleurs, dans la pesée des intérêts à la révocation il était tenu compte des moyens d’ores et déjà investis par la lauréate et les prestataires tiers ; l’intérêt public commandait que l’occupation et l’animation des C______ ne soient pas confiées à une société dont les animateurs ne présentaient pas des garanties complètes d’honorabilité et de disponibilité durant la procédure d’exploitation ou délèguent de manière floue les responsabilités de gestion à des sous-traitants non identifiés au cours de l’évaluation du projet ;

que, dès lors que la ville devait entreprendre rapidement des démarches pour qu’un autre projet voie le jour sur le site en question, la décision était déclarée immédiatement exécutoire ;

vu le recours interjeté le 4 mars 2022 devant la chambre administrative par A______ contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation ; qu’elle a conclu, principalement, à ce que la ville soit invitée à conclure la convention avec elle et à collaborer pleinement en vue de finaliser et débuter la manifestation « Les C______ » ; qu’elle a requis, à titre préalable, la restitution de l’effet suspensif ;

qu’elle a exposé que son dossier avait été complet ; M. F______ E______ avait été « mis en avant » pour ce projet ; dès l’attribution de celui-ci, A______ avait débuté son activité ; elle avait, notamment, mandaté MM. L______ et M______ qui avaient quitté leur emploi pour créer N______ dans le but de collaborer avec A______ ; ces deux hommes étaient très expérimentés dans le monde évènementiel ; A______ avait également commandé une cuisine professionnelle ; I______ avait été créée d’entente avec la ville ; les deux sociétés avaient déjà investi CHF 312'662.85 ; trente-et-une personnes s’étaient déjà manifestées auprès de A______ pour tenir un stand au sein des « C______ » ; elles avaient déjà pris des engagements à cet effet ; en raison de la pandémie, il avait été décidé de reporter l’ouverture desdites halles au 1er février 2022 ; les représentants de A______ s’étaient pleinement expliqués sur les infractions dont ils avaient été victimes ; leur ancien comptable avait reconnu sa pleine et entière responsabilité ; la ville avait accepté la substitution de I______ puisqu’elle l’avait prévue dans la convention adressée le 18 novembre 2021 à A______ ;

qu’aucune question au sujet de l’existence d’une procédure pénale n’avait été posée lors de l’appel d’offres ; que le PCTN, à la suite du recours formé par M. H______ E______ , avait dû admettre, faute pour ce dernier d’avoir été condamné, qu’il remplissait la condition de l’honorabilité ; que, partant, la ville ne pouvait la dénier aux deux frères faisant l’objet d’une procédure pénale en cours ; A______ pilotait le projet et non les frères E______  ; les motifs de révocation étaient d’ordre politique, en lien avec les critiques d’une partie de la population dont la presse s’était fait l’écho ; plusieurs acteurs avec lesquels I______ allait collaborer avaient déjà fait part des frais engagés à cette fin, dont ils tiendraient la recourante pour responsable en cas d’annulation du contrat les liant ;

qu’aucune urgence ne justifiait le prononcé du caractère exécutoire de la décision ; la décision ne reposait que sur des éléments parus dans la presse ; le dommage causé à la recourante en cas de refus de restituer l’effet suspensif serait important, les investissements effectués s’élevant à plus de CHF 300'000.- et de nombreuses personnes étant dans l’attente de pouvoir commencer l’exploitation de leur stand ; l’intérêt de la recourante qui, en cas d’exécution immédiate de la décision querellée, ne pourrait pas débuter l’exploitation des « C______ » l’emportait sur celui de la collectivité publique ; le recours n’était pas dénué de chances de succès, la décision étant arbitraire ; le projet alternatif évoqué par la ville n’était ni concrétisé ni abouti ; qu’elle rappelait derechef qu’elle n’avait pas caché l’existence de la procédure pénale, au sujet de laquelle aucune question n’avait été posée ;

que la ville a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif ; elle avait déjà indiqué lors de la réunion du 25 novembre 2021 qu’elle envisageait de révoquer la décision d’attribution du projet ; la recourante avait néanmoins continué à développer celui-ci, engageant à tort des frais ; les halles étaient situées sur un terrain appartenant aux Transports publics genevois (ci-après : TPG), qui en avaient cédé l’usage à la ville ; celle-ci supportait les frais d’entretien et de sécurité du site ; le poste relatif à la sécurité lui coûtait en moyenne CHF 20'000.- par mois ; laisser le site inoccupé posait d’importants problèmes de sécurité tant pour les personnes que le site et pouvait aussi impliquer des nuisances pour le voisinage, notamment en cas de fêtes sauvages ; la ville s’affairait depuis février 2022 au développement d’un projet de sports urbains, tel celui réalisé en 2021 qui avait connu un franc succès ; il était prévu d’inaugurer ce projet le 1er juin 2022 et qu’il soit en place jusqu’au 11 septembre 2022 ; le projet était temporaire et sa désinstallation pouvait, si nécessaire, être effectuée en quelques jours ; donner suite à la requête reviendrait à octroyer à la recourante ce qu’elle demandait au fond ; depuis l’automne, le projet était bloqué ; le statu quo visé par la recourante ne lui serait d’aucune utilité ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a insisté sur le fait que le projet de convention, rédigé par la ville, avait intégré que I______ s’était substituée à elle ; si la ville avait désapprouvé cette substitution, elle ne l’aurait pas prévue dans la convention ; elle ne pouvait donc se prévaloir de ce fait nouveau pour révoquer la décision d’attribution ; la ville avait déjà manifesté sa volonté de conclure la convention, son accord oral étant suffisant ; elle ne l’avait pas sommée de cesser toute démarche ; la mesure provisionnelle sollicitée était indispensable au maintien de l’état de fait ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité) ;

que la LMI ne contient pas de disposition relative à la révocation de l’attribution d’un projet par une collectivité publique ;

qu’une modification d’un acte administratif reste possible après que l’autorité a procédé à une balance des intérêts en présence, soit, d’une part le respect du droit objectif, d’autre part la sécurité des relations juridiques ; que celle-ci l’emporte en principe lorsque l’acte en cause a créé un droit subjectif, ou encore lorsqu’il a été adopté après un examen complet de la situation de fait et de droit ; que, cependant, même dans ces hypothèses, un intérêt public particulièrement prépondérant peut, selon les cas, commander la révocation (ATF 120 Ib 194 consid. 2) ;

que l’appel d’offres de la ville prévoit, à son art. 11, la possibilité de révoquer, avec effet immédiat, la convention conclue avec le lauréat si, malgré une mise en demeure, les conditions prescrites par les conditions de l’appel d’offres ne sont pas respectées ou une modification injustifiée est apportée au concept présenté dans l’appel d’offres ;

qu’en l’espèce, la décision de révocation est fondée sur la connaissance par la ville de la procédure pénale visant deux des trois administrateurs de la lauréate ; celle-ci avait dissimulé cet élément, ce qui entraînait la rupture du lien de confiance, pourtant nécessaire à la réalisation d’un projet d’une nature, durée et sensibilité particulières ; la ville n’avait appris qu’incidemment les changements d’ordre organisationnel opérés par la recourante ; l’intérêt public à ce que les halles soient exploitées par des personnes jouissant d’une honorabilité complète et pleinement disponibles l’emportait sur l’intérêt privé, notamment financier, de la recourante ;

qu’il n’est pas contesté que la convention concrétisant les modalités de la mise à disposition des halles n’a pas encore été signée par les parties ;

que la réponse à la question de savoir si celle-ci aurait déjà été conclue par oral comme le soutient la recourante ou se trouvait encore au stade des pourparlers comme le fait valoir l’intimée nécessiterait une instruction plus approfondie, de sorte qu’au stade des mesures provisionnelles la conclusion de la convention ne saurait être admise ; qu’ainsi, l’art. 11 de l’appel d’offres relatif à la révocation de la convention n’est, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas applicable ;

que la restitution de l’effet suspensif aurait, partant, pour conséquence de placer la recourante dans la situation précédant la signature de la convention ;

que son intérêt à demeurer dans une telle situation doit être relativisé dès lors qu’elle ne pourrait pas non plus aller de l’avant dans la concrétisation du projet et devrait faire patienter les autres acteurs avec lesquels elle soutient avoir déjà conclu des engagements ;

qu’indépendamment de la question de savoir si la convention a déjà été conclue, l’intérêt public de la ville à ce que le projet choisi par ses soins à l’issue de l’appel d’offres soit exécuté selon les modalités et, notamment, par les personnes désignées comme responsables pour la réalisation du projet, est important ;

qu’il apparaît toutefois, a priori et sans préjudice de l’examen au fond, que la recourante a fait appel à des personnes non mentionnées dans son dossier et que, selon ses propres indications, deux des trois « personnes-clefs » ne seraient plus en charge du projet ;

qu’en outre, l’intérêt public à ce que les halles en question ne demeurent pas inoccupées est important, notamment au regard du risque sécuritaire et de nuisances pour le voisinage qu’une telle situation pourrait engendrer ;

que par ailleurs, la ville a exposé sans être contredite que les installations sportives temporaires qu’elle s’apprête à installer étaient rapidement démontables, de sorte que la recourante pourrait, si elle obtenait gain de cause dans son recours, investir les lieux rapidement ;

qu’en outre, si, certes, la ville n’a pas expressément posé la question aux administrateurs de la recourante de savoir s’ils faisaient l’objet d’une procédure pénale, elle a néanmoins exigé la production d’extraits du casier judiciaire de ceux-ci, ce qui démontre l’intérêt qu’elle accordait à leur probité ;

qu’il est manifeste que les intéressés bénéficient de la présomption d’innocence ; qu’il est toutefois également manifeste que si la ville avait su que deux des trois administrateurs animant la société faisaient face à une procédure pénale portant sur des infractions en lien avec la gestion d’une société, cet élément aurait été susceptible d’influencer sa décision d’attribution ;

que l’exigence d’honorabilité au sens de la LRDBHD se rapporte aux requêtes visant l’exploitation d’un restaurant ou d’un bar, soit d’une entreprise privée, alors que l’attribution du projet portait sur la mise à disposition par la ville de halles destinées aux producteurs-trices, artisan-e-s et artistes locaux-ales ; qu’il ne peut, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, être retenu que la notion d’honorabilité et les conséquences qui s’y rattachent soient les mêmes au regard de la LMI et de la LRDBHD ;

que la question de savoir si le principe de la bonne foi dans les relations avec les autorités imposait aux administrateurs de signaler l’existence de la procédure pénale ouverte à leur encontre est délicate ; qu’il n’apparaît, cependant, pas manifeste que, comme le soutient la recourante, elle n’avait pas à en faire état ;

que, par ailleurs, la décision querellée est également motivée par les changements organisationnels opérés par la recourante, notamment le fait qu’une autre société a été désignée par elle comme porteuse du projet à compter de début octobre 2021 et que d’autres « personnes-clefs » que celles indiquées dans le dossier de candidature de la recourante sont apparues sans que la ville n’ait, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, été consultée ;

qu’il peut être retenu, sous l’angle de la vraisemblance applicable aux présentes mesures, que la qualité et l’expérience des porteurs du projet étaient, entre autres éléments, de nature à influer le choix de la ville, de sorte que les changements de personnes ainsi que la sous-traitance à Memories Designer Sàrl – comportant, selon les indications fournies par M. L______ le 23 décembre 2021 au conseil de la recourante, la définition du concept final des halles, la recherche de futurs partenaires, la création du concept de programmation et événementiel, les réunions avec les associations en lien avec le projet et les partenaires logistiques notamment – intervenus, à première vue, sans l’accord de la ville étaient susceptibles de porter atteinte au lien de confiance que celle-ci devait pouvoir entretenir avec la recourante et ses administrateurs ;

qu’il ne peut être considéré qu’il est manifeste que les éléments précités ne pouvaient être valablement invoqués par la ville pour révoquer sa décision du 28 juillet 2021 ;

qu’en outre, la décision querellée a mis en balance les intérêts de la collectivité à la révocation de la décision d’attribution avec ceux de la recourante, qui avait déjà investi des moyens en vue de la réalisation du projet, ainsi que de ceux de prestataires tiers ;

qu’au vu de ce qui précède, les chances de succès du recours n’apparaissent pas d’emblée à ce point manifestes qu’elles justifieraient l’octroi des mesures sollicitées ;

qu’enfin, l’intérêt public à ce que la décision de révocation soit, dans l’attente de l’issue de la présente procédure, immédiatement exécutée l’emporte sur l’intérêt de la recourante au maintien de la situation précédant son prononcé ;

qu’interdire à l’intimée de débuter, pendant la procédure, un nouveau projet pour les halles va, en particulier, à l’encontre de l’intérêt public à ce que ces parcelles ne soient pas laissées à l’abandon, mais soient utilisées et exploitées selon des modalités fixées par la ville, étant précisé que le projet d’installations sportives évoqué par celle-ci est aisément et rapidement démontable ;

qu’au vu de l’ensemble de ce qui précède, la requête en restitution de l’effet suspensif et des mesures provisionnelles sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Tzortzis, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, ainsi qu’à la Commission de la concurrence (COMCO).

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :