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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4439/2010

ATA/199/2012 du 03.04.2012 sur JTAPI/696/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : ; TAXATION D'OFFICE ; RETARD ; DÉLAI ; JUSTE MOTIF
Normes : LIFD.133.al1 ; LIFD.133.al3 ; LPFisc.41.al1 ; LPFisc.41.al3
Résumé : Irrecevabilité d'une réclamation contre une taxation d'office confirmée pour cause de tardiveté. Le seul fait de se trouver à l'étranger ne permet pas de conclure à une impossibilité de communiquer avec la Suisse. Il n'est pas non plus possible d'obtenir une restitution du délai pour former réclamation lorsque le retard est imputable à un auxiliaire du recourant.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4439/2010-ICCIFD ATA/199/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 avril 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur S______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2011 (JTAPI/696/2011)


EN FAIT

1. Monsieur S______, domicilié à Genève, a fait l’objet de deux taxations d’office datées du 3 mai 2010 pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD), pour l’année 2009 qui lui ont été envoyées, sous pli simple, à son adresse c/o J______, __ rue C______ à Genève. Elles avaient été précédées de l’envoi d’une demande de renseignements le 5 février 2010 ainsi que d’une sommation par pli recommandé le 12 mars 2010. Dans les deux cas, le contribuable n’y avait pas donné suite.

Ces taxations d’office, prononcées par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), fixent le revenu imposable à CHF 52'000.-, l’IFD à CHF 548,85 et l’ICC à CHF 8'180,95.

Le contribuable n’ayant pas donné suite ni à la demande de renseignements, ni à la sommation, des taxations d’office avaient été établies.

2. Par lettre datée du 6 septembre 2010, reçue le 13 septembre par l’AFC-GE, le contribuable a élevé réclamation. Il n'avait pris connaissance de ces décisions qu'à fin août 2010, étant absent de Suisse depuis plusieurs mois, afin de veiller sur l’état de santé de sa mère. A son retour, il avait trouvé sa boîte aux lettres ouverte et défectueuse. Les bordereaux de taxation 2009 ne tenaient pas compte de sa situation personnelle, en particulier du fait que son revenu avait été nul en 2009. Sa situation fiscale pour l'année 2009 devait être revue.

3. Par décision datée du 11 novembre 2010, l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation du contribuable, en raison de sa tardivité, tant pour l'ICC que pour l'IFD.

4. Par pli recommandé du 9 décembre 2010, le contribuable a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Il a reconnu ne pas avoir donné suite à la demande de renseignements et à la sommation qui lui avaient été adressées et ne pas avoir fait sa réclamation auprès de l’AFC-GE dans le délai imparti.

Etant sans revenu depuis l’année 2008 et ayant épuisé son droit au chômage et diverses autres mesures cantonales, il avait entrepris des démarches pour trouver un emploi en République Populaire de Chine, dont il était citoyen. Durant son absence, il avait sous-loué son appartement à M. J______, lui confiant la charge de relever puis de lui transmettre son courrier. Constatant que ce dernier n’accomplissait pas cette mission en toute confiance malgré ses demandes réitérées de l’étranger, il avait confié cette tâche à Monsieur M______. Celui-ci avait constaté la déprédation de la boîte aux lettres sur laquelle le nom du recourant ne figurait plus. M. M______ avait en outre récupéré du courrier, qui avait été jeté de manière peu sûre sous le palier de la porte de son appartement. Il était probable que le courrier qui lui avait été adressé se soit perdu ou ait été volé. Le recourant avait joint à son recours la déclaration fiscale 2009 - datée du 11 décembre 2010,- dans laquelle il déclarait un revenu imposable de zéro franc. Le montant retenu par l’AFC-GE pour la taxation 2009 était arbitraire en comparaison avec l’année 2008.

5. Par jugement du 20 juin 2011, le TAPI a rejeté le recours.

Le contribuable reconnaissait lui-même avoir fait la réclamation contre la décision de la taxation d'office du 3 mai 2010 au-delà du délai légal de trente jours. Cette déclaration constituait un aveu judiciaire propre à établir la tardivité de la réclamation. De plus, le recourant n’invoquait aucun motif sérieux au sens des art. 133 al. 3 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et art. 41 al. 3 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc – D 3 17), qui l’aurait empêché de déposer sa réclamation en temps utile. Par conséquent, c’était à bon droit que l’AFC-GE avait déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardivité.

6. Par pli recommandé du 4 août 2011, reçu le 5 août 2011, M. S______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.

Il a repris pour l'essentiel les motifs déjà développés dans ses précédentes écritures.

7. Le 11 août 2011, le TAPI a transmis son dossier à la chambre de céans sans formuler d'observations.

8. Le 7 septembre 2011, l'AFC-GE a déposé également son dossier, en concluant au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué. Le contribuable admettait avoir agit tardivement. Il justifiait cela par son absence du pays. Toutefois, il s'agissait d'une absence prévue et planifiée qui ne pouvait dès lors être prise en compte.

9. Par courrier daté du 13 septembre 2011, la chambre administrative a accordé au recourant un délai au 30 septembre 2011 pour formuler tout requête complémentaire.

10. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon les art. 116 al. 1 LIFD et 19 al. 1 LPFisc, les décisions et les prononcés sont notifiés au contribuable par écrit et doivent indiquer les voies de droit. Lorsque le contribuable n’a pas de domicile connu ou qu’il se trouve à l’étranger, sans avoir de représentant en Suisse, les décisions et prononcés peuvent lui être notifiés valablement par publication dans la Feuille officielle du canton (art. 116 al. 2 LIFD ; art. 19 al. 4 LPFisc).

La notification doit permettre au destinataire de prendre connaissance de la décision et, le cas échéant, de faire usage des voies de droit ouvertes à son encontre. Une décision est notifiée, non pas au moment où le contribuable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée (ATF 113 Ib 296 consid. 2a p. 297). S’agissant d’un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où la décision entre dans la sphère d’influence de son destinataire. Si ce dernier devait s’attendre à recevoir une notification ou s’il s’absente pour une longue période, on peut exiger de lui qu’il prenne les mesures nécessaires pour recevoir les décisions qui lui sont adressées (ATF 113 Ib consid. 2a p. 297 ; 101 Ia 9). Ainsi, la notification à l’ancienne adresse d’un administré est valablement effectuée lorsque ce dernier s’absente pour un temps prolongé sans faire suivre son courrier, ni donner de nouvelles ou charger un tiers d’agir à sa place (Arrêt du Tribunal fédérale 2P.259/2006 du 18 avril 2007 cosid. 3.1 ; 107 V 189 ; 102 V 243 ; 97 III 10).

En l’espèce, l’AFC-GE a communiqué la décision de taxation d’office, datée du 3 mai 2010, sous pli simple, à l’adresse indiquée par le recourant, soit M. S______ c/o M. J______ __, rue C______ à Genève. Il s’agit bien de l’adresse du contribuable, de sorte que la décision précitée a été valablement notifiée dès qu’elle est entrée dans la sphère d’influence du recourant. Comme celui-ci ne conteste pas avoir reçu ce pli dans sa boîte aux lettres, la décision est entrée dans sa sphère d’influence au plus tôt le 4 mai 2010 et au plus tard quelques jours après. De plus, selon la jurisprudence précitée, c’est la date de la notification de la décision qui doit être prise en compte et non la date à laquelle le recourant en a pris effectivement connaissance.

3. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phrase LPA ; art. 119 al. 1 LIFD ; art. 21 al. 1 LPFisc), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/351/2011 du 31 mai 2011 consid. 4 ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4 ; ATA/266/2009 du 26 mai 2009 consid. 2). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/712/2010 du 19 octobre 2010 et les références citées).

Aux termes des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l’autorité une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, si la notification même d’un acte envoyé sous pli simple ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de la communication (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4.1).

En l’espèce, la décision litigieuse a été envoyée au recourant sous pli simple. Il n’est donc pas possible de déterminer la date exacte de la réception. Cela étant, dans l’hypothèse la plus favorable au recourant, le délai pour former réclamation venait à échéance courant juin 2010. La réclamation faite le 13 septembre 2010, soit près de deux mois plus tard, ne respecte pas ce délai, ce que le recourant a expressément admis dans son recours du 13 décembre 2010. Cette déclaration lui est opposable. Le TAPI a ainsi estimé à bon droit que la réclamation était tardive.

4. Passé le délai de trente jours, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les trente jours après la fin de l'empêchement (art. 133 al. 3 LIFD et art. 41 al. 3 LPFisc).

Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1, 2ème phr. LPA ; art. 133 al. 3 LIFD ; art 41 al. 1 LPFisc). A cet égard, il y a lieu de préciser que tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/779/2011 du 20 décembre 2011 consid. 4 ; ATA/177/2011 du 15 mars 2011 ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4.b ; ATA/255/2009 du 19 mai 2009 consid. 2 ; ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3), la charge de leur preuve incombant à la partie qui s’en prévaut.

5. Le recourant argue que son retard était justifié par son absence du pays. Il est toutefois toujours resté domicilié à Genève. La sous-location de son appartement démontre que son absence était planifiée. Elle ne constitue donc pas un événement extraordinaire et imprévisible. Le seul fait de se trouver à l'étranger ne permet pas de conclure à une impossibilité de communiquer avec la Suisse (ATA/227/2007 du 8 mai 2007 et références citées). Au regard des circonstances du cas d'espèce, rien ne permet de soutenir qu’il était impossible pour le recourant de présenter sa réclamation en temps utile, du fait de son départ à l'étranger.

6. Le recourant a invoqué par ailleurs une déprédation de sa boîte aux lettres qui aurait pu l'empêcher de recevoir une partie de son courrier. Selon la jurisprudence précitée, la charge de la preuve incombe à la partie qui s'en prévaut. Le contribuable doit démontrer par pièce que sa boîte aux lettres a été endommagée et que c'est bien suite à cet événement que son courrier a été perdu ou volé. Le recourant n'a produit aucun élément à l'appui de ses allégations, ni déposé de plainte pénale, ni produit de témoignage ou d’autres pièces qui confirment ses dires. Par conséquent, cet argument sera écarté.

7. Le recourant fait enfin valoir l’existence d’un empêchement non fautif, dû au fait que la personne à laquelle il avait confié la tâche de relever son courrier puis le lui transmettre avait manqué à ses devoirs.

La restitution du délai n'est possible que lorsque le non-respect du délai de la réclamation n'est pas imputable à une faute du contribuable ou de son mandataire (D. YERSIN/Y. NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2008, ad art. 133, n° 14 et 15). Lorsque la tâche de relever et de transmettre le courrier est confiée à une auxiliaire, le comportement de celui-ci doit être imputé au recourant lui-même. D’après la jurisprudence, la notion d’auxiliaire doit être interprétée de manière large et s’appliquer non seulement à celui qui est soumis à l’autorité de la partie mais encore à toute personne qui, même sans être dans une relation juridique permanente avec la partie, lui prête son concours (Arrêt du Tribunal fédéral 2P .264/2003 du 29 octobre 2003 consid. 2.1). En d’autres termes, une restitution du délai n’entre pas en considération quand le retard pour former la réclamation est le fait d’un auxiliaire comme en l'espèce. Cet argument sera écarté également.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe. Aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2011 par Monsieur S______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivantes de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173. 310), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur S______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :