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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1595/2019

ATA/548/2021 du 25.05.2021 sur ATA/1812/2019 ( MARPU ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;PROCÉDURE D'ADJUDICATION;ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);ILLICÉITÉ;DOMMAGES-INTÉRÊTS;REMBOURSEMENT DE FRAIS(SENS GÉNÉRAL);INTÉRÊT MORATOIRE
Normes : AIMP.18.al2; L-AIMP.3.al3; LMP.34.al2
Parties : CONNEXXION SARL / HOSPICE GENERAL, CROIX-ROUGE GENEVOISE
Résumé : Examen des frais engagés dans la procédure de soumission par la recourante à la suite du constat de l’illicéité de l’adjudication. Admission partielle du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1595/2019-MARPU ATA/548/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

 

dans la cause

 

CONNEXXION SÀRL
représentée par Me Enis Daci, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me Bertrand Reich, avocat

et

CROIX-ROUGE GENEVOISE, ASSOCIATION CANTONALE DE LA
CROIX-ROUGE SUISSE

représentée par Me Soile Santamaria, avocate

 


_____________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2019 (ATA/1812/2019)


EN FAIT

1) Le 11 janvier 2019, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a publié un appel d'offres pour un marché public en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, pour les « prestations d'interprétariat en milieu social » (ci-après : le marché), le délai de dépôt des offres étant fixé au 22 février 2019 à 17h00.

2) Le 21 février 2019, l'hospice a reçu l'offre de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse (ci-après : CRG), association inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève et dont le but statutaire est d'accomplir des tâches humanitaires selon les principes fondamentaux de la Croix-Rouge en particulier sur le territoire cantonal, pour une offre de base, toutes taxes comprises (ci-après : TTC), de CHF 84.- par heure la première heure.

3) Le 22 février 2019, l'hospice a également reçu l'offre de Connexxion Sàrl (ci-après : Connexxion), société à responsabilité limitée inscrite au RC du canton de Vaud, ayant son siège à Lausanne et pour but statutaire la fourniture de services de traduction et d'interprétariat, pour une offre de base, TTC, de CHF 77.- par heure la première heure.

4) Par décision du 5 avril 2019, l'hospice a informé Connexxion de l'adjudication du marché en faveur de la CRG et du classement de son offre au deuxième rang, sur les deux offres évaluées.

5) Par acte expédié le 18 avril 2019, Connexxion a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à la production d'un certain nombre de pièces, principalement à l'annulation de ladite décision et à l'adjudication du marché en sa faveur, subsidiairement à la constatation du caractère illicite de l'adjudication, à l'octroi d'un délai adéquat pour quantifier et motiver sa prétention en réparation du dommage et à son indemnisation pour le dommage subi.

6) Par décision du 21 octobre 2019, la présidence de la chambre administrative a refusé d'accorder l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

7) Le 14 novembre 2019, l'hospice et la CRG ont conclu le contrat d'exécution de l'offre portant sur le marché, ce dont l'hospice a informé la chambre administrative le 29 novembre 2019.

8) Connexxion a recouru contre la décision sur effet suspensif du 21 octobre 2019 auprès du Tribunal fédéral, lequel a, par ordonnances des 22 novembre et 4 décembre 2019 (2D_63/2019), accordé l'effet suspensif au recours, en ce sens que l'hospice n'était autorisé à conclure qu'un contrat à titre précaire, renouvelable de mois en mois, avec le prestataire actuel, la CRG, jusqu'à droit connu sur ledit recours.

9) Par arrêt du 19 décembre 2019 (ATA/1812/2019), la chambre administrative a rejeté le recours de Connexxion, mis à la charge de celle-ci un émolument de CHF 1'700.- et alloué une indemnité de procédure de CHF 1'700.- à la CRG et à l'hospice, pris solidairement, à la charge de Connexxion.

10) Par ordonnance du 21 janvier 2020, le Tribunal fédéral a rayé la cause 2C_63/2019 du rôle, dès lors qu'elle était devenue sans objet à la suite de l'arrêt de la chambre administrative du 19 décembre 2019. Il a mis les frais judiciaires, arrêtés à CHF 2'500.-, à la charge de Connexxion, laquelle a été condamnée à verser en faveur de la CRG un montant de CHF 1'500.- à titre de dépens.

11) Connexxion a recouru auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre administrative du 19 décembre 2019.

12) Par arrêt du 20 novembre 2020 (2D_6/2020), le Tribunal fédéral a admis, dans la mesure de sa recevabilité, le recours de Connexxion, constaté l'« illicéité » de l'arrêt entrepris et renvoyé la cause à la chambre administrative afin qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais et dépens dans la procédure antérieure. Il a mis les frais judiciaires, arrêtés à CHF 2'500.-, par moitié à la charge de l'hospice et par moitié à la charge de la CRG, pris solidairement, et condamné, par moitié et solidairement, l'hospice et la CRG à verser à Connexxion la somme de CHF 2'500.- à titre de dépens pour la procédure fédérale.

La chambre administrative avait fait une application arbitraire du droit des marchés publics en considérant que la CRG n'avait pas d'emblée à être écartée du marché. Dans la mesure où le contrat avait été conclu, l'arrêt entrepris ne pouvait être annulé et seul son caractère illicite pouvait être constaté, si bien que les conclusions subsidiaires de Connexxion visant à obtenir des dommages-intérêts étaient irrecevables. Une telle demande, qui sortait de l'objet de la contestation, ne pouvait être présentée que dans un deuxième temps et était limitée aux dommages-intérêts négatifs, soit aux dépenses subies en relation avec les procédures de soumission et de recours. La cause était ainsi renvoyée à la chambre administrative pour qu'elle procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure s'étant déroulée devant elle.

13) Le 1er décembre 2020, la chambre administrative a interpellé les parties sur la suite à donner à cet arrêt.

14) Le 15 décembre 2020, l'hospice a conclu à ce qu'une indemnité de procédure de CHF 1'700.- soit allouée à Connexxion, à sa charge ainsi qu'à celle de la CRG, solidairement, et qu'un émolument d'un même montant soit également mis à sa charge, ainsi qu'à celle de la CRG, solidairement.

15) Le 11 janvier 2021, la CRG a fait savoir qu'elle n'avait pas d'observations à faire valoir au sujet de l'arrêt du Tribunal fédéral.

16) Le 25 janvier 2021, Connexxion a conclu à l'octroi d'un montant total de CHF 111'464.50, avec intérêts, en sa faveur, à la charge solidaire de l'hospice et de la CRG.

Dès lors que le Tribunal fédéral avait constaté l'illicéité de l'arrêt rendu par la chambre administrative, elle était légitimée à demander la réparation des postes suivants :

- CHF 8'400.-, avec intérêts à 5 % dès le 22 février 2019, à titre de frais engagés dans la procédure de soumission et correspondant à l'élaboration de son offre par son associé gérant et son directeur, lesquels avaient consacré à cette tâche une semaine de travail, soit quarante-deux heures chacun, au tarif horaire de CHF 100.- ;

- CHF 3'800.-, avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2020, à titre d'avance de frais de justice, soit CHF 1'300.- pour la cause n° A/1595/2019 et CHF 2'500.- pour la cause n° 2D_63/2019 ;

- CHF 20'000.-, avec intérêts à 5 % dès le 20 novembre 2020, au titre du temps consacré par son associé gérant et son directeur au choix de l'étude d'avocats, aux échanges avec cette dernière et à l'étude des documents produits par celle-ci, à raison de deux cent heures au tarif horaire de CHF 100.- ;

- CHF 18'809.80, avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2020, à titre de frais d'avocat pour la cause n° A/1595/2019 ;

- CHF 58'901.-, avec intérêts à 5 % dès le 20 novembre 2020, à titre de frais et honoraires d'avocat pour la procédure devant le Tribunal fédéral dans les causes nos 2D_63/2019 et 2D_6/2020 ;

- CHF 1'553.05, avec intérêts à 5 % dès le 25 janvier 2021, à titre d'honoraires d'avocat pour la rédaction des conclusions en indemnisation du
25 janvier 2021.

17) Le 19 février 2021, en réponse, l'hospice a conclu à la réforme de l'arrêt de la chambre administrative du 17 décembre 2019 uniquement en tant qu'il statuait sur les frais et dépens de la procédure cantonale, à l'octroi d'une indemnité de CHF 1'700.- à Connexxion à titre de « dépens », à sa charge ainsi qu'à celle de la CRG, solidairement, et à ce qu'aucun émolument ne soit mis à sa charge.

L'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral faisait obstacle à une saisine systématique et automatique de la chambre administrative au sujet de l'indemnisation sollicitée par Connexxion, qui devait faire valoir ses prétentions en procédure non contentieuse avant de les présenter devant l'autorité judiciaire.

S'agissant des montants demandés, le temps passé par les cadres de Connexxion à l'élaboration de son offre était plausible, de même que le tarif appliqué, si bien qu'il acceptait le montant de CHF 8'400.- réclamé à ce titre. Il en allait de même du remboursement de l'avance de frais pour la procédure cantonale, à l'exception de la procédure fédérale, y compris pour les honoraires d'avocat demandés, puisque ladite procédure s'était révélée inutile pour la cause n° 2D_63/2019. Il s'en rapportait toutefois à l'appréciation de la chambre administrative s'agissant de la cause n° 2D_6/2020, de même que des prétentions de Connexxion pour la rédaction de ses déterminations sur indemnisation du 25 janvier 2021. Le poste consacré à la procédure judiciaire par les cadres de Connexxion était excessif, s'agissant de l'emploi de deux personnes, familiarisées avec le marché en cause, qui apparaissaient avoir effectué le travail à double, étant précisé que son propre conseil avait consacré quatre-vingt-une heures d'activité au dossier entre avril 2019 et décembre 2020. Pour ce poste, il convenait ainsi de retenir une durée de trente heures d'activité pour lesdits cadres. Il ne remettait toutefois pas en cause l'activité du conseil de Connexxion pour la procédure cantonale, même si certains des postes facturés paraissaient discutables. Enfin, les intérêts moratoires n'étaient dus qu'à compter du dépôt des conclusions en indemnisation, soit en l'occurrence dès le 25 janvier 2021.

18) Par courrier daté du 22 janvier (recte : février) 2021, la CRG a conclu à l'octroi de « frais et dépens » en sa faveur, à la charge de Connexxion.

Dès lors qu'elle devait faire l'objet d'une procédure séparée, une éventuelle demande d'indemnisation présentée par Connexxion était, dans le cadre de l'arrêt de renvoi, irrecevable. À cela s'ajoutait que Connexxion se trompait sur les personnes visées par sa demande, qui ne pouvait être dirigée que contre l'autorité adjudicatrice, en l'occurrence l'hospice. Connexxion ne pouvait ainsi former des prétentions à son encontre mais devait, au contraire, être condamnée à lui verser des « frais et dépens », puisqu'elle l'avait attrait à tort dans un pan du litige qui ne la concernait pas.

19) Le 24 février 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours a déjà été admise par arrêt de la chambre de céans du 17 décembre 2019, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

2) a. Le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 20 novembre 2020 (2D_6/2020).

En application du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès. La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées ; ATA/24/2021 du 12 janvier 2021 consid. 2).

b. En l'espèce, l'hospice a conclu le contrat avec la CRG. Le Tribunal fédéral en a pris acte, a admis le recours de Connexxion et, se référant à l'art. 18 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP -
L 6 05), retenu le caractère illicite de l'arrêt entrepris. Le présent recours sera par conséquent partiellement admis et l'illicéité de la décision d'adjudication du
5 avril 2019 sera constatée.

Il reste ainsi à examiner le bien-fondé des prétentions élevées par la recourante, le Tribunal fédéral ayant renvoyé la cause à la chambre de céans afin qu'elle procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle. Dans ce cadre, la recourante ne saurait prétendre au remboursement des frais et honoraires encourus devant le Tribunal fédéral dans les causes n° 2D_63/2019 et 2D_6/2020, pas plus qu'au remboursement de l'avance de frais dans la cause n° 2D_63/2019, postes qui outrepassent le cadre de l'arrêt de renvoi. Les conclusions prises à ce titre sont dès lors d'emblée irrecevables.

Le litige se limite ainsi à l'examen des frais engagés dans la procédure de soumission, aux frais de justice et aux honoraires et frais d'avocat pour la cause n° A/1595/2019, au temps consacré par la recourante à l'examen du dossier et à la question des intérêts moratoires en lien avec ces postes.

3) a. Selon l'art. 15 al. 1 AIMP, les décisions de l'adjudicateur peuvent faire l'objet d'un recours auprès d'une autorité juridictionnelle cantonale, qui statue de manière définitive. À Genève, la chambre administrative est l'autorité judiciaire compétente au sens de cette disposition pour statuer sur recours contre les décisions de l'adjudicateur (art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'AIMP du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0).

b. Une fois le caractère illicite de la décision constaté, le recourant peut demander devant l'autorité compétente la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu'il a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours. Le cas échéant, la chambre administrative donne un délai au recourant permettant à celui-ci de quantifier et de motiver sa prétention (art. 3
al. 3 L-AIMP).

c. Par dépenses « subies en relation avec les procédures de soumission et de recours » au sens de l'art. 3 al. 3 L-AIMP, le législateur visait les dépenses exposées par le soumissionnaire lésé ; les dépenses inutiles ou superflues, engagées par ce dernier du fait d'une mauvaise gestion ou de circonstances exorbitantes auxdites procédures, en étaient exclues (ATA/437/2019 du 16 avril 2019 consid. 9b et les références citées). Du point de vue du droit de la responsabilité, il n'est en effet pas possible d'imputer à l'auteur du dommage - fût-ce une collectivité publique - une lésion qui ne se serait pas produite en présence d'une gestion normale et régulière de la société. Cette condition découle du principe de causalité adéquate qui exige qu'il existe un rapport raisonnable entre le dommage subi et l'illicéité de la décision (ATF 131 III 12 consid. 4 et les références citées).

d. La L-AIMP est calquée, de ce point de vue, sur la loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994 (LMP - RS 172.056.1) qui prévoit, à son art. 34 al. 2, une limitation de la responsabilité aux dépenses « nécessaires » engagées par le soumissionnaire en relation avec les procédures d'adjudication et de recours. Plus explicitement que dans la loi cantonale, mais de la même manière, la LMP exclut les dépenses subies par le soumissionnaire lésé qui sortent du cadre des dépenses ordinaires consenties par une société régulièrement administrée (ATA/437/2019 précité consid. 9c et les références citées). La réparation des frais relatifs à la procédure de recours au titre de la responsabilité spéciale en matière de marchés publics couvre la différence entre les frais encourus à ce titre et ceux couverts par les dépens. La couverture va au-delà des règles ordinaires en matière de responsabilité de l'État (Evelyne CLERC, L'ouverture des marchés publics : effectivité et protection juridique, 1997,
p. 614).

e. Selon la jurisprudence de la juridiction de céans, le dommage que peut donc réclamer un recourant en se fondant sur l'art. 3 al. 3 L-AIMP est limité à la réparation des impenses engagées dans la procédure de soumission, y inclus le remboursement de ses frais d'avocat, à défaut de la réparation du gain manqué, voire d'autres indemnités susceptibles d'être réclamées en raison notamment de la conclusion anticipée du contrat (ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 12c) ou de l'interruption de la procédure d'adjudication. Le montant du dommage subi, les frais allégués à ce titre par le recourant doivent être en lien avec la procédure, conformément au principe du lien de causalité (ATA/1355/2018 du 18 décembre 2018 consid. 9d et les références citées).

4) Selon la jurisprudence, l'État et les administrés sont tenus de payer des intérêts moratoires de 5 % lorsqu'ils sont en demeure d'exécuter une obligation pécuniaire de droit public. Il s'agit là d'un principe général du droit, non écrit, auquel la loi peut certes déroger, mais qui prévaut lorsque celle-ci ne prévoit rien, comme c'est le cas en l'espèce (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; 1C_524/2014 du 24 février 2016 consid. 10.1). La mise en demeure intervient le jour où le lésé demande le paiement de son dommage (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 15).

5) a. En l'espèce, l'hospice, de même que la CRG, ne sauraient être suivis lorsqu'ils affirment que les prétentions de la recourante devaient préalablement être présentées à l'autorité adjudicatrice, avant de faire l'objet d'une procédure judiciaire. Il ressort en effet de la lettre claire de l'art. 3 L-AIMP que la chambre de céans, soit l'autorité judiciaire compétente au sens de l'art. 15 al. 1 AIMP, après avoir constaté l'illicéité de l'adjudication, statue directement sur les prétentions en réparation du dommage formulées par le recourant, étant précisé que l'hospice, ainsi que la CRG, ont pu se déterminer au sujet des prétentions financières élevées par l'intéressée. L'arrêt du Tribunal fédéral du 20 novembre 2020 ne va d'ailleurs pas dans un autre sens lorsqu'il renvoie la cause à la chambre de céans pour qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais et dépens de la procédure antérieure.

b. La recourante affirme en premier lieu avoir engagé un montant de CHF 8'400.-, correspondant à quarante-deux heures de travail au tarif horaire de CHF 100.- pour chacun de ses deux cadres dirigeants, pour l'établissement de sa soumission. Ce montant n'est pas discuté par l'hospice et paraît raisonnable au regard de l'importance de la procédure d'adjudication, si bien qu'il sera admis à titre de réparation des impenses engagées par la recourante en vue de la préparation de sa soumission.

La recourante expose également avoir encouru CHF 18'809.80 de frais et honoraires d'avocat pour la cause n° A/1595/2019, montant auquel s'ajoutent CHF 1'553.05 pour la même procédure, à la suite du renvoi de la cause à la chambre de céans par le Tribunal fédéral. L'hospice ne conteste pas non plus le premier de ces montants et s'en rapporte à l'appréciation de la chambre de céans s'agissant du deuxième. Compte tenu du volume de travail que le contentieux a généré pour son conseil et du tarif horaire appliqué par celui-ci, qui correspond au tarif usuel pratiqué par les avocats à Genève, ces postes de la demande d'indemnisation seront aussi admis, seul devant en être déduit le montant de l'indemnité de procédure à l'octroi de laquelle la recourante a conclu (ATA/437/2019 précité consid. 9e).

Tel ne sera toutefois pas le cas du montant de CHF 20'000.- réclamé par la recourante au titre du temps consacré par ses cadres dirigeants au choix de l'étude d'avocats, aux échanges avec cette dernière et à l'étude des documents produits par celle-ci, montant correspondant, pour chacun desdits cadres, à cent heures de travail au tarif horaire de CHF 100.-. Si ce dernier tarif peut être admis, comme précédemment indiqué, il n'en va pas de même du temps consacré à ce poste, comme l'a, à juste titre, relevé l'hospice, qui paraît disproportionné, notamment au regard du nombre d'intervenants dans le dossier et de la connaissance approfondie de la recourante du marché. Le travail fourni sera ainsi évalué en équité à CHF 5'000.-, correspondant à cinquante heures au tarif horaire de CHF 100.-, et ce pour l'ensemble des cadres dirigeants intervenus pour ce poste.

c. S'agissant des intérêts moratoires, à 5 %, il ressort de la jurisprudence que la mise en demeure intervient le jour où le lésé demande le paiement de son dommage, date qui correspond en l'occurrence à celle du dépôt des conclusions en indemnisation formées par la recourante, soit au 25 janvier 2021 (ATA/476/2015 précité consid. 15).

d. Enfin, l'on ne voit pas pour quel motif la CRG serait solidairement condamnée au paiement des prétentions en indemnisation de la recourante, dès lors que la décision litigieuse émane de l'hospice. La CRG ne saurait pour autant prétendre à des « dépens », comme elle semble y conclure, dès lors qu'elle n'obtient pas gain de cause dans la présente procédure.

6) Il s'ensuit que le recours sera partiellement admis et l'illicéité de l'adjudication constatée.

Aucun émolument ne sera mis à la charge de l'hospice, qui en est dispensé par la loi (art. 87 al. 1 LPA de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/914/2018 du 11 septembre 2018 consid. 10). La CRG, qui succombe partiellement, sera quant à elle astreinte à un émolument, réduit, de CHF 500.- (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de l'hospice, et une autre indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la CRG (art. 87 al. 2 LPA).

Le montant total de l'indemnité de procédure étant de CHF 2'500.-, le solde de l'indemnité à titre de dommages-intérêts se monte à CHF 31'262.85 (soit le montant de CHF 33'762.85 [obtenu par l'addition des montants retenus de CHF 8'400.-, CHF 18'809.80, CHF 1'553.05 et CHF 5'000.-] dont est soustrait celui de CHF 2'500.-), à la charge de l'hospice, et ce avec intérêts moratoires à 5 % dès le 25 janvier 2021.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2019 par Connexxion Sàrl contre la décision d'adjudication de l'Hospice général du 5 avril 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate l'illicéité de la décision d'adjudication de l'Hospice général du 5 avril 2019 ;

condamne l'Hospice général à verser une indemnité de CHF 31'262.85, avec intérêts moratoires à 5 % dès le 25 janvier 2021, à Connexxion Sàrl ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à Connexxion Sàrl, à la charge de l'Hospice général ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Connexxion Sàrl, à la charge de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Enis Daci, avocat de Connexxion Sàrl, à Me Bertrand Reich, avocat de l'Hospice général, à Me Soile Santamaria, avocate de la Croix-Rouge genevoise, Association cantonale de la Croix-Rouge suisse, ainsi qu'à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :