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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2743/2007

ATA/605/2008 du 02.12.2008 ( DCTI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; RÉNOVATION D'IMMEUBLE; LOCATAIRE; POUVOIR D'APPRÉCIATION; PROPORTIONNALITÉ; PERMIS DE CONDUIRE ; INFORMATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LDTR.42 ; LDTR.43
Parties : BURVAL S.A. EN LIQUIDATION / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, BAUD Maroussia, MIRIELLO Luigi
Résumé : Portée du devoir d'information imposé par l'art. 43 al. 1 LDTR au propriétaire qui envisage d'effectuer des travaux de transformation importants dans un immeuble occupé par des locataires. Conséquences d'une absence d'information.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2743/2007-DCTI ATA/605/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 2 décembre 2008

 

dans la cause

 

BURVAL S.A. EN LIQUIDATION
représentée par Me Serge Patek, avocat

contre

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION
et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

Madame Maroussia BAUD

représentée par l’ASLOCA, mandataire

et

Monsieur Luigi MIRIELLO


EN FAIT

1. La société Burval S.A. en liquidation (ci-après : Burval S.A.) est propriétaire de l'immeuble sis 16, Grand-Rue - 2, rue du Cheval Blanc, portant au cadastre le n° 4901, feuille 26 de la commune de Genève (Cité).

Ainsi qu'il résulte de l'état locatif théorique du 31 décembre 2006, cet immeuble compte actuellement dix-neuf appartements pour quarante et une pièces, ainsi que deux arcades et deux bureaux à usage commercial. Le nombre de pièces moyen par logement est de deux. Douze appartements sont occupés. L'état locatif annuel du bâtiment est de CHF 54'960.- pour les logements et de CHF 77'028.- pour les commerces. Le loyer d'un deux pièces oscille entre CHF 195.- et CHF 300.- par mois. Le bâtiment est fortement dégradé, voire insalubre par endroits.

2. Le 7 novembre 2005, Burval S.A. a envoyé un courrier aux locataires de son immeuble, par l'entremise de son mandataire, la société Savioz Immobilier, qui avait la teneur suivante :

" (…) Nous vous informons que la société propriétaire va procéder à des travaux de transformation dans l'immeuble (…).

Une demande d'autorisation de construire ajustée à la LDTR va être déposée et prévoit notamment la création d'un ascenseur et la réhabilitation de l'immeuble. Ces travaux débuteront en 2007.

A ce sujet, les architectes mandatés devront effectuer un dossier photos de chaque appartement, pour ce faire ceux-ci passeront chez chacun d'entre vous (…). Vous avez la possibilité de nous transmettre vos remarques éventuelles dans les 30 jours (…)".

3. Le 19 décembre 2005, Burval S.A. a sollicité auprès du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le DCTI ou le département), la délivrance d'une autorisation de transformer ledit bâtiment.

4. Plusieurs projets ont été successivement élaborés, pour satisfaire aux remarques figurant dans les préavis des différents services concernés. Le 30 novembre 2006, un 6ème projet a été déposé, qui prévoit la rénovation intégrale du bâtiment : réfection totale de la toiture, des fenêtres sur rue et sur cour, des vitrines et arcades situées au rez-de-chaussée, la pose de nouveaux conduits, la réparation des volets existants, la rénovation intégrale des installations électriques, des sanitaires, des installations de chauffage et de ventilation, la création d'un ascenseur et la transformation des dix-neuf logements actuels en six appartements de grande taille avec une redistribution des pièces (notamment WC et cuisines).

5. L'autorisation de transformer a été délivrée par le département le 2 février 2007 et publiée dans la Feuille d'Avis officielle (ci-après : FAO) le 5 février 2007.

Elle validait le projet n° 6, reçu par le département le 30 novembre 2006.

Compte tenu de la subvention octroyée, les loyers des appartements (6 pour 25 pièces au total) ne devraient pas excéder, après travaux, ceux figurant dans l'état locatif futur annuel établi par le mandataire de Burval S.A. (CHF 85'000.-) pendant cinq ans. Conformément à ce document, les surfaces commerciales seraient regroupées au rez-de-chaussée et au 1er étage, les autres niveaux étant réservés à l'habitation.

6. Il résulte du préavis du service de sécurité des locataires du département, décerné pendant la procédure d'autorisation le 18 janvier 2006, que les travaux ne pourraient être entrepris avant que les locaux ne soient vidés de leurs occupants.

7. Le jour de la délivrance de ladite autorisation, le département a adressé un courrier à Burval S.A. lui rappelant qu'elle devait informer individuellement les locataires de la liste des travaux autorisés et du programme de leur exécution. Un avis informant ces derniers de la délivrance de l'autorisation de construire a parallèlement été affiché au bas de l'immeuble.

8. Le 19 février 2007, par l'entremise de la régie Naef et Cie, Burval S.A. a envoyé à ses locataires une lettre dont le contenu était le suivant :

"(…) Comme vous le savez depuis plusieurs années, un projet de rénovation du bâtiment est à l'étude et nous vous informons que l'autorisation d'effectuer ces travaux a été accordée par décision du 7 février 2007.

A cet effet, nous vous remettons, en annexe, copie de cette décision. (…)".

9. Ce courrier, ainsi qu'une copie de l'autorisation, ont été affichés dans l'allée de l'immeuble pendant une dizaine de jours.

10. Par actes séparés des 28 février et 9 mars 2007, Madame Maroussia Baud, demeurant dans un 2 pièces au 2ème étage de l'immeuble depuis 1993, ainsi que Monsieur Luigi Miriello, locataire d'un autre appartement de 2 pièces au 3ème étage depuis 1992, ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) contre ladite autorisation et conclu à son annulation.

Mme Baud n'avait jamais été informée personnellement par écrit de la liste et du programme d'exécution des travaux, en violation de l'article 43 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Elle ignorait tout des conséquences que ceux-ci auraient sur sa situation et, en particulier, si elle devrait ou non quitter les lieux.

Pour M. Miriello, l'autorisation violait les dispositions protégeant la Vieille-Ville (art. 83 LCI), ne répondait pas aux besoins prépondérants de la population et envisageait une transformation trop importante, qui n'était pas commandée par la situation.

11. Après en avoir prononcé la jonction, la commission a admis ces recours, par décision du 5 juin 2007.

Bien qu'elle ne figurait pas dans la liste des locataires détenue par le propriétaire, il découlait d'un procès-verbal de conciliation du 9 décembre 2003 établi par la commission de conciliation en matière de baux et loyers que Mme Baud disposait d’un bail et devait être considérée comme telle. Par ce document, Burval S.A. s'était engagée à lui verser CHF 2'800.- en raison de travaux rendus nécessaires suite à des dégâts d'eau. Par là, elle avait reconnu sa qualité de locataire. Mme Baud avait donc qualité pour recourir à ce titre.

Burval S.A. n'avait pas respecté les devoirs d'information incombant au propriétaire selon l'article 43 LDTR. La lettre envoyée aux locataires le 7 novembre 2005 ne satisfaisait pas les conditions imposées par cette disposition. Cette informalité aurait dû conduire le département à différer la délivrance de l'autorisation de construire, conformément à l'article 43 alinéa 3 LDTR.

En outre, selon l'article 42 LDTR, l'autorisation devait indiquer si les travaux envisagés impliquaient ou non le départ des locataires. Le cas échéant, ceux-ci en étaient informés individuellement. La décision attaquée ne statuait pas sur cet élément et aucune information individuelle n'avait été fournie aux locataires sur ce point.

Cette double violation entraînait l'annulation de la décision attaquée, sans qu'il soit nécessaire d'entrer en matière sur les arguments de fond des recourants.

12. Le 13 juillet 2007, Burval S.A. a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision et conclut à son annulation.

Mme Baud ne disposait pas de la qualité pour recourir, car elle n'était pas locataire. Elle occupait l'appartement de Monsieur Jean-Michel Voeffray, qui en était le locataire exclusif.

Les locataires avaient été correctement informés des travaux envisagés par l'autorisation de construire dont une copie leur avait été transmise en annexe du courrier qui leur avait été envoyé personnellement le 19 février 2007. Le 7 novembre 2005, il leur avait été signalé que des travaux allaient être entrepris (réhabilitation de l'immeuble avec création d'un ascenseur) et la faculté leur avait été donnée à cette occasion de transmettre des observations.

Si ces informations devaient être jugées insuffisantes au regard de l'article 43 LDTR, le principe de la proportionnalité commandait de confirmer néanmoins l'autorisation, car le défaut d'information pouvait être facilement réparé et la vétusté du bâtiment, comme les intérêts économiques de la recourante, commandaient que les travaux soient exécutés sans délai.

Certes, les locataires n'avaient pas été informés qu'ils devraient quitter les lieux, mais il serait parfaitement possible, au stade de l'exécution des travaux, d'opérer des rocades entre les locataires, qui seraient relogés dans un appartement à rénover ou déjà rénové, selon l'avancement du chantier. Enfin, ils pourraient contester le congé qui leur serait donné, par le jeu des articles 271 et suivants de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220), voire solliciter une prolongation de bail dont la durée pouvait être de quatre ans.

13. M. Miriello a déposé ses observations au recours le 22 août 2007 et conclut à son rejet, subsidiairement au renvoi de la cause à la commission, pour qu'elle statue sur le fond.

L'article 43 alinéa 1er LDTR avait pour but de recueillir les remarques et suggestions des locataires avant la délivrance de l'autorisation pour permettre au propriétaire, ainsi qu'au département, de tenir compte de celles-ci dans l'avancement du projet. Ce dernier aurait dû être exposé aux locataires, qui auraient ainsi pu exercer leurs droits. En l'espèce, aucune information précise n'avait été donnée sur ces travaux. Il en allait de même des modifications de loyer qui en résulteraient.

14. Le département a répondu au recours le 23 août 2007. Il conclut à son admission.

Il était vrai que l'autorisation ne traitait pas de la question du relogement des locataires, contrairement à la loi. L'annulation de l'autorisation pour ce motif était toutefois disproportionnée. En effet, cette informalité n'avait pas empêché les locataires de recourir contre la décision querellée et ceux-ci avaient obtenu l'assurance de la part de la société propriétaire, dans la procédure de recours, que des rocades pourraient être opérées pendant la durée des travaux pour leur permettre de rester dans les lieux.

Il adhérait, pour le surplus, aux arguments de Burval S.A.

15. Mme Baud a transmis ses observations le 24 août 2007. Elle conclut au rejet du recours, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'appartement qu'elle occupait était auparavant au nom de M. Voeffray, mais elle payait les loyers en son nom propre depuis 1993. Elle avait été seule partie à la procédure de conciliation qu'elle-même avait initiée en 2003 contre Burval S.A. qui avait reconnu sa qualité de bailleresse dans cette procédure. Cette société ne pouvait dès lors nier aujourd'hui sa qualité de locataire.

La violation par Burval S.A. des articles 42 et 43 LDTR était d'autant plus grave que les travaux envisagés étaient de grande envergure et allaient entraîner le départ définitif de la plupart des locataires, la douzaine d'appartements actuellement occupés étant voués à disparaître pour n'abriter, après la transformation, que six foyers.

16. Les parties ont été entendues par le juge délégué le 3 décembre 2007.

Burval S.A. a indiqué à cette occasion que le programme d'exécution des travaux n'avait pu être communiqué aux locataires, car il n'était pas encore arrêté.

Pour le département, un tel planning devait être antérieur au commencement des travaux et il ne manquerait pas d'intervenir si tel n'était pas le cas. Le préavis du service de sécurité des locataires indiquant que les appartements devaient être libres de tout occupant pendant les travaux n'interdisait pas qu'en fonction du programme retenu, certains locataires demeurent dans les lieux.

Pour le surplus, les parties ont persisté dans leurs arguments.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A et suivants de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La qualité de locataire de Mme Baud, qui demeure depuis 1993 dans l'immeuble concerné par l'autorisation, a été admise par le Tribunal des baux et loyers dans le litige l'ayant opposée à Burval S.A. C'est ainsi à bon droit que la commission a admis sa qualité pour recourir (art. 14 al. 2 LPA et 60 let. b LPA).

3. La commission ne s'est pas prononcée sur la validité matérielle de l'autorisation. Elle a annulé la décision pour des motifs de procédure et considéré qu'il n'était pas nécessaire, vu les violations retenues, d'examiner les arguments de fond des recourants. Il convient, dans un premier lieu, de déterminer si les informalités reprochées par la commission l'ont été à bon droit et, le cas échéant, si celles-ci doivent conduire à l'annulation de l'autorisation querellée.

4. Selon l'article 43 alinéa 1er LDTR, intitulé "consultation des locataires", le propriétaire a l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsqu'il a l'intention d'exécuter des travaux au sens de la présente loi. Il leur expose son projet et les informe de la modification de loyer qui en résulte. Il leur impartit un délai de 30 jours au moins pour présenter leurs observations et suggestions éventuelles. Ainsi qu'il résulte clairement de la lettre de cette disposition, cette obligation intervient au stade de la procédure d'autorisation de construire, lorsque le projet est arrêté dans ses grandes lignes. Il permet aux locataires, qui vivent dans les lieux, d'apporter leurs observations sur ledit projet et d'exposer, dans la procédure, les conséquences qu'il entraîne sur leur situation personnelle.

On peut se demander si l'article 43 alinéa 1er LDTR confère aux locataires un véritable droit d'être entendu au sens de l'article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Cette question peut toutefois souffrir de rester ouverte, la violation de cette disposition étant de toute façon réalisée. En effet, la seule "information" donnée aux locataires par la société propriétaire avant la délivrance de l'autorisation de construire a été le courrier du 7 novembre 2005. Cette lettre indique que Burval S.A. "va procéder à des travaux de transformation dans l'immeuble" en 2007, qu'une demande d'autorisation visant "la réhabilitation de l'immeuble" et la création d'un ascenseur va être déposée dans ce sens.

Ce courrier ne respecte pas les exigences légales. Il n'expose pas le projet envisagé. Les quelques informations qu'il contient ne permettent pas de mesurer l'ampleur de la rénovation. Les locataires ont ainsi été privés de la possibilité de présenter leurs observations et suggestions sur ledit projet et d'exercer ainsi les droits conférés par cette disposition. Il ne dit rien sur les options fondamentales prises (la transformation des dix-neuf appartements en six logements) qui entraîneront nécessairement le départ des locataires en place, ou en tous cas d'une grande partie d'entre eux, l'offre des logements futurs ne correspondant en rien à l'offre actuelle, ni dans leur nombre, ni dans leur taille. Enfin, il ne contient aucune indication sur les modifications de loyers qui en résulteront. Or, celles-ci seront considérables par rapport aux prix pratiqués actuellement, vu l'augmentation du prix à la pièce et du nombre de pièces dont chaque appartement nouveau disposera.

La commission a ainsi retenu à juste titre que Burval S.A. n'avait pas donné l'information requise et violé, en conséquence, l'article 43 alinéa 1er LDTR.

5. A teneur de l'article 43 alinéa 3 LDTR, en cas de non-respect de l'obligation d'information et de consultation mentionnée ci-dessus, le département peut refuser la délivrance de l'autorisation requise. Les sanctions et mesures sont réservées.

Cette disposition laisse un pouvoir d'appréciation à l'autorité qui, dans l'exercice de ce dernier, doit néanmoins respecter les principes de l'intérêt public et de la proportionnalité. On se trouve ici dans un cas où les intérêts publics eux-mêmes sont contradictoires ; il y a d'une part, l'intérêt des locataires - "publicisé" par la disposition qui les défend - à pouvoir intervenir dans la procédure pour défendre leurs droits et, d'autre part, l'intérêt de l'Etat à mettre rapidement sur le marché des logements à loyers contrôlés, en bon état et salubres. Ce dernier intérêt se confond avec celui du propriétaire à exécuter rapidement ses travaux et à écourter la procédure autant qu'il le peut. Le principe de la proportionnalité commande, dans la pesée de tous ces intérêts en présence, d'opter pour une solution qui, du point de vue de son adéquation et des préjudices qu'elle occasionne, ne porte pas une atteinte excessive à l'un d'entre eux.

En l'espèce, les locataires sont très fortement touchés par le projet en cause, qui ne peut que conduire la plupart d'entre eux à quitter les lieux. Cette conséquence a été complètement ignorée par le département, comme par Burval S.A., dans la procédure d'autorisation de construire. L'urgence à fournir des logements en bon état faisant l'objet d'une aide de l'état est atténuée en l'espèce par le fait que les travaux envisagés offriront certes des appartements neufs et plus grands, mais au prix d'une suppression d'un nombre de logements important, à bas loyers. On ne voit pas, dans ces circonstances, pourquoi cet intérêt public prendrait nécessairement le pas sur le premier. Enfin, l'intérêt économique de Burval S.A. n'est certainement pas supérieur à celui des locataires à savoir s'ils pourront rester dans les lieux pendant et après les travaux et, le cas échéant, à quelles conditions, ou à quel moment ils devront effectuer des démarches pour trouver un autre logement, sachant qu'il n'est aucunement garanti, vu l'état du marché, qu'ils trouveront un appartement dans le même quartier et que leur situation peut radicalement changer du fait de cette circonstance.

6. Ainsi, en accordant l'autorisation querellée, le département a abusé de son pouvoir d'appréciation. Eu égard aux différents intérêts en présence, il a porté une atteinte excessive à l'intérêt des locataires d'être informés correctement du projet en cours pour pouvoir s'adapter et réagir à la situation, et faire part au département et à la société propriétaire de leurs suggestions avant que l'autorisation ne soit délivrée.

7. C'est également à bon droit que la commission a retenu que le département avait violé l'article 42 alinéa 3 LDTR.

En effet, selon cette disposition, l'autorisation de transformer indique si les travaux imposent le départ ou non de tout ou partie des locataires. Le cas échéant, le département informe individuellement les locataires des dispositions des alinéas 4 et 5 (subordination de l'ouverture du chantier au relogement des locataires et assistance de l'office du logement social pour les revenus modestes).

L'autorisation querellée ne contenait pas cette indication. Aucun courrier individuel subséquent n'a non plus été envoyé aux locataires par cette autorité. Or, il découle tant de l'ampleur des travaux envisagés que du préavis décerné par le service de sécurité des locataires du 18 janvier 2006 que la transformation prévue entraînera nécessairement le départ de ces derniers après, et même pendant les travaux. Le système des rocades avancé comme solution par la société dans le cadre de son recours apparaît à cet égard complètement irréaliste, tant du point de vue du nombre des personnes à reloger que des nuisances apportées par les travaux envisagés. Outre qu'il est avancé avant même qu'un programme d'exécution des travaux ait été arrêté, cet allégué occulte à nouveau totalement la question de savoir ce qui se passera pour les locataires après l'exécution de ceux-là, dont la plupart devra à l'évidence partir.

L'informalité commise par le département est d'autant plus grave que les locataires n'ont pas été informés du contenu du projet avant la délivrance de l'autorisation, comme le prescrit l'article 43 alinéa 1er LDTR.

8. Pour ces deux raisons, la décision de la commission doit être confirmée. La cause sera donc renvoyée au département qui exigera de la société recourante qu'elle fournisse une information claire et individuelle à tous ses locataires et qu'elle instruise sur les conséquences qu'aura le projet sur leur situation de logement.

9. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA). Une indemnité de CHF 2'000.-, à la charge de Burval S.A., sera allouée à Mme Baud qui a recouru aux services d'un avocat. M. Miriello s'étant défendu en personne et n'ayant pas allégué avoir exposé de frais pour sa défense, aucune indemnité ne lui sera allouée, conformément à la jurisprudence constante du tribunal de céans.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juillet 2007 par Burval S.A en liquidation contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 5 juin 2007 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Mme Baud une indemnité de CHF 2'000.-, à la charge de la recourante ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité à M. Miriello ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Serge Patek, avocat de la recourante, au département des constructions et des technologies de l'information, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, à l'Asloca, mandataire de Madame Maroussia Baud, ainsi qu'à Monsieur Luigi Miriello,

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, juges, M. Grodecki, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :