Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3435/2021

ATA/1152/2021 du 27.10.2021 sur JTAPI/1039/2021 ( MC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3435/2021-MC ATA/1152/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 octobre 2021

en section

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

M. A______
représenté par Me Nehanda Mauron-Mutambirwa, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2021 (JTAPI/1039/2021)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1993, est originaire de B______.

2) M. A______ est connu de la justice pénale suisse depuis 2020, laquelle l’a notamment condamné, par ordonnance pénale rendue le 25 octobre 2020 par le Ministère public, entrée en force pour vol au sens de l’art. 139 du code pénal suisse (CP - RS 311.0), à une peine privative de liberté de cent quatre-vingts jours.

3) Par décision du 25 octobre 2020, le commissaire de police lui a également fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.

4) Le 29 octobre 2020, le Ministère public a requis et obtenu la mise en détention provisoire de M. A______, prévenu de vol (art. 139 CP), d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (art. 147 CP) et d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) dont son art. 119, dans l’attente de son jugement.

5) Par jugement du 25 janvier 2021, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (art. 147 CP) et d’infraction à l’art. 119 LEI et l’a condamné à une peine privative de liberté de quatre mois. Il a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de trois ans, en application de l’art. 66abis CP.

6) Le 4 février 2021, M. A______ s'est vu notifier, par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), une décision de non-report de son expulsion judiciaire, après que la possibilité de s'exprimer à cet égard lui eut été donnée.

7) Par jugement du 10 mai 2021, le Tribunal d’application des peines et mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ avec effet au jour où son renvoi serait exécuté, mais au plus tôt le 18 mai 2021.

8) Le 21 mai 2021, M. A______ a été expulsé en B______.

9) Le 7 septembre 2021, l’intéressé, revenu en Suisse, démuni de document d’identité, a été arrêté par les services de police. M. A______ a reconnu qu'il savait qu'il n'était pas autorisé à pénétrer en Suisse, dans la mesure où il faisait l'objet d'une expulsion pénale et qu’il n’avait pas le droit de pénétrer dans le canton de Genève. Il a également indiqué savoir qu’il faisait l’objet de deux mandats d’arrestation, et reconnu être consommateur d’héroïne. Il était revenu en train après s’être fait expulser en B______.

10) Prévenu, notamment, de rupture de ban (art. 291 CP) et d’infractions à la LEI, en particulier son art. 119, M. A______ a été condamné, par ordonnance pénale du 8 septembre 2021, pour les faits ayant conduit à son arrestation, à une peine pécuniaire et une amende.

11) Le même jour, M. A______ a été écroué à la prison C______ pour y purger des peines privatives de liberté entrées en force, soit deux mandats d'arrêt genevois et un fribourgeois.

12) Le 7 octobre 2021, les services de police ont entamé les démarches en vue de la réadmission en B______ de M. A______.

13) Le 10 octobre 2021, à 14h36, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines, en application des art.76 al. 1 let. b ch. 1 - renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. c et h LEI -, ch. 3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en B______, mais qu'il préférait être renvoyé en D______, car il y avait des amis. Il n'avait néanmoins pas de titre de séjour dans ce pays.

14) Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

15) M. A______ a donné son accord à ce qu’il soit représenté par son avocate à l’audience du 12 octobre 2021 devant le TAPI, du fait qu'il présentait des symptômes de rhume et qu'il refusait de se faire tester contre la COVID-19.

Son conseil a conclu à la mise en liberté de son client, dans la mesure où on ne pouvait pas déterminer la date à laquelle son renvoi pourrait être effectué.

La représentante du commissaire de police a indiqué que, malgré la jurisprudence du TAPI, l'OCPM ne rendrait pas de décision de renvoi. Les autorités étaient toujours dans l'attente de la délivrance d'un laissez-passer de la part des autorités roumaines, estimant que cette délivrance prendrait environ quatorze jours. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention.

16) Par jugement du 12 octobre 2021, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 20 novembre 2021 inclus.

Il a toutefois retenu que la détention en cause ne pouvait pas se fonder sur l'art. 76 LEI, mais uniquement sur l'art. 75 let. c LEI. Le TAPI avait en effet déjà jugé à plusieurs reprises, sans pour l'instant être ni confirmé ni infirmé par les instances judiciaires supérieures, que l'expulsion pénale était exécutée une fois pour toutes lorsque l'étranger quittait le territoire et qu'elle ne déployait ensuite plus d'effet que comme interdiction d'entrée, de sorte que si ce dernier revenait en Suisse en dépit d'une telle mesure encore en cours de validité, une décision prononçant son renvoi devait être prononcée en vue de son éloignement.

17) Par acte posté le 15 octobre 2021 et reçu le 18 octobre 2021, le commissaire de police a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation « en tant qu'il confirm[ait] la décision du commissaire de police du 10 octobre 2021 ordonnant la détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines sur la base de l'art. 75 al. 1 let. c LEI » et à la confirmation de sa décision du 10 octobre 2021 dans son intégralité.

L'expulsion pénale était une institution distincte de l'expulsion administrative. Seules les juridictions pénales étaient compétentes pour prononcer ou contrôler cette mesure. Le raisonnement du TAPI sur l'obligation pour l'autorité administrative de prononcer une décision de renvoi alors que la mesure d'expulsion pénale était en cours de validité était faux, de même que les conclusions qu'il en tirait.

18) Le 18 octobre 2021, M. A______ a renoncé à déposer des observations sur le recours.

19) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre de céans examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/603/2021 du 8 juin 2021 consid. 1 ; ATA/751/2020 du 12 août 2020 consid. 1 ; ATA/1021/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2).

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3) a. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/965/2020 du 29 septembre 2020 consid. 2b et les arrêts cités). L'exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n'est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 3b ; ATA/1794/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2b ; ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 consid. 2).

c. L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; 131 II 649 consid. 3.1). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1).

d. Le juge est appelé à trancher des cas concrets, nécessitant que l’administré ait un intérêt actuel et pratique, comme le prévoit l’art. 60 let. b LPA en cas de recours, et son rôle n’est pas de faire de la doctrine ou de trancher des questions de principe (ATA/807/2020 du 25 août 2020 consid. 8b ; ATA/293/2016 du 5 avril 2016 consid. 5 ; ATA/1259/2015 du 24 novembre 2015 consid. 2d).

Un recours qui ne conteste pas le dispositif d'une décision, mais uniquement sa motivation, est dépourvu d'intérêt pratique et doit être déclaré irrecevable (ATA/1203/2019 du 30 juillet 2019).

4) En l'espèce, le recourant a pris le 10 octobre 2021 un ordre de mise en détention pour une durée de six semaines, sans – à juste titre – mentionner de base légale ou de motif de détention dans son dispositif, et devant le TAPI, sa représentante a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention.

Le dispositif du jugement attaqué a confirmé la mise en détention administrative pour une durée de six semaines, là aussi sans plus de précision. Le recourant a donc obtenu le plein de ses conclusions. Il s'en prend ainsi uniquement à la motivation du jugement attaqué, sur ce qu'il estime être une question de principe.

Dès lors, conformément à la jurisprudence précitée, son recours doit être déclaré irrecevable. Il se peut néanmoins que la question soulevée revête une portée pratique lors d'un prochain contrôle de la détention, auquel cas la chambre de céans pourra entrer en matière sous cet angle.

5) La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03 et art. 87 al. 1 2ème phr. LPA), aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige et l'absence de conclusions de l'intimé, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 15 octobre 2021 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2021 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au commissaire de police, à Me Nehanda
Mauron-Mutambirwa, avocate de M. A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :