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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2512/2004

ATA/118/2005 du 08.03.2005 ( JPT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2512/2004-JPT ATA/118/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 8 mars 2005

dans la cause

 

Monsieur T__________

contre

DéPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SéCURITé


 


1. Monsieur T__________ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), est domicilié dans le canton de Genève. Il est de nationalité portugaise et il est titulaire d’un permis d’établissement.

2. Le 11 octobre 2004, l’entreprise de sécurité D__________, et J__________ devenue entre-temps D__________ Sàrl (ci-après : D__________), a sollicité du département de justice, police et sécurité (ci-après : DJPS) une autorisation concordataire dans le but d’employer l’intéressé comme agent de sécurité. Il résultait de l’extrait du casier judiciaire produit à l’appui de cette requête que l’intéressé n’y figurait pas.

3. Le 26 octobre 2004, la police judiciaire a préavisé défavorablement la demande précitée, au motif que l’intéressé était connu des services de police pour des affaires, datant des années 1997, 1998, 1999 et 2000, de détention d’arme factice, de loi sur la circulation routière, de détention d’arme interdite (couteau à cran d’arrêt) et pour excès de bruit. De plus, par jugement du Tribunal de police du 25 juin 2001, l’intéressé avait été condamné à 7 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans, en raison des lésions corporelles simples qu’il avait infligées à autrui le 30 janvier 2000.

4. Par arrêté du 17 novembre 2004, le DJPS a refusé l’autorisation sollicitée, au motif que l’intéressé avait fait l’objet de la condamnation précitée. En outre, la police avait émis un préavis négatif. L’intéressé n’offrait en conséquence pas toute garantie d’honorabilité, en violation de l’article 9 alinéa 1 lettre c du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (I 2 14 – le concordat).

5. Par courrier du 8 décembre 2004, reçu au greffe du Tribunal administratif le 10 décembre 2004, l’intéressé a recouru contre la décision du DJPS. Il soutient que cette décision est injuste. En effet, il n’avait été condamné qu’à une seule reprise pour une bagarre, qu’il n’avait pas provoquée. Sa mère l’élevant seule, il avait dû commencer à travailler à l’âge de 16 ans et il n’avait pas pu suivre les cours de l’école de commerce à laquelle il s’était inscrit. Le travail d’agent de sécurité représentait pour lui une bonne perspective d’avenir.

6. Dans sa réponse du 31 janvier 2005, le DJPS a conclu au rejet du recours. Le recourant avait intentionnellement blessé quelqu’un avec son couteau à la sortie d’une discothèque, suite à un simple échange verbal. Ces faits, manifestement graves, fondaient la condamnation susmentionnée. Il ressortait aussi de la réitération des autres infractions reprochées au recourant qu’il avait un caractère belliqueux et irrespectueux des lois. En conséquence, le comportement du recourant était incompatible avec la sphère d’activité envisagée au sens de l’article 9 alinéa 1 lettre c du concordat, et il n’existait pas de solution moins incisive que l’interdiction de l’accès à la profession d’agent de sécurité, étant donné qu’il avait commis des infractions à six reprises.

7. Il ressort du dossier les faits pertinents suivants :

a) Le 17 mai 1997, l’intéressé a fait l’objet d’un rapport de police suite à la saisie d’une arme factice.

b) Le 12 décembre 1997, il a fait l’objet d’un rapport de police suite à une affaire de violation de la loi sur la circulation routière.

c) Le 2 mai 1998, il a fait l’objet d’une contravention pour la détention d’une arme interdite, soit un couteau à cran d’arrêt.

d) Le 27 mars 1999, il a fait l’objet d’une contravention pour avoir voyagé sans titre de transport et avoir fait du bruit en excès.

e) Le 17 juillet 2000, il a été condamné à une contravention pour excès de bruit, refus de circuler et provocation d’un attroupement.

f) Le 25 juin 2001, il a été condamné à 7 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans, pour lésions corporelles simples intentionnelles, par jugement du Tribunal de police (JTP/821/2001). À la sortie d’une discothèque, après une soirée arrosée, il avait eu une discussion animée avec des inconnus. Il avait ensuite donné un coup de couteau au bras de l’un d’eux et il avait tenté de prendre la fuite à l’arrivée de la police, puis il y avait renoncé.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. L’intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/2/2002 du 8 janvier 2002 et les références citées). S’agissant de l’intérêt du recourant, il faut l’admettre bien que l’agence de sécurité qui a requis l’autorisation d’exercer n’ait pas recouru parallèlement.

En effet, le recourant est destinataire de la décision attaquée et il est toujours lésé par celle-ci. Le Tribunal administratif a admis la qualité pour recourir dans des affaires similaires, dans lesquelles l’employeur requérant n’avait pas recouru (ATA/658/2004 du 24 août 2004 et les références citées).

3. Le concordat a été modifié par la convention portant révision du concordat, du 3 juillet 2003 (ci-après : la convention). Le Grand Conseil a adopté, le 11 juin 2004, une loi, entrée en vigueur le 1er septembre 2004, modifiant la loi concernant le concordat du 2 décembre 1999 (loi sur le concordat - I 2 14.0). Ce texte autorise le Conseil d’Etat à adhérer à la convention.

À l'instar de l'ancienne loi cantonale sur la profession d'agent de sécurité privée du 15 mars 1985, le concordat a pour but de fixer les règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d'assurer la validité inter-cantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du concordat ; MGC, 1999, IX, p. 9051).

L’ancien article 9 alinéa 1er lettre c du concordat prévoyait que l'autorisation d'engager du personnel n'était accordée que si l'agent de sécurité n'avait pas été condamné, dans les dix ans précédant la requête, pour des actes incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée.

Cette disposition qui limitait le libre accès à la profession d'agent de sécurité constituait une restriction à la liberté économique dont la conformité à l'article 36 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101) avait déjà été admise par le tribunal de céans (ATA/695/2001 du 6 novembre 2001).

Dans l'exposé des motifs accompagnant le projet d'adhésion à la première version du concordat, il avait été indiqué que certains actes de violence, l'abus de confiance et le vol comptaient, par exemple, au nombre des infractions jugées incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée (MGC, 1998, VI, p. 5197).

Suite à la révision du concordat, l’article 9 alinéa 1er lettre c a maintenant une teneur nouvelle, selon laquelle :

« L’autorisation d’engager du personnel n’est accordée que si l’agent de sécurité (…) offre par ses antécédents, par son caractère et son comportement toute garantie d’honorabilité concernant la sphère d’activité envisagée ».

Selon l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi, la nouvelle exigence d’honorabilité, critère figurant déjà dans l’ancienne législation genevoise sur les entreprises de sécurité, devait permettre d’examiner si le comportement de l’intéressé était encore compatible avec l’activité dont l’autorisation était requise, même si le candidat concerné n’avait pas été condamné pénalement (http//www.geneve.ch/grandconseil/memorial/data/550309/48/550309_48_parti5.asp au 9 décembre 2004).

4. Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal administratif a considéré que les éventuelles inscriptions au casier judiciaire relatives à un délit commis par un adolescent doivent d’emblée être traitées comme si elles étaient radiées, c’est-à-dire que l’autorité intimée ne devrait pas y avoir accès, sous réserve de l’accord de la personne concernée (art. 361 et 363 al. 4 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.O ; ATA/11/2005 du 11 janvier 2005 ; ATA/68/2004 du 20 janvier 2004).

Le Tribunal administratif a considéré qu’une personne âgée de 21 ans, lorsque le DJPS avait statué et qui avait été condamnée, alors qu’elle était mineure, par le Tribunal de la jeunesse, à quatre reprises, pour vol de cyclomoteur, rixe, vol, dommages à la propriété et violation de domicile ainsi que complicité de brigandage pouvait être encore considérée comme honorable dans le but de pratiquer la profession d’agent de sécurité (ATA/68/2004 précité).

Dans un arrêt plus récent (ATA/229/2004 du 16 mars 2004), le Tribunal administratif a admis le recours d’un jeune homme âgé de 20 ans qui avait fait l’objet de plusieurs rapports de la police cantonale fribourgeoise alors qu’il était encore mineur, pour scandale, violence envers les fonctionnaires, opposition aux actes de l’autorité et voies de faits ainsi que menaces. L’intéressé avait encore troublé l’ordre public et commis une infraction à la loi fédérale sur les armes et les munitions, s’étant mal comporté au comptoir gruyérien à Bulle, alors qu’il venait de terminer son école de recrues. Les faits sus-décrits avaient donné lieu à deux jugements de la juridiction compétente dans le canton de Fribourg et à une ordonnance pénale du juge d’instruction. Il y a lieu de noter toutefois que l’intéressé avait déjà obtenu l’autorisation sollicitée, que l’autorité intimée entendait retirer, et qu’il avait travaillé à la satisfaction de ses employeurs.

Dans un autre arrêt, le Tribunal administratif a admis le recours d’un mineur à l’égard duquel une mesure d’assistance éducative avait été instituée, puis qui avait été placé dans un foyer pendant trois mois, suite au vol d’usage d’un scooter et à la conduite sans permis du véhicule précité. Il avait aussi été condamné pour lésions corporelles simples, violation de domicile et dommages à la propriété à un mois de détention avec sursis, par le Tribunal de la jeunesse. Le tribunal de céans a considéré que le recourant remplissait la condition d’honorabilité et qu’il pouvait exercer la profession d’agent de sécurité, malgré les infractions qu’il avait commises (ATA/11/2005 précité).

Au vu de cette jurisprudence, il se justifie de ne pas prendre en considération les infractions commises par le recourant pendant sa minorité, même si elles sont de nature à mettre en évidence un caractère agressif et un comportement peu respectueux des lois.

5. S’agissant d’actes de violence, la notion d’actes incompatibles avec la sphère d’activité envisagée ou la notion d’honorabilité a fait l’objet des arrêts suivants du tribunal de céans :

a) Dans un arrêt du 13 novembre 2001, deux condamnations radiées du casier judiciaire, mais datant de 4 et 7 ans, l'une pour lésions corporelles simples et l'autre pour vol, ont été jugées incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité : dans l'exercice de son activité, le recourant serait amené à entrer en contact avec les valeurs ou les biens mobiliers ou immobiliers d'autrui et pourrait être tenté de commettre un nouveau délit (ATA/721/2001 du 13 novembre 2001).

b) Le 9 décembre 2003, le Tribunal administratif a confirmé le refus de délivrer une autorisation d’engagement en tant qu’agent de sécurité privé à une personne qui avait été condamnée, cinq ans avant le dépôt de la requête litigieuse, pour des lésions corporelles simples sur la personne de son épouse et qui avait fait ultérieurement l’objet d’un rapport de police pour avoir frappé l’une de ses voisines à l’occasion d’une dispute. Le tribunal de céans a alors estimé que les faits reprochés étaient incompatibles avec la sphère d’activité envisagée par le recourant tant en raison de leur nature que de leur répétition (ATA/909/2003 du 9 décembre 2003).

c) Le 5 août 2004, le même tribunal a rejeté le recours déposé par une personne qui avait bénéficié d’une autorisation provisoire de travailler en tant qu’agent de sécurité privé au motif qu’il avait été condamné six ans auparavant pour lésions corporelles simples et qu’il avait déjà exercé antérieurement des violences sur la personne de son épouse. Le risque existait dès lors que l’intéressé serait tenté à nouveau de résoudre des situations conflictuelles par la violence dans le cadre de son activité professionnelle (ATA/613/2004 du 5 août 2004).

d) Le 24 août 2004, le tribunal de céans a confirmé le refus de délivrer l’autorisation d’engagement en tant qu’agent de sécurité privé à une personne condamnée, le 10 juillet 2000, à une amende de CHF 200.- pour lésions corporelles simples. Le recourant avait violemment frappé un homme qui l’avait battu au billard. Un tel comportement était particulièrement violent et justifiait le refus précité (ATA/658/2004 du 24 août 2004).

e) Le 31 août 2004, le Tribunal administratif a suspendu l’autorisation d’engagement précédemment délivrée à un agent de sécurité pour une durée de six mois au motif qu’il avait, quelque 15 mois après son entrée en fonction, frappé au visage un mineur âgé de 17 ans et demi après un échange de propos désagréables (ATA/686/2004 précité).

f) Le 26 octobre 2004, le Tribunal administratif a jugé que des lésions corporelles exercées par le recourant sur son épouse à deux reprises justifiaient le refus de l’autorisation sollicitée. Une telle attitude avait pour corollaire que l’on ne pouvait exclure le risque que l’intéressé fût tenté de régler par la violence des situations conflictuelles qui se présenteraient dans le cadre de la profession d’agent de sécurité (ATA/839/2004 du 26 octobre 2004).

Il ressort ainsi de la jurisprudence du tribunal de céans que le fait de commettre des actes de violences justifie en règle générale le refus d’autorisation de travailler en qualité d’agent de sécurité privé ou le retrait de l’autorisation déjà délivrée. Seules des circonstances particulières, comme une activité professionnelle sans reproche durant de nombreuses années, peuvent permettre de s’écarter de cette règle.

En l’espèce, le recourant a été condamné à une peine de plusieurs mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir asséné un coup de couteau à un inconnu à la suite d’une simple conversation, après une soirée arrosée. Il était alors âgé de 18 ans et demi. C’est l’unique comportement du recourant entrant en ligne de compte, les autres étant des infractions de peu d’importance dont une seule a été commise pendant sa majorité. Cette attaque au couteau est grave et la quotité de la peine s’en ressent. En conséquence, il y a lieu de craindre que le recourant réponde à des situations conflictuelles de manière violente, s’il était amené à exercer la profession d’agent de sécurité. Le refus de délivrer l’autorisation sollicitée sera donc confirmé par le Tribunal administratif.

6. La décision entreprise, qui repose sur une base légale suffisante selon la jurisprudence constante du tribunal de céans (cf. not. ATA/686/2004 précité), satisfait en outre pleinement au principe de la proportionnalité, seule l'interdiction d'exercer la profession d'agent de sécurité étant de nature à atteindre le but visé, soit celui d'écarter les personnes qui ne respectent pas la condition d’honorabilité.

Enfin, l’atteinte à la liberté économique de l’intéressé, qui n’exerce pas la profession d’agent de sécurité privé et qui reste libre d’embrasser toute autre profession qui ne serait pas soumise à une autorisation du même type, est de ce fait peu importante.

7. Le recours est mal fondé et doit être rejeté.

Un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2004 par Monsieur T__________ contre la décision du département de justice, police et sécurité du 17 novembre 2004;

au fond :

le rejette;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 750.-;

communique le présent arrêt à Monsieur T__________ ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :