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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2234/2014

ATA/285/2016 du 05.04.2016 sur JTAPI/180/2015 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2234/2014-PE ATA/285/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 avril 2016

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2015 (JTAPI/180/2015)


EN FAIT

1. En date du 20 mai 1997, M. A______, né le ______ 1971 et ressortissant du Kosovo, a déposé une demande d'asile en Suisse.

Celle-ci a été rejetée le 17 juillet 1997 et son renvoi de Suisse prononcé. Son départ a ensuite été constaté le 25 décembre 1999.

2. Une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES), valable du 21 janvier 1998 au 20 janvier 2000, a été notifiée le 25 décembre 1999 à M. A______ par l’office fédéral des migrations, devenu le secrétariat d'État aux migrations
(ci-après : SEM).

3. Le 14 novembre 2003, M. A______ a été interpellé par la gendarmerie genevoise alors qu'il était en possession d'un document de voyage établi par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (UNMIK) muni d'un visa valable pour les États Schengen, mais non pour la Suisse. Ayant affirmé qu'il habitait en France, sans toutefois pouvoir communiquer une adresse, il a été invité à quitter le territoire suisse dans les plus brefs délais.

4. Le 25 février 2004, le SEM a prononcé une nouvelle IES à son encontre, valable jusqu'au 24 février 2007.

5. Le 21 juillet 2006, M. A______ a été interpellé par la police genevoise.

Lors de son audition, il a déclaré qu'il était entré en Suisse une année auparavant et y était demeuré depuis sans autorisation. Il y avait déjà séjourné auparavant, plus précisément à Lucerne, en tant que requérant d'asile, mais avait quitté le pays en 1998. Depuis quelques temps, il travaillait pour son cousin, B______ A______, dont l’entreprise était sise à Genève, en qualité de carreleur, moyennant un salaire horaire net de CHF 20.- à 25.-. Il dormait chez des connaissances, dont il ne connaissait ni les noms ni les adresses.

L'IES précitée lui a été notifiée à cette occasion.

6. Le 22 décembre 2006, M. A______ a été interpellé par les
gardes-frontières. Il s'est légitimé au moyen d'un passeport de la République fédérale de Yougoslavie ainsi que d'un permis d'établissement C falsifiés.

7. Le 8 janvier 2007, le SEM a prononcé une troisième IES à l'encontre de
M. A______, valable du 25 février 2007 au 7 janvier 2010.

8. Le 17 décembre 2013, M. A______, se déclarant divorcé, a sollicité la délivrance d'un permis de séjour en sa faveur auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il a également demandé le regroupement familial pour ses quatre enfants, C______, né le ______ 1996, D______, née le ______1997, E______, née le ______ 2002 et F______, née le ______ 2004, ainsi que pour son frère G______ A______, né le ______ 1998, qui était « sous [sa] garde financière, et éducation, comme [ses] propres enfants » ; ils résidaient tous au Kosovo.

Il avait vécu en Suisse de 1990 à 1991, puis de 1997 à 2000 et de 2005 à 2006. Il y était revenu en 2012 et y était resté depuis lors. Il s'était bien intégré dans la société genevoise, dont il respectait parfaitement les règles. Il s'était formé un cercle d'amis et avait pris part à plusieurs activités sportives et culturelles.

9. Par lettre du 23 janvier 2014, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa requête, dans la mesure où sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle au sens de la loi, et lui a accordé un délai de trente jours pour faire part à l’office, par écrit, de ses observations et éventuelles objections.

10. Par courrier du 26 février 2014, M. A______ a répondu à l'OCPM qu'il ne pouvait malheureusement pas démontrer sa présence en Suisse par la production de justificatifs ou attestations. En effet, la plupart de ses précédents employeurs ne lui avaient remis ni fiches de salaire, ni certificats de travail. Depuis le
3 septembre 2012, il occupait un poste stable et déclaré.

Était produit un contrat de travail à durée indéterminée, établi à cette date, conclu avec l'entreprise individuelle « H______ » I______, exploitant une marbrerie au Grand-Lancy et inscrite au registre du commerce depuis le mois d’avril 2012, qui l'avait engagé en qualité d'« Aide Marbrier ».

À teneur d’un certificat de travail établi le 21 février 2014 par M. B______ A______, l’intéressé avait été employé au sein de son entreprise de 2005 à 2006 en qualité de carreleur. Il avait été un collaborateur de confiance, consciencieux dans son travail et faisant preuve d’un bon esprit d’initiative. Il avait entretenu d’excellentes relations avec son entourage, tant au sein de l’entreprise – qui le recommandait sans réserve à ses futurs employeurs – qu’au contact des clients.

11. Le 4 avril 2014, l'OCPM a fait droit, pour trois semaines, à une demande formulée le même jour par M. A______ et tendant à la délivrance d'un visa de retour pour se rendre au Kosovo voir sa fille E______, qui devait subir une intervention chirurgicale (ablation des amygdales), selon rapport du 22 mars précédent d’un médecin spécialiste en oto-rhino-laryngologie.

12. Par décision du 23 juin 2014, l'OCPM a refusé de préaviser favorablement l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur en faveur de
M. A______, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au
23 août 2014 pour quitter le territoire, cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible. De ce fait, la demande de regroupement familial pour ses enfants et son frère G______ A______ devenait sans objet.

Selon ses allégations, l’intéressé résiderait en Suisse de manière continue seulement depuis l'année 2012. La durée de son séjour, qui devait être relativisée par rapport aux nombreuses années qu'il avait passées dans son pays d'origine, à savoir toute son enfance et son adolescence, années essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, l'intégration sociale et culturelle, ne justifiait pas de donner une suite favorable à sa demande, étant rappelé qu'il était âgé de 41 ans lors de sa dernière arrivée en Suisse. Il ne pouvait en outre se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale en Suisse particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne pouvait quitter le pays sans être confrontés à des obstacles insurmontables. Il n'avait ni créé avec la Suisse des attaches profondes et durables, ni acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait plus les mettre en pratique au Kosovo.

13. Par acte du 24 juillet 2014, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant, en substance, à son annulation et à ce qu'il soit mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur – ou cas individuel d’une extrême gravité –, avec suite de dépens.

Il résultait de la décision entreprise que les éléments positifs du dossier et sa situation ne semblaient pas avoir été pris en considération par l’OCPM.

Il n'était pas contesté que son séjour en Suisse avait été interrompu de façon imprévue en raison de difficultés familiales au Kosovo. Ces déplacements ne pouvaient toutefois pas être perçus comme la preuve qu'il maintenait des liens permanents dans son pays d'origine, sachant qu’ils étaient justifiés pour des raisons impérieuses et familiales. Son intégration en Suisse était « graduelle » ; il assumait ses frais courants et désirait suivre une formation professionnelle. Contrairement à ce que l'OCPM avait retenu, il exerçait des activités professionnelles dans un environnement où les connaissances spécifiques étaient nécessaires. Il avait fait des « efforts insurmontables » pour apprendre la langue française et, ainsi, pouvoir travailler avec des clients francophones. Son adaptation rapide aux activités qui lui avaient été confiées démontrait « des attaches particulières dans le mode du travail en Suisse ». Il était respectueux de l'ordre juridique ; son casier judiciaire était vierge (selon extrait du 7 juillet 2014), il ne faisait pas l'objet de poursuites (selon attestation de l’office des poursuites du
3 juillet 2014) et n'avait jamais perçu l'aide sociale. Il avait su s'intégrer et comptait aujourd'hui avec l'aide et le soutien de ses employeurs et du réseau de connaissance qu'il avait développé depuis son entrée en Suisse.

Il a produit un extrait de son décompte individuel AVS, dont il ressortait qu'il avait cotisé pour cette assurance au cours du mois de mars 2001 et des quatre derniers mois de l'année 2012, ainsi que des décomptes de salaire de novembre 2012 à juin 2014 montrant des salaires nets mensuels irréguliers, compris entre CHF 1'308.- et CHF 4'309.-.

À teneur d'un certificat médical établi le 16 juillet 2014 par un médecin spécialiste FMH en gastro-entérologie, M. A______ présentait des problèmes digestifs aggravés par une situation de stress en relation avec le fait qu'il attendait depuis plusieurs années un permis de séjour alors que sa famille se trouvait au Kosovo ; il avait bénéficié d’investigation digestive et recevait un traitement médical spécifique ; « il serait hautement bénéficiable (sic) à sa santé qu'il puisse obtenir son permis B dans les meilleurs délais ».

14. Dans ses observations du 26 septembre 2014, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ ne pouvait pas se prévaloir d'un long séjour interrompu en Suisse depuis 1990. Il était au demeurant peu probable que les interruptions de séjour de plusieurs années, entre 1991 et 1997, 2001 et 2005 ainsi qu'entre 2007 et 2012 aient uniquement résulté de problèmes familiaux. De telles interruptions de séjour ne pouvaient être considérées comme « brèves » au sens de la jurisprudence.

En outre, le recourant n'avait pas expliqué en quoi ses connaissances professionnelles étaient « si spécifiques » que seule la poursuite de son séjour en Suisse lui permettrait de les mettre à profits. Il n'était également pas contesté que l'ensemble de sa famille, en particulier son épouse et ses enfants, résidait au Kosovo, pays dans lequel se trouvait ainsi le centre de ses intérêts.

Son comportement n'était pas exempt de tout reproche : de sa première arrivée en Suisse au dépôt de la demande de régularisation, il y avait séjourné et travaillé de manière illégale pendant plus de treize ans au total, contrevenant ainsi gravement aux prescriptions de police des étrangers. Même s'il ne fallait pas exagérer l'importance de ces infractions, inhérentes à la condition de tout travailleur clandestin, il n'était néanmoins pas contradictoire d'en tenir compte. Un tel comportement était d'autant plus répréhensible que le recourant avait déjà, par le passé, fait l'objet de deux IES, prononcées en 1998 et 2004.

Enfin, sa demande de permis humanitaire résultait de considérations purement économiques.

15. En octobre et décembre 2014, l'OCPM a fait droit aux demandes de l’intéressé tendant à la délivrance d'un visa de retour pour des raisons familiales afin de se rendre au Kosovo pour voir son épouse, née en 1973, souffrant de problèmes de santé, selon rapport du 16 septembre 2014 d’un médecin exerçant dans une clinique au Kosovo et rapport du 2 décembre 2014 d’un autre médecin exerçant dans une clinique en Macédoine.

16. Par jugement du 16 février 2015, notifié le lendemain à M. A______, le TAPI a rejeté le recours de celui-ci et mis un émolument de CHF 500.- à sa charge.

Dans la mesure notamment où on ne saurait admettre que l'OCPM ait fondé sa décision sur des éléments auxquels l’intéressé ne pouvait pas s'attendre, son droit d'être entendu avait été respecté par ledit office.

Il ressortait de l'ensemble des circonstances que M. A______ ne se trouvait pas dans une situation si rigoureuse ou de détresse telle que l'on ne saurait exiger de lui qu'il retourne vivre au Kosovo, de sorte que l'OCPM n'avait pas incorrectement appliqué la loi ou abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement l'octroi en sa faveur d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

L’exécution du renvoi paraissait possible, licite et raisonnablement exigible.

17. Par acte expédié le 19 mars 2015 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice, toujours sous la plume de son avocat, M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant préalablement à sa comparution personnelle, principalement à l’annulation du jugement querellé et de la décision de l’OCPM du 23 juin 2014, à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité et au renvoi du dossier en ce sens à l’office intimé, avec suite de dépens.

Il était revenu en Suisse pour échapper à l’instabilité, notamment politique, dans son pays. Il avait pu se rétablir avec une nouvelle vie à Genève. « Un départ imminent pour le Kosovo le détruirait à nouveau sur le plan psychique ». En outre, dans son pays, il n’arriverait pas à gagner sa vie pour subvenir à ses propres besoins ainsi qu’à ceux de sa famille et de son frère mineur. Au Kosovo, il n’avait pas d’attaches particulières, sauf sa nationalité.

Le fait que l’OCPM ne l’avait pas entendu lors d’un entretien et « [s’était] limité à lire ses communications sans réagir aux prétentions du recourant » constituait une violation de son droit d’être entendu. L’absence d’audition devant l’intimé et le TAPI devait être réparée par sa comparution personnelle devant le chambre administrative.

Étaient produits une demande de prise d’emploi pour ressortissant hors UE/AELE formulée le 10 juillet 2014 en sa faveur par son employeur, ainsi que des décomptes de salaire de juillet à décembre 2014.

18. Par courrier du 23 mars 2015, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

19. Dans sa réponse du 15 avril 2015, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

20. Dans sa réplique du 4 juin 2015, M. A______ a persisté dans ses conclusions et argument.

Il avait de nombreux amis et collègues après ses années passées en territoire helvétique et y était intégré, comme le démontraient les dix-sept lettres de recommandations produites en annexe.

21. Par lettre du 18 juin 2015, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -
LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3. a. Tel qu’il est garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise qui touche sa situation juridique, d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b).

En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2
p. 494 ; 129 II 497 consid. 2.2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C.58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du
27 août 2008 consid. 2b).

c. Le droit d'être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ;
ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/727/2014 du 9 septembre 2014 ; ATA/24/2014 du 14 janvier 2014 ; ATA/305/2013 du 14 mai 2013).

4. En l’occurrence, le recourant a été mis au courant par la lettre de l’OCPM du 23 janvier 2014 de ce que ce dernier avait l’intention de rejeter sa demande d’autorisation de séjour et a complété celle-ci par de nouveaux éléments de fait.

Ayant reçu de l’intéressé toutes les informations et documents pertinents à la disposition de celui-ci et suffisants pour une compréhension globale et concrète de sa situation, l’intimé était en droit de se considérer suffisamment renseigné pour rendre sa décision du 23 juin 2014. Dans ce contexte, il n’était pas tenu d’auditionner le recourant, aucun élément du dossier ne rendant nécessaire une telle audition.

Dans ces conditions, aucune violation du droit d’être entendu du recourant, que ce soit de la part de l’OCPM ou du TAPI, ne peut être retenue. Pour les mêmes motifs, une comparution personnelle de l’intéressé devant la chambre de céans n’apparaît pas utile.

5. a. Selon l’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

b. À teneur de l’art. 31 al. 1 OASA, lors de l’appréciation d’un cas d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment :

a) de l’intégration du requérant ;

b) du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant ;

c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation ;

e) de la durée de la présence en Suisse ;

f) de l’état de santé ;

g) des possibilités de réintégration dans l’État de provenance.

Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour la reconnaissance de cas individuels d'une extrême gravité.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13f de l’ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE - RS 142.20) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive
(ATF 128 II 200 ; ATA/980/2015 du 22 septembre 2015 ; ATA/815/2015 du
11 août 2015 consid. 4c et les arrêts cités). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1).

d. L’art. 30 al. 1 let. b LEtr n’a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique qu’il se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004
consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

e. Pour admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité, il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C_6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5 ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu’elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du
25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/980/2015 précité ; ATA/815/2015 précité
consid. 4d et les arrêts cités).

f. En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas d'extrême gravité car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6051/2008 et C-6098/2008 du 9 juillet 2010 consid. 6.4 ; ATA/1181/2015 du 3 novembre 2015 et les références citées).

6. En l'espèce, le recourant ne saurait se prévaloir d'une longue durée de séjour en Suisse, celui-ci ayant été interrompu par de nombreux retours dans son pays d'origine. En outre, il a résidé illégalement sur le territoire helvétique jusqu’au dépôt de sa demande d’autorisation de séjour le 17 décembre 2013, en violation non seulement de la loi, mais aussi des deux premières IES. Comme rappelé par le TAPI et conformément à la jurisprudence, ni les années passées sous le sceau de la clandestinité, ni celles accomplies à la faveur d'une simple tolérance de l’OCPM ne constituent des éléments à prendre en compte pour la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité.

Comme retenu dans le jugement attaqué, le recourant ne peut pas se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle. S’il travaille effectivement de manière stable en qualité de marbrier depuis le mois de septembre 2012, il ne s’agit pas de compétences professionnelles ou de qualifications spécifiques dont seule la poursuite de son séjour en Suisse pourrait permettre l'exploitation, quand bien même ce métier est dur physiquement.

Son intégration sociale en Suisse n’apparaît pas particulièrement importante. L’intéressé produit certes, en seconde instance et seulement au stade de sa réplique, dix-sept lettres de recommandations de connaissances, mais celles-ci ne montrent en rien en quoi concrètement il serait particulièrement intégré en Suisse, dans le canton de Genève ; ces lettres, au contenu général, sont en effet des documents préimprimés où seuls les nom et date de naissance du recourant, de même que les coordonnées et la signature des connaissances ont été ajoutés.

Rien ne permet de penser que les conditions de vie et d’existence de l’intéressé, comparées à celles applicables à l’ensemble des ressortissants kosovars, soient mises en cause de manière accrue en ce sens que le refus de le soustraire à la règlementation ordinaire d’admission comporterait pour lui de graves conséquences. Au contraire, il est fréquemment retourné au Kosovo, où il a passé la majeure partie de sa vie et où vivent son épouse, leurs quatre enfants et le frère mineur dont il allègue s’occuper. Dans ce contexte, sa demande d’autorisation de séjour apparaît motivée essentiellement par des raisons d’ordre économique. La présence de sa famille dans son pays d’origine est susceptible d’y faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5829/2009 du 29 avril 2011 consid. 6.3 ; Alain WURZBURGER, op. cit., p. 292) et de compenser les difficultés d’ordre professionnel qu’il pourrait le cas échéant rencontrer à son retour au Kosovo.

En l’absence d’une situation de détresse personnelle constituant un cas d’extrême gravité, les conditions pour que le recourant puisse bénéficier d’une autorisation de séjour fondée sur l’art. 30 al. 1 let. b LEtr ne sont pas remplies.

7. a. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEtr, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. Selon l’art. 64d al. 1 LEtr, la décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable.

b. Si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée, l’étranger doit être admis provisoirement (art. 83 al. 1 LEtr). Cette décision est prise par le SEM et peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 1 et 6 LEtr).

L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr).

Elle n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr).

Elle peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

8. Dans le cas présent, au regard des considérants énoncés plus haut, rien ne permet de considérer que l’exécution du renvoi du recourant serait impossible, illicite ou inexigible.

9. Vu ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mars 2015 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.