Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1556/2018

ATA/1308/2018 du 05.12.2018 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DU TRAVAIL ; AUTORISATION D'EXPLOITER ; HÔTELLERIE ET RESTAURATION ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; PRESTATION DE L'EMPLOYEUR ; TRAVAIL AU NOIR ; AUTORISATION DE TRAVAIL ; SANCTION ADMINISTRATIVE
Normes : LRDBHD.22.al5; LIRT.23; LIRT.25; LIRT.45; LIRT.46; RIRT.42A; Cst.5.al2; Cst.8; Cst.36.al3
Résumé : La recourante reprochait à l'autorité intimée d'avoir violé la loi en ne lui notifiant pas un avertissement avant le prononcé de la décision querellée. Cependant, même si le courrier litigieux ne portait pas la mention expresse « avertissement » dans son objet, la recourante avait été avertie des risques encourus et disposait d'un délai, prolongé à deux reprises, pour faire valoir son droit d'être entendue . Ledit courrier constituait matériellement un avertissement. De plus, eu égard à la gravité de la faute, répétée, à l'égard de quatre employés, soit plusieurs infractions aux UHCR 2014 et 2017 qui portent sur des obligations importantes de l'employeur, le principe et la durée du refus de délivrer l'attestation de conformité aux usages visée à l'art. 25 LIRT, fixée à deux ans, respectaient le principe de la proportionnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1556/2018-EXPLOI ATA/1308/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SÀRL
représentée par Me Yann Lam, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L’INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1) A______ Sàrl (ci-après : la société ou la recourante), active depuis 2006, propriétaire et exploitante du restaurant « Le A______ » (ci-après : l’établissement) situé au ______, avenue de B______, à C______, était au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après: PCTN).

2. Le 13 mars 2017, le PCTN a procédé au contrôle de l’établissement.

Des irrégularités ont été constatées et dénoncées au Ministère public le
9 octobre 2017, déclenchant l’ouverture d’une procédure pénale.

3. Le 2 novembre 2017, à 11h45, dans le cadre de la dénonciation, la police est intervenue au sein de l’établissement et a procédé à l’audition des employés présents sur place.

a. M. D______ reconnaissait séjourner illégalement en Suisse, travailler pour l’établissement, sans autorisation, depuis le mois d’octobre 2016, et dormir gratuitement dans un des trois lits d’une des chambres situées à l’arrière du « bâtiment », ainsi que parfois dans un appartement à la rue de E______. Il travaillait six jours par semaine à raison de neuf heures par jour, pour un salaire mensuel payé « cash » de CHF 1’500.-, et précisait signer régulièrement une feuille relatives aux heures effectuées.

b. M. F______ G______ reconnaissait séjourner illégalement en Suisse et travailler dans l’établissement, sans autorisation, depuis environ un mois, à raison de six jours par semaine, à tout le moins onze heures par jour, pour un salaire mensuel payé en « cash » CHF 2’000.-. Il était nourri et dormait gratuitement dans une des chambres situées à l’arrière de l’établissement.

c. M. H______ reconnaissait séjourner illégalement en Suisse et travailler pour l’établissement depuis une année environ, en qualité de serveur, pour un salaire mensuel payé « cash » de CHF 2’200.-. Ses charges sociales n’étaient pas payées et il travaillait environ huit heures par jour, six jours sur sept, sans jours fériés payés, ni vacances. Il était nourri et logé gratuitement dans une des chambres situées à l’arrière de l’établissement.

d. M. I______ travaillait en qualité de chef de cuisine dans l’établissement et en était « actionnaire » à 30 %. Il travaillait depuis quelques années avec un nouvel associé, M. J______ K______, qui détenait la patente de l’établissement. Il fixait un salaire horaire entre CHF 16.- et CHF 18.- de l’heure selon les postes occupés par ses employés, lesquels effectuaient environ six à huit heures de travail par jour, précisant ne pas payer les charges sociales des employés en situation irrégulière, et admettait employer des personnes sans autorisation de séjour. Les chambres au fond de l’établissement étaient mises à disposition gratuitement au besoin, mais il ne savait pas toujours où dormaient ses employés.

e. Une employée, dont l’identité n’a pas pu être établie, n’avait pas été en mesure de présenter une autorisation de séjour ou de travail valable et avait pris la fuite. Selon M. I______, elle s’appelait Mme L______ et n’avait pas de titre de séjour.

4. Le 15 novembre 2017, la police s’est rendue dans l’établissement afin de rendre le document d’identité de M. D______, qui avait été saisi pour en vérifier l’authenticité.

M. I______ et une serveuse d’origine asiatique s’y trouvaient ainsi que
M. H______, présent à l’arrière de l’établissement. Il a été emmené en compagnie de la serveuse au poste de police, rejoint par M. I______ qui était arrêté pour avoir employé du personnel sans autorisation légale.

a. La serveuse s’appelait Mme L______. Elle vivait dans l’établissement, l’endroit lui avait été mis à disposition gratuitement car elle était une amie du patron, M. I______. Elle « donnait un coup de main », gratuitement, lors des services du midi et du soir. Elle était payée en nature, c’est-à-dire avec la mise à disposition d’un logement et de nourriture.

b. M. H______ confirmait, qu’à sa demande, une demande d’affiliation à l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) avait été requise par M. I______. Il attendait une réponse.

c. Selon M. I______, Mme L______ avait commencé à travailler au sein de l’établissement deux semaines auparavant et était payée CHF 2’000.- par mois comme « employée temporaire ».

Son associé, M. K______, avait fixé un rendez-vous avec un organisme qui s’occupait du travail au noir, pour le lendemain. Contrairement à ses déclarations du 2 novembre 2017, M. I______ affirmait que son associé était au courant des employés illégaux, même des employés temporaires, et que celui-ci donnait son feu vert pour l’engagement.

5. Par pli recommandé du 19 janvier 2018, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), rattaché au département de la sécurité et de l’économie, devenu depuis lors le département de l’emploi et de la santé
(ci-après : le département), a invité la société à faire valoir son droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction administrative selon l’art. 45 de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) suite au constat de non-respect des conditions minimales de travail en usage conformément aux « Usages Hôtels, restaurants et cafés » (ci-après :
UHCR 2014).

La société était au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée par le PCTN en application de l’art. 8 al. 1 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22).

Elle était soumise au respect des conditions de travail en usage, soit aux UHCR 2014, conformément aux art. 25 al. 1 LIRT et 22 al. 5 LRDBHD. Elle était priée de signer un tel engagement et de le retourner d’ici au 2 février 2018.

Une procédure administrative était ouverte à son encontre suite aux deux contrôles de police effectués auprès de l’établissement. Un nombre important d’infractions aux conditions de travail en usage avaient été commises, notamment des infractions à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), le non-paiement des assurances sociales obligatoires (AVS/AI, LPP, LAA), le non-respect des salaires minimums impératifs, des infractions à la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et du commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) en matière de durée hebdomadaire maximale de travail, des infractions en matière de congés hebdomadaires des travailleurs, des infractions en matière de compensation des jours fériés travaillés, des infractions en matière de droit aux vacances et l’absence de contrat de travail écrit pour ses employés.

Le non-respect des conditions de travail en usage était susceptible d’engendrer le prononcé d’une sanction administrative en application de
l’art. 45 LIRT. Si la société devait faire l’objet d’une telle sanction, le PCTN prononcerait la caducité de l’autorisation d’exploiter l’établissement en application de l’art. 13 al. 1 LRDBHD.

6. Par pli recommandé du 5 février 2018, l’OCIRT a accepté de prolonger le délai au 19 février 2018, à la suite de la requête de la société le 1er février 2018.

Passé ce délai, il rendrait sa décision.

7. Par pli recommandé du 16 février 2018, sous la plume de son conseil, la société a sollicité auprès de l’OCIRT une prolongation du délai imparti afin de pouvoir faire valoir son droit d’être entendue et a demandé une copie intégrale du dossier.

8. Par pli recommandé du 19 février 2018, l’OCIRT a octroyé à l’intéressée un ultime délai au 23 février 2018 pour formuler ses observations avant le prononcé d’une décision, étant rappelé qu’elle était informée de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre depuis le 20 janvier 2018.

9. Par pli recommandé du 23 février 2018, la société a fait parvenir ses déterminations à l’OCIRT.

a. L’infraction à la LEtr et à la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir du 17 juin 2005 (LTN - RS 822.41) n’était pas contestée. Des employés ne disposaient pas des autorisations nécessaires pour travailler dans l’établissement.

b. Elle contestait le non-paiement des assurances sociales obligatoires. Depuis l’abolition de l’art. 136 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du
31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), les employeurs n’avaient plus l’obligation d’annoncer à la caisse de compensation une nouvelle entrée en fonction dans les trente jours.

La société avait déclaré et requis les certificats d’assurance lors de la remise de l’attestation de salaire pour l’année 2017.

c. Les employés avaient tous omis d’indiquer à la police qu’ils disposaient d’une demi-heure de pause par service pour se restaurer. En outre, les horaires de travail annoncés n’étaient pas tout à fait corrects. Les salaires perçus ne correspondaient pas non plus à la réalité.

Le temps de travail journalier de MM. D______ et G______ s’élevait à sept heures et demie ou quarante-cinq heures par semaine. Pour M. H______ et
Mme L______, le temps de travail journalier s’élevait à sept heures, étant précisé que cette dernière ne travaillait pas tous les jours.

M. D______ recevait un salaire brut de CHF 1’710.- mensuel, soit
CHF 1’610.- net. Il était logé et nourri, de sorte qu’il fallait ajouter un montant de CHF 990.- par mois à son salaire. Le montant de sa rémunération était alors de CHF 2’700.- par mois, laquelle était certes inférieure aux usages. Sa durée de travail hebdomadaire était de quarante-cinq heures.

M. G______ était payé CHF 2’800.- net par mois. Il fallait ajouter une pension complète ainsi que le logement qui était mis à disposition, soit la somme de CHF 990.-. Son salaire mensuel brut s’élevait ainsi à CHF 3’965.55, soit un montant supérieur à celui prévu par la convention collective de travail pour l’hôtellerie-restauration suisse (ci-après : CCNT). Sa durée de travail hebdomadaire était de quarante-cinq heures.

M. H______ recevait un salaire net de CHF 2’450.-, auquel il fallait encore rajouter la pension complète et le logement, soit l’équivalent de CHF 990.-, de sorte que le salaire brut de CHF 3’591.- correspondait au minimal prévu par la CCNT. Sa durée de travail hebdomadaire était de quarante-deux heures.

Mme L______, contrairement à ses allégations, percevait un salaire. Elle ne travaillait pas tous les jours et recevait un salaire de CHF 100.- par journée de travail de sept heures. Elle était aussi nourrie et logée ; il fallait ainsi ajouter l’équivalent de CHF 990.-.

d. L’infraction à la LTr en matière de durée hebdomadaire maximale de travail était contestée. La déclaration de M. H______ quant à une durée de travail d’environ onze heures par jour ne correspondait pas à la réalité.

La police n’avait pas interrogé les employés sur l’existence d’une pause d’une demi-heure par service, qu’il y avait lieu de déduire des heures travaillées.

e. L’infraction en matière de congé hebdomadaire était admise.

f. L’infraction en matière de compensation des jours fériés était contestée. M. H______ n’avait pas travaillé durant les jours fériés, raison pour laquelle il n’y avait pas de jour férié payé compris dans le salaire. Personne ne lui avait d’ailleurs demandé s’il avait pu bénéficier de jours fériés. En outre, l’établissement était fermé à Noël et à Nouvel-An.

g. L’infraction en matière de droit aux vacances était contestée. Le salaire horaire ne comprenait pas un pourcentage dévolu aux vacances, mais cela ne signifiait pas que les employés ne pouvaient pas prendre de vacances. M. H______ avait pris des vacances durant l’été 2017, il était retourné en Chine.

h. L’absence de contrat de travail écrit était admise.

10. Par pli recommandé du 28 février 2018, l’OCIRT a informé la société n’avoir pas reçu le formulaire d’engagement relatif aux UHCR 2014, malgré le délai imparti.

11. Par courrier du 15 mars 2018, l’établissement a transmis à l’OCIRT les formulaires d’engagement dûment remplis et signés.

12. Par décision du 28 mars 2018, l’OCIRT a refusé de délivrer à l’établissement l’attestation visée à l’art. 25 LIRT pour une durée de deux ans, en application de l’art. 45 al. 1 let. a LIRT, à compter de la présente décision (ch. 1) qui était exécutoire nonobstant recours (ch. 2). En application des art. 42 LIRT et 66A du règlement d’application de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01), un émolument de CHF 100.- était mis à la charge de la société (ch. 3), en sus d’un émolument administratif de CHF 73.- pour la délivrance de copie des pièces du dossier (ch. 4), et étaient réservées les procédures de contrôle et de mise en conformité au droit public (ch.5).

La décision se fondait sur les faits retenus dans les rapports de police des
2 et 15 novembre 2017 et sur les infractions constatées. Ces éléments avaient été repris dans son courrier du 19 janvier 2018. Malgré les déterminations de la société, celle-ci n’avait pas démontré avoir régularisé sa situation.

Les infractions commises à l’encontre de la LEtr étaient établies et admises puisque MM. D______, G______ et H______ et Mme L______ n’étaient pas au bénéfice des autorisations nécessaires pour travailler dans l’établissement.

Aucune infraction aux lois relatives aux assurances sociales ne pouvait lui être reprochée en l’état s’agissant des périodes de travail annoncées aux institutions pour l’année 2017. En revanche, des périodes de travail antérieures n’avaient pas fait l’objet de déclaration aux assurances sociales. M. I______ avait admis ne pas payer les charges sociales des employés illégaux, de sorte qu’il y avait lieu de considérer que des infractions aux assurances sociales obligatoires étaient réalisées.

Certaines incohérences ressortaient des quittances de salaire produites. Il pouvait objectivement douter de la véracité de certains éléments allégués dans le courrier de la société du 23 février 2018, et notamment de la force probante des quittances de salaire qu’elle lui avait remises. De plus, les pièces du dossier faisaient état de conditions de logement déplorables, voire insalubres pour les travailleurs. Seuls trois pièces semblaient exister pour y loger, à tout le moins quatre employés, et il ressortait des rapports de police que plusieurs personnes pouvaient être amenées à dormir dans la même chambre. Il ne pouvait pas raisonnablement considérer que les employés étaient correctement logés, de sorte que la société n’avait fourni qu’en partie seulement les prestations en nature à ses employés. Il ne serait pris en considération que la somme mensuelle de CHF 645.- relative à la nourriture fournie au regard de l’art. 11 RAVS. MM. D______, G______ et H______ avaient ainsi été rémunérés en-dessous des minimums impératifs imposés par les UHCR 2014. Il n’était pas en mesure de déterminer le nombre de jours et d’heures travaillées de Mme L______ au vu des informations floues fournies. Il considérait alors que les prescriptions quant aux salaires minimaux impératifs avaient été violées pour l’ensemble des quatre travailleurs.

La société n’apportait aucun élément probant sur la durée hebdomadaire du travail des employés et n’avait pas renseigné sur les taux d’activité. À défaut d’éléments venant invalider la crédibilité des déclarations faites par les employés, il considérait les infractions à la durée hebdomadaire du travail comme réalisées tant sous l’angle de la LTr que de l’art. 3 al. 2 du Titre 2 UHCR 2014. Ne pas respecter la durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-deux heures imposée par les UHCR 2014 constituait en soi une infraction aux usages.

Les infractions aux dispositions concernant les congés hebdomadaires étaient réalisées, celles-ci étant admises dans le courrier du 23 février 2018.

Étaient également tenues pour réalisées les infractions se rapportant à l’absence de compensation des jours fériés travaillés, étant noté que l’établissement ne produisait aucune pièce propre à remettre en cause les déclarations des travailleurs. Il en allait de même en matière de droit aux vacances.

L’absence de tout contrat de travail écrit avait été admise, de sorte que l’infraction aux prescriptions le rendant obligatoire était réalisée.

Au vu de ce qui précédait, l’OCIRT retenait des infractions aux art. 3 al. 4 et 5 du titre 2 UHCR 2014, 3 al. 1 et 4 du titre 2 UHCR 2014, 10 titre 3 UHCR 2014, 15 du titre 3 UHCR 2014 et 9 LTr cum art. 3 al. 2 du titre 2 UHCR 2014,
16 al. 2 du titre 3 UHCR 2014 et 21 LTr cum art. 3 al. 2 du titre 2 UHCR 2014,
18 du titre 3 UHCR 2014, 17 du titre 3 UHCR 2014 et 4 du titre 3 UHCR 2014.

Le nom de l’entreprise figurerait sur la liste publiquement accessible des entreprises ayant été sanctionnées par l’OCIRT selon l’art. 45 al. 3 LIRT.

13. Par acte expédié le 9 mai 2018, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision querellée en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et au retrait de l’établissement de la liste des entreprises ayant été sanctionnées par l’intimé, principalement, à l’annulation des points 1, 2, 3 et 5 du dispositif de la décision, à l’octroi d’un délai au 31 décembre 2018 pour se mettre en conformité, au déboutement de l’intimé ou tout tiers de toutes autres ou contraires conclusions, à la condamnation de l’État de Genève en tous les frais et dépens de la procédure, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimé, et très subsidiairement, au refus de lui délivrer l’attestation visée à
l’art. 25 LIRT pour une durée de 12 mois, en application de l’art. 45 al. 1
let. a LIRT, à compter de la notification de la décision, à la fixation d’un émolument de CHF 100.- en application des art. 42 LIRT et 66A RIRT, et à ce que soient réservées les procédures de contrôle et de mise en conformité au droit public.

L’OCIRT n’avait pas respecté la procédure prévue par le RIRT. En cas d’infractions aux usages ou de refus de renseigner au sens de l’art. 42 al. 4 RIRT, l’office notifiait à l’entreprise un avertissement et lui accordait un délai pour se mettre en conformité (art. 42A al. 1 RIRT). Si le contrevenant ne donnait pas suite dans les délais, l’office prononçait les sanctions prévues à l’art. 45 al. 1 LIRT
(art. 42A al. 2 RIRT). Le courrier du « 19 février 2018 » avait un but informatif et visait à lui permettre d’exercer son droit d’être entendu. Aucun courrier durant la correspondance n’avait fait mention d’un avertissement et ceux qui lui avaient été adressés se contentaient de l’« informer » ou d’« attirer son attention ». La décision attaquée n’indiquait pas non plus à quelle date un tel avertissement lui aurait été notifié. Les demandes de l’intimé avaient toutes été satisfaites par courriers des 23 février et 15 mars 2018. Elle avait ainsi démontré être prête à collaborer et à donner suite à toute demande. Aucune autre demande n’avait été formulée. Aucun avertissement formel ne lui avait été adressé. L’intimé ne lui avait pas non plus accordé de délai pour se mettre en conformité, violant ainsi ses obligations procédurales découlant de l’art. 42A al. 1 RIRT. Cette violation l’avait privée de la possibilité de régulariser sa situation et d’éviter le prononcé d’une sanction au sens de l’art. 45 LIRT.

Le principe d’égalité, consacré à l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), était violé. Il ressortait de plusieurs décisions de la chambre administrative que, de pratique constante, lorsque l’intimé était appelé à prononcer les sanctions prévues à l’art. 45
al. 1 LIRT, il adressait un avertissement à l’entreprise visée par la procédure et lui fixait un délai dans lequel celle-ci devait cesser les agissements reprochés ou mettre en place les mesures exigées. Elle n’avait pas bénéficié d’un tel délai, sans qu’aucune explication ne justifie cette différence de traitement. L’intimé lui avait refusé un droit qu’elle accordait aux autres établissements avant de prononcer les sanctions de l’art. 45 al. 1 LIRT.

Elle avait admis certaines des infractions qui lui étaient reprochées. Pour les infractions contestées, l’intimé lui reprochait de ne pas apporter suffisamment d’éléments probants à l’appui de ses observations, notamment en ce qui concernait les horaires de ses employés. Elle contestait l’infraction de
non-paiement des cotisations aux assurances sociales. Seul un employé avait affirmé travailler pour l’établissement depuis octobre 2016. Par ailleurs, les conditions de logement des employés étaient adéquates. Il s’agissait de trois chambres et d’une salle de bain, occupées par trois employés. L’intimé n’expliquait pas les raisons pour lesquelles il considérait comme étant déplorables les conditions dans lesquelles les employés avaient été logés. Il convenait de retenir la somme de CHF 990.- en raison de la pension complète offerte aux employés. Seul M. D______ avait perçu un salaire mensuel inférieur aux minimums impératifs des UHCR 2014. Aucun employé n’avait été interrogé sur l’existence d’une pause d’une demi-heure par service. L’infraction à la loi sur le travail en matière de durée hebdomadaire maximale de travail était contestée. Elle avait signalé à l’intimé que l’établissement était fermé à Noël et Nouvel-An, raison pour laquelle aucune compensation n’était prévue. Il en allait de même concernant les vacances dont les employés bénéficiaient. M. H______ s’était notamment rendu en Chine durant les vacances d’été 2017.

Elle s’était conformée à toutes les demandes formulées par l’OCIRT et s’était engagée, en date du 12 mars 2018, à respecter les usages, engagement qu’elle entendait honorer à l’avenir.

14. Par pli recommandé du 25 mai 2018, l’OCIRT a formulé des observations sur la demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles formulée par la recourante, concluant à son rejet.

15. Dans sa réponse du 11 juin 2018, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Il avait adressé un premier courrier à la recourante le 19 janvier 2018 qui comportait la mention « droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction administrative (art. 45 LIRT) [ ] ». Il s’agissait de l’annonce à celle-ci de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre et il y était exposé les multiples infractions relevées, en indiquant finalement que le non-respect des conditions de travail en usage était susceptible d’engendrer le prononcé d’une sanction administrative en vertu de l’art. 45 LIRT. Ces termes ne prêtaient aucunement à confusion, elle était avertie que toute violation du droit serait sanctionnée par le biais d’une décision administrative en application de la disposition précitée, précisant même que le prononcé d’une telle sanction aurait également pour conséquence la caducité de l’autorisation d’exploiter prononcée par le PCTN.

À l’occasion de la seconde demande de prolongation de délai et consultation du dossier formulée par la recourante, et accordée, il lui avait indiqué qu’une fois ce délai passé, une décision serait rendue. Aucune démarche n’avait été entreprise par la société pour remédier aux irrégularités, pas même celles qu’elle avait formellement reconnues dans ses observations du 23 février 2018.

Plusieurs des infractions constatées n’auraient dans tous les cas pas pu faire l’objet d’une réparation de la part de la recourante, puisque pour les infractions commises à l’encontre de la LEtr et de la LTN, la procédure aurait abouti au prononcé d’une sanction administrative. Il existait une commission répétée d’infractions à la LEtr, par le biais d’emploi d’étrangers sans titre de séjour.

Aucune inégalité de traitement dans la façon dont avait été menée la procédure administrative n’avait été opérée à l’encontre de la société, au vu des développements exposés ci-dessus. De plus, le cas de la recourante était particulier dans la mesure où il s’agissait de faits graves établis dans le cadre de plusieurs auditions effectuées par la police judiciaire, ce qui ne correspondait pas aux contrôles standards effectuées par l’OCIRT.

Finalement, c’était sur la base d’éléments de preuves tangibles qu’il avait forgé son intime conviction et retenu les faits pertinents, fondement de sa décision. La recourante échouait alors à démontrer une responsabilité amoindrie face aux infractions.

16. Par décision du 18 juin 2018 (ATA/614/2018), la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours de l’entreprise et/ou d’ordonner des mesures provisionnelles.

17. Dans ses observations du 12 juillet 2018, la société a persisté dans ses conclusions.

Le courrier du 19 janvier 2018 avait pour unique but de lui permettre d’exercer son droit d’être entendue, afin de se déterminer sur les infractions qui lui étaient reprochées et notamment de lui permettre de les contester si elle considérait qu’elles n’étaient pas réalisées. L’intimé aurait dû déterminer si lesdites violations étaient établies puis le cas échéant, lui adresser un avertissement formel et lui impartir un délai pour se mettre en conformité. Il ressortait de la pratique de celui-ci que les avertissements adressés indiquaient en principe expressément la mention « avertissement » en objet.

La société n’avait bénéficié d’aucun délai, ni indications, quant aux démarches à entreprendre pour se mettre en conformité. Cet élément tendait d’ailleurs également à démontrer que l’intimé avait agi de manière contraire à sa pratique et avait en réalité omis d’impartir le délai prévu à l’art. 42A al. 1 RIRT.

Concernant le principe de la proportionnalité de la sanction administrative prononcée, elle et l’intimé se fondaient sur les mêmes pièces, mais en avaient une appréciation très différente. Elle avait transmis à l’intimé toutes les informations en sa possession concernant les faits reprochés. Bien que l’intimé devait établir les faits reprochés, celui-ci s’était contenté des indications non prouvées et contestées de certains employés.

18. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

19. Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 47 al. 1 LIRT ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

3. La recourante reproche principalement à l’autorité intimée d’avoir violé la loi en ne lui notifiant pas un avertissement avant le prononcé de la décision querellée et de n’avoir ainsi pas respecté le principe de l’égalité de traitement, et subsidiairement fait valoir que la sanction prononcée à son encontre ne respecte pas le principe de la proportionnalité.

4. L’exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l’hébergement est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 LRDBHD). Cette autorisation d’exploiter est caduque lorsque l’OCIRT prononce la décision prévue à l’art. 45 al. 1 LIRT et à condition que celle-ci soit en force (art. 13 al. 1 let. b LRDBHD).

L’exploitant ou le propriétaire qui a qualité d’employeur doit respecter les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail en usage à Genève dans son secteur d’activité. Le département peut lui demander en tout temps de signer auprès de l’office l’engagement correspondant (art. 22 al. 5 LRDBHD).

5. a. Le but de la LIRT est de définir le rôle et les compétences respectives du département et de l’inspection paritaire des entreprises, notamment dans le domaine des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève (art. 1 al. 1 let. c LIRT). Les compétences du département sont en règle générale exercées par l’OCIRT, sauf exception prévue par la présente loi ou son règlement d’application (art. 2 al. 3 LIRT).

L’OCIRT est l’autorité compétente chargée d’établir les documents qui reflètent les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, sur la base des directives émises par le conseil de surveillance (art. 23 al. 1 LIRT). Pour constater les usages, l’office se base notamment sur les conventions collectives de travail, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’observatoire dont son calculateur des salaires ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière
(art. 23 al. 2 LIRT).

Toute entreprise soumise au respect des usages, en vertu d’une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l’OCIRT un engagement de respecter les usages. Celui-ci délivre à l’entreprise l’attestation correspondante, d’une durée limitée (art. 25 al. 1 LIRT). La durée de validité de l’attestation délivrée par l’OCIRT est de trois mois, sous réserve de dispositions légales ou réglementaires prévoyant une durée inférieure (art. 40
al. 1 RIRT).

b. Vu l’art. 23 al. 1 LIRT, le document « UHCR 2014 », qui a été modifié en partie avec effet au 1er janvier 2017 (ci-après : UHCR 2017) et dont la dernière version est entrée en vigueur le 1er juillet 2018, reflète les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage à Genève (usages ; art. 1 al. 1 titre I). Les usages concernent les entreprises visées à l’article 25 LIRT (art. 1 al. 2 titre I). Les usages s’appliquent à tout employeur, toute entreprise et tout secteur d’entreprise suisse ou étranger servant des prestations dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration dans le canton de Genève. Sont réputés comme tels tous les établissements qui, à titre onéreux, hébergent des personnes ou servent des repas ou des boissons en vue de la consommation sur place. Les entreprises livrant des mets prêts à être consommés sont assimilées aux établissements d’hôtellerie et de restauration. Une activité axée sur un but lucratif n’est pas une condition préalable (art. 2 al. 1 titre I).

c. Les entreprises en infraction aux usages font l’objet des sanctions prévues à l’art. 45 LIRT (art. 26A al. 1 LIRT).

À teneur de l’art. 45 al. 1 LIRT, lorsqu’une entreprise visée par l’art. 25 ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage, l’OCIRT peut prononcer une décision de refus de délivrance de l’attestation visée à l’art. 25 LIRT pour une durée de trois mois à cinq ans. La décision est immédiatement exécutoire (let. a) ; une amende administrative de CHF 60’000.- au plus (let. b) ; l’exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus (let. c). Les mesures et sanctions visées à l’al. 1 sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées (art. 45 al. 2 LIRT). L’OCIRT établit et met à jour une liste des entreprises faisant l’objet d’une décision exécutoire. Cette liste est accessible au public (art. 45
al. 3 LIRT).

d. Les contraventions aux dispositions d’ordre de ladite loi sont sanctionnées par une amende administrative de CHF 100.- à CHF 5’000.- ; l’OCIRT prononce l’amende (art. 46 LIRT). Dans la fixation du montant de l’amende administrative prévue par la loi ou le règlement, il est tenu compte du degré de gravité de l’infraction. Le dessein de lucre et les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 75 al. 5 RIRT).

6. En vertu de l’art. 1 al. 1 RIRT, l’OCIRT est notamment chargé d’effectuer les contrôles qui relèvent de sa compétence dans les entreprises ainsi qu’auprès des employeurs, travailleurs et indépendants (let. a) ; d’intervenir en cas d’inobservation d’une prescription ou d’une décision et de prendre toutes les mesures utiles pour rétablir l’ordre légal (let. b) ; d’infliger les sanctions de sa compétence et de dénoncer pour le surplus aux autorités pénales les cas qui doivent l’être (let. c) et de gérer l’information nécessaire à ses activités, notamment sous forme électronique (let. d). Le principe veut que l’OCIRT effectue un premier contrôle au moment de la signature de l’engagement à respecter les usages et par la suite, des contrôles réguliers (art. 41 al. 1 RIRT).

Dans le cadre du contrôle du respect des usages de la profession relatifs aux conditions minimales de travail et de prestations sociales, l’employeur doit tenir à disposition de l’autorité compétente toutes pièces utiles; sont considérées comme telles, notamment, les contrats de travail, les horaires effectifs détaillés (durée du travail, début et fin du travail, pauses, jours de congé, vacances), les attestations de salaire détaillées et les décomptes de cotisations sociales (art. 42 al. 2
et 3 RIRT) ; lorsqu’une entreprise ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage, l’OCIRT peut prononcer, entre autres sanctions, une décision de refus de délivrance de l’attestation relative à l’engagement du respect des usages pour une durée de trois mois à cinq ans
(art. 45 al. 1 LIRT). L’OCIRT refuse de délivrer l’attestation à l’employeur qui enfreint son obligation de collaborer et ne fournit pas les renseignements ou pièces dans le délai imparti ; il procède conformément à l’art. 42A RIRT (art. 42 al. 4 RIRT).

En cas d’infractions aux usages ou de refus de renseigner au sens de l’art. 42 al. 4 RIRT, l’OCIRT notifie à l’entreprise un avertissement et lui accorde un délai pour se mettre en conformité (art. 42A al. 1 RIRT). Si le contrevenant ne donne pas suite dans les délais, il prononce les sanctions prévues à l’art. 45 al. 1 LIRT. L’art. 16 al. 2 et 3 LPA est applicable pour le surplus (art. 42A al. 2 RIRT).

7. Selon la jurisprudence fédérale, à la condition que la partie concernée ait eu la possibilité de se déterminer à leur propos, des preuves recueillies dans le cadre d’une procédure pénale peuvent être valablement utilisées dans le cadre d’une procédure administrative parallèle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_343/2017 du
25 août 2017 consid. 4.2.1, SJ 2017 I 440).

8. a. Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

b. Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1092/2015 du 13 octobre 2015 consid. 6; ATA/629/2013 du 24 septembre 2013 consid. 3 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 78 ; André GRISEL, Traité de droit administratif, vol. II, 1984, p. 860 ss).

c. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral
(art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 -
PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; 1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/238/2013 du 16 avril 2013 consid. 3a ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 867 ss ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, pp. 179 ss n. 2.1.2.1 ss et 245 n. 2.2.3.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011,
p. 269 ss n. 783 ss). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu’elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l’adoption d’une mesure plus restrictive à l’égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l’avertissement ne possède pas un tel caractère, il n’est pas sujet à recours (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 180, n.2.1.2.1 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungs-rechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, p. 310 ; ATA/715/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3 ; ATA/537/2014 du
17 juillet 2014 consid. 2 ; ATA/104/2013 du 19 février 2013 consid. 2).

9. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement, garanti par
l’art. 8 Cst., lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 137 V 121 consid. 5.3 ; 134 I 23 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1D_6/2014 du 7 mai 2015
consid. 3.1 ; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1). Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais qu’elle les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 précité consid. 4.5.1). La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 ; 134 I 23 consid. 9.1 ; 131 I 1 consid. 4.2).

10. En l’espèce, l’intimé a notifié à la recourante une décision à teneur de laquelle il refusait durant deux ans de lui délivrer l’attestation de conformité aux usages visée à l’art. 25 LIRT. La mesure, prononcée en application de l’art. 45
al. 1 let. a LIRT, était exécutoire nonobstant recours et le nom de la recourante figurerait sur la liste publiquement accessible des entreprises ayant été sanctionnées par l’intimé en vertu de l’art. 45 al. 3 LIRT.

Selon les éléments du dossier, la recourante a fait l’objet d’un contrôle de son établissement par le PCTN le 13 mars 2017, au cours duquel des irrégularités ont été constatées, soit l’emploi de personnel n’étant pas au bénéfice d’autorisations de séjour, et dénoncées au Ministère public. Sur la base de cette dénonciation, l’établissement a fait l’objet de deux contrôles successifs par la police les 2 et 15 novembre 2017.

L’intimé a fait mention à la recourante, dans un courrier du 19 janvier 2018, que plusieurs infractions aux conditions de travail en usage avaient été commises par elle, notamment avoir employé au sein de son établissement des étrangers ne bénéficiant pas de permis de séjour, n’avoir pas payé les cotisations d'assurances sociales obligatoires de ces employés, n’avoir pas respecté les salaires minimums impératifs et n’avoir pas respecté un certain nombre de dispositions en matière de droit du travail. L’intimé a attiré l’attention de la recourante sur le fait que son entreprise était soumise à l’obligation de respecter les conditions de travail en usage conformément à l’art. 25 LIRT. Il lui a également annoncé qu’une procédure administrative à son encontre était ouverte et que celle-ci risquait d’engendrer le prononcé d’une sanction administrative en application de
l’art. 45 LIRT si le non-respect des conditions de travail en usage était avéré. La recourante a ainsi été invitée à exercer son droit d’être entendue d’ici au 2 février 2018. Ce délai a été prolongé par deux fois, à la demande de la recourante.

Par ce courrier de l’intimé, qui ne prête pas à confusion, la recourante a été avertie qu’en cas de violation avérée du droit, elle serait sanctionnée par le biais d’une décision administrative, conformément à l’art. 45 LIRT. Il était de son devoir, durant le délai octroyé pour exercer son droit d’être entendue, de se mettre en conformité dans la mesure du possible pour la période antérieure au premier contrôle et la présente, en plus de présenter tous renseignements utiles dans le cadre de l’exercice de son droit d’être entendue. Au demeurant, dans sa première demande de prolongation de délai le 1er février 2018, la recourante a fait part de son intention de remédier aux éventuelles irrégularités durant celui-ci si les infractions lui étant reprochées devaient se confirmer.

Dès lors, peu importe que le courrier litigieux du 19 janvier 2018 ne porte pas la mention expresse « avertissement » dans son objet. La recourante étant avertie des risques encourus et disposant d’un délai, de surcroît prolongé à deux reprises, pour faire valoir son droit d’être entendue, le courrier du 19 janvier 2018 constitue matériellement un avertissement. Partant, l’intimé n’a pas violé la loi sur ce point.

11. Compte tenu de ces éléments et des faits exposés précédemment, notamment que le courrier du 19 janvier 2018 doit être considéré comme un avertissement, l’intimé n’a pas violé le principe de l’égalité de traitement.

12. a. Parmi les infractions aux UHCR 2014 et 2017 reprochées à la recourante par l’intimé, celle-ci a admis avoir employé des étrangers qui ne disposaient pas des autorisations nécessaires, ne pas avoir respecté les dispositions en matière de congés hebdomadaires (art. 16 UHCR 2014) et ne pas avoir établi de contrat de travail écrit (art. 4 UHCR 2014).

b. Toute infraction à la réglementation applicable aux assurances sociales obligatoires (notamment art. 13 al. 1 UHCR 2014) demeure contestée par la recourante, celle-ci ayant déclaré son personnel le 4 février 2018 et requis les certificats d’assurances utiles. Cependant, M. H______, qui avait déclaré lors de son audition le 2 novembre 2017 travailler depuis environ un an au sein de l’établissement, n’a été régularisé que pour la période du 1er septembre au 31 octobre 2017. M. I______, associé, a également reconnu lors de l’audition du 15 novembre 2017 que les travailleurs illégaux n’étaient pas déclarés aux assurances sociales. Dès lors, la mise en conformité ne portant pas sur les périodes antérieures au contrôle de l’établissement et ne visant pas tous les employés illégaux y ayant travaillé, l’infraction est réalisée.

c. Sont notamment contestées des infractions concernant l’enregistrement des horaires de travail (art. 21 UHCR 2014), la durée hebdomadaire maximale de travail (art. 15 UHCR 2017), la compensation des jours fériés (art. 18 UHCR 2014), le droit aux vacances (art. 17 UHCR 2014) et les salaires (art. 10 UHCR 2017), dénonceés par les employés lors de leur audition par la police tels que retenus par l’OCIRT.

À teneur de l’art. 15 al. 1 UHCR 2017, la durée moyenne de la semaine de travail, y compris le temps de présence, est pour tous les collaborateurs au maximum de quarante-deux heures par semaine, étant précisé que l’établissement n’est pas une petite entreprise car plus de quatre collaborateurs sont employés de manière permanente (point 1 de l’annexe 1 UHCR 2014) puisque en tout cas cinq employés ont été interrogés lors des contrôles de police les 2 et 15 novembre 2017. En outre, le temps consacré aux repas n’est pas compris dans l’horaire de travail et est au minimum d’une demi-heure par repas. Si le collaborateur doit rester à la disposition de l’employeur pendant le temps consacré aux repas,
celui-ci est considéré comme temps de travail (art. 15 al. 2 UHCR 2017). Selon la recourante, les employés de cuisine travaillaient sept heures et demie par jour, les employés affectés au service sept heures, et ils bénéficiaient tous d’une
demi-heure de pause par service pour se restaurer. Ils n’avaient d’ailleurs pas été interrogés à ce propos et la déclaration de M. D______ quant à une durée de travail d’environ onze heures par jour ne correspondait pas à la réalité. Cependant, aucun élément ne permet de remettre en cause les déclarations de M. H______ lors de son audition le 2 novembre 2017 qui a déclaré travailler huit heures par jour et six jours par semaine, soit quarante-huit heures par semaine. Pour MM. D______ et G______, la recourante admet quarante-cinq heures de travail par semaine, ce qui est supérieur au maximum autorisé. Elle n’apporte aucun élément probant sur la durée hebdomadaire du travail de ses employés, ni sur l’existence d’une demi-heure de pause consacrée aux repas, et ne renseigne pas sur les taux d’activité. Dès lors, les infractions à la durée hebdomadaire du travail sous l’angle de l’art. 9 LTr et de l’art. 3 al. 2 du Titre 2 et 15 al. 1 UHCR 2014 sont réalisées.

En vertu de l’art. 18 al. 1 UHCR 2014, le collaborateur a droit à six jours fériés payés par an, soit un demi-jour par mois (fête nationale comprise). En cas d’année de travail incomplète, le nombre des jours fériés à accorder est déterminé par la durée des rapports de travail. Selon la recourante, M. H______ n’aurait pas travaillé durant les jours fériés, raison pour laquelle il n’y avait pas de jour férié payé compris dans le salaire puisque l’établissement était fermé à Noël et à Nouvel-An et qu’aucune compensation n’était prévue. La recourante ne produit toutefois aucune pièce propre à remettre en cause les déclarations de cet employé qui a déclaré que les jours fériés n’étaient pas payés. Elle admet notamment ne pas avoir inclus des jours fériés dans le salaire. Dès lors, l’infraction en matière de compensation des jours fériés est réalisée.

Les quittances de salaires fournies ne permettent pas d’établir à quel mois celles-ci se rapportent et que les montants indiqués correspondent réellement aux salaires nets perçus par les employés, d’autant moins que ces montants ne correspondent pas aux allégations de la recourante dans son courrier du 23 février 2018, notamment s’agissant de M. D______. Celui-ci a déclaré percevoir un salaire payé de main à main de CHF 1’500.- alors que la recourante a allégué lui verser un salaire brut de CHF 1’710.- correspondant à un salaire net de CHF 1’610.-, dit montant ne correspondant pas à la quittance produite sur laquelle est inscrite un montant de CHF 1’550.-. La recourante qui a par ailleurs reconnu n’avoir pas payé les cotisations aux assurances sociales de ses employés fait une distinction entre les salaires bruts et nets que ceux-ci perçoivent ; c’est pourquoi ses allégations en matière salariale et les montants de salaires finalement déclarés à l’AVS n’emportent pas conviction. Seront donc retenus les salaires indiqués par les employés lors de leur audition par la police.

Selon l’art. 10 al. 1 let. a UHCR 2017, le salaire mensuel brut minimum pour les collaborateurs à plein temps, sans apprentissage, qui ont atteint l’âge de 18 ans révolus, est de CHF 3’417.-. Selon la recourante, de tous ses employés, seuls M. D______ percevait un salaire inférieur aux minimums impératifs des UHCR, compte tenu de CHF 990.- par mois à retenir en sus pour être logé et nourri par ses soins. Il ressort des auditions menées par la police le 2 novembre 2017 que MM. D______, G______, et H______ ont chacun travaillé à temps plein pour des salaires respectifs de CHF 1’500.-, CHF 2’000.- et CHF 2’200.-.
Mme L______ gagnait CHF 100.- par journée de travail. Tous étant nourris et logés à l’arrière de l’établissement, la recourante a ajouté à leur salaire une pension complète d’un montant de CHF 990.-. L’OCIRT n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les photographies jointes au dossier relatives aux conditions de logement à l’arrière de l’établissement faisaient état de conditions de logement déplorables, voire insalubres pour les travailleurs. Ceux-ci n’ayant pas été correctement logés, l’intimé était fondé à ne prendre en considération que la somme mensuelle de CHF 645.- relative à la nourriture fournie au regard de l’art. 11 al. 2 RAVS en lieu et place de CHF 990.- retenus par la recourante. Compte tenu de ce qui précède, la recourante n’est pas parvenue à prouver que seul M. D______ avait perçu un salaire inférieur aux minima impératifs des UHCR 2017. Au contraire, il apparaît que l’infraction est réalisée à tous le moins pour MM. D______, G______ et H______, même si un ajout de CHF 990.- pour la nourriture et le logement était admis.

À teneur de l’art. 17 UHCR 2014, le collaborateur a droit à cinq semaines de vacances par année (35 jours civils par année, soit 2,92 jours civils par mois ;
al. 1). Si le paiement de l’indemnité de vacances est autorisé à la fin d’un mois ou dans le cadre d’un salaire horaire, l’indemnité de vacances s’élève à 10,65 % du salaire brut (al. 4). Selon la recourante, même si le salaire horaire ne comprenait pas un pourcentage dévolu aux vacances, cela ne signifiait pas que les employés ne pouvaient pas en prendre. M. H______ était d’ailleurs parti en vacances durant l’été 2017, en Chine. Toutefois, aucun élément ne permet de remettre en cause les déclarations de cet employé lors de son audition le 2 novembre 2017, selon lesquelles il n’avait pas de vacances et que son salaire ne comprenait pas un pourcentage dévolu à celles-ci, puisque la recourante n’apporte aucune preuve quant à son allégation. Au demeurant, ce travailleur n’a été déclaré aux assurances sociales que pour les mois de septembre et octobre 2017. Dès lors, l’infraction en matière de droit aux vacances est réalisée.

En définitive, à défaut d’éléments probants tendant à étayer et confirmer les allégations précitées de la société, en l’absence de contrat de travail écrit pour chacun des employés et vu les déclarations de ces derniers dans le cadre des auditions menées par la police les 2 et 15 novembre 2017 que rien ne permet de remettre en cause, il sied de constater que les infractions retenues par l’intimé à son encontre sont réalisées.

13. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité garanti par les art. 5
al. 2 et 36 al. 3 Cst., se compose ainsi des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés, et de proportionnalité au sens étroit, qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 552 ss).

14. Eu égard à la gravité de la faute, répétée, à l’égard de quatre employés, soit plusieurs infractions aux UHCR 2014 et 2017 qui portent sur des obligations importantes de l’employeur, en particulier en matière salariale, de temps de repos et de congés, et de surcroît la non-mise en conformité totale aux usages, notamment l’absence de déclarations complètes aux assurances sociales ainsi que de contrat écrit, le principe et la durée du refus de délivrer l’attestation de conformité aux usages visée à l’art. 25 LIRT, fixée à deux ans, située dans la moitié inférieure des quotités possibles, respectent le principe de la proportionnalité.

Dans ces circonstances, la décision attaquée étant conforme au droit, le recours, mal fondé, sera rejeté.

15. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’300.-, comprenant les frais afférents à la procédure d’effet suspensif et de mesures provisionnelles, sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à cette dernière (art. 87 al. 2).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2018 par A______ Sàrl contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 28 mars 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 1’300.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann Lam, avocat de la recourante, ainsi qu’à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :