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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1506/2010

ATA/124/2013 du 26.02.2013 sur JTAPI/159/2012 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : ; DOMICILE ; APPARTENANCE PERSONNELLE ; ÉTABLISSEMENT STABLE ; ENTREPRISE ; INSTALLATION STATIONNAIRE ; DÉCISION DE TAXATION ; PREUVE ; FARDEAU DE LA PREUVE ; MOYEN DE PREUVE ; ARRANGEMENT FISCAL
Normes : LIFD.3 ; LIFD.4.al2 ; LIFD.6.al1 ; aLIPP-I.2 ; aLIPP-I.3 ; aLIPP-I.5.al1
Résumé : L'existence d'un établissement stable, ou d'une entreprise, à l'étranger n'est pas démontrée. Il n'est prouvé ni l'existence d'une installation fixe à l'étranger, ni l'exercice d'une activité par des employés au sein de ladite installation. Les revenus et la fortune de la société litigieuse sont donc imposés en Suisse à titre d'activité indépendante dans le cadre de l'assujettissement illimité des recourants domiciliés à Genève. La conclusion visant une imposition partielle et dégressive de ladite société est irrecevable, au motif qu'elle s'adresse à une autorité incompétente et qu'elle n'est pas autorisée par la loi.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1506/2010-ICCIFD ATA/124/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 février 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame G______et Monsieur G______
représentés par Beau Fiduciaire S.A., mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 février 2012 (JTAPI/159/2012)


EN FAIT

1. Madame G______et Monsieur G______ (ci-après : les contribuables) sont domiciliés à Genève depuis le 11 avril 2003.

2. M. G______ a travaillé, jusqu’en 2002, en tant que directeur financier pour la société X______, active en matière de négoce international de produits dérivés du pétrole et de la pétrochimie, dont le siège était à Londres. Il négociait les lignes de crédit et organisait le financement de projets à l’échelle internationale. Dès 2003, il a poursuivi cette activité à son compte.

3. Le 5 novembre 2002, les contribuables ont constitué à Genève la société Y______ S.à r.l. (ci-après : Y______ S.à r.l.). Son but social consistait à fournir des services en matière commerciale, financière et de gestion de fortune à des sociétés tierces sises en Suisse et à l’étranger ainsi qu’à des personnes physiques.

4. Le 28 mars 2003, M. G______ a également créé la société Y______ LP à Jersey (ci-après : Y______ LP). Cette société était active dans deux domaines : l’établissement de lignes de crédit bancaire en faveur des sociétés de négoce (Trade Finance) et l’optimisation de structures de sociétés (Corporate Finance). La première activité avait pour principal client l’ancien employeur du contribuable, la société X______. La seconde activité s’adressait essentiellement à d’autres clients.

5. En février 2008, Y______ S.à r.l. a modifié son but social et est devenue une société holding. Elle avait deux filiales à Genève : Y______ Corporate Services S.A. (ci-après : Y______ Corporate S.A.) et Y______ Wealth Management S.A. (ci-après : Y______ Wealth S.A.). Ces dernières ont repris l’activité d’Y______ S.à r.l.

Y______ Corporate S.A. et Y______ Wealth S.A. ont été créées à Genève le 29 novembre 2007 respectivement le 13 décembre 2007. M. G______ était administrateur de ces deux sociétés.

6. Dans leurs déclarations fiscales 2004 à 2006, les contribuables ont déclaré les revenus issus de l’activité dépendante effectuée pour le compte d’Y______ S.à r.l., X______ et Y______ LP ainsi que le revenu et la fortune liés à l’activité indépendante exercée au sein d’Y______ LP.

Il s’agissait d’un bénéfice de CHF 138’972.- et de fonds propres de CHF 220’077.- pour l’année 2004, d’un bénéfice de CHF 152’188.- et de fonds propres de CHF 362’504.- pour l’année 2005, d’un bénéfice de CHF 197’954.- et de fonds propres de CHF 420’067.- pour l’année 2006.

7. Le 18 juillet 2008, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a demandé aux contribuables des explications sur la nature des activités exercées par M. G______ dans Y______ S.à r.l. et dans Y______ LP. Elle les a également invités à fournir toutes pièces justificatives sur la structure existante à Jersey (surface des bureaux, bail), l’identité des personnes engagées sur place et le nombre annuel de jours de présence du contribuable sur place. Elle a aussi sollicité des renseignements sur l’identité des bénéficiaires du poste "salaries" dans les comptes d’Y______ LP au 30 septembre 2004 ainsi que le détail des produits "consultancy fees et services" dans les comptes d’Y______ S.à r.l. au 31 décembre 2006 et l’identité des bénéficiaires.

8. Le 12 novembre 2008, les contribuables ont répondu à la demande d’information de l’AFC-GE.

Y______ Corporate S.A. et Y______ Wealth S.A. avaient repris les activités d’Y______ S.à r.l. Celles-ci se divisaient en trois catégories : la gestion d’entreprises et d’activités fiduciaires (Corporate Services), la négociation de lignes de crédit en matière de négoce de produits pétroliers (Trade Finance) et la gestion de fortune de la clientèle privée et de clients institutionnels (Wealth Management). Le secteur Trade Finance avait pour principal client la société X______. M. G______ était en charge de la direction d’Y______ S.à r.l., de la gestion d’Y______ LP en collaboration depuis mai 2008 avec Monsieur B______ et des trois activités précitées au sein de ces deux sociétés.

Depuis le 1er avril 2008, Y______ LP disposait d’un bureau de 22 m2 à Jersey, ce qui était démontré par le contrat de bail annexé. Avant cette date, M. G______ occupait les bureaux du groupe X______ à Jersey, situés à la même adresse.

Trois personnes avaient été engagées pour l’activité d’Y______ LP. Madame E______ travaillait à Londres depuis le 22 janvier 2007. M. B______ travaillait à Jersey depuis le 1er mai 2008. Madame Z______ avait commencé à travailler en septembre 2008 pour Y______ LP à Moscou, sur site client.

M. G______ s’était rendu à Jersey trois jours en 2004, six jours en 2005, trois jours en 2006, trois jours en 2007 et quinze jours en 2008. Il avait effectué de nombreux déplacements professionnels à Londres, à raison d’une fois par mois en moyenne, et à Moscou et Vaduz, à raison de quatre fois par an. Les relevés de carte de crédit le démontraient.

Le bénéficiaire du poste "salaries" dans les comptes d’Y______ LP au 30 septembre 2004 concernait exclusivement M. G______. Les clients d’Y______ S.à r.l. ne provenaient pas du groupe Y______.

La constitution du groupe Y______ entre Jersey et Genève s’était effectuée progressivement. Dès 2008, Y______ LP à Jersey s’occupait de l’ensemble de l’activité dite "Corporate Finance" et d’un tiers de celles de "Trade Finance". Quant aux trois sociétés genevoises, elles exerçaient les activités de "Corporate Services", de "Wealth Management" et, à raison de deux tiers, de "Trade Finance". Le groupe Y______ disposait de trois employés travaillant pour le compte d’Y______ LP et de sept employés, en plus de lui-même, au service des trois sociétés suisses. M. G______ travaillait à 25 % pour Y______ LP et à 75 % pour Y______ S.à r.l.

9. Les 29 octobre et 9 novembre 2009, l’AFC-GE a notifié aux contribuables les bordereaux et avis de taxation de l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et de l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2004, puis ceux relatifs à l’ICC et l’IFD 2005 et 2006. Les revenus et la fortune d’Y______ LP étaient imposés en Suisse, faute d’établissement stable à Jersey.

10. Les 27 novembre et 8 décembre 2009, les contribuables ont formé une réclamation à l’encontre de ces bordereaux.

11. Après avoir entendu les contribuables le 10 mars 2010, l’AFC-GE rejeté leur réclamation le 23 mars 2010. Y______ LP ne disposait à Jersey ni de bureau propre à l’exercice de ses activités, ni d’employé. Le contribuable ne s’était rendu à Jersey qu’à de très rares reprises, alors qu’il poursuivait en parallèle ses activités au sein d’Y______ S.à r.l. L’ensemble de l’activité devait être rattachée au canton de Genève.

12. Le 23 avril 2010, les contribuables ont interjeté recours contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils ont conclu à son annulation et, à titre subsidiaire, à une imposition partielle et dégressive du profit d’Y______ LP, soit à concurrence de 60 % pour l’exercice fiscal 2004, 40 % pour 2005 et 20 % pour l’exercice 2006.

Jusqu’à la conclusion formelle d’un bail à loyer par Y______ LP à Jersey, celle-ci avait exercé son activité dans les bureaux de X______, ancien employeur du contribuable. Cette dernière avait passé, le 25 septembre 2003, avec Y______ LP un accord visant le conseil en matière de planification fiscale internationale, d’optimisation de structure d’entreprises et de relations avec les banques d’ampleur internationale. Selon cet accord, Y______ LP pouvait exercer son activité où elle voulait. Un nouvel accord de conseil avait été conclu le 1er février 2006 entre la société X______ et Y______ LP.

S’agissant du personnel au service d’Y______ LP, plusieurs contrats étaient joints au recours. M. B______ avait signé un contrat de travail avec Y______ LP le 1er mai 2008. Mme E______, respectivement Mme Z______ avaient signé un contrat de conseil avec Y______ LP en janvier 2007 respectivement en février 2009. La première avait commencé son activité le 22 janvier 2007, et la seconde avait été engagée du 1er septembre au 31 décembre 2008. En octobre 2008, Y______ LP avait passé des contrats de conseil avec deux autres personnes ayant commencé leur activité le 1er septembre 2008. En octobre 2009, un contrat de travail avait été conclu entre Y______ LP et un employé ayant commencé à travailler le 1er octobre 2009.

13. Le 15 mai 2011, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

14. Le 30 juin 2011, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

15. Le 21 novembre 2011, l’AFC-GE a renoncé à dupliquer et persisté dans ses conclusions.

16. Par jugement du 6 février 2012, le TAPI a rejeté le recours au motif qu’Y______ LP ne disposait pas d’un établissement stable à Jersey.

Y______ LP était assimilée, d’un point de vue juridique, à une société en commandite en raison de la responsabilité limitée de l’associé fondateur sur les dettes de la société. Les contribuables produisaient de nombreuses pièces attestant l’existence de contrats de location de bureaux et l’engagement de salariés pour les périodes postérieures aux périodes fiscales litigieuses. Elles n’étaient de ce fait pas pertinentes pour la résolution du litige. Aucune pièce ne démontrait qu’Y______ LP disposait de locaux et d’employés à Jersey entre 2004 et 2006. Pendant cette période, M. G______, d’après ses déclarations, ne s’était rendu à Jersey que très rarement. La rubrique concernant les frais de locaux et de comptabilité figurant dans les comptes produits d’Y______ LP concernait essentiellement les frais de comptabilité et de gestion administrative, dans la mesure où aucune facture détaillée n’était jointe. L’attestation du groupe X______ mentionnait l’utilisation d’un bureau à Londres pendant la durée de la validité de l’accord du 25 septembre 2003. Les contribuables ne démontraient ainsi pas l’existence d’un établissement stable à l’étranger pendant les périodes fiscales litigieuses.

17. Le 19 mars 2012, les contribuables ont interjeté recours contre le jugement du TAPI auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant principalement à son annulation et subsidiairement à une imposition partielle et dégressive du profit d’Y______ LP.

Celle-ci n’était pas imposable en Suisse car elle disposait à Jersey d’un établissement stable et, à défaut, d’une entreprise. En effet, elle exerçait son activité depuis les locaux de X______, notamment à Londres, avec laquelle elle avait passé un accord de collaboration. Le centre financier et commercial d’Y______ LP se trouvait à Jersey et son activité de "consulting", à Londres. Il s’agissait d’une part conséquente de l’activité de cette société.

Y______ LP agissait depuis 2003 par l’intermédiaire de M. B______, domicilié à Jersey. Le contrat de travail du 1er mai 2008 avec ce dernier n’était qu’une formalisation d’une situation de fait existante. M. B______ avait démissionné en octobre 2009. Les comptes de la société comportaient, à titre de dépense, une rubrique intitulée "coût du bureau de Jersey" ("Jersey office cost") à partir du 28 mars 2003. Elle affichait un montant de USD 12’934.- pour la période entre le 28 mars 2003 et le 30 septembre 2004, de USD 8’675.- au 30 septembre 2005 et de USD 13’216.- au 30 septembre 2006. Ces dépenses étaient rappelées dans une lettre du 23 juin 2011, adressée par Y______ LP à M. G______. Ce courrier mentionnait également le coût des services de M. B______ en tant que directeur financier pour la période allant du 28 mars 2003 au 30 septembre 2007. Aucune autre pièce relative à ces dépenses pendant la période litigieuse n’était produite. Des factures relatives aux années 2006 et 2007 concernant le remboursement des frais conformément au contrat de conseil étaient jointes.

Si l’existence de l’établissement stable n’était pas reconnue, Y______ LP devait être considérée comme une entreprise étrangère. Elle était exclusivement dirigée et exploitée à Jersey et Londres, où elle disposait de structures. Les contrats commerciaux, la facturation ainsi que toute démarche administrative étaient signés, respectivement effectués, à l’étranger. Y______ LP était régie par le droit de Jersey. Sa comptabilité faisait l’objet d’un audit par un organe de révision à Jersey. L’activité du recourant se déroulait dans les locaux du client et entraînait des déplacements professionnels à l’étranger, dont les frais étaient comptabilisés par Y______ LP. L’entité de Jersey et celle sise en Suisse se développaient de manière parallèle. Le groupe X______ n’avait pas d’établissement stable en Suisse où il n’avait déployé aucune activité pendant les années litigieuses. Y______ LP était donc une entreprise étrangère sans lien avec la Suisse.

A titre subsidiaire, les recourants concluaient à ce que ne soit imposé en Suisse qu’une partie du profit d’Y______ LP selon la clé de répartition suivante : 60 % en 2004, 40 % en 2005 et 20 % en 2006, le solde étant imposé à l’étranger. En effet, la réalité économique empêchait une entreprise naissante d’immobiliser des moyens économiquement dispendieux dans le seul but de prouver son existence aux autorités fiscales. Dès 2007-2008, le droit fiscal suisse reconnaissait à Y______ LP le statut d’établissement stable étranger. Cette qualification devait, en raison de la réalité économique précitée, également s’étendre à Y______ LP pour les années litigieuses, dans la mesure où elle y débutait son activité et qu’elle était soumise à un cycle de développement lié à des constantes économiques étrangères aux concepts fiscaux. Pour ces raisons, Y______ LP devait être mise au bénéfice d’une constitution progressive de l’entreprise et de son for fiscal hors de Suisse pendant les années 2004 à 2007.

18. Le 28 mars 2012, le TAPI a transmis son dossier, sans observation.

19. Le 30 mai 2012, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Les contribuables n’avaient pas prouvé qu’Y______ LP constituait un établissement stable renfermant l’exercice d’une partie importante de son activité technique et commerciale.

Le contrat de bail passé entre Y______ LP et X______ au sujet de la mise à disposition de locaux à Jersey avait débuté le 1er avril 2008. Pour la période antérieure, aucune pièce ne démontrait l’occupation de locaux par Y______ LP à Jersey. Les factures fournies par M. G______ faisaient référence à une sous-location conclue entre les deux sociétés précitées pour des bureaux situés à Londres, et non à Jersey, entre janvier et juin 2007.

Selon les informations communiquées par M. G______, Y______ LP engageait trois employés basés dans des pays différents. Un seul d’entre avait travaillé à Jersey, depuis le 1er mai 2008 et ce jusqu’au 13 octobre 2009. Quant à M. G______, il n’avait été présent à Jersey que douze jours entre 2004 et 2006, à savoir trois jours en 2004, six jours en 2005 et trois jours en 2006. Il n’exerçait ainsi pas son activité depuis Jersey.

20. Le 31 mai 2012, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Le recours porte sur l’IFD et l’ICC 2004 à 2006. Il est recevable.

2. S’agissant du droit applicable, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004). En l’espèce, l’IFD est soumis à la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). L’ICC est régi par l’ancienne loi genevoise sur l’imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP), divisée en quatre parties (LIPP-I, LIPP-II, LIPP-III et LIPP-IV). Trouve en particulier application la loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP-I). Quant aux règles de procédure, elles sont soumises à la loi genevoise de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), entrée en vigueur le 1er janvier 2002.

3. Les recourants contestent l’imposition 2004 à 2006 des bénéfices et des fonds propres d’Y______ LP à Genève au motif qu’il s’agit d’un établissement stable, le cas échéant d’une entreprise, situé à l’étranger. Ils ne remettent cependant en cause ni leur assujettissement illimité à l’IFD et ICC en raison de leur domicile en Suisse, ni l’exercice d’une activité lucrative indépendante par M. G______ au sein d’Y______ LP.

a. En cas de domicile ou de séjour en Suisse respectivement dans le canton de Genève (art. 3 LIFD et art. 2 aLIPP-I), l’assujettissement à l’IFD respectivement à l’ICC est illimité. Il ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger respectivement hors du canton de Genève (art. 6 al. 1 LIFD ; art. 5 al. 1 aLIPP-I). En l’absence d’un rattachement personnel, les personnes physiques sont toutefois soumises à l’IFD en vertu d’un rattachement économique déterminé à l’art. 4 al. 1 LIFD. Tel est notamment le cas lorsqu’elles exploitent un établissement stable en Suisse (art. 4 al. 1 let. b LIFD). Cette question est traitée de manière similaire par la réglementation genevoise (art. 3 aLIPP-I, art. 4 LHID).

L’art. 4 al. 2 LIFD définit la notion d’établissement stable. Il s’agit de "toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité d’une entreprise ou d’une personne exerçant une profession libérale". Sont notamment considérés comme établissements stables les succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d’exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage ouverts pendant douze mois au moins (art. 4 al. 2 phr. 2 LIFD). Cette définition est reprise, de manière identique, à l’art. 51 al. 2 LIFD relatif au rattachement économique des personnes morales. L’art. 3 al. 3 aLIPP-I pose une définition similaire à l’art. 4 al. 2 LIFD de sorte que les développements relatifs à l’IFD valent également pour l’ICC.

b. L’établissement stable se définit, au regard des dispositions précitées, par deux critères cumulatifs : l’existence d’une installation fixe - située à l’étranger respectivement en Suisse, suivant le type de rattachement considéré - et l’exercice de tout ou partie de l’activité dans ladite installation (P. ATHANAS / S. WIDMER, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht - Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer (DBG) Art. 1-82, Vol I/2a, Bâle 2000, ad art. 6 n° 6, ad art. 4 n° 6 et ad art. 51 n° 26 ss ; J.-B. PASCHOUD, Commentaire romand - Impôt fédéral direct - Commentaire sur la loi sur l’impôt fédéral direct, Bâle 2008, ad art. 6 n° 8 et ad art. 4 n° 27 ss).

La première condition implique l’existence de locaux dans lesquels l’activité se déploie pendant une certaine durée. L’installation doit avoir non seulement une consistance matérielle mais également une certaine permanence (J.-B. PASCHOUD, op. cit., ad art. 4 n° 31 ; P. ATHANAS / S. WIDMER, op. cit., ad art. 51 n° 31 ss). La jurisprudence admet cette condition lorsque la location de locaux et l’engagement d’employés participant à l’exercice de l’activité sont démontrés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_708/2011 du 5 octobre 2012, consid. 3.1.1). La deuxième condition exige que l’activité soit réalisée en tout ou en partie par l’intermédiaire de ladite installation fixe (J.-B. PASCHOUD, op. cit., ad art. 4 n° 31 ; P. ATHANAS / S. WIDMER, op. cit., ad art. 51 n° 35 et 39).

c. Quant à la notion d’entreprise, elle se recoupe, selon certains auteurs, avec celle de l’établissement stable, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un concept juridique mais d’une réalité économique (P. ATHANAS / S. WIDMER, op. cit., ad art. 51 n° 11). Selon PASCHOUD, la notion d’entreprise comprend toute activité indépendante au sens de l’art. 18 al. 1 LIFD (J.-B. PASCHOUD, op. cit., ad art. 4 n° 12). OBERSON relève une différence entre l’établissement stable et la notion d’entreprise. Cette dernière est un concept autonome qui vise l’exploitation d’une entreprise, comme agent économique autonome, en la forme commerciale. Contrairement à l’établissement stable, l’exploitation de l’entreprise est conçue dans sa globalité, et non en partie (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., Bâle 2012, p. 79 n° 16).

d. De jurisprudence constante et selon un principe généralement admis en matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 p. 158 ; 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_477/2009 du 8 janvier 2010 consid. 3.5 ; 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.1 ; 2C_76/2009 du 23 juillet 2009 consid. 2.2 ; 2A.295/2006 consid. 4.3 du 16 octobre 2006 ; 2A.534/2004 du 18 février 2005 ; ATA/742/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 et les références citées). En matière d’établissement stable, le Tribunal fédéral considère que la détermination d’un établissement stable à l’étranger est soumise à des exigences un peu plus élevées que celle d’un établissement stable sis en Suisse. En cas de doute, l’établissement stable sis à l’étranger est, dans le cadre d’un assujettissement illimité en Suisse, généralement imposé en Suisse (ATF 2C_708/2011 précité, consid. 3.1.2).

En l’espèce, les contrats produits par les recourants ne portent pas sur l’engagement de personnel pour les années litigieuses. Il ne ressort pas non plus du dossier que M. B______ a travaillé, de manière régulière et effective, pour le compte d’Y______ LP pendant les années litigieuses. Quant à la preuve d’une installation située à Jersey, elle fait également défaut. Le dossier ne comporte aucune facture ou autre preuve d’un virement d’argent régulier afférant à la location de bureaux à Jersey par Y______ LP pour les années litigieuses. Seules les écritures comptables de la société font référence à des coûts relatifs à un bureau à Jersey, sans autre précision ni pièce justificative à l’appui. A cela s’ajoute le fait que M. G______ s’est rendu très rarement à Jersey pendant les années litigieuses à Jersey, d’après ses propres déclarations contenues dans sa réponse du 12 novembre 2008 à la demande d’information de l’AFC-GE. Le fait que la constitution d’une entreprise se fasse progressivement d’un point de vue économique n’entre pas en contradiction avec son imposition en tant qu’entreprise naissante au domicile fiscal d’une autre personne physique ou morale avec laquelle elle entretient des liens étroits et qui exerce concrètement son activité à Genève par le même directeur. Pour la période fiscale litigieuse, les contribuables n’établissent l’existence ni d’un établissement stable, ni d’une entreprise, située à Jersey. L’AFC-GE était donc en droit de prendre en considération dans la taxation des recourants les revenus et fonds propres liés à l’activité déployée au travers d’Y______ LP.

4. A titre subsidiaire, les recourants concluent à une imposition partielle et dégressive du profit d’Y______ LP en Suisse pendant les périodes fiscales litigieuses.

Cette conclusion est irrecevable dans la mesure où elle vise à passer un accord fiscal particulier réglant l’imposition d’Y______ LP en Suisse. D’une part, ni le TAPI ni la chambre administrative ne sont habilités à avaliser un tel arrangement. D’autre part, la loi n’autorise pas un tel accord dans la mesure où la règle applicable n’est pas incertaine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.1). En effet, conformément aux dispositions légales susmentionnées (art. 3 et 6 LIFD, art. 2 et 5 aLIPP-I), l’assiette de l’impôt comprend tous les éléments de revenu imposables, à l’exception de ceux se trouvant à l’étranger. Pour déterminer le calcul de l’impôt, il faut appliquer à cette base d’imposition le taux prévu par la loi (X. OBERSON, op. cit., p. 14 n° 40 ss). Or, en l’espèce, il n’est pas établi qu’Y______ LP dispose d’un établissement stable ou d’une entreprise à l’étranger. Les revenus et la fortune de cette société entrent par conséquent dans le revenu imposable des contribuables en application des règles susmentionnées.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mars 2012 par Madame G______et Monsieur G______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 février 2012 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de Madame G______et Monsieur G______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Beau Fiduciaire SA, mandataire des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :