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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3984/2015

ATA/1382/2015 du 22.12.2015 ( MARPU ) , ACCORDE

Recours TF déposé le 26.01.2016, 2C_82/2016
Recours TF déposé le 26.01.2016, rendu le 13.07.2016, IRRECEVABLE, 2C_82/2016
Parties : INTERMOBILITY SA / TPG VÉLO SA, CONSEIL D'ETAT
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3984/2015-MARPU ATA/1382/2015

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 décembre 2015

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

INTERMOBILITY SA
représentée par Me Urs Portmann, avocat

contre

TPG VÉLO SA

et

CONSEIL D’ÉTAT

représentés par Me Bertrand Reich, avocat



Attendu en fait :

1. Sous la rubrique « marchés publics » de la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 3 novembre 2015 est paru un appel à candidatures pour l’attribution d’une concession d’occupation du domaine public en vue d’une exploitation d’un système de vélos en libre-service sous l’appellation « Geroule ». L’objectif annoncé de cette mise en concurrence était de sélectionner un concessionnaire unique qui mettrait en œuvre un système de vélos en libre-service au sein du périmètre de la concession. Cette dernière, d’une durée de sept ans, n’était soumise ni à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) ni aux traité internationaux sur les marchés publics. Les dossiers de candidatures devaient parvenir à l’entité organisatrice jusqu’au 12 janvier 2016 avant midi et répondre aux exigences fixées dans la documentation mise à disposition. L’entité organisatrice étant la société TPG Vélo SA, au Grand-Lancy.

2. Le 13 novembre 2015, la société Intermobility SA à Bienne, a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours tendant à l’annulation de l’appel à candidatures susmentionné. Préalablement, elle a conclu à l’octroi de l’effet suspensif au recours. Les parties intimées étaient TPG Vélo SA, le département de l'environnement, des transports et de l'agriculture, la Ville de Genève et les communes de Carouge, Lancy, Onex, Plan-les-Ouates et Vernier.

Intermobility SA était active dans le développement et la commercialisation d’un système de vélos en libre-service appelé « Vélospot ». Les exigences techniques de l’appel à candidatures excluaient ce système du choix possible. La législation sur les marchés publics étant en réalité applicable, l’appel à candidatures aurait dû prendre la forme d’un appel d’offres non discriminatoire en bonne et due forme. L’effet suspensif devait être restitué, les intérêts d’Intermobility SA étant gravement menacés puisque son recours deviendrait sans objet si la procédure d’adjudication suivait son cours.

3. Le 30 novembre 2015, TPG Vélo SA, le Conseil d’État et les six communes visées par le recours ont conclu à ce que l’effet suspensif soit retiré au recours d’Intermobility, et, préalablement, à ce que les qualités des parties soient rectifiées en ce sens que seul le Conseil d’État, autorité concédante, était partie à la procédure. TPG Vélo SA n’était que l’entité organisatrice. Dans le canton de Genève, seul le Conseil d’État pouvait octroyer des concessions d’utilisation du domaine public d’une durée inférieure à vingt-cinq ans, à l’exclusion des communes. L’octroi d’une telle concession n’était pas soumis à la réglementation sur les marchés publics, de sorte que l’appel à candidatures n’était pas un appel d’offres et ne pouvait faire l’objet d’un recours, faute d’être une décision. En tout état, le recours était voué à l’échec.

4. Le 1er décembre 2015, la détermination susmentionnée a été transmise à Intermobility SA et un délai au 15 décembre 2015 lui a été fixé pour qu’elle se détermine uniquement sur les conclusions de mise hors de cause.

5. Le 14 décembre 2015, Intermobility SA a sollicité une prolongation de délai de vingt jours pour se déterminer sur la mise hors de cause, attendant des documents complémentaires pouvant établir le rôle de TPG Vélo SA et des six communes concernées, ses collaborateurs impliqués dans le dossier étant par ailleurs en déplacements professionnels à l’étranger.

6. Le 15 décembre 2015, le juge délégué a refusé de prolonger le délai imparti à Intermobility SA, faute de cas de force majeure et a informé les parties que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant en droit :

1. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

2. Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2010).

3. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4. Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen, in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

5. Parmi les différents types de mesures provisionnelles, l’effet suspensif vise à maintenir une situation donnée. Il n’a pas pour objectif de créer un état correspondant à celui découlant du jugement au fond. Il ne peut donc que concerner une décision administrative positive (fût-elle défavorable à l'administré), soit une décision qui impose une obligation à l’administré, qui le met au bénéfice d’une prérogative ou qui constate l’existence ou l’inexistence d’un de ses droits de l’une de ses obligations (Cléa BOUCHAT, L’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 104 n. 278). En procédure administrative, cela correspond à une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. a ou b LPA.

6. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7. Parmi les domaines dans lesquels le recours n’a pas effet suspensif figurent les marchés publics, soumis ou non aux traités internationaux (art. 17 al. 1 AIMP ; art. 58 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 – RMP – L 6 05.01). La restitution de cet effet constitue alors une exception et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restitution (ATA/742/2015 du 17 juillet 2015).

8. En l’espèce, la recourante soutient que l’appel à candidatures pour l’octroi d’une concession d’occupation du domaine public est en réalité un appel d’offres soumis à la réglementation sur les marchés publics, alors que le texte paru dans la FAO du 3 novembre 2015 l’exclut. Si l’octroi de concession échappe en principe aux règles sur les marchés publics, encore faut-il vérifier que l’on se trouve bien en présence d’un rapport autorité concédante – concessionnaire, cela afin d’éviter qu’une collectivité publique puisse, par le biais de l’octroi d’une concession, détourner l’application des règles sur les marchés publics (ATF 135 II 49 consid. 4.4).



La question peut se poser en l’espèce dès lors que la mise en œuvre d’un système de location automatisée de vélos en libre-service dans le canton de Genève a fait l’objet d’une procédure d’appel d’offres soumise aux accords internationaux en matière de marchés publics le 6 mars 2012, qu’une adjudication est intervenue en septembre 2012 mais a été révoquée le 6 février 2013, que l’appel d’offres a été interrompu le 8 juin 2015, décision qui a fait l’objet d’un recours d’une société autre qu’Intermobility SA, pendant par-devant la chambre de céans et auquel la restitution de l’effet suspensif a été requise (ATA/742/2015 déjà cité). La réponse nécessite une instruction.

Interjeté en temps utile, en regard des dispositions de l’AIMP qui pourraient être applicables, et devant la juridiction compétente (art. 15 AIMP, art. 55 et 56 RMP ; art. 62 LPA), le recours n’est donc pas manifestement irrecevable ni dénué de chance de succès.

9. Il y a dès lors lieu d’examiner si les raisons pour permettre la poursuite de la procédure d’octroi de concession d’occupation du domaine public l’emportent sur celles justifiant sa suspension.

S’il n’est pas douteux que la mise en place d’un système de vélos en libre-service réponde à un intérêt public important, l’intérêt public au respect du principe de la légalité pour y parvenir l’est davantage. En revanche, l’intérêt privé dont se prévaut la recourante de pourvoir participer à un appel d’offres n’est prépondérant à aucun des intérêts publics précités, étant de nature circonstancielle et purement économique, ce d’autant que le délai pour déposer une candidature n’est pas échu.

10. Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’interrompre le déroulement du processus d’appel à candidatures jusqu’à l’échéance fixée par l’entité organisatrice pour le dépôt des dossiers. En revanche, il sera fait interdiction à l’entité organisatrice de procéder à l’ouverture et à l’évaluation des offres reçues jusqu’à droit jugé ou nouvelle décision sur mesures provisionnelles dans la présente cause.

11. La question de savoir si la qualité de parties doit être admise pour tous les intimés visés peut demeurer en l’état ouverte, celle du Conseil d’État étant incontestable (art. 16 al. 1 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 – LDPu – L 1 05).

12. La requête de mesures provisionnelles ainsi partiellement admise dans la mesure susmentionnée.

Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 


LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement la requête de mesures provisionnelles de la société Intermobility SA ;

fait interdiction à TPG Vélo SA de procéder à l’ouverture des offres reçues en réponse à l’appel à candidatures pour l’attribution d’une concession d’occupation du domaine public, publié dans la FAO du 3 novembre 2015 ;

fait interdiction à TPG Vélo SA de procéder à l’évaluation des offres susmentionnées ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Urs Portmann, avocat de la recourante ainsi qu'à Me Bertrand Reich, avocat de TPG Vélo SA, du Conseil d’État, et des six communes visées dans le recours.

 

 


Le président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :