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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4635/2010

ATA/162/2012 du 27.03.2012 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.04.2012, rendu le 01.05.2012, IRRECEVABLE, 2C_374/12
Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR; QUALITÉ DE PARTIE; SANTÉ; PATIENT; DROIT DU PATIENT; MÉDECIN; ADMINISTRATION DES PREUVES; RÉTROACTIVITÉ; FAUTE PROFESSIONNELLE; FAUTE; PROFESSION SANITAIRE; PRESCRIPTION; OBLIGATION DE RENSEIGNER ; CONSENTEMENT DU LÉSÉ ; PATIENT
Normes : LRMPSP.1 ; LRMPSP.10 ; LComPS.20 ; LComPS.22 ; LComPS.34 ; LPA.7 ; LPA.60 ; LPS.108 ; LPMéd.40
Résumé : Avertissement confirmé à l'égard d'un médecin qui n'a pas suffisamment renseigné son patient sur les conséquences d'une abstention thérapeutique, la nécessité d'envisager à terme une reconversion professionnelle, les risques opératoires et les implications à long terme de l'opération envisagée. Portée du devoir d'information. Il appartient au médecin d'apporter la preuve de l'information donnée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4635/2010-PROF ATA/162/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 mars 2012

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Maurer, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

 



EN FAIT

Le 13 septembre 2005, Monsieur J______, né le ______ 1958, a consulté les Docteurs A______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur et spécialiste en chirurgie de la main, ainsi que B______, également spécialiste dans cette discipline.

M. J______ souffrait de douleurs persistantes au poignet et au bras droits depuis un accident survenu en août 2005, à l'occasion duquel il avait reçu une barre de fer sur le poignet. Il était droitier et travaillait dans le bâtiment. L'exercice de sa profession requérait l'usage fréquent du marteau-piqueur.

Les examens médicaux effectués ont révélé l'existence d'une maladie de Kienböck de stade III avec arthrose radio-carpienne sur le poignet droit.

Le 4 octobre 2005, les Drs A______ et B______ ont exposé à M. J______ qu'ils envisageaient soit une résection de la première rangée des os du carpe, soit une arthrodèse scapho-grand-os avec une lunarectomie. La première solution assurerait une meilleure mobilité du poignet, mais une perte de la force de deux tiers par rapport au poignet opposé. La seconde alternative permettrait de conserver la force au détriment de la mobilité du poignet. Celle-ci était préconisée compte tenu du métier de manœuvre du patient.

Le patient a donné son accord à cette opération, qui a été effectuée le 24 janvier 2006 à l’Hôpital de la Tour par les deux médecins précités, agissant de concert.

Après l'intervention, l’arthrodèse a évolué vers une pseudarthrose douloureuse mise en évidence par un scanner effectué le 30 mai 2006, suite auquel les médecins des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), alors consultés par le patient, ont préconisé une arthrodèse complète du poignet qui permettrait au patient de retrouver plus de force dans sa main ainsi qu’une indolence, au détriment de la mobilité qu’il avait conservée suite à l’opération du 24 janvier 2006.

Le 15 décembre 2006, M. J______ a déposé une plainte auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) à l’encontre du Dr A______ pour l’opération effectuée.

Cette intervention avait abouti à un échec. Elle avait été mal menée, ainsi qu'il résultait des dires des médecins des HUG, selon lesquels « un autre os [s'était] cassé dessous ».

Par décision du 20 décembre 2006, la commission a ouvert une procédure administrative à l’encontre des Drs A______ et B______.

Le 17 octobre 2007, la sous-commission n° 1 a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

a. Le Dr A______ a exposé que M. J______ souffrait d’une nécrose du semi-lunaire découverte suite à un traumatisme et qu’il présentait des signes d’arthrose de la main. Il existait un risque d’évolution vers une arthrose globale du poignet. Plusieurs types d’opérations auraient été possibles, mais aucune d’entre elles n'aurait permis d’assurer en même temps mobilité, maintien de la force et indolence. Elles présentaient toutes des avantages et des inconvénients. En accord avec le patient, il avait finalement opté pour une intervention compatible avec sa profession, soit une arthrodèse partielle du carpe car M. J______, qui souffrait depuis plusieurs mois, voulait retrouver de la force dans sa main et l’indolence, tout en conservant une certaine mobilité. Pour expliquer à ce dernier l'intervention proposée, il lui avait dessiné un petit schéma qui se trouvait dans son dossier médical. Depuis son installation fin 2005 comme médecin indépendant à charge de l’assurance-maladie, il soumettait à ses patients, avant toute opération chirurgicale, un formulaire attirant leur attention sur les risques de toute intervention et sur les changements de technique pouvant survenir suite à des constatations per-opératoires. Ayant reçu M. J______ avant cette installation, il ne lui avait pas soumis un tel formulaire. Par ailleurs, il avait évoqué avec ce patient, formé dans l’hôtellerie en Tunisie, la possibilité d’un changement de métier en raison de sa maladie. Enfin, la présence du Dr B______ lors de l’opération lui avait également été signalée.

b. M. B______ a exposé qu’il avait assumé le rôle d'un "senior" qui observait le "junior", bien qu'il ait participé activement à l’opération. Dans la situation de M. J______, un retour à une totale intégrité n’avait pu être envisagé. Le contexte était mauvais dès le départ. L’opération s’inscrivait dans un plan thérapeutique « par étape ». La possibilité de devoir intervenir à nouveau chirurgicalement dans le futur avait été évoquée par le Dr A______ dans l’information que celui-ci avait donnée à son patient.

c. Pour M. J______, son médecin était le Dr A______ et il ignorait que M. B______ prendrait part à l’opération. Le premier lui avait décrit l’intervention. Il n'avait rien à reprocher au second. Il était possible que le schéma dessiné par le Dr A______ lui ait été présenté. Sa priorité avait été de conserver de la force dans la main droite. Il avait laissé au médecin le choix de l’intervention devant cet impératif. Le Dr A______ ne lui avait pas parlé de risques ni de complications. Il n’avait jamais évoqué avec lui la possibilité de changer de métier. Il estimait avoir été mal informé.

Par décision du 9 décembre 2009, reçue le 23 décembre 2009, la commission a infligé un avertissement aux Drs A______ et B______.

Le choix de l’intervention n’était pas critiquable, aucune des opérations envisageables n’étant susceptible d’assurer en même temps la mobilité, la force et l’indolence. Dans la réalisation de l’intervention, les praticiens n’avaient commis aucune faute et aucun grief ne pouvait leur être reproché dans ce cadre, même si le résultat obtenu n’était pas celui escompté par le patient.

En revanche, l’information donnée au patient avait été défaillante. En particulier, celle sur le pronostic et les risques d’échec de l’intervention avait été incomplète, dans le contexte de la maladie évolutive de M. J______. La possibilité d’une éventuelle abstention thérapeutique n’avait pas été abordée, pas plus que la problématique d’une reconversion professionnelle vraisemblable de M. J______. L’instruction de la cause avait démontré qu’il n’existait aucune annotation de la part du Dr A______ dans son dossier médical concernant les éventuelles explications données au patient à l’exception du schéma précité. Ce dernier n’était pas suffisant à lui seul pour établir qu’une information complète avait bien été donnée au patient, notamment sur les risques et les complications de l’opération. Il incombait au Dr A______ d’établir qu’il avait suffisamment renseigné le patient et obtenu son consentement préalable, preuve que celui-ci n’avait pu apporter.

Par acte du 22 janvier 2010, le Dr A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision en concluant à son annulation, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Les Drs A______ et B______ avaient exposé au patient les différentes options thérapeutiques qui s’offraient à lui fin 2005. Peu avant l’opération, ils lui avaient expliqué l'intervention qu'ils projetaient d'effectuer. Cette consultation avait été facturée sous la rubrique « entretien d’information du spécialiste avec le patient » le 20 janvier 2006. M. J______ n’avait pas contesté avoir vu le schéma explicatif dessiné par le Dr A______. Les risques présentés par l’intervention, liés à l’avancement de la maladie de Kienböck, ainsi que l’éventualité d’une nouvelle opération en cas d’échec lui avaient également été exposés. Un délai de plus de quatre mois entre la première consultation du patient et son opération avait permis à ce dernier de réfléchir aux différentes alternatives qui s’offraient à lui et de poser toute question utile à son médecin traitant et à ses chirurgiens. En précisant qu’il n’avait rien à reprocher au Dr B______, M. J______ avait implicitement admis qu’il avait été dûment informé par ce dernier.

Le 8 mars 2010, M. J______ a conclu à la confirmation de la décision « en tant qu’elle [infligeait] un avertissement au Dr A______ » et au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour instruction complémentaire sur la question de savoir si le choix de l’intervention était approprié.

Il n’avait pas compris en quoi consistaient les deux options thérapeutiques présentées par ses médecins. Il avait uniquement saisi que seule l’une d’entre elles lui permettrait de conserver un maximum de force. Il se souvenait du schéma, mais n’en avait pas compris le sens. A aucun moment, le Dr A______ n’avait attiré son attention sur les risques de l’intervention et sur le fait que le succès de celle-ci n’était pas assuré.

La décision était donc fondée s’agissant de l’information donnée au patient et devait être confirmée sur ce point.

En revanche, la commission avait écarté à tort la violation des règles de l’art à l’encontre des Drs A______ et B______, contrairement à l’opinion exprimée le 9 juin 2006 par un autre médecin ayant agi comme expert dans le cadre de la prise en charge des frais médicaux par son assurance. Devant l’impossibilité pour lui de déposer un recours incident, la chambre était priée de renvoyer la cause à la commission pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Le 26 mars 2010, la commission a conclu au rejet du recours.

Il n’existait aucun document étayant que durant les consultations, la nature et les risques de l’intervention avaient été clairement soumis au patient. Le Dr B______ avait admis lors de l'instruction n’avoir lui-même constitué aucun dossier médical, alors même qu'il avait reçu seul le patient à plusieurs reprises. Il n’existait, dans le celui du Dr A______, qu’un schéma manuscrit. L'existence de ce dernier n’était pas suffisante, à elle seule, pour démontrer qu’une information complète avait bien été donnée, notamment concernant les risques et les complications de l’intervention projetée. Certes, il n’était pas obligatoire de faire signer un formulaire de consentement éclairé au patient en l’état actuel du droit. Cependant, les déclarations du Dr A______ et de M. J______ étaient contradictoires et il ne ressortait pas des mesures d’instruction que le patient, qui exerçait un métier de force, ait été informé clairement des risques de cette opération, et que celle-ci pouvait ne constituer qu’une étape thérapeutique, un échec pouvant conduire à une arthrodèse du carpe.

Le droit à l’auto-détermination du patient était extrêmement large et incluait même le refus de toute mesure curative.

Le libellé de la facture ne donnait pas d’indication sur la nature de l’information donnée au patient.

Enfin, un patient originaire de Tunisie, sans diplôme, ouvrier dans le bâtiment et ne maîtrisant pas les subtilités de la langue française ne pouvait se voir reprocher de n’avoir pas pris l’initiative d’interpeller les médecins pour leur demander des explications sur l’intervention envisagée ou d’avoir remis en cause leur décision.

Le Dr A______ a répliqué le 17 mai 2010 en persistant dans ses conclusions. Les conclusions en renvoi de M. J______ étaient irrecevables.

L’institution du recours incident n’existait pas en procédure administrative. Faute d’avoir recouru dans un délai de trente jours contre la décision, l'intéressé était ainsi forclos.

La commission a dupliqué le 24 juin 2010. Elle a conclu préalablement à l’irrecevabilité des conclusions en renvoi de M. J______ et persisté, pour le surplus, dans ses conclusions initiales.

Elle n’avait pas reproché au Dr A______ une absence totale d’information, mais une information défaillante ne permettant pas au patient de donner son consentement éclairé à l’opération. Il appartenait au médecin de s’adapter aux caractéristiques du patient (niveau intellectuel, maîtrise de la langue, etc.) pour s’assurer que les solutions thérapeutiques proposées étaient bien comprises et acceptées par le patient avec leurs risques et leurs éventuelles complications.

Le Dr A______ et M. J______ ont été entendus en audience de comparution personnelle le 12 novembre 2010.

a. Le Dr A______ a exposé qu’il s'était conduit à l’égard de M. J______ comme avec tous ses autres patients ; il avait effectué un interrogatoire complet pour établir la situation de celui-ci, l’avait examiné et procédé à l’analyse des examens complémentaires.

A l’issue de cette démarche, il avait proposé une solution thérapeutique à M. J______, qui avait clairement exprimé le besoin de conserver à la fois force et mobilité dans son poignet. Sa pathologie étant dégénérative, il lui avait expliqué que la possibilité de conserver ces capacités, ainsi que l’indolence, ne pouvaient lui être garanties. Il l’avait informé que le résultat attendu était une récupération équivalente aux deux tiers de la force du côté opposé.

b. Pour M. J______, le Dr A______ ne lui avait rien expliqué, sinon que deux opérations étaient possibles. Il avait laissé à ce médecin la liberté de choisir l'intervention la plus appropriée. Il n'avait pu récupérer sa force. S’il avait su que l’opération ne lui apporterait rien, il ne l’aurait pas entreprise.

La cause a ensuite été gardée à juger, après qu'un délai a été accordé aux parties pour solliciter toute mesure d’instruction complémentaire.

Le recourant a produit le formulaire-type qu'il faisait signer désormais à ses patients avant tout acte chirurgical.

Ce dernier a la teneur suivante :

« Je reconnais avoir reçu de mon chirurgien toute l’information souhaitée, simple et intelligible, concernant l’évolution des troubles ou de la maladie dont je souffre, au cas où je ne serais pas opéré(e).

Il m’a été aussi expliqué les risques auxquels je m’expose en cas d’acte opératoire, les bénéfices de cet acte ainsi que les alternatives thérapeutiques.

Je reconnais avoir été informé(e) que toute intervention chirurgicale comporte une certaine part de risques et un certain pourcentage de complications, qu’ils soient courants ou exceptionnels, y compris vitaux, liés non seulement à la maladie ou au trouble dont je souffre mais aussi aux variations individuelles, pas toujours prévisibles. Il existe en particulier un risque incompressible de complications infectieuses (infections nosocomiales).

J’ai également été prévenu(e) qu’au cours d’une intervention, le chirurgien peut se trouver en face d’une situation ou d’un événement imprévu nécessitant des actes complémentaires ou différents de ceux prévus initialement.

J’autorise et sollicite, dans ces conditions, le chirurgien à effectuer tout acte qu’il estimerait nécessaire.

Document lu, approuvé et compris

Date et signature : ».

EN DROIT

Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

D’une manière générale, s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (P. MOOR, Droit administratif, 2ème éd., Berne 1994, Vol. 1, p. 170, n. 2.5.2.3). En matière de sanction disciplinaire, on applique toutefois le principe de la lex mitior lorsqu’il appert que le nouveau droit est plus favorable à la personne incriminée (ATA/197/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/182/2007 du 17 avril 2007 ; P. MOOR, op. cit., p. 171). La jurisprudence admet que ce principe s’applique également à la procédure de constatation d’une violation des droits de patients, car de celle-ci peut découler le prononcé d’une sanction (ATA/283/2007 du 5 juin 2007).

Les faits s’étant déroulés avant le 1er septembre 2006, la présente espèce doit être jugée, quant au fond et sous réserve d’une lex mitior, selon les dispositions de l’ancien droit, soit au regard de la loi sur l’exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS) et de la loi concernant les rapports entre membres de professions de la santé et patients du 6 décembre 1987 (LRMPSP).

La procédure est en revanche régie par la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03), la plainte ayant été déposée par-devant la commission après le 1er septembre 2006, date de l'entrée en vigueur de cette loi (art. 34 LComPS).

A teneur de l’art. 22 LComPS (applicable par renvoi de l’art. 34 LComPS), le patient-plaignant ne peut pas recourir contre les sanctions administratives prononcées par la commission de surveillance. Cette disposition nouvelle de la LComPS a consacré la jurisprudence constante de la chambre de céans, qui a toujours dénié au patient un intérêt digne de protection dans une telle procédure, orientée vers la protection des intérêts publics poursuivis par la loi et non vers les intérêts personnels des patients (ATA/523/2011 du 30 août 2011 ; ATA/573/2010 du 31 août 2010 ; ATA/259/2010 du 20 avril 2010).

L’absence de la qualité pour recourir du patient-plaignant emporte celle de sa qualité de partie si la procédure de recours est engagée par le médecin lui-même. En effet, les critères applicables à ces deux qualités sont identiques (art. 60 al. 1 let. b et 7 LPA). Il serait en outre incohérent d’admettre la qualité de partie du patient-plaignant lorsque le médecin recourt et de la dénier si le recours est interjeté par celui-là. Un tel mécanisme irait à l’encontre de la ratio legis de la loi, qui consiste à exclure le patient-plaignant de la procédure disciplinaire (art. 22 LComPS à mettre en relation avec l’art. 10 al. 5 LRMPSP, qui sépare clairement la procédure tendant à la constatation de la violation des droits de patient de la procédure disciplinaire).

La décision dont est recours fait un amalgame entre la constatation de la violation du devoir d'information (art. 1 LRMPSP) - contre laquelle le patient peut soit recourir si celle-ci est déniée, soit être admis comme partie si le médecin recourt contre elle - et la sanction disciplinaire, soit l'avertissement, infligée au praticien et contre laquelle lui seul peut recourir, le patient ne disposant ni de la qualité pour recourir ni de celle de partie à la procédure.

En raison de la dichotomie existant de par la loi entre ces deux aspects procéduraux dans la phase contentieuse, soit la constatation de la violation des droits de patients, d'une part, et l’agissement professionnel incorrect donnant lieu à une sanction, d'autre part, la commission aurait dû statuer distinctement sur ces deux questions juridiques.

Or, le dispositif ne porte que sur la sanction disciplinaire prononcée. La violation des droits de patient de M. J______ n'est constatée que dans les considérants. Il ressort cependant de ses écritures que la commission a voulu statuer définitivement sur cette dernière question également. Par économie de procédure, il sera ainsi renoncé à lui renvoyer la cause pour qu’elle statue sur celle-ci.

Dès lors que le recours du Dr A______ porte tant sur la constatation d'une violation de son devoir d'information que sur l'avertissement qui lui a été infligé et que M. J______ ne dispose de la qualité de partie que dans la première procédure, il y a lieu de disjoindre la cause A/255/2010 sous les nos de cause A/4635/2010-PROF et A/255/2010-PATIEN.

Le présent arrêt ne statue que sur le recours interjeté par le Dr A______ contre la sanction disciplinaire prononcée par la commission.

M. J______ n’est pas partie à cette procédure. Ses conclusions prises dans ce cadre sont ainsi irrecevables.

Les actes de procédure successifs ayant interrompu le délai relatif de prescription de deux ans prévu par l’art. 46 al. 1 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11), la prescription de la poursuite n’est pas atteinte.

Selon les art. 108 al. 2 let. b LPS et 10 al. 5 LRMPSP, l’agissement professionnel incorrect dûment constaté et qualifié comme tel par la commission peut faire l’objet d’une sanction.

Par agissement professionnel incorrect, il faut entendre l’inobservation d’obligations faites à tout praticien d’une profession de la santé, formé et autorisé à pratiquer conformément au droit en vigueur, d’adopter un comportement professionnel consciencieux, en l’état du développement actuel de la science. Cet agissement professionnel incorrect peut notamment résulter d’une infraction aux règles de l’art, de nature exclusivement technique, par commission, par omission ou par une violation des droits des patients (art. 40 let. c LPMed ; ATA/523/2011 du 30 août 2011 ; ATA/790/2010 du 16 novembre 2010 ; ATA/513/2009 du 13 octobre 2009 ; ATA/220/2009 du 5 mai 2009, et les arrêts cités).

L’agissement professionnel incorrect, au sens de l’art. 108 al. 2 let. b LPS, constitue une notion juridique imprécise dont l’interprétation peut être revue librement par la juridiction de recours, lorsque celle-ci s’estime apte à trancher en connaissance de cause. Cependant, si ces notions font appel à des connaissances spécifiques, que l’autorité administrative est mieux à même d’apprécier qu’un tribunal, les tribunaux administratifs et le Tribunal fédéral s’imposent une certaine retenue lorsqu’ils estiment que l’autorité inférieure est manifestement mieux à même d’attribuer à une telle notion un sens approprié au cas à juger. Ils ne s’écartent en principe pas des décisions prises dans ces domaines par des personnes compétentes, dans le cadre de la loi et sur la base des faits établis de façon complète et exacte (ATF 109 IV 211 ; 109 Ib 219 ; ATA/523/2011 du 30 août 2011 ; ATA/22/2010 du 19 janvier 2010, et la jurisprudence citée).

Le Dr A______ aurait violé les règles professionnelles en donnant une information insuffisante à son patient.

Compte tenu du fait que la commission est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/205/2009 du 28 avril 2009).

A teneur de l'art. 1 let. b de la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients du 6 décembre 1987 (LRMPSP - K 1 80), les médecins informent leurs patients de façon simple, compréhensible et acceptable par ces derniers, notamment des traitements et interventions possibles, de leurs bienfaits et risques éventuels. Cette disposition est à mettre en relation avec l'art. 5 de ladite loi, qui dispose que le consentement éclairé du patient est nécessaire pour toute mesure diagnostique et thérapeutique.

Selon la jurisprudence, la preuve de cette information et de l'obtention d'un consentement préalable éclairé incombe au médecin (ATF 117 Ib 197).

En l'espèce, il ressort du dossier médical et, en particulier, du schéma dessiné par le médecin, que ce dernier a clairement informé le patient sur le type d'opération qu'il allait effectuer. En revanche, il n’apparaît pas qu’une information relative au pronostic, aux risques d'échec de l'intervention, aux conséquences d'une abstention thérapeutique et à la nécessité pour ce patient d'envisager à terme une reconversion professionnelle.

Le Dr A______ relève que depuis fin 2005, il invite ses patients à signer le formulaire dont la teneur est reproduite dans la partie en fait ci-dessus.

Ce document type ne dit pas quelle information a été donnée au patient in casu, quels risques sa santé encourt en relation avec l'intervention envisagée et si l'information donnée à cet égard est complète et suffisante. Il s'apparente davantage à une exonération de responsabilité qu'à une preuve de l'information donnée. Il ne remplit pas les exigences posées par l'art. 1 LRMPSP, qui impose au médecin de fournir une information complète adaptée à chaque cas d'espèce. La preuve de cette information ne saurait ainsi se trouver dans ce document-type, mais bien plutôt dans les notes du médecin consignées dans le dossier médical du patient, qui doit contenir la substance de l'information lui ayant été concrètement donnée.

Même si ce formulaire avait été signé par M. J______, il n'aurait pas suffi à démontrer que l'information donnée était complète et suffisante au regard des art. 1 et 5 LRPMSP. Cette méprise du recourant démontre que ce dernier n'a pas à ce jour saisi clairement la portée du devoir d'information.

Enfin, le médecin doit adapter son information au niveau intellectuel et aux connaissances du patient. Il doit savoir utiliser des termes simples pour se faire comprendre et prendre le temps nécessaire pour s'assurer, autant que faire se peut, que les solutions thérapeutiques proposées ont été comprises et acceptées par lui, avec leurs risques et leurs éventuelles complications.

Or, il résulte des audiences de comparution personnelle effectuées respectivement par la commission et par le juge délégué, que le patient n'avait pas saisi la portée de l'information donnée, s'agissant notamment des risques d'échec de l'intervention et de la possibilité de devoir réaliser une arthrodèse à court terme après l'opération. S'il n'est pas certain que cette compréhension ait pu être obtenue dans le cas d'espèce, il appartenait en tout cas au médecin de consigner dans son dossier médical un résumé des informations données pour en démontrer le contenu.

La commission n'a ainsi pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant une violation par le Dr A______ de son devoir d'information.

Selon les art. 110 al. 2 let. a à c et 111 al. 1 let. a LPS, la commission peut prononcer les sanctions suivantes par ordre de gravité : l’avertissement, le blâme et l’amende jusqu’à CHF 50'000.- (art. 20 al. 2 et 34 LComPS).

La quotité de la sanction doit respecter le principe de la proportionnalité, selon lequel une mesure restrictive doit être apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. Ce principe interdit toute limitation allant au delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222, et les références citées).

En matière disciplinaire, la sanction n’est pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise ; elle vise à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel l’intéressée appartient. C’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction (ACOM/24/2007 du 26 mars 2007 ; G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité des violations des devoirs professionnels et ne pas aller au delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts publics recherchée. L’autorité doit tenir compte en premier lieu des éléments objectifs (gravité des violations commises), puis des facteurs subjectifs, tels que les mobiles et les antécédents de l’intéressée. Enfin, elle doit prendre en considération les effets de la mesure sur la situation particulière du recourant.

En l’espèce, la violation des règles professionnelles a été confirmée et la commission a prononcé la sanction la plus légère prévue par la loi.

Le recours ne peut dès lors qu'être rejeté.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

disjoint la cause A/255/2010 sous les numéros de causes A/255/2010-PATIEN et A/4635/2010-PROF ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2010 par le Dr A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 9 décembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du Dr A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Maurer, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :