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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2681/2015

ATA/191/2016 du 01.03.2016 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2681/2015-EXPLOI ATA/191/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
et
B______Sàrl
représentés par Moore Stephens Refidar SA, mandataire

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1. Par acte posté le 6 août 2015 « Madame A______ et/ou la société B______Sàrl » ont saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours, par l’intermédiaire d’une société fiduciaire du canton de Vaud.

Le recours était dirigé contre « les taxes LRDBH  » suivantes, dont ils demandaient l’annulation :

-          « Taxe LRDBH 2013, reçue le 24 juillet 2015, en faveur de « C______, Madame A______ », rue de D______, 1205 Genève. CHF 1'280.- – réf. 1_______

-          Taxe LRDBH 2014, reçue le 24 juillet 2015, en faveur de « C______, Madame A______ », rue de D______, 1205 Genève. CHJF 1'280.- – réf. 2_____-

-          Taxe LRDBH 2015, reçue le 24 juillet 2015, en faveur du « E______, Madame A______ », rue de D______, 1205 Genève, CHF 1'280.- – réf. 3______. »

Celles-ci n’étaient pas dues, pour des motifs que les recourantes ont développés dans leur acte.

Les trois documents contre lesquels les recours étaient dirigés étaient joints à ce courrier. Il s’agissait de trois factures adressées par le service du commerce (ci-après : Scom) à Mme A______, p.a. B______Sàrl, rue de D______, 1205 Genève, se référant chacune à la taxe d’exploitation due respectivement pour les années 2013, 2014 et 2015. Ces documents étaient tous trois intitulés « duplicata, imprimé le 22 juillet 2015 ».

Chacun d’eux comportait deux parties, soit un talon mentionnant des éléments chiffrés liés à la taxe et un bulletin de versement qui y était rattaché.

2. Le 18 novembre 2015, le Scom a conclu à l’irrecevabilité du recours. Celui-ci était non pas dirigé contre les décisions taxant les recourantes, mais contre des duplicatas desdites décisions remis le 22 juillet 2015 à la demande de celles-ci. Il ne s’agissait pas de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours. Plus précisément, les bordereaux relatifs aux trois taxes avaient été envoyés le 15 janvier 2013 pour la taxe 2013, le 15 janvier 2014 pour la taxe 2014, et le 31 mars 2015 pour la taxe 2015 par pli simple. Aucun recours n’avait cependant été déposé auprès de la chambre administrative malgré la mention des voies de droit figurant sur ces documents dont une copie était versée à la procédure.

Au demeurant, des courriers de mises en demeure relatifs à ces factures avaient été adressés à Mme A______ à l’adresse de la Sàrl par plis recommandés du 30 avril 2013 pour la taxe 2013, par pli recommandé du 30 avril 2014 pour la taxe 2014 et par pli simple du 26 juin 2015 pour la taxe 2015. Les recourantes en avaient donc connaissance avant le 24 juillet 2015.

Pour le surplus, les recourantes n’étaient pas représentées par un mandataire justifiant d’une qualification le légitimant à intervenir pour son compte.

Sur le fond, ces taxes étaient liées à l’autorisation d’exploiter un café-restaurant à l’enseigne « C______ », propriété de Mme A______ et situé à la rue de D______, autorisation délivrée le 23 février 2009. Les taxes avaient été payée sans contestation jusqu’en 2012. L’établissement avait changé de nom en 2014, prenant celui de « E______ ». Ce changement de nom n’avait pas impliqué la délivrance d’une nouvelle autorisation, les autres conditions d’exploitation n’ayant pas changé.

3. Le 29 septembre 2015, les recourantes ont complété leur recours en fournissant différentes pièces en rapport avec les griefs qu’ils invoquaient sur le fond.

4. Après qu’un droit de réplique eut été accordé au 23 novembre 2015 aux recourantes, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger, celles-ci n’ayant pas fait usage de cette faculté.

EN DROIT

1. La chambre administrative est compétente pour connaître des décisions du Scom (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2. Aux termes de l'art. 60 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle.

En l’occurrence, sous l’angle de la disposition de la LPA précités, la qualité pour recourir de Mme A______, destinataire des courriers du Scom qu’elle conteste, est acquise. En revanche, celle de B______ Sàrl est plus douteuse, le nom de celle-ci n’apparaissant sur les courriers précités que comme adresse de domiciliation, sans qu’elle ne soit le destinataire direct desdits courriers. De plus, elle n’expose pas en quoi elle serait touchée spécialement par le contenu desdits courriers. Cette question peut cependant rester ouverte, au vu de ce qui suit.

3. a. Aux termes de l’art. 62 LPA, le délai de recours devant la chambre administrative est de trente jours, s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA) ; le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA).

b. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

c. Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA). Les délais sont réputés observés lorsqu’une partie s’adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (art. 17 al. 5 LPA).

Selon l’art. 63 al.1 LPA, sauf certaines exceptions qui ne concernent pas le présent cas, les délais, en jours ou en mois, fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas pendant certaines périodes, parmi lesquelles celle allant du 15 juillet au 15 août. Si une décision est notifiée durant la période de suspension, le délai de recours ne commence à courir que le premier jour suivant la fin de celle-ci. Pour les décisions notifiées avant le début de la période de suspension, le délai est suspendu pendant celle-ci et recommence à courir à son issue.

4. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1, 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/212/2014 du 1er avril 2014 et la jurisprudence citée). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/677/2013 du 8 octobre 2013 consid. 3a ; ATA/712/2010 du 19 octobre 2010 et les références citées).

Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1, 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/212/2014 précité et les références citées).

Les conditions pour admettre un empêchement de procéder à temps sont très strictes. La restitution du délai suppose que l’intéressé n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (ATF 119 II 86 ; 112 V 255 ; ATA/251/2014 du 13 mai 2014 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 444 n. 1348). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. L’empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait impliqué la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; ATA/744/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/38/2011 du 25 janvier 2011).

5. En l’occurrence, le recours a été interjeté le 6 août 2015 contre des bordereaux relatifs aux taxes de la loi modifiant la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 18 mars 2011 (LRDBH - I II 21) des années 2013 à 2015. Si les documents produits avec le recours portent tous trois la date du 22 juillet 2015, ainsi que cela est expressément précisé sur les documents en question, ceux-ci constituent des duplicatas de décisions communiquées à Mme A______ le 15 janvier 2013 pour la taxe 2013, le 15 janvier 2014 pour la taxe 2014, et le 31 mars 2015 pour la taxe 1015, pour lesquelles le délai de recours de trente jours est largement échu. Les recourantes les ont pourtant bien reçues, celles-ci ayant fait l’objet de rappels recommandés envoyés deux à trois mois après cette notification, le dernier le 26 juin 2015 pour l’année 2015.

Les recourantes sont conscientes de la tardiveté de leur démarche puisque dans leur acte de recours, elles ne font pas état des décisions qui ont été adressées à Mme A______ au début de chacune des années en question, ni des rappels y relatifs, mais dirigent formellement leur recours contre les duplicatas desdits bordereaux qu’elles ont reçus le 22 juillet 2015. Or, selon la jurisprudence, la remise d’une copie d’une décision ou d’un duplicata de celle-ci, voire d’une lettre de rappel reprenant le contenu de cette décision ne fait pas à nouveau repartir le délai de recours (ATA/629/2013 du 24 septembre 2013).

Le recours du 8 août 2015, qui vise en réalité les trois bordereaux de taxe LRDBH des 15 janvier 2013, le 15 janvier 2014 et le 31 mars 2015, n’a pas été interjeté dans le délai de trente jours suivant la notification de ces décisions. En outre, les recourantes n’invoquent aucun motif relevant de la force majeure qui autoriserait une restitution de délai. Il est donc manifestement tardif et, partant, sera déclaré irrecevable.

Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 août 2015 par Madame A______ et B______Sàrl contre les duplicatas de décisions de taxation délivrés par le service du commerce le 22 juillet 2015 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ et de B______Sàrl, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Moore Stephens Refidar SA, mandataire des recourantes, ainsi qu’au service du commerce.

Siégeants : M. Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :