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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/186/2009

ATA/22/2010 du 19.01.2010 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/186/2009-PROF ATA/22/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 janvier 2010

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Jacques Roulet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES AFFAIRES RÉGIONALES, DE L’ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1. Y______ S.A. (ci-après : Y______) est une société anonyme de siège à Genève. Selon son règlement du 1er octobre 2002, cette société exploite un établissement médical placé sous le contrôle et la surveillance d’un médecin répondant. Monsieur X______ en est l’administrateur et le médecin répondant.

2. Par courrier du 14 avril 2005, le Docteur Z______ s’est adressé à la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission). Il souhaitait porter à la connaissance de cette dernière un cas manifeste d’administration abusive et répétée d’opiacés par les médecins de Y______.

Dans le cadre de sa pratique, il traitait un patient souffrant de « Cluster Headache », lequel avait une tendance connue à abuser des opiacés, notamment la péthidine. Grâce à une prise en charge médicale adéquate de plusieurs années, impliquant notamment le concours d’un psychiatre et d’un neurologue, le patient avait totalement renoncé à cette pratique dommageable pour sa santé. Les tendances toxicomaniaques à composante psychiatrique de ce patient étaient bien connues des services d’urgence à domicile, lesquels respectaient la démarche thérapeutique consistant à éviter de lui administrer des opiacés. Y______ avait toutefois radicalement modifié sa pratique. Invoquant une recrudescence des crises douloureuses lors de l’absence du médecin traitant pour vacances, le patient avait fait appel à de multiples reprises à Y______ afin de demander des injections de péthidine. A son retour, le médecin traitant avait pu constater que Y______ avait administré des injections de péthidine à ce patient à de très nombreuses reprises. Il était en possession d’une vingtaine de rapports émanant de Y______ à ce sujet et ce n’était probablement pas terminé. Tous ces rapports étaient signés par le responsable médical de Y______, à savoir le Dr X______, auquel la fréquence des injections d’opiacés chez ce patient connu n’avait pu échapper. Ce dernier avait eu recours à ce service « médical » jusqu’à cinq fois par jour et n’était plus capable d’assumer ses charges de famille et professionnelles. Plusieurs années d’efforts thérapeutiques étaient ruinées.

Ces pratiques étaient contraires aux règles de l’art médical, à la déontologie et aux principes économiques régissant les professions de la santé. De plus, elles portaient directement atteintes aux intérêts du patient. En effet, celui-ci obtenait une distribution à domicile d’opiacés quasiment gratuite.

En tant que médecin traitant de ce patient et plus généralement, en tant que praticien, il était révolté par les agissements de Y______, dont les priorités étaient de plus en plus étrangères à la médecine.

Il demandait à la commission de prendre les mesures qui s’imposaient afin de préserver la santé publique et d’éviter la dispensation désordonnée de stupéfiants par Y______.

Etaient joints à cette dénonciations quatre rapports que Y______ lui avait adressés le 13 avril 2005 concernant le patient en question. L’identité du patient était occultée pour des raisons de respect du secret médical.

3. Le 3 juin 2005, la commission a transmis au Dr X______ la dénonciation précitée lui impartissant un délai au 8 juillet 2005 pour faire valoir ses observations (cause n° 19/05/A).

4. M. X______ a adressé une première réponse à la commission le 17 juin 2005.

Le Dr Z______ citait un patient particulier dont il était le médecin traitant et voulait généraliser ce cas, ce qui pour Y______ n’était pas acceptable. Cette situation était d’autant plus inconfortable que le patient avait fait part à Y______ d’un conflit grave qu’il avait eu avec le Dr Z______ et qui avait dégénéré jusqu’à l’implication personnelle de l’épouse du patient.

Le 20 juin 2005, M. X______ a complété ses observations.

Y______ était confronté à des situation parfois rudes nécessitant l’usage de la péthidine. Le type de patients qu’incriminait le Dr Z______ présentait un état borderline et était rarement intégré à un lieu de soins. Y______ servait alors de passerelle à l’intérieur d’un cercle thérapeutique en général lâche ou entre ce cercle et les institutions spécialisées. Cela étant, certains cas chroniques avaient épuisé toutes les ressources connues. Le débat sur la prise en charge de tels patients avait toujours été vif. Pour sa part, il demandait que chaque collaborateur aborde cette situation en apportant la solution que le patient s’était librement choisie.

Quelques mois auparavant, il s’était entretenu de cet important sujet avec le président Pierre-François Unger, qui lui avait confirmé son impuissance à trouver une solution adéquate pour ces quelques patients qui hantaient généralement tous les lieux de soins. Ce problème n’avait pas échappé non plus aux assurances. Les cas étaient alors pris en considération par un médecin-conseil de l’assurance avec lequel Y______ entretenait une relation constructive.

5. Par courrier du 24 juin 2005, la commission a confirmé à M. X______ qu’elle attendait des explications pour la prise en charge médicale par Y______ du patient du Dr Z______.

6. M. X______ s’est déterminé le 7 juillet 2005.

De manière générale, le rôle de Y______ consistait à venir en aide à tous les patients, notamment lorsque ceux-ci étaient en rupture avec le cercle thérapeutique. Y______ poursuivait alors le traitement initié par le médecin que le patient s’était librement choisi ou s’efforçait de maintenir une alliance thérapeutique permettant de faire progresser ce dernier dans une prise en charge globale.

7. Le 30 août 2005, la commission a informé M. X______ que la sous-commission A chargée de la surveillance des médecins, avait réexaminé le dossier. A cette occasion, elle s’était étonnée de la répétition - sur une brève période - d’injections de péthidine à un seul patient, sans autres mesures de prise en charge. La commission persistait à demander à M. X______ des explications médicales motivées à ce sujet. En particulier, lorsque dans son rapport du 13 avril 2005, le collaborateur de Y______ indiquait que « le patient a fait appel à nos services quatre fois hier et c’est la troisième fois ce jour », cela signifiait-il que des administrations de péthidine, respectivement de morphine, avaient été faites à ce patient lors de chaque appel ?

8. Dans le délai imparti au 10 septembre 2005, M. X______ a présenté sa détermination.

Chaque intervention de Y______ faisait l’objet d’un rapport au médecin traitant. Dans le cas particulier, le Dr Z______ avait été tenu informé des interventions de Y______ auprès de son patient, surtout lors des périodes de crise. Il n’avait jamais fait part à Y______ de son opposition à suivre le traitement qu’il avait lui-même appliqué. Par ailleurs, ce dernier était parfaitement au courant du système informatique de directives anticipées de Y______ qui permettait la gestion de ces patients selon l’accord du cercle thérapeutique. Or, il n’y avait pas recouru.

Comme expliqué antérieurement, un différend avait surgi entre ce patient et son médecin traitant auquel Y______ n’entendait pas se mêler.

9. Le 30 août 2005, la commission a interpellé le service du pharmacien cantonal (ci-après : le pharmacien cantonal) sur la question de savoir si le suivi de l’utilisation des opiacés (péthidine chez Y______) était détaillé patient par patient.

10. Dans sa réponse du 12 septembre 2005, le pharmacien cantonal a confirmé que Y______, en tant qu’établissement médical, était habilité à commander des stupéfiants auprès de grossistes pour ses propres besoins et devait, dans ces conditions, tenir une comptabilité pour les stupéfiants. Concernant les prescriptions faites par les médecins au domicile des patients, seul un contrôle des ordonnances de stupéfiants établi par les pharmacies en fin de mois permettait de savoir ce qui avait été prescrit. Un contrôle rétroactif de celles-là n’était toutefois pas envisageable.

11. Par courrier du 26 octobre 2005, la commission a demandé des renseignements complémentaires au pharmacien cantonal.

Elle souhaitait que celui-ci procède à un contrôle spécifique de la comptabilité de Y______ concernant les opioïdes injectables et plus particulièrement la morphine et la péthidine sur les deux années passées, que celui-ci se renseigne auprès de l’office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) pour connaître, pendant cette même période la commande globale de ces produits par Y______ et enfin qu’il procède à un contrôle prospectif des ordonnances de Y______ honorées par les pharmacies de la ville portant sur ces deux substances pour les deux mois à venir.

12. Le 9 décembre 2005, le pharmacien cantonal a fourni à la commission les renseignements demandés.

Au cours des deux dernières années, Y______ avait commandé auprès du grossiste Galexis les quantité suivantes :

Pour 2004 :

- 14 emballages de morphine HCI Amino 10 mg à 100 ampoules

- 9 emballages de péthidine 100 mg / 2 ml à 100 ampoules

Pour 2005 (jusqu’au 15 novembre 2005)

- 13 emballages de morphine 10 mg à 100 ampoules

- 22 emballages de péthidine 100 mg / 2 ml à 200 ampoules

S’agissant de la question de la gestion des stupéfiants, le pharmacien cantonal s’était rendu chez Y______ le 17 novembre 2005. Il n’existait qu’une comptabilité partielle des stupéfiants qui s’arrêtait à la prise d’ampoules dans le coffre-fort et permettait seulement de déterminer par qui, quand et combien d’ampoules avaient été prises dans le coffre. Il n’existait pas de comptabilité de la totalité des stupéfiants stockés chez Y______, ni une comptabilité spécifique à l’administration. Le pharmacien cantonal a demandé que cela soit mis en place.

Concernant la grande quantité de péthidine et de morphine utilisée par Y______, le responsable avait indiqué au pharmacien cantonal que Y______ faisait entre cinquante mille et cinquante cinq mille consultations par année et que certains patients figuraient dans leur fichier sous « patient remarquable » appelant fréquemment en urgence pour obtenir des injections de stupéfiants. En principe, dans des cas de ce genre, Y______ établissait un cadre thérapeutique avec le médecin traitant en définissant le nombre maximal de stupéfiants pouvant être administré lors de ses interventions.

Au sujet du contrôle mensuel des ordonnances à souche, le contrôle n’aboutira probablement à rien de concret car Y______ ne possédait pas un tel carnet.

13. Ce même 9 décembre 2005, le pharmacien cantonal s’est adressé à Y______ lui demandant de mettre en place une comptabilité où il était possible de connaître en tout temps les données concernant la quantité stockée des stupéfiants d’une part, et de retracer de manière plus spécifique les administrations de stupéfiants faites lors des interventions, d’autre part. Il était de plus nécessaire de vérifier régulièrement la concordance entre le stock réel et la comptabilité. Enfin, Y______ devait remplir l’inventaire annuel des stupéfiants, comme il le faisait pour la méthadone, en mentionnant tous les stupéfiants et lesquels il utilisait, péthidine et morphine comprises.

Enfin, le pharmacien cantonal avait constaté que des « blisters » étaient coupés afin de les utiliser comme « starter ». Cette pratique, ne permettant pas d’assurer la traçabilité de ces médicaments placés dans des mallettes d’urgence, n’était à l’heure actuelle plus acceptable.

14. Par courrier du 15 décembre 2005, Y______ a pris note des nouvelles exigences émises par le service déclarant qu’elle allait procéder comme il lui était demandé.

15. Le 4 mai 2006, M. X______ a transmis à la commission, pour information, un dossier intitulé « échange avec la direction de S______ », duquel il résultait notamment les éléments suivants :

Le 16 février 2006, Y______ avait fait notifier à S______ un commandement de payer de CHF 211'614,45 concernant des traitements effectués par Y______ au domicile de deux assurés de S______ depuis le mois de mars 2005.

Le 3 mars 2006, S______ avait réagi en s’adressant à Y______ relevant que les praticiens intervenaient quotidiennement, surtout depuis le mois de mars 2005, parfois jusqu’à cinq fois dans la même journée, pour procéder à des injections de péthidine. S______ était en possession d’environ huit cents factures pour deux patients pour des traitements effectués sur environ neuf mois. Considérant qu’il s’agissait d’une dérive, S______ avait décidé d’en informer le médecin cantonal ainsi que la direction de la santé publique.

16. Le 16 mai 2006, la direction générale de la santé du département de l’économie et de la santé, devenu depuis le 7 décembre 2009, le département des affaires régionales, de l’économie et de la santé (ci-après : le département) a transmis à la commission, pour raisons de compétence, copie du courrier précité du 3 mars 2006.

La commission a ouvert un dossier sous n° A/16/06.

17. Le 15 juin 2006, la commission a convoqué M. X______ ainsi que les deux patients mis en cause par S______ pour être auditionnés le 23 juin 2006.

D’entrée de cause, M. X______ a demandé la récusation du professeur Timothy Harding, ce qui a été accepté.

M. X______ a catégoriquement contesté que Y______ doive obtenir une autorisation au sens de l’art. 2 al. 2 du règlement concernant la prescription, la dispensation et l’administration de stupéfiants destinés au traitement des personnes dépendantes du 16 août 1978 (Rstup - K 4 20.06).

L’un des deux patients convoqués ne s’est pas présenté, sans excuses ni explications.

La seconde patiente s’est excusée par courrier du 25 juin 2006. Elle avait réceptionné à midi la convocation pour 10h00 du matin.

Depuis plusieurs mois, elle n’avait plus appelé Y______. Elle était suivie par un médecin spécialiste des problèmes de dépendance avec lequel elle avait convenu de ne plus jamais avoir à faire à cet organisme.

18. Le 3 novembre 2008, la commission a informé M. X______ que l’instruction des deux dénonciations était terminée et que celle-ci serait soumise à la prochaine séance plénière de la commission. Un délai au 10 novembre 2008 lui était imparti pour faire valoir un motif de récusation à l’encontre de l’un ou l’autre des membres de la commission dont la liste lui était communiquée.

19. La commission a établi son préavis le 13 novembre 2008.

Compte tenu du fait que les griefs soulevés dans les deux causes étaient le fait de la même entité, avaient fait l’objet d’une instruction parallèle et étaient en état d’être jugées au même moment, elles étaient jointes.

C’était bien l’attitude générale de Y______ instaurée par le recourant, en sa qualité de médecin répondant, face à des patients dépendants qui devait être examinée et non pas l’attitude professionnelle de chacun des médecins intervenus pour le compte de cette entité.

Comme le démontraient les statistiques du pharmacien cantonal, qui n’avaient pas été contestées par M. X______, Y______ avait prescrit des quantités énormes de stupéfiants, en l’occurrence de la péthidine, laquelle agissait particulièrement violemment, ce qui la rapprochait dans ses effets de l’héroïne. Selon les chiffres avancés par S______ concernant uniquement deux patients, Y______ était intervenu à plus de huit cents reprises en une seule année, parfois jusqu’à quatre ou cinq fois par jour, pour leur administrer de la péthidine et ce, pour un coût dépassant CHF 250'000.-.

La commission reprochait à M. X______ de refuser la responsabilité thérapeutique de patients dépendants alors que dans un même temps il leur avait prodigué un traitement d’entretien, selon ses propres termes, et qu’il n’avait pas contrôlé le suivi de telles prescriptions administrées sur une longue durée.

Il n’était pas tolérable, vu la quantité de stupéfiants prescrite en urgence et de manière répétitive, qu’aucune autorisation de prescription n’ait été sollicitée. M. X______ ne pouvait pas soutenir qu’il s’agissait-là d’interventions d’urgence qui lui permettraient d’échapper au régime de l’autorisation, vu le nombre considérable d’interventions auprès des mêmes patients et de leurs fréquences. A partir du moment où Y______ intervenait de manière régulière, l’établissement faisait de la substitution et des autorisations devaient donc être sollicitées auprès du médecin cantonal, conformément au Rstup. De telles autorisations servaient à réguler l’utilisation et la consommation de stupéfiants.

Y______ avait contrevenu de manière flagrante à la législation en vigueur avec comme conséquences possibles d’exposer des patients à des risques de surdosage dans le cas où ceux-ci bénéficieraient déjà d’un autre traitement de substitution.

La commission estimait que M. X______ en sa qualité de médecin répondant avait commis des agissements professionnels incorrects au sens de la loi sur l’exercice des professions de la santé, des établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS - K 3 05).

Les griefs revêtaient une gravité importante et étaient de nature à mettre en danger la santé publique. Dès lors la commission proposait au département d’infliger à l’intéressé un blâme et une amende de CHF 10'000.- au sens de l’art. 110 LPS, ce qui devrait permettre à M. X______ de revoir sa pratique à l’avenir.

20. Par décision du 17 décembre 2008, le président du département, sur la base du préavis de la commission, a prononcé un blâme et une amende de CHF 10'000.- à l’encontre de M. X______, en sa qualité de médecin répondant de Y______.

Il était reproché à M. X______ de refuser la responsabilité thérapeutique de patients dépendants alors que dans le même temps, Y______ avait prodigué un traitement dit d’entretien avec de la péthidine et que M. X______ n’avait pas contrôlé le suivi de telles prescriptions administrées sur une longue durée. Il n’était pas tolérable, vu la quantité de stupéfiants prescrite en urgence et de manière répétitive par Y______, qu’aucune autorisation de prescription pour des traitements de maintenance n’ait été sollicitée auprès du médecin cantonal, conformément au Rstup.

Y______, soit pour lui M. X______, avait contrevenu de manière flagrante à la législation en vigueur, avec comme conséquence possible d’exposer des patients à des risques de surdosage dans le cas où ceux-ci bénéficieraient déjà d’un autre traitement de substitution.

M. X______ avait commis des agissements professionnels incorrects au sens de la LPS.

Le président du département faisait siennes les conclusions de la commission.

21. Par courrier du 5 janvier 2009, M. X______ a demandé à la commission de mettre son dossier à sa disposition.

22. Le 19 janvier 2009, M. X______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée. Il conclut à l’annulation de la décision querellée, avec suite de frais et dépens.

La décision attaquée avait été rendue au gré de nombreuses et fondamentales irrégularités formelles, et notamment en violation de son droit d’être entendu, ce qui en justifiait l’annulation pure et simple.

D’une part, les patients sujets des traitements administrés n’avaient pas été entendus au cours de la procédure qui avait conduit à la décision. Les dénonciateurs n’avaient pas fait l’objet d’une quelconque audition par la sous-commission A.

D’autre part, lui-même n’avait pas eu accès à l’ensemble de son dossier, notamment au préavis de la commission, qui pourtant fondait intégralement la décision rendue par le président du département.

De tels manquements consacraient un déni de justice formel et une violation de son droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Sur le fond, aucune violation des règles éthiques, légales et déontologiques ne pouvait lui être reprochée. Y______ n’assurait en aucune hypothèse le rôle dévolu au médecin traitant mais n’intervenait qu’en urgence. Après cinq interventions, les médecins pratiquant auprès de Y______ établissaient un rapport médical à l’attention du médecin traitant. Le rôle de Y______ consistait à venir en aide à tous les patients, notamment lorsque ceux-ci étaient en rupture de leur cercle thérapeutique le plus intime. Même dans cette hypothèse, Y______ poursuivait le traitement initié par le médecin traitant.

Dans le cas particulier du patient du Dr Z______, celui-ci n’avait jamais marqué son opposition avec le traitement prodigué par Y______, ayant lui-même appliqué la stratégie thérapeutique qu’il se plaisait à critiquer.

Y______ n’avait pas à requérir d’autorisation pour la dispensation de stupéfiants auprès de patients dépendants. La pharmacienne cantonale adjointe avait précisé que Y______, en tant qu’établissement médical privé, était en droit de commander des stupéfiants auprès des grossistes pour les besoins de son activité, étant uniquement soumis à l’obligation de tenir une comptabilité des stupéfiants gérés et devant donc être en mesure d’indiquer à quel patient lesdits produits avaient été administrés.

23. Dans sa réponse du 7 avril 2009, le département s’est opposé au recours, reprenant sur le fond l’argumentation développée dans la décision litigieuse.

S’agissant de la violation du droit d’être entendu, M. X______ n’avait pas requis d’acte d’instruction au cours de la procédure devant la commission et en particulier, il n’avait pas sollicité l’audition des patients concernés. Il s’était largement prononcé aussi bien par écrit qu’oralement. Son droit d’accès au dossier avait été respecté : le préavis de la commission étant un document interne au département, il n’avait pas l’obligation de transmettre sur la base de l’art. 29 Cst. Référence était faite à la jurisprudence du Tribunal administratif en la matière.

Au nombre des pièces produites, figurait le préavis du 13 novembre 2008 de la commission.

24. M. X______ a demandé à répliquer et s’est exprimé le 15 juin 2009.

Il a persisté dans son argumentation ayant pour objet la violation de son droit d’être entendu, dès lors qu’il n’avait eu accès au préavis de la commission qu’après l’introduction de la procédure devant le Tribunal administratif.

Pour le surplus, il a persisté dans ses précédentes explications et conclusions, insistant sur l’activité d’urgentiste de Y______. De deux choses l’une, soit l’on permettait à Y______ d’intervenir au chevet de tous les patients, quelle que soit leur pathologie, et leurs souffrances et partant, la possibilité qu’il soit fait appel à ses services plusieurs fois par jour. Soit on confinait l’intervention de Y______ à des domaines strictement délimités dans le cadre de pathologies n’impliquant aucune psycho ou toxicodépendance.

25. Le département a dupliqué le 12 août 2009 et persisté dans ses précédentes explications et conclusions.

26. Le 8 septembre 2009, M. X______ a sollicité la récusation du magistrat Pierre-François Unger, conseiller d’Etat chargé du département ayant pris la décision litigieuse et signé les mémoires de réponse et de duplique.

D’un courrier adressé le même jour à M. Unger, il résultait que les deux hommes avaient connu de graves différends d’ordre privé. M. X______ avait déposé auprès du Grand Conseil une pétition en relation avec les visées qu’il reprochait à M. Unger d’avoir eu sur l’actionnariat de Y______. La duplique du 12 août 2009 signée par M. Unger convainquait M. X______ de la présence d’une interférence entre la préservation d’intérêts privés et l’usage de l’autorité publique. M. Unger devait choisir la voie de la récusation qui aurait déjà dû s’imposer à lui bien auparavant et il était invité à rétracter formellement les passages de la duplique injustement diffamants à l’encontre de M. X______.

27. Le 16 septembre 2009, M. Unger a transmis au Tribunal administratif copie de la réponse qu’il adressait le même jour à M. X______.

Il ne voyait pas quels motifs pourraient justifier sa récusation dans cette affaire. Il n’avait eu aucun différend d’ordre privé avec M. X______ précisant qu’à la même époque que celle des faits incriminés dans la présente affaire, il avait procédé à des classements de plaintes à l’encontre de M. X______, estimant que celles-ci étaient infondées. Pour le surplus, il avait intégralement suivi le préavis émis par la commission, organe d’instruction du département.

Il n’était pas compréhensible que le motif évoqué pour sa récusation ne soit soulevé qu’au stade de la procédure devant le Tribunal administratif auquel il appartenait d’apprécier cette affaire.

Concernant la demande de rétracter un certain nombre de propos contenus dans la duplique du département, M. Unger regrettait que M. X______ ait pu croire que ses écrits comportaient un jugement de valeur sur sa personne. Tel n’était pas le cas. Le département avait fait valoir dans un langage judiciaire sa position dans cette affaire en sa qualité de partie à la procédure. Il était donc normal que les positions des uns et des autres soient divergentes.

28. Par courrier du 28 septembre 2009, M. Unger a confirmé au Tribunal administratif qu’il persistait dans les termes de sa réponse du 16 septembre 2009 à M. X______ et sollicitait que cette affaire soit jugée par le Tribunal administratif.

29. M. X______ a présenté ses observations le 30 septembre 2009.

A s’en tenir aux « faits objectifs », il entretenait avec M. Unger des relations d’ordre privé depuis 1979 qui avaient malheureusement évolué de manière conflictuelle, au manifeste détriment de l’un, puisque l’autre détenait les rênes du pouvoir hiérarchique de la profession qu’ils avaient tous deux en commun. Référence était faite notamment à une procédure ayant opposé en 1988 Y______ à l’Association des médecins du canton de Genève et plus particulièrement, à la déposition de M. Unger du 31 mai 1989 entendu en qualité de témoin par la Cour de justice. Ceci étant précisé, M. X______ poursuivait : « En l’espèce, il n’appartient pas au Tribunal administratif de trancher la question de savoir si le conseiller d’Etat Unger, compte tenu des relations houleuses qu’il entretient avec le Dr X______ depuis une trentaine d’années, aurait dû se récuser et éviter toute implication personnelle à l’égard de Y______ » (observations du 30 septembre 2006, p. 6, 1er paragraphe) ».

En revanche, le Tribunal administratif devait juger si la décision querellée résultait d’un excès ou d’un abus de pouvoir du département compétent, dirigé par son conseiller d’Etat Unger et tel était manifestement le cas. La commission ne constituait pas une autorité de recours inférieure indépendante offrant à l’administré la faculté de faire valoir ses moyens. Il ne s’agissait que d’un instrument interne au département, placé sous l’autorité hiérarchique de celui-ci et n’offrant aucune garantie prévue à l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). M. X______ en voulait pour preuve que M. Unger n’avait eu cesse de prétendre qu’il ne devait pas avoir accès au dossier de la commission ni à son préavis qui était un document interne au département. M. X______ relevait encore que le préavis du 13 novembre 2008 de la commission comprenait une référence « NB/MJR », initiales qui continuaient à apparaître dans les références figurant dans les actes de procédure. C’était donc manifestement le même fonctionnaire du département qui gérait le dossier et rédigeait le préavis de la commission et participait aux actes ultérieurs du département sous la direction de son chef. C’était donc en vain que M. Unger tentait de se réfugier derrière le préavis de la commission, celle-ci étant dépourvue de toute indépendance eu égard au chef du département.

Il conclut préalablement, à ce que le Tribunal administratif ordonne l’audition de M. Unger d’une part, et au département de produire le dossier complet de la commission et de la sous-commission A, d’autre part. Sur le fond, il persiste dans ses conclusions initiales.

30. Le département s’est déterminé le 26 octobre 2009. Il résultait du texte des dernières observations de M. X______ que celui-ci avait finalement renoncé à l’argument qui avait motivé la réouverture des débats, à savoir la récusation de M. Unger, étant précisé au surplus que depuis le début de sa magistrature, M. Unger avait dû statuer sur des plaintes à l’encontre de M. X______ sans que celui-ci ne sollicite sa récusation.

M. Unger n’avait pas de différend d’ordre privé tel qu’évoqué par M. X______. Il est vrai qu’il avait envisagé en 1987 de devenir actionnaire de la société constituée par M. X______, mais ce projet n’avait pas abouti. Chacun des intéressés avait poursuivi de manière différente sa carrière professionnelle.

La sous-commission A, compétente s’agissant de la surveillance des médecins, avait instruit les dénonciations de S______ et du Dr Z______ puis soumis une proposition de préavis à la commission plénière, laquelle avait pris des conclusions en toute indépendance, comme pourrait en témoigner son président au cas où le Tribunal administratif le jugerait utile. Comme le prévoyait l’art. 104 al. 2 LPS, le secrétariat de la commission était assuré par une juriste du département, soit Mme N. B., laquelle n’avait pas de droit de vote. En cette qualité, il était parfaitement normal, vu sa connaissance du dossier, que celle-ci assiste le magistrat durant toute la procédure et ce jusqu’au Tribunal administratif. Ses références, inscrites sur tous les documents du département, prouvaient bien que celui-ci n’avait rien à cacher.

En conclusion, tous les éléments personnels développés par M. X______ étaient totalement étrangers à l’objet du débat qui concernait des cas concrets. La décision prise par le département reposait sur des motifs de santé publique, lesquels devaient rester au cœur du débat, contrairement à ce que tentait de faire M. X______. Aucune audition autre que celle éventuelle du président de la commission n’était utile à la résolution du litige. Enfin, le département avait déposé l’intégralité du dossier de la procédure comme cela le lui avait été demandé par le Tribunal administratif le 5 février 2009.

Il sollicitait que la cause soit désormais gardée à juger.

Le département a persisté dans ses conclusions en rejet du recours avec suite de frais et dépens.

31. Le 27 octobre 2009, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La qualité pour agir de M. X______ est acquise dès lors que celui-ci est destinataire de la décision querellée.

3. a. Entrée en vigueur le 1er septembre 2006, la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) a, à teneur de son art. 136 let. d et e, abrogé la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients du 6 décembre 1987 (LRPS), d’une part, ainsi que la LPS d’autre part.

b. Le Rstup ainsi que le règlement relatif à l’application de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, à l’ordonnance sur les stupéfiants et les substances psychotropes et à l’ordonnance sur les précurseurs et autres produits chimiques utilisés pour la fabrication de stupéfiants et de substances psychotropes du 9 décembre 1996 (K 4 20.02) ont été abrogés par le règlement relatif à l’application de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 27 juin 2007, entré en vigueur le 5 juillet 2007 (RaLStup - K 4 20.02).

c. Les faits à l’origine du litige s’étant déroulés en 2004, soit antérieurement au 1er septembre 2006, et le droit actuellement en vigueur ne prévoyant pas, au chapitre des sanctions administratives, de régime plus favorable au recourant, le cas d’espèce reste, au plan du droit matériel, régit par la LRPS et la LPS (ATA/513/2009 du 13 octobre 2009 et les réf. citées).

4. Le recourant se plaint de ce que son droit d’être entendu a été violé en ce sens que d’une part les patients et les dénonciateurs n’ont pas été entendus par le commission et d’autre part, qu’il n’a pas eu accès au préavis de la commission qui aurait dû lui être transmis pour qu’il puisse se déterminer sur son contenu avant que la décision ne soit prise.

5. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3).

a. Il résulte des pièces du dossier de la commission que celle-ci a ordonné l’audition des patients mis en cause par S______. L’un d’entre eux ne s’est tout simplement pas présenté à l’audience à laquelle il avait été convoqué. Quant au second, il s’est excusé, déclarant avoir reçu la convocation trop tard et expliquant les raisons pour lesquelles il estimait ne pas devoir se présenter, en particulier n’ayant plus fait appel à Y______ depuis plusieurs mois.

Nanti de ces informations, le recourant n’a pas demandé que les témoins soient reconvoqués.

De la même manière, à aucun moment il n’a sollicité l’audition des dénonciateurs.

Dans ces conditions, le grief de violation du droit d’être entendu devra être écarté.

b. Le droit d'accès au dossier comprend en règle générale le droit de consulter les pièces au siège de l'autorité, de prendre des notes et, pour autant que cela n'entraîne aucun inconvénient excessif pour l'administration, de faire des photocopies (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112 et les arrêts cités). Toutefois, conformément à la doctrine et à la jurisprudence, l'administré ne dispose pas d'une prétention de rang constitutionnel permettant d'avoir accès à des documents internes à l'administration (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.742.1999 du 15 février 2000, consid. c ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. 2, 2ème éd., Berne 2006, p. 608, n. 1327 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 24-25, n. 1.1.2.5). Sont considérées comme telles des pièces qui servent à l'instruction d'un cas, mais qui ne sont dotées d'aucun caractère probatoire, et qui sont au contraire exclusivement destinées à l'usage interne pour la formation de la volonté de l'administration (ATF 125 II 473 consid. 4a p. 474/475 et les réf. citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.742.1999 du 15 février 2000, consid. c). Ainsi en va-t-il des préavis préparatoires à la décision, que l'autorité qui statue n'est d'ailleurs pas obligée de suivre, qui n'ont donc pas pour objet de produire un effet juridique et qui dépendent d'un acte juridique lui-même sujet au contrôle (P. MOOR, idem, p. 26-27, n. 1.1.3.1).

En l'espèce, le préavis demandé était un document interne à l'administration. L'autorité intimée n'avait donc pas d'obligation de le transmettre sur la base de l'article 29 Cst. (ATA/513/2009 déjà cité).

En conséquence, le grief de violation du droit d'être entendu à cet égard devra également être écarté.

6. Après avoir sollicité la récusation de M. Unger, le recourant conclut qu’il n’appartient pas au Tribunal administratif de se prononcer sur cette question.

C’est à juste titre, au regard de l’art. 15 al. 4 LPA.

7. a. La LPS réglemente notamment l’exercice à titre privé des professions de la santé (art. 2 let. a LPS). Elle prévoit des sanctions administratives pour les infractions à ses dispositions ou à celles de ses règlements, ainsi que pour les agissements professionnels incorrects dûment constatés et qualifiés comme tels par la commission (art. 108 al. 2 let. a LPS).

b. Sur la base des art. 15a et 34 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), le Conseil d'Etat genevois a édicté le Rstup. Ce dernier s'applique à la prescription, à la dispensation et à l'administration de stupéfiants destinés au traitement des personnes dépendantes, tels qu'ils sont définis dans la LStup et son ordonnance sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 29 mai 1996 (Ostup - RS 812.121.1) (art. 1 al. 1 Rstup). La péthidine figure dans la liste des stupéfiants énumérés à l’appendice de l’ordonnance de l’Institut suisse des produits thérapeutiques du 12 décembre 1996, sur les substances psychotropes (OStup - Swissmedic - RS 812.121.2). Selon l'art. 2 al. 2 Rstup et conformément à l'art. 15a al. 5 LStup, le médecin qui estime indiqué de prescrire un stupéfiant à un toxicomane doit obtenir, au préalable, l'autorisation du médecin cantonal. En application de l’art. 2 Rstup, la direction générale de la santé a établi des directives externes concernant la prescription, dispensation et administration de stupéfiants destinés au traitement des personnes dépendantes (ci-après : les directives).

8. a. Par agissement professionnel incorrect au sens de l’art. 108 al. 2 let. a LPS, il faut entendre l’inobservation d’obligations imposées à tout praticien d’une profession de la santé, formé et autorisé à pratiquer conformément au droit en vigueur, d’adopter un comportement professionnel consciencieux, en l’état du développement actuel de la science. L’agissement professionnel incorrect peut résulter d’une infraction aux règles de l’art, de nature exclusivement technique, par commission, par omission ou par une violation de l’obligation générale d’entretenir des relations adéquates avec les patients (ATA/205/2009 et ATA/412/2008 déjà cités).

b. L’agissement professionnel incorrect au sens de l’art. 108 al. 2 let. a LPS constitue une notion juridique imprécise dont l’interprétation peut être revue librement par la juridiction de recours, lorsque celle-ci s’estime apte à trancher en connaissance de cause. Cependant, si ces notions font appel à des connaissances spécifiques, que l’autorité administrative est mieux à même d’apprécier qu’un tribunal, les tribunaux administratifs et le Tribunal fédéral s’imposent une certaine retenue lorsqu’ils estiment que l’autorité inférieure est manifestement mieux à même d’attribuer à une telle notion un sens approprié au cas à juger. Ils ne s’écartent en principe pas des décisions prises dans ces domaines par des personnes compétentes, dans le cadre de la loi et sur la base des faits établis de façon complète et exacte (ATA/205/2009 du 28 avril 2009, consid. 1.3 ; ATA/412/2008 du 26 août 2008, consid. 6.b ; ATA/318/2006 du 13 juin 2006, consid. 3 ; ATA/396/2005 du 31 mai 2005 consid. 6c ; ATA/648/2004 du 24 août 2004, consid. 3c ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, Neuchâtel 1984, p.336 et 337).

9. En l’espèce, le recourant estime que Y______ a agi dans des situations d’urgence et de crise aiguë alors que l’étude des pièces du dossier tend à démontrer que tel n’était pas toujours le cas, en particulier s’agissant des deux cas dénoncés par S______. Pour l’un et l’autre des patients concernés, il apparaît que Y______ est intervenu plusieurs fois par jour, parfois à quatre ou cinq reprises et sur une longue durée. L’intensité des interventions de Y______ constitue incontestablement une ingérence dans le traitement prodigué par le médecin traitant, pour autant qu’il y en ait un. Dans l’un des cas, le patient n’avait pas de médecin traitant, ce que le recourant a relevé dans ses écritures et il faut donc admettre que Y______ a entrepris une relation thérapeutique avec celui-là qui ne peut pas être assimilée à un traitement d’urgence, voire de crise aiguë. En prescrivant de manière régulière des traitements et des médicaments, de même qu’en assurant le suivi thérapeutique de patients pendant une durée certaine, Y______ a agi comme un médecin traitant, auquel elle s’est concrètement substituée. En cela, Y______ est allée au-delà de la mission qui est la sienne et qu’elle décrit comme telle, à savoir l’intervention ponctuelle dans des cas d’urgence et de crises aiguës.

A cela s’ajoute que la prescription de stupéfiants sur une longue durée est soumise à autorisation en application du Rstup. Or, en prescrivant régulièrement et pendant de nombreux mois des stupéfiants sans être au bénéfice d’une autorisation du médecin cantonal, Y______ a violé l’art. 2 al. 2 Rstup.

De tels comportements, qui doivent être considérés comme relevant d’agissements professionnels incorrects, sont passibles d’une sanction.

10. Il s’agit d’examiner si la sanction infligée au recourant est conforme au droit.

Lorsque la loi n'en dispose pas autrement, les sanctions sont infligées par le département, sur préavis de la commission (art. 110 al. 1 LPS). Le département est compétent pour prononcer notamment l'avertissement, le blâme et l'amende jusqu'à CHF 50'000.-, celle-ci pouvant être cumulée avec les deux premières sanctions (art. 110 al. 2 let. a à c et al. 3 LPS). Dans les cas graves, le Conseil d'Etat est compétent pour sanctionner le contrevenant, en prononçant, soit la radiation temporaire ou définitive, soit encore la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement (art. 111 LPS).

11. a. Les sanctions disciplinaires doivent être fixées en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/123/1997 du 18 février 1997). En vertu de l'art. 1 de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) sont applicables, au titre de droit cantonal supplétif, aux infractions prévues par la législation genevoise.

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, RDAF 1996, p. 347), une telle sanction n’étant pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise, mais à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient, c’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction. Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/140/2006 du 14 mars 2006 ; ATA/648/2004 du 24 août 2004).

c. En matière de sanctions disciplinaires où l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/395/2004 du 18 mai 2004 ; ATA/102/2002 du 19 février 2002). Alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (P. MOOR, op. cit., p. 376 ss. et les réf. citées).

d. En l'espèce, il résulte de l'interprétation systématique de l'art. 15a al. 5 LStup dans la section 4 dénommée « Lutte contre l'abus des stupéfiants » du chapitre 2 LStup consacré à la « fabrication, dispensation, acquisition et utilisation de stupéfiants », que le but de l'autorisation de l'art. 2 al. 2 Rstup vise à établir un contrôle sur la consommation de stupéfiants par des personnes toxicodépendantes dans le cadre de traitements médicaux. En effet, il est aisé pour un même individu d'être suivi par différents médecins à leur insu et d'obtenir ainsi plusieurs prescriptions lui permettant de satisfaire ses besoins en stupéfiants. Ce genre de comportement met en péril, d'une part, la santé individuelle des personnes toxicodépendantes et, d'autre part, la santé publique, dans la mesure où le marché noir serait alimenté en stupéfiants. Il est important que chaque médecin sache de source sûre, avant de prescrire un stupéfiant à une personne toxicodépendante, si cette dernière suit déjà un tel traitement. La demande d'autorisation auprès du médecin cantonal permet de procéder à cette vérification et de lutter efficacement contre ce genre d'abus.

Le département a infligé au recourant une amende de CHF 10'000.-. Celle-ci doit sanctionner l’absence de demande d’autorisation. Le montant est certes important, mais il encore bien loin du maximum de CHF 50'000.- prévu par la loi. Le recourant n’a à aucun moment allégué qu’il ne serait pas en mesure de faire face au paiement de cette amende.

A cela s’ajoute le blâme. Le Tribunal administratif constate qu’à aucun moment le recourant n’a remis en cause la pratique de Y______. Bien au contraire, il a cherché par tous les moyens à se dégager de sa responsabilité au motif qu’il n’entrerait pas dans les buts de Y______ d’assurer un suivi thérapeutique.

Compte tenu de l’ensemble des actes reprochés, la sanction prononcée, soit le blâme et l’amende d’un montant de CHF 10'000.- est conforme à la jurisprudence. A titre d’exemple, le Tribunal administratif a confirmé une sanction similaire, l’amende étant toutefois d’un montant moindre, dans le cas d’un dentiste auquel il était reproché une prise en charge inappropriée (ATA/205/2009 du 28 avril 2009). Le département n’a ainsi pas mésusé de son pouvoir d’appréciation.

12. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Les faits à l’origine du présent arrêt étant susceptibles de constituer une infraction pénale, il se justifie de le communiquer à Monsieur le Procureur général, pour information. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe. Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2009 par Monsieur X______ contre la décision du 17 décembre 2008 du département des affaires régionales, de l’économie et de la santé ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat du recourant, au département des affaires régionales, de l’économie et de la santé ainsi qu’à Monsieur le Procureur général, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Grodecki, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :