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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3408/2021

ATA/17/2022 du 11.01.2022 ( DIV ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3408/2021-DIV ATA/17/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 janvier 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Carole Van De Sandt, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1965, domicilié à B______, a déposé le 2 septembre 2021 une demande de délivrance d'un certificat de bonnes vies et mœurs (ci-après : CBVM) auprès du service des commissaires de police.

2) Selon la fiche de renseignements en vue de son établissement établie à cette même date, le commissaire de police a refusé de lui en délivrer un au motif qu'il était prévenu dans deux procédures pénales en cours auprès du Ministère public (ci-après : MP), ce qui a été formalisé par décision du 6 septembre 2021.

3) M. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 6 octobre 2021. Il a conclu préalablement à l'apport de la procédure pénale et, au fond, à l'annulation de cette décision.

Il était le fondateur de la C______ (ci-après : C______), inscrite au registre du commerce de Genève, ayant pour but de faire le commerce de produits provenant de chanvre légal (CBD). Il était préalablement président de l'association D______ (ci-après : D______).

Il n'avait fait l'objet d'aucune condamnation depuis vingt ans. Certes, il faisait l'objet de deux procédures pénales en cours, portant sur des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), mais les quantités et qualité des produits inventoriés comportaient pour grande part du matériel destiné à être transformé ainsi que des déchets issus de la production de chanvre légal dont la qualité, en particulier le taux de tétrahydrocannabinol (ci-après : THC), devait être abaissée pour servir notamment à la confection de pommades et autres produits cosmétiques. Ces procédures avaient pour objet l'activité déployée par D______ qui militait pour l'accès à l'usage thérapeutique du cannabis. La procureure en charge de ces deux procédures n'était pas opposée à ce qu'il déploie une activité dans le cadre de la C______, pour autant que les autorisations nécessaires soient obtenues.

Il développait en détail les processus politiques en cours en vue de légaliser l'usage du CBD à des fins thérapeutiques. En conséquence de quoi, le comportement qui lui était reproché dans le cadre des procédures pénales pendantes n'apparaissait pas répréhensible par rapport à des critères rattachés aux valeurs régissant la vie des hommes en société. Lesdites procédures ne faisaient donc pas obstacle à la vente de cannabis légale dans le cadre de l'activité de l'activité de la C______, de sorte qu'elles ne pouvaient lui être opposées pour refuser la délivrance d'un CBVM. Dans la mesure où malgré cette circonstance le commissaire de police refusait de lui en délivrer un, sa décision violait le principe de proportionnalité et portait atteinte à la liberté de commerce de la C______, étant relevé que le MP ne s'opposait pas à cette activité pour autant qu'il bénéficie de l'autorisation requise.

4) Le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

M. A______, quand bien même son casier judiciaire était vierge, avait occupé les services de police depuis sa minorité en raison de nombreux actes délictuels, voire criminels. La veille de ses 17 ans, il avait été arrêté pour avoir arraché le sac à main d'une femme afin de s'emparer de son contenu et de s'acheter du haschisch ; en mars 1987, il avait reconnu être consommateur d'héroïne ; en février 1996, il se disait toujours consommateur de haschisch ; en juin 1988, il s'était vu retirer son permis de conduire pour une durée de deux mois en raison d'un très important excès de vitesse ; en avril 1999, il avait circulé en état d'ébriété et provoqué un accident de la circulation avant de s'enfuir ; en juin 1999, il avait été arrêté dans le cadre d'un trafic portant sur plusieurs kilos de haschisch et avait alors reconnu s'adonner à un trafic de cette substance depuis environ quinze ans ; en septembre 2015, par deux fois, le service des douanes en poste avait intercepté des colis postaux qui lui étaient destinés contenant respectivement 33 et 15 graines de cannabis prohibé ; le 22 août 2017, il avait été arrêté avec deux autres personnes dans le cadre d'une enquête concernant un trafic de stupéfiants visant D______, dont il avait reconnu être le président et qui vendait du cannabis, soit de la marijuana, dont les taux étaient supérieurs à 1 %, uniquement à des personnes titulaires d'un certificat médical (P/1______/2015 en cours auprès du MP) ; le 15 octobre 2020, il avait été arrêté pour trafic de stupéfiants et avait indiqué à la police avoir vendu, au cours des trois années précédant son interpellation, un total de plus de 47 kg de marijuana contenant un taux de THC supérieur à 1 %, à trente personnes (P/2______/2020 en cours au MP).

Il avait sollicité la délivrance d'un CBVM afin d'obtenir du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : la PCTN) l'autorisation d'exploiter « un commerce de vente de CBD (cannabis légal) ». Or, depuis sa minorité, il n'avait jamais cessé ses actes contraires au droit. Les deux enquêtes pénales en cours à son endroit, ouverte déjà depuis 2015 pour la première, démontraient qu'il n'hésitait pas à violer la loi en toute connaissance de cause, ayant expressément reconnu avoir vendu du cannabis illégal et pas seulement du CBD, à de très nombreux tiers. Il était évident que, contrairement aux exigences posées par les art. 9 let. d et 10 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) il ne respecterait pas les contraintes légales régissant la vente de CBD s'il venait à être autorisé à exploiter le commerce envisagé, les pièces versées à la procédure établissant qu'il ne le faisait déjà pas.

Dans ces circonstances, il remplissait les conditions de refus posées par l'art. 10 al. 1 let. b de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs du 29 septembre 1977 (LCBVM - F 1 25). Son honorabilité pouvait être déniée avec certitude.

Le commissaire de police a joint toutes les pièces en mains de la police concernant les occurrences susmentionnées depuis le 10 novembre 1982.

5) Dans sa réplique du 9 décembre 2021, M. A______ a conclu à ce qu'il soit ordonné au commissaire de police de produire le premier rapport en lien avec son interpellation du 11 novembre 1982. Il avait en effet été frappé au sol pour lui faire avouer le vol de la montre de marque Rolex qu'il portait alors au poignet, laquelle lui avait en réalité été léguée par son grand-père, ce qui avait conduit à son hospitalisation aux hôpitaux universitaires de Genève, pour plusieurs jours, où les policiers étaient venus lui rendre visite pour lui présenter des excuses afin d'éviter le dépôt d'une plainte pénale par ses parents. Il avait par la suite toujours immédiatement reconnu les faits reprochés par la police, à l'exception du cas où, en état d'ébriété, il avait provoqué un accident de la circulation. Au demeurant, les reproches des autorités s'étaient toujours amoindris au fur et à mesure que progressait l'instruction, d'où un casier vierge de toute inscription.

Le commissaire de police ne se déterminait sur aucun des points qu'il avait développés dans son recours et qui justifiaient que le CBVM lui soit délivré. Ainsi, les constatations de police et les inventaires de matériel saisi à la C______, respectivement au siège d' D______, n'étaient pas propres à établir les infractions reprochées. Un dépassement du taux de THC pouvait avoir lieu dans toute entreprise produisant du CBD, dès lors que de telles entreprises pratiquaient notamment des extractions d'huiles essentielles de CBD. Deuxièmement, ces procédures avaient principalement pour objet l'activité déployée par D______ en lien avec l'usage thérapeutique du cannabis, sous recommandation et soutien de la ville de Genève qui payait même les cotisations de certains membres handicapés, tandis que l'Hospice général payait les produits et quelques cotisations de personnes en difficultés financières. Enfin, la procureure en charge de la procédure n'était pas opposée à ce qu'il déploie une activité dans le cadre de la C______, pour autant que les autorisations nécessaires soient obtenues, selon n'empêche apposé le 23 novembre 2021 sur le courrier de son conseil du même jour (pièce 10 de son chargé). Le commissaire ne s'exprimait enfin pas au sujet des constats faits par le Conseil fédéral et le parlement quant à l'évolution de la perception sur l'usage du cannabis.

S'agissant des deux procédures pénales en cours, il n'existait aucune plainte en cours d'instruction, puisque l'infraction en cause était poursuivie d'office. Il contestait les faits dans le cadre de leur instruction.

6) Les parties ont été informées, le 14 décembre 2021, que la cause était gardée à juger.

7) Les éléments ressortant pour le surplus des pièces produites par les parties seront repris ci-dessous dans la mesure nécessaire du traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a conclu à « l'apport de la procédure pénale » et requis dans sa réplique la production par le commissaire de police de l'intégralité du rapport d'arrestation du 11 novembre 1982. Sa teneur expliquerait qu'il aurait ensuite immédiatement avoué les faits à la police lors de ses interpellations subséquentes, à l'exception de l'une d'entre elles.

a. Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 135 I 279 consid. 2.3).

b. En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'ordonner l'apport de l'une ou des deux procédures pénales en cours au MP. Les pièces transmises par la police suffisent à renseigner utilement sur les faits ayant mené à leur ouverture, faits sur lesquels le recourant a pu se positionner par écrit à deux reprises devant la chambre de céans.

La production d'une partie du rapport d'arrestation du 10 novembre 1982 qui ne serait pas déjà produite n'est pas de nature à influencer le sort du recours, comme il sera vu ci-dessous. Par ailleurs, quand bien même le recourant aurait connu une première interpellation à l'issue de laquelle il aurait subi des lésions corporelles nécessitant une hospitalisation pour quelques jours, elle ne saurait à elle seule démontrer qu'il aurait par la suite avoué à la police des infractions dont il n'aurait pas été l'auteur, étant relevé qu'au-delà de tels aveux, existent en amont les circonstances de ses interpellations.

Partant, il ne sera pas donné suite à ses demandes d'actes d'instruction.

3) Le litige porte sur le bien-fondé du refus de délivrer un CBVM au recourant.

a. Quiconque justifie de son identité et satisfait aux exigences du chapitre IV de la loi peut requérir la délivrance d’un CBVM (art. 8 LCBVM). Le CBVM est délivré par un commissaire de police (art. 15 LCBVM). Il est refusé notamment à celui dont le casier judiciaire contient une condamnation à une peine privative de liberté. L’autorité compétente apprécie librement, eu égard aux circonstances, si certaines condamnations de peu de gravité peuvent ne pas être retenues. Il peut en être de même des condamnations en raison d’une infraction non intentionnelle (art. 10 al. 1 let. a LCBVM) ; à celui dont l’honorabilité peut être déniée avec certitude en raison soit d’une ou plusieurs plaintes fondées concernant son comportement, soit de contraventions encourues par lui à réitérées reprises, notamment pour ivrognerie ou toxicomanie, ou encore s’il s’agit d’un failli inexcusable (art. 10 al. 1 let. b LCBVM). Les faits de peu d’importance ou ceux qui sont contestés et non établis ne sont pas pris en considération (art. 10 al. 2 LCBVM).

Celui qui tombe sous le coup de l'art. 10 al. 1 let. a LCBVM peut néanmoins recevoir un CBVM si la moitié de la durée déterminante pour l'élimination de l'inscription en vertu de l'art. 369 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) est écoulée (art. 11 al. 1 LCBVM). Selon cette dernière disposition, les jugements qui prononcent une peine privative de liberté avec sursis, une privation de liberté avec sursis, une peine pécuniaire, un travail d'intérêt général ou une amende comme peine principale sont éliminés d'office après dix ans (art. 369 al. 3 CP). Le délai d'élimination de l'inscription court à compter du jour où le jugement est exécutoire, pour les jugements visés notamment à l'al. 3 (art. 369 al. 6 let. a CP).

b. Celui qui tombe sous le coup de l’art. 10 al. 1 let. b LCBVM peut recevoir un CBVM si dans les deux ans qui précèdent la demande, sa conduite n’a donné lieu à aucun fait pouvant porter atteinte à son honorabilité (art. 11 al. 2 LCBVM).

L’art. 10 al. 1 let. b LCBVM a été introduit dans le but de saisir les comportements relevant du droit pénal dès leur commission, et de permettre au commissaire de police d’en tenir compte avant la fin de l’instruction pénale et le prononcé judiciaire (MGC 1977/V 4774). Celui qui a fait l’objet de plaintes, même si elles sont encore en cours d’instruction, peut ainsi faire l’objet d’un refus de délivrance d’un CBVM (ATA/116/2019 du 5 février 2019 et les références citées).

c. Une interprétation littérale de l'art. 10 al. 2 LCBVM viderait l'institution du CBVM de son sens : elle mettrait le requérant non pas au bénéfice du doute, mais du manque d'information. Elle empêcherait le commissaire de police d'apprécier si les faits resteront vraisemblablement et définitivement non établis ou si, au contraire, ils seront susceptibles d'être prouvés. En revanche, une interprétation qui négligerait le but de l'al. 2 porterait une atteinte grave à la liberté individuelle. C'est pourquoi il appartient au commissaire de police d'effectuer ses recherches en tenant compte, notamment, de la gravité de l'infraction, de la complexité des enquêtes et des circonstances particulières ; il devra, dans un délai raisonnable et après avoir procédé à une pesée des intérêts en cause, prendre une décision motivée permettant un contrôle judiciaire (ATA/648/2017 du 13 juin 2017).

4) a. Le CBVM vise à assurer la constatation de la bonne réputation de l’intéressé à l’égard des tiers dans certaines situations où il est requis, par exemple pour la prise d’un emploi. L’exclusion d’un tel certificat est attachée à l’existence d’un comportement répréhensible par rapport aux critères éthiques adoptés par la majorité de la population. La bonne réputation peut se définir comme le fait de ne pas avoir enfreint les lois régissant la vie des hommes en société, ni heurté au mépris d’autrui les conceptions généralement répandues, conçues comme des valeurs et formant la conscience juridique de la majorité de la population (ATA/1028/2018 du 2 octobre 2018 et les références citées). De plus, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si une personne peut se voir délivrer un CBVM, il faut prendre en considération l’usage qu’il entend en faire. L’honorabilité d’un requérant, ou les conséquences qu’il faut tirer de son inconduite, doivent ainsi être appréciées plus ou moins gravement selon l’emploi qu’il entend en faire, c’est-à-dire suivant l’activité professionnelle envisagée (ATA/116/2019 et les références citées).

b. L’exigence d’honorabilité doit permettre d’examiner si le comportement de l’intéressé est compatible avec l’activité pour laquelle l’autorisation est requise, même si le candidat concerné n’a pas été condamné pénalement (ATA/1226/2017 du 22 août 2017 et les références citées).

c. Les dispositions précitées doivent être interprétées dans le respect du principe de la proportionnalité, qui se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3).

d. La décision de délivrer ou non un CBVM ne relève pas de l’opportunité, mais repose sur des éléments objectifs et d’autres relevant du pouvoir d’appréciation de l’autorité, dont l’excès et l’abus sont revus par la chambre de céans avec plein pouvoir d’examen (art. 61 al. 1 let. a et al. 2 LPA ; ATA/14/2019 du 8 janvier 2019).

5) La loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT - I 2 25) a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT). Toute autorisation prévue par cette loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).

La LTGVEAT régit la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, ainsi que la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac (art. 2).

Est notamment expressément réservée la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121 ; art. 3 let. c LTGVEAT).

Sont entre autres considérés comme des produits assimilés au tabac les produits à base de végétaux qui peuvent être consommés selon un mode similaire aux produits du tabac (fumés, chauffés, prisés ou à usage oral), notamment le cannabis légal, à savoir du cannabis présentant un faible THC (art. 4 al. 3 let. a LTGVEAT).

Est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits (art. 7 al. 1 let. b LTGVEAT). L’autorisation est délivrée à condition notamment que le requérant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’établissement soit exploité conformément aux dispositions de la LTGVEAT et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail (art. 8 al. 1 let. c LTGVEAT).

6) Garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATA/762/2020 du 18 août 2020 consid. 6b et les références citées).

7) a. Telle qu’elle est garantie par l’art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 176). Le libre exercice d’une profession implique de pouvoir choisir le moment, le lieu, les moyens de production, la forme juridique, les partenaires, les clients, les conditions de travail, les prix, les coûts, soit tous les éléments qui organisent et structurent le processus social conduisant à la production d’un gain (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 952). Tant les personnes physiques que les personnes morales sont titulaires de la liberté économique ainsi définie (ATF 131 I 223 consid. 4.1 ; Message précité, FF 1997 I 1 ss, p. 179).

b. Comme tout droit fondamental, la liberté économique peut être restreinte, pour autant qu'une telle restriction soit fondée sur une base légale, repose sur un intérêt public ou sur la protection d'un droit fondamental d'autrui et soit proportionnée au but visé (art. 36 Cst. ; ATF 131 I 223 consid. 4.1 et 4.3).

8) a. En l'espèce, le recourant entend faire commerce de cannabis légal. Certes son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.

b. Usant de son pouvoir d’appréciation, le commissaire de police a pris d'autres éléments en considération pour fonder sa décision, soit les neuf interpellations dont il a été l'objet depuis 1982, comprenant celles faisant encore l'objet de deux procédures pénales en cours auprès du MP.

Les interpellations entre novembre 1982 et juin 1999 ne sont pas pertinentes en l’espèce, compte tenu de leur ancienneté (art. 11 al. 1 LCBVM). En revanche, les deux procédures pénales en cours le sont.

Il ressort des pièces produites par le commissaire de police que le 22 août 2017, la police a procédé, après enquête notamment, à l'arrestation du recourant en lien avec un trafic au sein de D______, dont des membres remettaient de la marijuana à des toxicomanes, contrairement à la législation en vigueur. Le recourant s'occupait avec un autre membre de l'ouverture et de la fermeture d'une arcade commerciale sise à la rue E______, à Genève et servait les clients, en nombre et aux profils très variés, s'y présentant. L'analyse de la marijuana saisie dans un sachet acquis par un client le 31 mars 2017 avait démontré qu'elle présentait un THC de 15. 1 %, soit nettement supérieur au taux autorisé de 1 %. Lors de la perquisition de l'arcade, la police avait notamment découvert plus de 2 kg de marijuana, près de 1,5 kg de marijuana avec plus de 1 % de THC, 104 g de poudre de CBD blanche, 10 g de poudre de CBD verte, 681 g de « space cake » contenant plus de 1 % de THC, et diverses fioles d'huile de cannabis et de CBD. Alors que la police procédait à cette perquisition, elle avait dû refouler neuf clients venant acheter des produits à base de cannabis. La perquisition effectuée au domicile du recourant, à F______, en France, avait permis la découverte de 77 plans de cannabis de diverses tailles, de 470 boutures, et de six sachets contenant de la marijuana séchée.

Après avoir pris connaissance de ses droits, le recourant a en substance reconnu vendre du cannabis, avec les autres membres du comité de D______, depuis novembre 2015. Ce n'était que depuis le mois de mai 2017 qu'il vendait du cannabis légal, soit du CBD. Auparavant, l'ensemble du cannabis vendu présentait un THC à 1 %. Il a contesté avoir retiré un quelconque bénéfice personnel financier de ces ventes.

Compte tenu de ces éléments et quand bien même au stade du recours il conteste ces faits, ils suffisent pour que le commissaire en tienne compte pour juger de son honorabilité.

S'y ajoute la deuxième procédure pénale dans le cadre de laquelle, alors même que la première procédure était toujours en cours, le recourant a été interpellé le 16 octobre 2020 également pour infraction à la LStup. À cette date, la police a perçu de fortes odeurs de marijuana à hauteur de la rue G______ à Plan-les-Ouates. Dans un local, que le recourant y louait, la police a découvert la présence de deux tentes noires remplies de pots de marijuana, un système de ventilation et de nombreux produits servant à la production de plantes. Ce sont 153 plantes avec pot qui ont été saisies en sus, dans une armoire, ainsi que près de 6 kg de marijuana. Le recourant détenait dans sa voiture deux tentes pour la culture avec armature. Dans un local sis au chemin I______ à B______, la police a notamment découvert d'innombrables sachets de marijuana, de cannabis, de plaquettes de cannabis compressé, du matériel de conditionnement, des bidons contenant des dizaines de kilos de cannabis, dont l'un, de plus de 4 kg, au THC de 10 %, un autre de près de 3 kg au taux de 8.4 %, un autre de 740 g au taux de 12. 9 %, un autre de 2,5 kg au taux de 11.2 % (etc.). Après que ses droits lui ont été lus, le recourant a expliqué qu'il était le seul à s'occuper de la plantation, dont le taux de THC était trop élevé pour certains membres de D______. Il avait vendu entre 5 et 10 g de marijuana à 15 ou 30 personnes avec un taux de THC trop élevé, à côté des plus de 477 kg de THC vendus à une trentaine de personnes. Il avait injecté CHF 10'000.- pour ce commerce. En tout, 312 plantes de cannabis, plus de 26 kg de marijuana et 152 kg de CBD ont été saisis.

Ces éléments, quand bien même le recourant indique qu'il en aurait contesté la matérialité en cours d'instruction, suffisaient pour que le commissaire de police, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, considère que les conditions de délivrance d'un CBVM n'étaient pas réalisées. Ceci est d'autant plus vrai que la délivrance de ce certificat est en l'espèce demandée pour obtenir l'autorisation d'exploiter un lieu de distribution de CBD.

Dans ces conditions, le fait que la procédure pénale concerne des infractions contre la LStup, quand bien même il s'agit là d'une infraction poursuivie d'office, n'est pas propre à rendre la décision attaquée disproportionnée, au vu du but d’intérêt public précité. Au contraire, dans les circonstances du cas d'espèce où précisément il est question de distribuer un produit dérivé du cannabis, la sécurité du public est en jeu.

À cet égard, il n'est pas suffisant de soutenir que le processus législatif est en cours en vue de légaliser le CBD ni que la procureure en charge de la procédure pénale aurait donné son n'empêche le 23 novembre 2021 concernant les projets pilote du recourant, ce qui ne veut pas encore dire qu'elle ait donné son accord pour qu'il exploite un dispensaire de CBD, pour que cela remette en cause l'appréciation du commissaire de police.

L’art. 10 al. 1 let. b LCBVM permettant à l’autorité intimée de saisir les comportements relevant du droit pénal avant la fin de l’instruction pénale et un prononcé judiciaire, le commissaire de police n'a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant au recourant la délivrance d’un CBVM, alors que deux procédures pénales le visant sont encore en cours. Par ailleurs, si la décision attaquée est de nature à porter atteinte à la liberté économique du recourant, celle-ci doit s’effacer devant l’intérêt public prépondérant au respect des principes généraux de la sécurité et de la santé publique.

Compte tenu de ce qui précède, la décision attaquée est conforme au droit. Le grief du recourant sera dès lors écarté.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision du commissaire de police du 6 septembre 2021 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Carole Van De Sandt, avocate du recourant, ainsi qu'au commissaire de police.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :