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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/357/2023

ATA/199/2023 du 03.03.2023 sur JTAPI/156/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/357/2023-MC ATA/199/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mars 2023

en section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Pierluca Degni, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2023 (JTAPI/156/2023)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1972 est originaire d'B______.

Il est également connu sous de nombreux alias, parmi lesquels C______, né le ______ 1972, originaire d'B______.

2) À teneur de l'extrait de son casier judiciaire, il été condamné à huit reprises, essentiellement pour vol (art. 139 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), notamment les 26 mars 2015, 18 juillet 2018 et 22 septembre 2021 par le Tribunal de police de Genève, et les 24 novembre 2016 et 9 septembre 2017 par le Ministère public.

3) Par décision de non-entrée en matière du 2 octobre 1998, l'office fédéral des étrangers, devenu entre-temps le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), a rejeté la demande d'asile formée le 26 mai 1998 par M. A______ et ordonné son renvoi de Suisse.

4) Le 1er novembre 2002, M. A______ s'est marié, à Genève, avec Mme D______, née E______ le ______ 1968 à F______ (G______), de nationalité H______ et au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse.

5) De cette union est issu un enfant, I______, né le ______ 2004.

6) Par décision prenant effet au 1er novembre 2002, l'office cantonal de la population. devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), a délivré une autorisation de séjour à M. A______, valable jusqu'au 31 octobre 2003, en vue de regroupement familial.

7) Interpellé le 9 décembre 2002 dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, M. A______ a déclaré à la police s'appeler C______ et être célibataire, sans charge de famille.

8) Le 10 décembre 2002, M. A______, sous son alias de C______, s'est vu notifier par l’officier de police une décision d'interdiction de pénétrer sur la totalité du territoire genevois pour une durée de six mois.

9) Entendu par l'OCPM le 17 décembre 2002, M. A______ a notamment affirmé n'avoir jamais déposé de demande d'asile en Suisse.

10) Le 26 janvier 2003, M. A______ a été interpellé une nouvelle fois par la police, laquelle a pu établir le lien entre sa réelle identité et son alias de C______.

11) Par décision exécutoire nonobstant recours du 20 février 2003 notifiée à son destinataire le 26 février 2003, l'OCPM, compte tenu des fausses affirmations formulées dans sa demande de délivrance d'un permis de séjour et de ses condamnations judiciaires, a révoqué l’autorisation de séjour de M. A______, les services de police étant en outre mandatés pour exécuter sans délai son renvoi de Suisse.

12) Le 3 mars 2003, M. A______ a sollicité l'octroi d’une autorisation de séjour avec autorisation d'exercer une activité lucrative.

13) M. A______ a déposé une nouvelle demande d'autorisation de séjour en date du 1er mars 2004.

14) Par décision du 9 mars 2004, expédiée aux parties le 1er juin 2004, la Commission cantonale de recours de police des étrangers (ci-après : CCRPE) a rejeté le recours formé en date du 21 mars 2003 par M. A______ contre la décision de l'OCPM du 20 février 2003.

15) Par arrêt du 7 avril 2005, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé le 2 juillet 2004 par M. A______ contre la décision de la CCRPE du 9 mars 2004.

16) Par courrier du 26 avril 2005, notifié le 29 avril 2005, l'OCPM a imparti à M. A______ un délai au 30 juin 2005 pour quitter la Suisse.

17) Le 6 mai 2005, le SEM a étendu à l'ensemble du territoire suisse la décision de renvoi prise par l'OCP à l'encontre de M. A______.

18) M. A______ a déposé une nouvelle demande de renouvellement de son autorisation de séjour en date du 15 mai 2006.

19) Le 23 août 2006, les services de police ont en vain tenté de procéder au refoulement de Suisse en B______ de M. A______, ce dernier ayant refusé de monter à bord de l'avion devant le ramener dans son pays.

20) Le 4 octobre 2006, M. A______, invoquant la nationalité suisse récemment acquise par son épouse et leur fils, a sollicité l'OCPM de reconsidérer sa décision du 20 février 2003 ordonnant son renvoi du pays.

21) Par décision portant la date erronée du 28 février 2006 et reçue par son destinataire le 26 octobre 2006, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération.

22) Par arrêt du 26 janvier 2007, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par M. A______ à l'encontre de la décision de la CCRPE du 5 décembre 2006 déclarant irrecevable son recours déposé contre la décision de l'OCPM datée du 28 février 2006.

23) M. A______ a été contrôlé le 6 août 2007 alors qu'il effectuait illégalement le transport professionnel de personnes.

24) Par acte daté du 24 novembre 2008, Mme A______ a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande de divorce à l'encontre de M. A______.

25) Le 29 avril 2009, Mme A______ a déposé auprès de la police une plainte pénale contre M. A______ pour menaces d'enlèvement de leur fils I______.

26) Entendu par l'OCPM le 20 avril 2010, M. A______ a déclaré, notamment, qu'il ne possédait pas de passeport et ne quitterait pas la Suisse, où il travaillait au noir.

27) Le 15 juin 2010, l'OCPM a requis les services de police de procéder au renvoi de M. A______, celui-ci n'ayant pas finalisé son départ de Suisse.

28) Le 4 novembre 2010, M. A______ a sollicité de l'OCPM la reconsidération de sa décision lui refusant le renouvellement de son autorisation de séjour.

29) Le 5 mai 2011, M. A______, indiquant pour toute adresse « poste restante Mont-Blanc 1211 Genève 1 », a déposé une nouvelle demande d'octroi d’autorisation de séjour avec autorisation d'exercer une activité lucrative.

30) Par acte daté du 23 mai 2011, les services de police ont informé l'OCPM que M. A______ n'avait pas répondu aux convocations qui lui avaient été adressées et demeurait introuvable malgré leurs recherches.

31) Le 31 mai 2011, l'OCPM a répondu à l'employeur indiqué dans la demande d'autorisation de séjour déposée le 5 mai 2011 par M. A______ qu'il ne pouvait donner une suite favorable à cette requête.

32) Par jugement du 20 septembre 2011 entré en force le 29 octobre 2011, le Tribunal de première instance de Genève a dissous le mariage contracté à Genève le 1er novembre 2002 par M. A______ et Mme A______, née E______.

33) M. A______ a été contrôlé le 23 avril 2012 par les gardes-frontière et s'est avéré porteur d'un passeport B______ en cours de validité et émis le 18 mars 2009.

34) M. A______ a été interpellé par les services de police le 14 janvier 2013 et, par ordre de l'officier de police du même jour, placé en détention administrative pour une durée de trois mois.

35) Les démarches en vue de l'exécution du renvoi de M. A______ hors de Suisse ont été immédiatement entreprises et ont abouti à la réservation d'une place à bord d'un avion à destination de l'B______ le 24 janvier 2013.

36) M. A______ fait l'objet d'une décision des autorités allemandes du 7 juin 2008 lui interdisant l'entrée dans l'espace Schengen jusqu'au 7 mai 2014.

37) Par jugement du 17 janvier 2013, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé l'ordre de mise en détention administrative prononcé à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 14 avril 2013.

38) Le 24 janvier 2013, M. A______ s'est opposé à son renvoi vers l'B______ prévu par vol de ligne.

39) Par arrêt du 6 février 2013, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre le jugement du TAPI du 17 janvier 2013.

40) Le 25 mars 2013, M. A______ s'est opposé une nouvelle fois à son renvoi à destination de l'B______ prévu par vol de ligne avec escorte policière.

41) Le 3 avril 2013, un nouvel ordre de mise en détention administrative, basé sur l'art. 78 LEI, a été prononcé par l'officier de police pour une durée d'un mois à l'encontre de M. A______.

42) Le 25 avril 2013, M. A______ a été libéré de détention administrative.

43) Le 25 mai 2019, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrer en Suisse prononcée le 22 mai 2019 par le SEM et valable jusqu'au 21 mars 2022.

44) Le 7 avril 2022, il a été interpellé par les services de police lors de son entrée en Suisse au passage frontière de J______, démuni de tout document d'identité. Il a été constaté qu’il faisait par ailleurs l'objet de deux parutions RIPOL pour des mandats d'arrêt.

45) Prévenu d'infraction à la LEI, M. A______ a été mis par le commissaire de police à disposition du Ministère public, lequel l'a condamné par ordonnance pénale.

M. A______ a ensuite été écroué en raison de mandats dont il faisait l'objet.

46) Par jugement du 31 août 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de M. A______.

47) Le 13 octobre 2022, l’OCPM a mandaté les services de police afin d'exécuter le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine.

48) Libéré le même jour, ce dernier a été remis entre les mains des services de police.

49) Le 15 novembre 2022, à 16h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, fondant cette décision sur le fait que celui-ci avait été condamné pour vol, soit une infraction constitutive de crime, à plusieurs reprises depuis sa dernière détention administrative. Cette décision indiquait par ailleurs qu’il était inscrit aux auditions consulaires (counselling) prévues le 21 décembre 2022 en vue de la délivrance d'un laissez-passer.

50) Entendu dans ce cadre, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en B______.

51) Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au TAPI le même jour.

52) Entendu le 17 novembre 2022 par le TAPI, M. A______ a indiqué, s’agissant de son arrestation à la douane de J______, qu'il n'avait en réalité jamais quitté la Suisse. Ce jour-là, il s'était simplement rendu dans une boucherie à J______ car c'était la période de Ramadan et par ailleurs, il avait dû exécuter une détention pénale de six mois en lien avec une ancienne condamnation contre laquelle il avait fait opposition, sans qu'il ne reçoive jamais aucune décision suite à cette opposition.

Son conseil a indiqué qu'il ne lui était pas possible de se prononcer sur ce qui venait d’être indiqué car elle n'avait pas reçu ni les jugements ni les ordonnances pénales prononcés à son encontre.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à ce que la durée de la détention soit réduite à six semaines soit au maximum jusqu'au 28 décembre 2022. Dans le cadre de sa plaidoirie, le conseil de M. A______ a indiqué que ce dernier souffrait de différentes maladies, notamment d'un diabète de type 2 en raison duquel un rendez-vous médical aurait lieu le 29 novembre 2022.

53) Par jugement du 17 novembre 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du 15 novembre 2022, soit jusqu'au 14 février 2023 inclus.

54) Le 21 décembre 2022, le SEM a informé l’OCPM de ce que lors des auditions consulaires avec l'B______ du même jour, M. A______ avait affirmé avoir un enfant en Suisse. Pour cette raison et dans l'attente d'une preuve confirmant cette information, les autorités B______ n’avaient pas délivré de laissez-passer et continuaient à examiner le dossier.

55) Le 31 janvier 2023, le SEM a informé l’OCPM de ce qu’il était toujours dans l'attente d'une réponse du consulat d’B______ concernant le dossier de M. A______. Il relevait que, dans les cas où un enfant était impliqué, plusieurs mois pouvaient se passer avant que les autorités B______ ne prennent une décision. Il informerait toutefois l’OCPM dès qu'une décision serait prise.

56) Par requête motivée du 2 février 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

57) Devant le TAPI, lors de l'audience du 7 février 2022, M. A______ a déclaré n'avoir pas d'éléments nouveaux à communiquer depuis son audition du 17 novembre 2022. Il était désormais détenu administrativement à K______, ce qui ne permettait plus à sa famille et notamment à son fils de venir lui rendre visite. Il avait effectivement indiqué aux autorités consulaires B______, lors de son audition du 21 décembre 2022, qu'il avait un fils de dix-neuf ans. Il n'entendait pas demander de laissez-passer aux autorités B______ car il ne souhaitait pas être séparé de son fils. Il avait fait sa vie en Suisse et s'opposait à son renvoi en B______. Avant sa détention administrative, il vivait à la Jonction. Une amie lui avait sous-loué une chambre. Son ex-femme vivait à Genève et était disposée à le loger chez elle s'il était remis en liberté. Il n'avait pas d'attestation le confirmant, mais son ex-femme pourrait le confirmer au TAPI si besoin.

La représentante de l'OCPM a indiqué que, renseignement pris la veille auprès du SEM, ce dernier était toujours dans l'attente d'une réponse des autorités B______. Si M. A______ demandait un laissez-passer aux autorités B______, il pourrait l'obtenir à bref délai. M. A______ avait été transféré à K______ conformément à un accord intercantonal passé entre Genève et K______ en cas de manque de places de détention. Il n'y avait pas de critères pour ce type de transfert, mais l'OCPM privilégiait le transfert de personnes dont le renvoi n'était pas envisageable dans l'immédiat. Dès l'obtention de l'accord sur le principe de la délivrance d'un laissez-passer par les autorités B______, un vol avec escorte policière pourrait être réservé, un délai de quatre semaines étant toutefois nécessaire pour ce faire. Le retour de M. A______ au centre de détention de Frambois n'était pas envisagé à brève échéance, à sa connaissance. Au vu du dossier de l'intéressé, seule sa détention administrative était envisageable dans l'attente de son renvoi.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son mandant, subsidiairement à ce qu'une mesure moins coercitive soit prononcée à son encontre, par exemple une assignation à résidence auprès de son amie de la Jonction, dont il ne souhaitait pas communiquer le nom, ou de son ex-femme, Madame E______, plus subsidiairement encore que la durée de la détention soit réduite à quatre semaines et à ce qu'il soit transféré à Frambois afin que sa famille puisse continuer à lui rendre visite.

58) Par courriel du même jour, le conseil de M. A______ a transmis au TAPI une attestation signée par Mme E______ s’engageant à loger M. A______ chez elle ______, chemin L______, ______ M______, ce qui permettrait également à son fils de passer du temps avec son père, avec lequel il entretenait de très bonnes relations.

59) Par jugement du 8 février 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 13 mai 2023.

La légalité de la détention avait déjà été examinée et admise par le jugement le TAPI le 17 novembre 2022 et n’avait pas à être à nouveau examinée. L’assurance du renvoi répondait à un intérêt public certain. Aucune mesure moins incisive ne pouvait être envisagée pour garantir la présence de M. A______ jusqu’à son refoulement et l’engagement de son ex-épouse de l’héberger n’y changeait rien. Les principes de proportionnalité, de diligence et de célérité étaient respectés. La durée de la détention respectait le cadre légal. La détention à K______ apparaissait parfaitement conforme au droit et justifiée. Dès lors que M. A______ ne pouvait plus recevoir de visite de sa famille, l’OCPM était invité à envisager la possibilité de le retransférer à Genève si une place de détention devait se libérer.

60) Par acte remis à la poste le 20 février 2023, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit que son renvoi n’est pas exécutable et à la levée de la mesure de détention administrative. Subsidiairement, la durée de la prolongation de la détention devait être réduite « au 13 mars 2023 » et il devait être transféré au centre de détention administrative de Frambois.

La Suisse rencontrait des problèmes persistants de coopération en matière de retour avec l’B______, notamment en raison des nombreux refus de la compagnie aérienne B______ de prendre à bord des expulsés récalcitrants.

En raison de la présence de son fils en Suisse, les autorités B______, qui délivraient dans la règle des laissez-passer dans un délai de trois semaines, tardaient à examiner et à statuer. Le SEM avait indiqué que plusieurs mois seraient nécessaires, de sorte que sa détention ne serait pas apte à réaliser le but visé.

Il vivait en Suisse depuis vingt ans et était père d’un enfant âgé de dix-neuf ans et domicilié dans le canton de Genève avec lequel il entretenait d’excellentes relations. Son ex-épouse avait attesté qu’elle souhaitait également qu’il passe du temps avec son fils. Sa détention, a fortiori à K______, le privait de tout contact avec sa famille. Sa situation familiale était un critère important pour les autorités B______. Elle devait être prise en compte de manière appropriée car elle présentait un lien direct avec l’impossibilité du renvoi immédiat.

61) Le 27 février 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les autorités chargées de l’exécution du renvoi étaient dans l’attente du laissez-passer, étant observé que celui-ci serait délivré à bref délai si M. A______ manifestait sa volonté de rentrer en B______, de sorte que son renvoi n’était pas impossible comme il le soutenait.

M. A______ n’habitait plus de longue date avec son ex-épouse et leur fils et il n’établissait pas participer à l’entretien de ce dernier. Les visites étaient possibles au centre de détention de K______ chaque jour durant deux heures et demie. Il pouvait être attendu de son fils et de son ex-épouse qu’ils se déplacent. À défaut, des contacts téléphoniques ou télématiques étaient possibles.

62) Le 1er mars 2023, M. A______ a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

Les visites à K______ étaient possibles du lundi au vendredi uniquement. Un trajet en train aller-retour Genève-K______ coûtait environ CHF 160.- et durait six heures. Il était impossible pour une personne qui travaillait de se rendre au centre de détention de K______ sans prendre un jour de congé.

63) Le 1er mars 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 23 février 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.)

3) a. Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, l'autorité compétente peut mettre en détention la personne condamnée pour crime (let. h), afin d'assurer l'exécution d’un renvoi ou d'une expulsion.

b. En l’espèce, le recourant a fait l’objet d’une décision de renvoi du SEM le 6 mai 2005 entrée en force et il a en outre été condamné à plusieurs reprises pour des vols, soit des crimes, par les autorités pénales genevoises. Les conditions légales précitées justifiant la détention administrative sont donc remplies, comme l’ont déjà constaté la chambre de céans (ATA/108/2013 du 6 février 2013 consid. 10) et le TAPI (JTAPI/1237/2022 au 17 novembre 2022 consid. 4), et le recourant ne le conteste pas.

4) Le recourant se plaint matériellement d’une violation du principe de proportionnalité.

a. Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

c. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

d. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

e. En l’espèce, M. A______ ne conteste pas que les autorités chargées de son renvoi ont agi avec diligence et célérité.

Il soutient que sa détention ne serait pas apte à atteindre le but visé, compte tenu des délais prévisibles pour la délivrance d’un laissez-passer. Il ne peut être suivi. Il lui est en effet loisible de rentrer rapidement en B______ pour peu qu’il coopère à son renvoi, de sorte qu’il ne peut se prévaloir d’une éventuelle impossibilité. Sa situation familiale, soit la présence de son fils, âgé de 19 ans, en Suisse, si elle peut jouer un rôle dans le temps employé par les autorités B______ pour examiner sa situation, est toutefois sans portée sur le fait que le recourant pourrait à bref délai quitter la Suisse sur une base volontaire.

M. A______ fait valoir que son ex-épouse et son fils sont disposés à l’accueillir. Cette circonstance est toutefois sans portée sur sa volonté constamment affichée de s’opposer ou de se soustraire à son renvoi, de sorte que sa détention apparait comme la seule mesure apte à garantir sa présence et l’exécution de son rapatriement le jour où un laissez-passer sera délivré et un vol réservé.

Le recourant conclut subsidiairement à la réduction de la durée de sa détention administrative. Il n’expose cependant pas en quoi cette durée serait disproportionnée. La chambre de céans observe que la durée de trois mois de la prolongation prononcée par le TAPI apparaît nécessaire pour permettre la délivrance du laissez-passer et l’organisation d’un vol, et que la durée maximale permise par la loi n’est, de loin, pas atteinte.

Le principe de proportionnalité n’a pas été violé.

Le grief sera écarté.

5) M. A______ se plaint que sa détention à K______ violerait son droit à la vie familiale garanti par l’art. 8 CEDH.

a. Selon l'art. 8 CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (al. 1). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (al. 2). Il n'y a pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent leur vie de famille à l'étranger (ATF 135 I 153 consid. 2.1).

L'autorité judiciaire chargée du contrôle de la décision de détention administrative doit examiner notamment les conditions d'exécution de la détention (art. 80 al. 4 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. 1.2 ; 2C_128/2009 du 20 mars 2009 consid. 3.2 ; 2C_169/2008 du 18 mars 2008 consid. 4.3).

Selon l’art. 81 al. 1 in fine LEI, l’étranger en détention peut s’entretenir et correspondre avec son mandataire, les membres de sa famille et les autorités consulaires.

 

Le Tribunal fédéral a admis la proportionnalité d’une assignation territoriale au canton de K______ d’un homme dont la fille résidait dans un foyer pour enfants à Lucerne (arrêt du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3).

Il a par ailleurs jugé qu’au vu de la situation spécifique des personnes placées en détention administrative, il n’est pas justifié d’interdire de manière générale l’accès à Internet (arrêt du Tribunal fédéral 2C_765/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.2.3 ; ATA/83/2023 du 26 janvier 2023 consid. 9).

b. En l’espèce, le recourant est divorcé, son fils est majeur et il ne soutient pas qu’il faisait ménage commun avec celui-ci ni son ex-épouse avant sa détention, ni qu’il aurait contribué d’une quelconque manière à l’entretien de son fils.

Il peut être attendu de son fils et de son ex-épouse qu’ils se déplacent à K______ pour le rencontrer quand bien même cela nécessite quelques aménagements de leur part.

Le recourant invoque le prix du trajet mais ne soutient pas que son ex-épouse ou son fils seraient dans l’impossibilité d’acheter un billet de train. Cela étant des trajets en autocar pourraient être moins onéreux.

Enfin, le recourant peut en toute hypothèse rester en contact avec ses proches par des moyens de communication électroniques.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 février 2023 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierluca Degni, avocat du recourant, à office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l'Établissement de détention administrative de l'aéroport de K______ (N______), pour information.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :