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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2067/2016

ATA/1454/2017 du 31.10.2017 sur JTAPI/1234/2016 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; LIBÉRALITÉ ; ÉGLISE(RELIGION)
Normes : LPFisc.51 ; LPFisc.54 ; LIFD.25 ; LIFD.33a ; LIPP.28 ; aLIPP.37
Résumé : Le fardeau de la preuve incombe au contribuable s'agissant des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. Versements bénévoles non démontrés en l'espèce. Les deux instances judiciaires peuvent à nouveaux déterminer les éléments imposables et après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation à son désavantage.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2067/2016-ICCIFD ATA/1454/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

contre

 

Madame et Monsieur A______

représentés par Me Joseph Merhai, avocat

 

et

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 (JTAPI/1234/2016)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'imposition pour l'année fiscale 2013 de Madame  et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______ ou les contribuables), domiciliés à Vandoeuvre dans le canton de Genève.

2) Dans la rubrique intitulée versements bénévoles et dons de leur déclaration fiscale 2013, les contribuables ont fait valoir une déduction de CHF 11'200.-.

3) Le 20 juillet 2015, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a notifié les bordereaux définitifs pour l'ICC et l'IFD 2013, sans admettre la déduction susmentionnée.

4) Par réclamation du 14 août 2015, les contribuables ont contesté lesdits bordereaux, en particulier en ce qu'ils n'admettaient pas les prestations bénévoles d'un montant de CHF 11'200.-.

5) Le 5 novembre 2015, à la suite d'une demande de renseignements de l'AFC-GE du 8 octobre 2015, les contribuables ont produit un décompte des dons effectués en 2013 à hauteur de CHF 11'100.-, en joignant divers justificatifs à l'appui.

6) Par deux décisions du 18 mai 2016, l'AFC-GE a partiellement admis la réclamation en tant qu'elle a opéré une déduction de CHF 10'100.- pour l'ICC CHF 9'100.- pour l'IFD, se fondant sur les justificatifs fournis.

À cette date, elle a transmis aux époux A______, les bordereaux de taxation rectificatifs.

7) Par acte posté le 20 juin 2016, les contribuables ont recouru contre les deux décisions sur réclamation du 18 mai 2016 au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à leur annulation et à ce qu'une somme de CHF 11'200.- soit déduite de leur revenu à titre de dons pour l'ICC et l'IFD.

L'intégralité des dons effectués devaient être déduits. Leur don de CHF 1'000.- à l'I______ ne correspondait pas à un impôt ecclésiastique, mais à un don en faveur d'une personne morale exonérée d'impôt en raison de son but de service public ou d'utilité publique, si bien que ce montant devait également être déduit de leur revenu.

8) Par réponse du 22 août 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours et à la confirmation des bordereaux et des avis de taxation rectificatifs du 18 mai 2016, sans formuler d'argumentation.

9) Par courrier du 7 octobre 2016, le TAPI a invité l'AFC-GE à lui indiquer les dons qu'elle avait admis et ceux qu'elle contestait.

10) Par courrier du 18 octobre 2016, l'AFC-GE a motivé les déductions retenues dans ses bordereaux et avis de taxation rectificatifs du 18 mai 2016.

Le versement de CHF 1'000.- à l'I______ n'était pas déductible pour l'IFD, ce qui expliquait l'écart entre l'ICC et l'IFD dans les bordereaux et avis de taxations rectificatifs. Elle a joint à son courrier un tableau des versements bénévoles listés par les contribuables pour une somme de CHF 11'100.-, précisant les cinq dons contestés pour défaut de pièces justificatives, totalisant CHF 1'100.-. Les contribuables avaient versé un don supplémentaire de CHF 100.- à H______ qu'ils avaient omis de lister, don que l'AFC-GE avait comptabilisé en déduction de leur revenu. Les dons déductibles totalisaient ainsi CHF 10'100.- pour l'ICC et CHF 9'100.- pour l'IFD.

11) Par courrier du 8 novembre 2016, les époux A______ ont informé le TAPI qu'ils n'avaient pas d'observations à formuler sur la lettre de l'AFC-GE du 18 octobre 2016.

12) Par jugement du 28 novembre 2016, le TAPI a admis partiellement le recours, renvoyant la cause à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxations dans le sens des considérants.

Le don de CHF 1'000.- des contribuables à l'I______, reconnue d'utilité publique par le canton de Genève, constituant une organisation à but culturel, n'était pas déductible. Ils n'avaient pas apporté la preuve du versement de CHF 1'000.- à l'association humanitaire B______ durant les fêtes de Noël 2013, si bien que cette déduction ne pouvait pas leur être octroyée.

Les versements bénévoles effectués par les contribuables en 2013 totalisaient CHF 11'100.-, selon les justificatifs produits le 5 novembre 2015. Pour l'ICC, cette somme était entièrement déductible de leur revenu. S'agissant de l'IFD, seuls CHF 10'100.- pouvaient être déduits, les libéralités de CHF 1'000.- accordée à l'I______ n'étant pas déductibles.

13) Par acte posté le 23 décembre 2016, l'AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation de ses décisions ICC et IFD du 18 mai 2016.

Conformément à son courrier du 18 octobre 2016 au TAPI, les dons justifiés par pièces se montaient à CHF 10'100.- et non pas à CHF 11'200.-. Les dons par CHF 1'100.- allégués n'étaient pas prouvés, à savoir les dons effectués à C______ information suisse, à la Fédération D______, à la E______, à la Fondation F______ et à la Société suisse de mucoviscidose. Le TAPI avait omis de comptabiliser le montant de CHF 100.-versé à H______.

Le TAPI avait violé les règles en matière de fardeau de la preuve en intégrant des dons non justifiés par pièces à hauteur de CHF 1'100.-.

14) Le 5 janvier 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

15) Par courrier du 31 janvier 2017, les contribuables ont renoncé à formuler des observations.

16) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) Le litige porte sur le montant des dons effectués en 2013 par les intimés.

3) Le TAPI a considéré que les intimés n'avaient pas démontré le versement bénévole de CHF 1'000.- à l'association humanitaire B______ pour Noël 2013, contrairement à l'AFC-GE admettant ce don (consid. 8 du jugement entrepris).

a. Selon l'art. 51 al. 1 LPFisc, le TAPI peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, il peut également modifier la taxation au désavantage de ce dernier.

b. Conformément à l'art. 54 LPFisc, la chambre administrative peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, elle peut également modifier la taxation au désavantage de ce dernier. Il s'agit d'une norme spéciale qui déroge à la réglementation du pouvoir de décision régi par l'art. 69 al. 1 LPA. En effet, l'art. 54 LPFisc permet à la chambre administrative d'aller au-delà des conclusions des parties, éventuellement au désavantage du contribuable, indépendamment des motifs invoqués (ATA/522/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/346/2014 du 13 mai 2014 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013). Toutefois, la reformatio in pejus, comme la reformatio in melius, doivent respecter le cadre strict de l'objet du litige tel qu'il résulte des moyens soulevés par les parties (ATA/522/2017 précité ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 610-611).

c. En matière fiscale, la chambre administrative détient certes le même pouvoir de cognition que le TAPI et peut à nouveau examiner les éléments imposables (art. 54 LPFisc). Toutefois, appliquant également au domaine fiscal sa jurisprudence constante, la chambre administrative, dès lors que la cause a déjà été soumise à une juridiction de première instance, n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables, et en définitive de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1261/2015 du 24 novembre 2015, non remis en cause sur ce point par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016 du 24 novembre 2016 consid.  2.2.3 ; ATA/558/2012 du 21 août 2012 et jurisprudences citées).

d. En l'occurrence, bien que le TAPI ait considéré que la pièce justificative produite par les intimés ne démontrait pas le paiement de CHF 1'000.- à l'association humanitaire B______, il a inclus ce montant en déduction de leur revenu (consid. 9 du jugement entrepris). Les parties ne contestant pas le paiement de cette somme et les intimés n'ayant pas été entendus spécifiquement sur cette question, la chambre de céans ne remettra pas en doute ce paiement, afin de respecter notamment le principe de l'épuisement des voies de droit préalables.

4) L'AFC-GE estime que les intimés n'ont pas justifié cinq paiements allégués, totalisant CHF 1'100.-.

5) Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors de la période fiscale litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1 et la jurisprudence citée ; ATA/1384/2017 du 10 octobre 2017 ; ATA/18/2015 du 6 janvier 2015), soit en l'occurrence, l'année fiscale 2013.

Ainsi, l'IFD est soumis à la LIFD, dans sa teneur au 1er janvier 2013, et l'ICC à la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) dans sa teneur au 30 août 2011.

6) a. L'art. 25 LIFD prévoit que le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD.

Aux termes de l'art. 33a LIFD, sont également déduits du revenu les dons en espèces et sous forme d'autres valeurs patrimoniales en faveur de personnes morales qui ont leur siège en Suisse et sont exonérées de l'impôt en raison de leurs buts de service public ou d'utilité publique (art. 56 let. g LIFD), jusqu'à concurrence de 20 % des revenus diminués des déductions prévues aux art. 26 à 33, à condition que ces dons s'élèvent au moins à CHF 100.- par année fiscale. Les dons en faveur de la Confédération, des cantons, des communes et de leurs établissements (art. 56 let. a à c LIFD) sont déductibles dans la même mesure.

b. Sur le plan cantonal, l'art. 28 LIPP, précise que le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 29 à 37 LIPP.

L'art. 37 al. 1 aLIPP prévoit que sont déduits du revenu les dons en espèces et sous forme d'autres valeurs patrimoniales en faveur de personnes morales qui ont leur siège en Suisse et sont exonérées de l'impôt en raison de leurs buts de service public ou d'utilité publique, jusqu'à concurrence de 20 % des revenus diminués des déductions prévues aux art. 29 à 36 LIPP. Les dons en faveur de la Confédération, des cantons, des communes et de leurs établissements sont déductibles dans la même mesure.

c. En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.4 ; 2C_574/2009 du 21 avril 2010 consid. 4.2 ; ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015).

7) a. En l'espèce, il ressort du dossier que les intimés n'ont pas démontré les cinq paiements contestés par l'AFC-GE totalisant CHF 1'100.-, soit CHF 300.- à C______ information suisse, CHF 100.- à la Fédération D______, CHF 100.- à la E______, CHF 500.- à la Fondation F______ et CHF 100.- à la Société suisse G______.

Les intimés n'ayant pas démontré ces versements bénévoles, ils ne sauraient être déduits de leur revenu.

b. Il ressort également du dossier que les intimés ont versé une somme de CHF 100.- à H______, non listée dans leur décompte.

Cette somme doit être comptabilisée en déduction de leur revenu.

8) Pour le surplus, l'analyse du TAPI quant à la non déductibilité pour l'IFD du don de CHF 1'000.- à l'I______ n'est pas contestée et sera ainsi confirmée.

9) Au vu de ce qui précède, les recourants ont effectué des versements bénévoles déductibles de CHF 10'100.- pour l'ICC et CHF 9'100.- pour l'IFD.

10) Le recours sera en conséquence admis.

Le jugement du TAPI du 28 novembre 2016 sera annulé. Les deux décisions sur réclamation du 18 mai 2016 de l'AFC-GE seront confirmées.

11) Au vu de cette issue, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2016 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 ;

rétablit les deux décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 mai 2016 ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il ne leur est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Joseph Merhai, avocat des intimés, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :