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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/759/2018

ATA/280/2018 du 23.03.2018 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/759/2018-FPUBL ATA/280/2018

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 mars 2018

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marco Crisante, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, né le ______ 1989, a été engagé par l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD) en qualité de stagiaire, en vue de devenir à terme agent de détention.

2) Suite à l'entrée de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50), M. A______ est passé, le 1er mars 2017, au statut d'agent de détention en formation.

3) Le 16 novembre 2017, M. A______ a été convoqué par sa hiérarchie à un entretien de service.

4) Ce dernier s'est tenu le 4 décembre 2017. Il a été reproché à M. A______ d'avoir pris des initiatives contraires à ses devoirs de service, notamment en manipulant le système de vidéosurveillance et en changeant les « scénarios » de visualisation de celle-ci sur les écrans de contrôle.

À l'issue de l'entretien, M. A______ a été informé qu'une résiliation des rapports de service était envisagée.

5) Par décision de la direction de l'OCD du 21 décembre 2017, la période probatoire de M. A______ a été prolongée de trois mois, soit jusqu'au 31 mars 2018.

Cette décision, qui mentionnait la voie et le délai de recours, n'a pas été contestée.

6) Le 15 janvier 2018, M. A______ a adressé ses observations par écrit au sujet des reproches qui lui avaient été faits lors de l'entretien de service.

7) Par décision du 29 janvier 2018, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCD a résilié les rapports de service le liant à M. A______, avec effet au 31 mars 2018.

8) Par acte posté le 2 mars 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et, sur le fond, principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que la chambre administrative ordonne sa réintégration et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

En l'absence d'une restitution de l'effet suspensif, les rapports de service cesseraient le 31 mars 2018, ou au plus tard le 30 juin 2018 si l'on tenait compte de son incapacité de travail pour cause de maladie, de sorte qu'il perdrait son droit au salaire en cours de procédure.

Cette dernière devant mener à sa réintégration au sein de l'administration, comme le prévoyait l'art. 31 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), il ne serait pas en mesure de chercher un emploi pendant la procédure, et ne pourrait dès lors pas toucher d'indemnités de chômage, alors qu'il devait contribuer à l'entretien de sa famille, étant père d'un enfant de huit mois.

Il s'agissait par ailleurs d'éviter qu'une longue absence liée à la durée de la procédure empêche sa réintégration dans de bonnes conditions. Au surplus, aucun intérêt public ou privé prépondérant ne justifiait le retrait de l'effet suspensif.

9) Le 14 mars 2018, l'OCD, soit pour lui le secrétariat général du département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DSE), a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

Il avait clairement manifesté sa volonté de ne pas poursuivre les relations de service au-delà de leur terme en déclarant la décision attaquée exécutoire nonobstant recours.

Le licenciement pour motif fondé concernait exclusivement les fonctionnaires. Dès lors, l'obligation de réintégration en cas de constat d'absence de motif fondé ne pouvait pas s'appliquer à M. A______, qui était au moment de son licenciement encore en période probatoire, cette dernière ayant été prolongée. La chambre administrative irait donc au-delà de son pouvoir de décision sur le fond en accordant la restitution de l'effet suspensif au recours.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Prima facie, le recours est recevable (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 31 al. 1 LPAC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La compétence pour ordonner, d’office ou sur requête, des mesures provisionnelles en lien avec un recours appartient au président, respectivement au vice-président, de la chambre administrative (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

3) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 LPA).

L’autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l’exécution immédiate de sa propre décision nonobstant recours, tandis que l’autorité judiciaire saisie d’un recours peut, d’office ou sur requête, restituer l’effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 3 LPA).

4) Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

5) a. L'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC et 46A du règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01).

Aux termes de l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b), la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

b. Peut recourir à la chambre administrative pour violation de la loi tout membre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés (art. 31 al. 1 LPAC). Si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne la réintégration (art. 31 al. 2 LPAC). Si elle considère que le licenciement est pour une autre raison contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 3 LPAC).

c. L'application de l'art. 31 al. 2 LPAC n’entre en considération, conformément à l’art. 21 al. 3 1ère phr. LPAC, que pour un fonctionnaire, mais non lorsque l'agent public a été licencié alors qu’il était encore employé (ATA/153/2016 du 23 février 2016 consid. 13).

6) Dans sa détermination, l’autorité intimée a expressément signifié qu’elle n’entendait pas poursuivre les relations de travail avec le recourant, par le fait qu’elle avait déclaré sa décision exécutoire nonobstant recours.

De plus, il apparaît à première vue que le recourant a été licencié alors que sa période probatoire avait été valablement prolongée, et qu'il avait donc encore le statut d'employé, et non de fonctionnaire.

Dès lors, s’il était fait droit à la demande de restitution de l’effet suspensif présentée par la recourante, la chambre de céans rendrait une décision provisoire allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond (ATA/42/2014 du 24 janvier 2014; ATA/610/2013 du 16 septembre 2013 consid. 5 ; ATA/182/2012 du 3 avril 2012 consid. 5 ; ATA/341/2009 du 21 juillet 2009 et les références citées), ce qui n'est pas envisageable.

7) La demande de restitution de l’effet suspensif sera dès lors rejetée, sans qu'il y ait lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence.

8) Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 2 mars 2018 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la détention du 29 janvier 2018 ;

vu les art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Marco Crisante, avocat du recourant ainsi qu'à l'office cantonal de la détention.

 

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :