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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1025/2019

ATA/365/2019 du 02.04.2019 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1025/2019-PRISON ATA/365/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 avril 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon.

2. Par acte posté le 13 mars 2019, il a adressé un courrier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), annonçant faire recours contre une fouille de sa cellule, effectuée en son absence par le personnel de la prison le 6 mars 2019 entre 8h00 et 9h00.

Il partageait sa cellule avec un codétenu. Le jour en question, ils étaient sortis de leur cellule à 8h00 pour la promenade. Lorsqu'ils avaient regagné leur cellule vers 9h00, celle-ci avait été fouillée, et divers objets et produits de première nécessité manquaient.

Selon la réglementation applicable, une telle fouille devait s'effectuer en sa présence. Il n'avait en outre pas la certitude que la correspondance échangée avec son avocat était restée confidentielle.

3. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10 ; ATA/251/2019 du 12 mars 2019 consid. 4a).

b. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières
(art. 132 al. 6 LOJ).

2. a. Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ).

Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1053/2018 du 9 octobre 2018 consid. 1c ; ATA/509/2016 du 14 juin 2016 consid. 4c).

c. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral
(art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, soit les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; ATA/1502/2017 du 21 novembre 2017). En outre, ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b ; ATA/180/2018 du 27 février 2018 et les références citées).

d. Un acte matériel est défini comme un acte qui n’a pas pour objet de produire un effet juridique, même s’il peut en pratique en produire, notamment s’il met en jeu la responsabilité de l’État (ATA/354/2017 du 28 mars 2017 consid. 3a ; ATA/549/2016 du 28 juin 2016 consid. 2d ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd. 2012, p. 12 s ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 52 ; également MGC 2007-2008/XI 1 A p. 10926). Les mesures internes, qui organisent l’activité concrète de l’administration, sont assimilables aux actes matériels de celle-ci. Il en résulte qu’elles ne peuvent être attaquées en tant que telles par des recours, qui ne sont en principe ouverts que contre des décisions, voire contre des normes (ATA/549/2016 précité consid. 2d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 666).

e. Aux termes de l’art. 4A LPA – intitulé « droit à un acte attaquable » –, toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l’autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations : s’abstienne d’actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a), élimine les conséquences d’actes illicites (let. b), constate le caractère illicite de tels actes (let. c ; al. 1) ; l’autorité statue par décision (al. 2).

Ces deux alinéas correspondent aux al. 1 et 2 de l’art. 25a PA – qui a été introduit par le législateur pour garantir l’accès au juge prévu par l’art. 29a Cst. –, sauf le fondement sur le droit cantonal ou communal (ATA/114/2019 du 5 février 2019 consid. 2d ; ATA/76/2017 du 31 janvier 2017 consid. 3d).

3. Une fouille de cellule n'est à l'évidence pas une décision, mais un acte matériel effectué par le personnel de la prison.

Le recours à la chambre administrative n'est donc pas ouvert à ce stade, et il convient d'interpréter l'acte qui a été expédié à la chambre de céans le 13 mars 2019 comme une demande à la direction de la prison de rendre une décision au sens de l'art. 4A LPA. En l'occurrence, l'acte matériel contesté ayant déjà été accompli, il s'agit d'une demande de constatation du caractère illicite de l'acte, voire également d'une demande d'élimination des conséquences de l'acte au cas où des objets ou produits ont été déplacés ou confisqués et devraient être restitués au détenu.

Le recours sera dès lors déclaré irrecevable, sans autre acte d'instruction conformément à l'art. 72 LPA, et la cause renvoyée à la prison pour prise de décision au sens des considérants.

4. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 13 mars 2019 par Monsieur A______ ;

transmet la cause à la prison de Champ-Dollon au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :