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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/139/2016

ATA/358/2016 du 26.04.2016 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : TAXI ; CHAUFFEUR ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; AMENDE ; PRESCRIPTION
Normes : LTAXIS.34 ; LTAXIS.45 ; LTAXIS.48 ; RTAXIS.45 ; RTAXIS.74 ; LPA.14
Résumé : Amende infligée par le service du commerce à un chauffeur de taxi pour avoir contrevenu à plusieurs reprises à ses devoirs professionnels. La prescription est acquise pour trois des infractions constatées. Trois autres infractions au devoir général de courtoisie demeurent néanmoins établies. Vu ce qui précède, le recours est partiellement admis et le dossier est retourné au service du commerce pour nouvelle décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/139/2016-TAXIS ATA/358/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1. Monsieur A______ est titulaire d’une autorisation de chauffeur de taxi de service public.

Il a exercé sa profession en conduisant un véhicule immatriculé GE 1______, dont la détentrice est une tierce personne l'ayant mis à disposition du précité.

2. Il a fait l'objet de trois plaintes adressées au service du commerce (ci-après : Scom) les 5 février et 10 avril 2013, dénonçant son comportement lors d'événements survenus à l'Aéroport international de Genève (ci-après : l'aéroport), respectivement les 2 février, 21 mars et 26 mars 2013.

3. Selon un rapport de renseignements établi par la police le 27 novembre 2013 et reçu par le Scom le 6 décembre 2013, il était reproché à M. A______ d'avoir, le 29 septembre 2013, usé abusivement des signaux avertisseurs (appels de phares), usé abusivement d'un spray incapacitant et détenu une arme interdite (spray incapacitant), dans le cadre d'un conflit avec un usager de la route. Le chauffeur de taxi, circulant près de l'aéroport, s'était trouvé derrière un véhicule dont il avait estimé qu'il roulait trop lentement. Il avait ainsi effectué plusieurs appels de phares afin d'exprimer à l'automobiliste son mécontentement et de l'inciter à accélérer. Il l'avait ensuite dépassé, pour se retrouver devant. Selon l'automobiliste, ce dépassement avait été effectué de manière à le mettre en danger. Ce dernier, ne disposant pas de téléphone, avait suivi le taxi jusqu'à proximité du pont du Mont-Blanc, où il avait immobilisé sa voiture à côté de celle de M. A______. L'automobiliste s'était dirigé vers le taxi, dont le chauffeur, se sentant, selon ses propres déclarations, menacé par la présence d'un homme se présentant à sa vitre, avait immédiatement utilisé à son encontre un spray incapacitant. Les deux hommes avaient finalement quitté les lieux et avaient immobilisé leurs véhicules, « flanc contre flanc», Cours de Rive, où des tiers avaient appelé la police. Dès l'arrivée des policiers, M. A______ avait « tenté de jouer les victimes prétendant qu'il avait été retenu prisonnier » dans sa voiture par l'automobiliste. Les agents de police ont toutefois relevé que la configuration de la berline du chauffeur de taxi lui aurait permis d'en sortir par les portes situées côté passager. Bien qu'incommodé, l'autre usager de la route n'avait pas souhaité déposer plainte.

4. Le 19 janvier 2014, M. A______, sur invite du Scom du 7 janvier 2014, s'est déterminé sur l'incident du 29 septembre 2013. En substance, il avait constaté que l'autre usager de la route circulait lentement car il était au téléphone. Lorsqu'il avait utilisé à son égard les signaux avertisseurs, celui-ci avait riposté en plantant les freins et en lui adressant un doigt d'honneur. Il avait alors dépassé l'automobiliste, « non sans peine », afin de l'éviter et de poursuivre son chemin. L'autre homme avait toutefois persisté à le suivre, lui coupant la route et l'insultant à plusieurs reprises, de sorte qu'il avait acquis la conviction que celui-ci cherchait à envenimer le conflit et la bagarre, ce que lui-même voulait éviter, raison pour laquelle il avait continué à rouler, jusqu'au pont du Mont-Blanc. C'était là que l'automobiliste avait bloqué son taxi et était venu frapper à sa vitre. Se sentant vraiment en danger, il l'avait alors « sprayé », en prenant garde de viser le profil plutôt que la face, dans le but de lui faire peur et non de le paralyser. Il avait ainsi pu redémarrer en direction des Cours de Rive, où il avait lui-même appelé la police, qu'il avait attendue en restant dans son taxi, pendant que son assaillant, qui l'avait encore suivi, avait continué de taper à sa vitre en l'invectivant. Il n'était jamais sorti de son véhicule, pour ne pas répondre à la violence par la violence. Compte tenu des circonstances, il s'étonnait de se voir reprocher d'avoir manqué à son devoir de courtoisie à l'égard d'une personne qui l'avait pourchassé et insulté pendant près d'une heure, cette attitude l'ayant placé dans un état de stress intense.

5. Le 6 février 2014, M. A______ a demandé au Scom de bien vouloir laisser le dossier sur l'incident du 29 septembre 2013 en suspens, jusqu'à droit connu dans la procédure pénale. Il avait contesté la contravention qui lui avait été infligée, dès lors que l'usage d'un spray au poivre constituait en l'occurrence non pas un manque de courtoisie à l'égard du public, mais un acte de défense à l'égard d'un automobiliste virulent qui l'avait agressé et avait menacé de « le buter », étant relevé que les chauffeurs de taxis genevois évoluaient dans un climat d'inquiétude, la presse ayant déjà relaté l'agression de plusieurs d'entre eux.

6. M. A______ a fait l'objet d'une plainte adressée au Scom le 3 mars 2014, selon laquelle il avait, le 1er mars 2014 à l'aéroport, pris part à un conflit ayant débuté entre un autre chauffeur de taxi et les agents de sécurité au sujet du système mis en place par ces derniers pour la prise en charge des clients en fonction du moyen de paiement (carte de crédit). Il avait, dans ce cadre, hurlé pour contester ledit système et insulté un agent de sécurité, en lui disant à trois reprises « allez vous faire foutre », ce comportement ayant causé du scandale devant plusieurs personnes et fait fuir une cliente en raison de son agressivité.

7. Une plainte a été adressée au Scom le 7 août 2014, dénonçant le comportement de M. A______ lors d'un incident survenu le 3 août 2014 à l'aéroport.

8. Le 20 octobre 2014, sur invites du Scom des 3 et 16 octobre 2014, M. A______ s'est déterminé sur les incidents des 21 et 26 mars 2013, ainsi que du 3 août 2014.

9. Le 11 novembre 2014, sur invite du Scom du 5 novembre 2014, M. A______ s'est déterminé sur l'incident du 1er mars 2014, contestant s'être adressé en hurlant à une cliente. Il était victime d'un acharnement « injuste et non cohérent » de la part de personnes qui le dénonçaient constamment pour des « futilités ». Si cela persistait, il porterait plainte pour diffamation et harcèlement.

10. À teneur d'un rapport de renseignements établi par la police le 24 novembre 2014 et reçu par le Scom le 17 décembre 2014, une altercation était survenue entre M. A______ et un autre chauffeur de taxi, le 25 septembre 2014 à l'aéroport. Il ressortait des enquêtes qu'alors que les deux taxis attendaient leur tour dans la zone prévue à cet effet, M. A______ avait « réservé sa place » puis quitté les lieux pour aller attendre devant la gare, pour son confort personnel. Lorsqu'il avait voulu reprendre sa place dans la file d'attente, l'autre chauffeur de taxi s'y était opposé. Le ton était monté entre les deux hommes, qui avaient fini par en venir aux mains. D'autres chauffeurs étaient intervenus pour les séparer. M. A______ s'était emparé d'une matraque télescopique pour, selon ses déclarations, dissuader son opposant. Après le conflit, tandis que l'autre chauffeur de taxi avait poursuivi sa progression dans la file d'attente, M. A______ s'était rendu au poste de police de l'aéroport pour déposer plainte. Les agents de police s'étaient rendus sur les lieux, avaient saisi la matraque télescopique et avaient conduit les protagonistes et témoins du conflit au poste. Alors que ces derniers avaient décrit deux chauffeurs énervés et vindicatifs, les intéressés avaient déclaré être restés maîtres d'eux-mêmes, rejetant la faute sur l'autre. M. A______ avait prétendu que c'était lorsqu'il avait proposé à l'autre chauffeur de garder sa place que celui-ci l'avait agressé, ce qui n'avait pas pu être confirmé par les témoins, les propos ayant été tenus en arabe.

11. Le 9 octobre 2015, le Scom a invité M. A______ à se déterminer sur les faits dénoncés concernant les incidents des 5 février 2013 et 24 novembre 2014. Il a par ailleurs enjoint l'intéressé à produire toute décision rendue dans le cadre de la procédure pénale ouverte suite aux faits survenus le 29 septembre 2013, faute de quoi il statuerait sur la base des pièces figurant au dossier.

12. Le 21 octobre 2015, M. A______ a donné suite au courrier précité. S'agissant des faits du 25 septembre 2014, il a sollicité du Scom la suspension de la procédure, jusqu'à droit connu dans le cadre de la procédure pénale en cours par-devant le Tribunal de police. Par ailleurs, aucune décision n'avait été rendue par le service des contraventions concernant les faits du 29 septembre 2013 ; il convenait ainsi de partir du principe qu'aucune suite pénale n'avait été donnée à ce dossier et qu'il y avait lieu de le classer également au niveau administratif.

13. Le 19 novembre 2015, le Scom a requis le préavis de la commission de discipline pour la sanction qu’il envisageait d’infliger à M. A______, suite aux infractions commises les 2 février, 21 mars, 26 mars et 29 septembre 2013, ainsi que les 1er mars et 25 septembre 2014. Un délai de dix jours était donné à la commission de discipline pour donner un préavis défavorable, son silence équivalant à un acquiescement à la sanction envisagée, soit une amende administrative de CHF 2'000.- et un avertissement qu’en cas de récidive, la carte professionnelle serait suspendue.

14. Le 27 novembre 2015, la commission de discipline a préavisé favorablement la sanction proposée.

15. Par décision du 14 décembre 2015, le Scom a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 2'000.-, l'avertissant que la suspension de sa carte professionnelle de chauffeur de taxi serait prononcée en cas de récidive.

Il avait eu l’occasion de faire valoir ses observations sur chacune des infractions qui lui étaient reprochées.

Il lui était reproché d'avoir manqué à son devoir général de courtoisie les 2 février, 21 mars, 26 mars et 29 septembre 2013, ainsi que les 1er mars et 25 septembre 2014, et d'avoir manqué à son obligation d'accepter toutes les courses les 2 février et 26 mars 2013, en violation de la législation applicable aux chauffeurs de taxis.

En revanche, au regard de la vraisemblance des explications de l'intéressé concernant l'incident du 3 août 2014 et des faits peu détaillés par le dénonciateur, le Scom a considéré que les infractions reprochées n'étaient pas établies.

16. Par acte du 14 janvier 2016, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à l'octroi d'une équitable indemnité de procédure.

Il avait, le 29 septembre 2013 été victime d'une agression, dont il s'était défendu au moyen d'un spray au poivre. L'autorité pénale ayant renoncé à le sanctionner, le Scom aurait dû reconnaître qu'il n'avait pas manqué à ses devoirs professionnels.

S'agissant des faits du 1er mars 2014, dans la mesure où la dénonciation émanait d'un agent de sécurité l'ayant déjà dénoncé à plusieurs reprises avant de se rétracter, le Scom n'aurait pas dû les considérer comme pertinents pour retenir une infraction. L'intimé n'avait en effet pas procédé à une instruction diligente du cas et était à tort parti du principe que, comme des faits semblables lui avaient déjà été reprochés, ils étaient de ce simple fait établis.

Il a produit copie d'une « attestation » dactylographiée, comportant une signature manuscrite apposée à côté des mots « agent Protectas », à teneur de laquelle la personne concernée, non identifiable, revenait sur ses dénonciations et mentionnait une confusion entre deux chauffeurs de taxis dans le cadre des incidents des 23 (recte 21) et 26 mars 2013 survenus à l'aéroport, le recourant, hors de cause, ayant été incriminé à tort.

Enfin, le Scom ne pouvait pas statuer sur les faits du 25 septembre 2014 avant que l'autorité pénale ne se soit elle-même prononcée.

17. Le 15 janvier 2016, la chambre administrative a invité le recourant à produire la décision mettant fin à la procédure de contravention pour les faits du 29 septembre 2013, ainsi que l'ordonnance pénale ou l'acte d'accusation concernant les faits du 25 septembre 2014.

18. Le 15 février 2016, M. A______ a transmis copies caviardées d'une ordonnance pénale du 24 juin 2015, ainsi que d'une ordonnance pénale sur opposition du 6 octobre 2015 dans le cadre de la procédure P/2______/2014, concernant notamment les faits du 25 septembre 2014.

La procédure pénale s'agissant des faits du 29 septembre 2013 avait été classée, dès lors que le service des contraventions n'avait pas donné suite à son opposition.

19. Le 18 février 2016, la chambre de céans a requis la production des pièces susmentionnées dans leur version non caviardée.

20. Le 19 février 2016, le Scom a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise, qui se fondait sur des faits établis. Compte tenu de la gravité des infractions reprochées dans le cadre de la législation sur les taxis, et de leur réitération, la sanction s'avérait proportionnée, l'autorité se devant de faire preuve de sévérité pour assurer le respect des prescriptions légales.

La décision attaquée était basée sur deux rapports de renseignements et quatre dénonciations.

Les faits des 29 septembre 2013 et 25 septembre 2014 ayant été dénoncés par des agents de police assermentés, ils étaient considérés comme établis et rien ne permettait de s'écarter des constatations opérées dans ce contexte. Le recourant avait adopté, dans le cadre de son service, un comportement excessif, en violation de son devoir général de courtoisie, alors qu'il aurait raisonnablement pu être attendu de lui qu'il ne recourt pas à l'usage d'un spray incapacitant ou d'une matraque télescopique au lieu de faire appel aux services de police pour tempérer les deux altercations.

Les faits pertinents dans le cadre de la procédure administrative n'étant pas entièrement les mêmes que ceux dans le cadre de la procédure pénale, le Scom n'était pas lié par les décisions des autorités pénales, de sorte qu'il pouvait statuer avant l'issue des deux procédures pénales concernées.

Le fait que les dénonciations aient été formées par des personnes différentes leur apportait une forte crédibilité. Il était en effet improbable que le recourant ait été victime de malchance en ne rencontrant, dans le cadre de son activité, que des clients, agents de sécurité et de police et autres usagers de la route mal intentionnés à son égard au cours des trois dernières années. Ses explications n'avaient au demeurant pas emporté la conviction.

M. A______ ne pouvait pas affirmer avoir lui-même suscité l'intervention de la police le 29 septembre 2013, le rapport du 27 novembre 2013 indiquant que des tiers, témoins de l'altercation entre les deux hommes, avaient fait appel à la police. Par ailleurs, si le service des contraventions avait réellement classé la procédure, il aurait rendu une ordonnance en ce sens, ce qui n'était pas le cas.

Les faits survenus les 21 et 26 mars 2013 avaient été dénoncés par deux personnes différentes. La valeur probante de l'attestation produite par le recourant était ainsi contestée, ce d'autant que celle-ci n'était pas datée et que la personne l'ayant rédigée ne pouvait pas être identifiée, aucun nom ni prénom n'y figurant. Il était également contesté que l'auteur de la dénonciation des faits du 1er mars 2014 ait été le même agent de sécurité que celui ayant dénoncé les faits survenus les 2 février et 21 mars 2013 ; l'auteur était en revanche le même que celui ayant dénoncé les faits du 26 mars 2013. Pour autant, le fait qu'un agent de sécurité ait été l'auteur de deux dénonciation ne constituait pas un motif de classement, ce d'autant que les faits du 26 mars 2013 avaient été en partie confirmés par M. A______ lui-même, ce qui apportait du crédit à la dénonciation. Non seulement le recourant avait tendance à banaliser les faits qui lui étaient reprochés, mais il prétendait en outre que ceux-ci étaient fallacieux et qu'il était victime d'acharnement, ce qui, au vu des circonstances, décrédibilisait ses explications.

21. Le 29 février 2016, M. A______ a refusé de donner suite à la requête de la chambre administrative du 18 février 2016. Les parties caviardées des pièces portaient sur des faits non pertinents dans le cadre de la présente procédure et n'apporteraient rien à l'examen du cas d'espèce. Dès lors qu'ils relevaient de sa sphère privée et qu'il les avait contestés, les faits caviardés ne pouvaient pas être communiqués.

22. Le 2 mars 2016, le juge délégué a imparti un nouveau délai au recourant pour la production des pièces sollicitées sans caviardage.

23. Le 11 mars 2016, M. A______ a transmis copies non caviardées de l'ordonnance pénale du 24 juin 2015, ainsi que de l'ordonnance pénale sur opposition du 6 octobre 2015, maintenant la première (P/2______/2014).

Il en ressort notamment que, le 25 septembre 2014, le recourant avait frappé un autre chauffeur de taxi, sans toutefois lui causer de lésions, suite à une altercation verbale avec celui-ci dans la zone d'attente des taxis à l'aéroport. Il avait également menacé de lui « casser la tête » tout en se rendant à son véhicule afin de s'emparer d'une matraque télescopique, ce qui avait effrayé l'autre homme. Des coups avaient été échangés de part et d'autre.

Malgré ses dénégations, les faits étaient établis au vu des éléments du dossier, en particulier des déclarations concordantes des témoins, et étaient constitutifs de voies de faits et de menaces.

24. Le 22 mars 2016, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

L'examen du rapport de police concernant les faits du 29 septembre 2013 démontrait le manque d'objectivité des agents l'ayant rédigé ; ceux-ci avaient commencé par transcrire leur impression personnelle quant au recourant, cet état d'esprit lui étant défavorable. D'autres éléments, notamment l'absence de témoins, mettaient en doute la crédibilité dudit rapport. À cela s'ajoutait que le service des contraventions n'avait pas donné suite à son opposition, de sorte que les faits tels qu'exposés n'étaient pas pertinents et ne pouvaient pas être retenus dans le cadre d'une décision administrative.

Les faits du 25 septembre 2014 n'avaient pas été établis par une autorité judiciaire, la procédure pénale étant pendante par-devant le Tribunal de police ; ils ne pouvaient ainsi pas non plus servir de base à une décision administrative. C'était d'ailleurs à tort que l'intimé prétendait qu'il n'y avait pas lieu de suspendre l'instruction de la procédure jusqu'à droit connu au pénal.

Enfin, il s'insurgeait sur le fait que des comportements puissent lui être imputés au motif qu'il les qualifiait de « banals » ; il n'y avait aucun lien entre la banalité d'un comportement et le fait d'avoir pu le commettre.

25. Le 31 mars 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'intimé de prononcer une amende et un avertissement à l'encontre du recourant, le sanctionnant ainsi pour six infractions relatives aux faits des 2 février, 21 mars, 26 mars et 29 septembre 2013, ainsi que des 1er mars et 25 septembre 2014.

 

3. a. La loi a pour objet d’assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 - LTaxis - H 1 30, entrée en vigueur le 15 mai 2005).

b. En particulier, les chauffeurs sont tenus par un devoir général de courtoisie tant à l’égard de leurs clients, du public, de leurs collègues que des autorités. Selon les art. 34 al. 1 LTaxis et 45 al. 1 du règlement d’exécution de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01), ils doivent avoir une conduite et une tenue correcte.

c. Le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), soit pour lui le Scom à teneur de l’art. 1 al. 1 et 2 RTaxis, peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la LTaxis ou de ses dispositions d’exécution (art. 45 al. 1 LTaxis).

Une commission de discipline, formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de la direction générale des véhicules, est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le département. Ses préavis ont valeur consultative et ne lient pas le département (art. 48 al. 1 LTaxis).

Selon l’art. 74 al. 3 RTaxis, pour les infractions impliquant des amendes en application de l'art. 45 de la LTaxis, le préavis de la commission peut être donné au service par la seule approbation d'un barème.

4. a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/263/2016 du 22 mars 2016 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s).

b. En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). La LTaxis ne contenant pas de disposition réglant la question de la prescription, il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 CP, à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans (ATA/263/2016 précité ; ATA/1062/2015 du 6 octobre 2015 et les références citées).

c. En l’espèce, la prescription est acquise pour les infractions des 2 février, 21 mars et 26 mars 2013, sanctionnées par l'intimé en décembre 2015 seulement, ce qui laissait moins de trois mois à la chambre de céans pour instruire le recours du 14 janvier 2016.

5. Reste à déterminer si le Scom était fondé à retenir à l'encontre du recourant les infractions des 29 septembre 2013, 1er mars et 25 septembre 2014, pour lesquelles il devrait le cas échéant être sanctionné.

6. Selon le recourant, la violation de son devoir général de courtoisie ne pouvait pas lui être reprochée pour les événements du 29 septembre 2013, compte tenu des circonstances.

En l'espèce toutefois, il ressort du dossier que cette infraction a été dénoncée à l'intimé par le biais d'un rapport de renseignements, les faits ayant été constatés par des agents de police. Or, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, celle-ci accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/1062/2015 précité et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. En effet, l'intimé a sanctionné administrativement le recourant pour avoir utilisé à l'encontre d'un usager de la route un spray incapacitant, ce qui est établi par le rapport de police et que le recourant ne conteste pas. Les explications de ce dernier quant aux circonstances du conflit et au fait qu'il se serait servi de cette arme dans le seul but de se défendre n'emportent pas la conviction. Celles-ci sont d'ailleurs en contradiction avec les faits tels que décrits dans le rapport précité, notamment en ce qui concerne l'identité de la personne ayant appelé la police. De plus, il n'apparaît pas que le recourant n'aurait pas eu d'autre solution que d'agir de la sorte, en préférant par exemple cesser immédiatement son trajet plutôt que de rouler dans ces conditions durant près d'une heure ou en faisant appel à la police tout en restant enfermé dans son véhicule. En tout état, les allégations du recourant, de même que le fait que l'autorité pénale n'aurait pas donné de suite à cette affaire, ne s'avèrent pas pertinents, seul le manquement de devoir à la courtoisie, constaté par les policiers, en violation des art. 34 al. 1 LTaxis et 45 al. 1 RTaxis, étant retenu.

Par conséquent, le grief doit être écarté et l'infraction retenue.

7. Le recourant reproche à l'intimé de n'avoir pas procédé à une instruction diligente avant de le sanctionner pour les faits du 1er mars 2014, ceux-ci ayant été dénoncés par un agent de sécurité l'ayant déjà dénoncé à plusieurs reprises.

En l'occurrence, le recourant ne conteste pas en tant que tel avoir insulté un agent de sécurité à plusieurs reprises, avoir crié pour manifester son désaccord avec le système mis en place, et avoir causé dans ce contexte un scandale devant plusieurs personnes, agents de sécurité, collègues et clients. Dans ses explications au sujet de cet incident tout au long de la procédure, il a seulement allégué ne pas s'être adressé à une cliente en hurlant et surtout être victime d'un acharnement de la part de personnes qui le dénonceraient régulièrement et ne seraient ainsi pas crédibles. Or, s'il appert que l'agent de sécurité ayant dénoncé l'infraction du 1er mars 2014 est le même que celui ayant dénoncé les faits du 26 mars 2013, aucun élément ne permet de mettre en cause le crédit de ses propos, pas même l'attestation non datée produite dans le cadre du recours, celle-ci n'ayant aucune valeur probante dans la mesure où la personne l'ayant rédigée ne peut pas être identifiée et où la mention faite des événements des 21 et 26 mars 2013 est en contradiction totale avec la réalité, ces deux incidents ayant été dénoncés par deux personnes différentes. Il n'est en outre pas surprenant qu'un agent de sécurité travaillant à l'aéroport dénonce deux fois, à une année d'intervalle, un chauffeur de taxi exerçant régulièrement son activité au même endroit. De plus, le recourant affirme sans le prouver qu'il serait victime d'un acharnement de la part de certaines personnes, qu'il ne désigne au demeurant pas, ce qui ne permet pas de remettre en cause ce qui précède. Dans ces circonstances, il s'avère que le recourant a bel et bien manqué à son devoir général de courtoisie au sens des art. 34 al. 1 LTaxis et 45 al. 1 RTaxis le 1er mars 2014 en insultant un agent de sécurité, en criant et en créant par son comportement agressif un scandale en présence de plusieurs personnes.

Partant, cette infraction est également établie.

8. Enfin, le recourant fait grief à l'intimé de l'avoir sanctionné pour l'infraction commise le 25 septembre 2014 avant que l'autorité pénale ne se soit prononcée.

a. Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). Les autorités administratives et les juridictions administratives saisies d’une question préjudicielle sont toutefois liées par les décisions de l’organe compétent qui l’ont résolue avec force de chose jugée (art. 14 al. 2 LPA).

 

b. L’art. 14 LPA est cependant une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014 consid. 8b ; ATA/97/2007 du 6 mars 2007 consid. 2). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondé sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/801/2014 du 14 octobre 2014 consid. 8b ; ATA/445/2012 du 30 juillet 2012 consid. 2b ; ATA/21/2006 du 17 janvier 2006 consid. 5a).

c. En l'espèce, le fait que le recourant ait eu une altercation avec un autre chauffeur de taxi le 25 septembre 2014 à l'aéroport et l'ait menacé en se munissant d'une matraque télescopique qui se trouvait dans son véhicule est établi par un rapport de renseignements émanant d'agents de police assermentés. Conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans précédemment citée, une pleine valeur probante doit être accordée à ce rapport et, en l'absence d'éléments permettant de retenir le contraire, ces faits doivent être considérés comme établis. Par ailleurs, le recourant ne les conteste pas directement, son grief portant exclusivement sur la suspension de la procédure. Toutefois, dans la mesure où son comportement constitue, dans le cadre de la procédure administrative, une violation de son devoir général de courtoisie au sens des art. 34 al. 1 LTaxis et 45 al. 1 RTaxis, la suspension de l'instruction par l'intimé jusqu'à droit connu dans la procédure pénale ne s'imposait pas. Le Scom était dès lors fondé à considérer cet incident comme établi et à sanctionner administrativement le recourant pour une telle infraction.

Ce grief sera par conséquent également écarté.

9. Compte tenu de ce qui précède, reste à examiner si l'intimé est fondé à sanctionner le recourant pour les infractions commises.

Il est nécessaire dans ce contexte que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 1179). Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende (ATA/1062/2015 précité et les références citées). La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès (ATA/160/2009 du 31 mars 2009). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/533/2010 du 4 août 2010 ; ATA/201/2010 du 23 mars 2010).

En l'espèce, dans la mesure où en l'état, sur les six infractions dont a tenu compte l'intimé dans sa décision attaquée pour prononcer la sanction, en particulier pour fixer le montant de l'amende administrative à CHF 2'000.-, seules trois infractions restent établies et doivent être sanctionnées, le recourant ayant manqué à son devoir général de courtoisie les 29 septembre 2013, 1er mars et 25 septembre 2014, il appartiendra au Scom d'en tenir compte pour déterminer la sanction dans une nouvelle décision à rendre, après consultation de la commission de discipline.

10. C’est toutefois le lieu de relever que l’avertissement ne figure pas parmi les sanctions et mesures prévues aux art. 45 à 47 LTaxis et ne peut donc en avoir la portée, en particulier comme antécédent.

11. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement. La décision litigieuse sera annulée et le dossier retourné au Scom pour nouvelle décision au sens des considérants qui précèdent.

Vu l'issue du litige, un émolument réduit à CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe en partie (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 400.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2016 par Monsieur A______ contre la décision du service du commerce du 14 décembre 2015 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du service du commerce du 14 décembre 2015 ;

retourne la cause au service du commerce pour nouvelle décision au sens des présents considérants ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 400.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod et M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :