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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3238/2013

ATA/186/2014 du 25.03.2014 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : ; RESTAURANT ; AUTORISATION D'EXPLOITER ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; BAIL À LOYER
Normes : LPA.60.al1.leta; LPA.60.al1.letb; LRDBH.5
Résumé : Faillite d'un restaurant puis reprise sans autorisation d'exploiter de la part de la gérante. La gérante n'a pas la qualité pour recourir, la décision étant dirigée contre la personne qui possède l'autorisation d'exploiter. Défaut d'un contrat de bail à loyer et pas d'autorisation de l'office des faillites pour la poursuite de l'exploitation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3238/2013-EXPLOI ATA/186/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mars 2014

1ère section

 

dans la cause

 

 

Madame A______

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1) Le 14 octobre 2009, le service du commerce (ci-après : SCom) a délivré à Madame C______ une autorisation d'exploiter le café-restaurant à l'enseigne « Le P______ » situé route de F______ ______ (ci-après : le P______), 1207 Genève, propriété de la société B______ (ci-après : la société) S.à r.l.

2) Le 19 novembre 2012, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite et la dissolution de la société.

L'extrait du registre du commerce montre que Madame A______ est associée-gérante de la société en liquidation, avec Mme C______ associée avec signature collective à deux.

3) Le 14 décembre 2012, par courrier, l'office des faillites (ci-après : l'office) a indiqué à la propriétaire de l'immeuble, Madame M______, par l'intermédiaire de sa représentante E______ conseil immobilier S.A., que l'administration de la faillite n'entendait pas entrer dans le contrat de bail et a fortiori fournir les suretés prévues en application de l'art. 266h al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

4) Le 1er février 2013, par pli recommandé rédigé par son avocat, Mme M______ a communiqué à Mme A______ l'avis de résiliation du bail des locaux du P______.

5) Le 14 mars 2013, Mme A______ a transmis au SCom une demande d’autorisation d’exploiter le P______, afin de régulariser la situation du restaurant. La société qui l’exploitait était en faillite.

L’intéressée précisait avoir obtenu de l’office la possibilité de poursuivre l’activité économique dès lors que le bail était également signé par elle-même.

6) Le 3 avril 2013, par le biais d'un avocat, Mme A______ a confirmé au SCom avoir l'autorisation de poursuivre l'activité économique du restaurant.

7) Le 15 avril 2013, l'avocat de Mme M______ s’est adressé au SCom. La propriétaire de l'immeuble avait confirmé avoir résilié le bail par courrier du 1er février 2013, aucune sûreté n'ayant été fournie. Depuis le prononcé de la faillite de la société, Mme A______ avait rencontré à réitérées reprises des retards dans le paiement des loyers. La propriétaire n’entendait aucunement conclure un nouveau bail avec elle. Une requête en évacuation devait être déposée auprès du Tribunal des baux et loyaux (ci-après : TBL).

8) Le 17 septembre 2013, le SCom a indiqué à Mme C______ qu’il envisageait de constater la caducité de l’autorisation délivrée le 14 octobre 2009. Cette dernière disposait d’un délai échéant le 1er octobre 2013 pour se déterminer par écrit.

9) Le 24 septembre 2013, Mme C______ a répondu au Scom. Mme A______ avait inscrit au registre du commerce une entreprise individuelle ayant pour but d’exploiter le P______.

Mme C______ a indiqué qu'il manquait encore à la demande d'autorisation d'exploiter déposée par Mme A______ l'accord de l'office pour exploiter le commerce et un bail commercial au nom unique de Mme A______.

10) Le 30 septembre 2013, Mme A______ a écrit au Scom. Se référant au courrier de Mme C______, elle promettait de faire parvenir le jugement de l'office confirmant l'autorisation de poursuivre l'exploitation du P______.

11) Par décision remise en mains propres à Mme C______ le 4 octobre 2013, le SCom a constaté la caducité de l’autorisation d'exploiter le P______ délivrée le 14 octobre 2009, et lui a intimé l’ordre de cesser d’exploiter l’établissement dans les trente jours à partir de la notification. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

12) Le 7 octobre 2013, le SCom a envoyé une copie de la décision à Mme A______.

13) Par courrier du 8 octobre 2013, Mme A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif. Le TBL était saisi du litige concernant le bail commercial.

14) Le 18 octobre 2013, le SCom a conclu au rejet de la requête sur effet suspensif, et s’est opposé au prononcé de toute mesure provisionnelle.

15) Par courriers des 20 et 28 octobre, ainsi que des 2 et 3 novembre 2013, Mme A______ a exercé son droit à la réplique. Elle était en négociation avec la régie du P______. Elle devait disposer du temps nécessaire à finir ces négociations afin d’obtenir un bail.

16) Le 7 novembre 2013, le SCom a envoyé un courrier supplémentaire pour signaler que le P______ continuait d’être exploité sans autorisation.

17) Le 18 novembre 2013, le président de la chambre administrative a rejeté la demande d'effet suspensif déposée par Mme A______. L'intérêt privé du bailleur et l'intérêt public au respect de la loi sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH – I 2 21) l'emportaient sur l'intérêt privé, économique, de Mme A______.

18) Mme A______ a déposé un recours auprès du Tribunal fédéral, demandant l'annulation de cette décision.

19) Le 13 janvier 2014, Mme A______ a demandé de remettre une éventuelle audience de la chambre en attente de la décision du TBL.

20) Le 16 janvier 2014, le SCom a envoyé ses observations au fond, concluant principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.

Mme A______ n'avait pas la qualité pour recourir, n'étant pas la destinataire de la décision litigieuse. Elle n'avait pas non plus déposé le recours au nom de la société, au demeurant radiée du registre du commerce.

Elle n'avait ni l'autorisation d'exploiter le P______ ni un bail commercial valable. Son recours devait donc être rejeté.

21) Le 30 janvier 2014, le TBL a condamné Mme A______ a évacuer immédiatement de sa personne, de tout tiers dont elle était responsable et de ses biens le café-restaurant d'environ 210 m2 situé au rez-de-chaussée et au 1er sous-sol de l'immeuble sis route de F______ ______ à Genève.

22) Le 22 février 2014, dans un courrier à la chambre administrative, Mme A______ a demandé d'attendre le jugement du TBL pour rendre un jugement sur le recours. Elle a en outre allégué qu'un représentant du SCom avait violé son secret de fonction.

23) Le 28 février 2014, la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable sur la demande d'effet suspensif pour défaut d'avance de frais.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce pont de vue (art. 132 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées).

b. Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de l'ancienne loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/399/2009 du 25 août 2009; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007, que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

c. L’intérêt digne de protection représente tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée. Cet intérêt consiste donc dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Cet intérêt doit être direct et concret ; en particulier, le recourant doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d’être pris en considération. Il doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que l’ensemble des administrés. Le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou d’un tiers est exclu (ATF 138 II 162, consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013; F. BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 43).

d. L'intérêt doit être direct et concret ; en particulier, la personne doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération, respectivement qu'elle soit touchée avec une intensité supérieure que les autres personnes, ce qui doit être examiné en rapport avec les circonstances concrètes (ATF 133 II 468 consid. 1 ; ATF 133 V 188 consid. 4.3.1 ; ATF 124 II 499 consid. 3b ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4). Tel n'est pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 130 V 202 consid. 3 ; 133 V 188 consid. 4.3.1). D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers désire recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ni leur impose des obligations (F. BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative, in : T. TANQUEREL/F. BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 43 ss).

3) En l'espèce, Mme A______ n'est pas la destinataire de la décision litigieuse, laquelle constate la caducité de l'autorisation d'exploiter délivrée à Mme C______.

L'intérêt de la recourante à l'admission du recours est au plus indirect : dans cette hypothèse, la recourante pourrait continuer à œuvrer pour le P______, pour le compte de l'exploitante, dans la mesure où l'établissement disposerait des locaux nécessaires, ce qui n'est plus le cas.

Le recours, en ce qu'il conclut à l'annulation de la décision du 14 décembre 2012, est dès lors irrecevable faute de qualité pour agir.

4) Le Scom n'ayant pas formellement statué sur la demande d'autorisation d'exploiter le P______ déposée par Mme A______ le 14 mars 2013, le recours pourrait viser le silence, voire le refus implicite, de l'autorité.

L'exploitation d'un établissement de débit de boisson ou de restauration est soumise à autorisation (art. 1 let. a et art. 4 al. 1 LRDBH). L'autorisation d'exploiter est délivrée aux conditions de l'art. 5 LRDBH. L'exploitant doit notamment être désigné par le propriétaire de l'établissement comme gérant (art. 5 al. 1 let. f LRDBH) et disposer de l'accord du bailleur (art. 5 al. 1 let. g LRRDBH).

En l'espèce, le bailleur n'a pas souhaité prolonger le bail commercial des locaux du P______ après le 15 février 2013. Le 30 janvier 2014, le TBL a condamné Mme A______ à évacuer immédiatement les locaux du P______ situés route de F______ ______. L'intéressée n'a jamais démontré que l'office avait autorisé la continuation de l'exploitation du café-restaurant. L'intéressée n'a pas de local pour exploiter un café-restaurant. Dès lors, le SCom ne pouvait lui délivrer une autorisation d'exploiter le café-restaurant « Le P______ ».

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté en tant qu'il est recevable. Vu cette issue, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 9 octobre 2013 par Madame A______ contre la décision du service du commerce du 4 octobre 2013;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi;

communique le présent arrêt à Madame A______, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :