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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3273/2022

ATA/1109/2022 du 03.11.2022 sur JTAPI/1059/2022 ( MC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3273/2022-MC ATA/1109/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 novembre 2022

en section

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

Monsieur A______
représenté par Me Dina Bazarbachi, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 octobre 2022 (JTAPI/1059/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, est originaire du Mali.

2) Il est au bénéfice d'un passeport pour réfugié délivré par les autorités italiennes, valable jusqu'au 16 octobre 2024.

3) Le 11 novembre 2020, M. A______ a été reconnu coupable, notamment, de trafic de cocaïne et condamné pour infraction aux art. 19 al. 1 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et à l'art. 115 al. 1, let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) par ordonnance pénale du Ministère public genevois, à une peine privative de liberté de nonante jours.

4) Le même jour, il s’est vu notifier, par le commissaire de police et en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.

5) M.  A______ a été interpellé à Genève les 14 mars, 12 mai et 25 mai 2021.

6) Le 19 septembre 2022, démuni de tout document de voyage, M. A______ a été interpellé à Genève pour s'être adonné au trafic de crack et de cocaïne, activité qu'il a niée malgré les mises en cause de deux de ses clients. Lors de son audition par la police genevoise, il a également exposé avoir perdu son passeport, dormir dans la rue et n'avoir aucun lien particulier avec la Suisse, ni adresse de notification dans ce pays.

7) Selon le rapport d'arrestation de la police, l'attention de cette dernière avait été attirée par le fait qu'un toxicomane connu de ses services cheminait côte à côte avec un individu tenant de l'argent à la main. Ce dernier, identifié comme M. A______, détenait sur lui CHF 331.65 et EUR 20.05. Le toxicomane avait indiqué, une fois au poste, avoir vu un échange entre M. A______ et d'autres toxicomanes, raison pour laquelle il avait de l'argent dans la main. M. A______ lui avait alors proposé du crack.

Un contact contenu dans le téléphone de M. A______ correspondait au numéro d'un second toxicomane connu de la police. Interrogé, ce dernier avait indiqué que M. A______ lui avait vendu un gramme de cocaïne un mois plus tôt.

8) Les démarches en vue de l'organisation de la réadmission en Italie de M.  A______ ont été immédiatement entreprises par les services de la police genevoise.

9) Le 21 septembre 2022, M.  A______ a été libéré par les autorités pénales et mis à disposition du commissaire de police.

10) Lors de son audition par le commissaire de police, M. A______ a déclaré être d’accord de retourner en Italie.

11) Le 21 septembre 2022, à 12h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, sur la base de l'art. 75 al. 1 let. b et g LEI.

12) Le commissaire de police a soumis le jour même cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

13) Entendu par le TAPI le 23 septembre 2022, M. A______ a déclaré qu’il était toujours d'accord de retourner en Italie. Cela étant, il s’opposait à sa mise en détention administrative. Il était arrivé en Suisse le 19 septembre 2022 par la douane de Moillesulaz pour rendre visite à des amis. Il avait été mis en cause par un toxicomane, mais il n’y avait pas de preuves de sa culpabilité. Il contestait avoir participé à un quelconque trafic de stupéfiants.

Le représentant du commissaire de police a indiqué être dans l’attente de la décision des autorités italiennes quant à la réadmission de M. A______. Au vu de sa situation, il n’y avait pas de délai particulier dans lequel les autorités italiennes se prononçaient. Cela variait entre un et six mois. Une fois qu’il aurait l’accord desdites autorités, il pourrait prononcer une décision de renvoi. L’accord européen y relatif ne prévoyait pas de délai particulier. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à la remise en liberté immédiate de son client, les conditions de la détention administrative n’étant pas réalisées.

14) Par jugement du 23 septembre 2022, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de trois mois.

M. A______ était dans l’attente d’une décision de renvoi. Il avait été condamné à plusieurs reprises pour trafic de stupéfiants et était revenu en Suisse après avoir été expulsé et ce, durant une période prohibée. Il n’avait de plus pas d’attaches en Suisse, ni aucun moyen de subsistance. L’interdiction de pénétrer dans une région déterminée était toutefois arrivée à échéance le 11 novembre 2021, si bien que lorsqu’il était arrivé en Suisse le 19 septembre 2022, il n’était pas sous le coup d’une interdiction d’entrée. De ce fait, sa détention administrative ne pouvait être confirmée sur la base des let. b et c de l’art. 75 al. 1 LEI.

Toutefois, M. A______ avait été interpellé par la police le 19 septembre 2022, après avoir été mis en cause par plusieurs toxicomanes, qui avaient déclaré qu'il leur avait vendu du crack et de la cocaïne. Il faisait l’objet d’une procédure pénale pour ces faits. La détention administrative pouvait dès lors être ordonnée sur la base de l’art. 75 al. 1 let. g LEI. Le comportement de l’intéressé dénotait que sa présence en Suisse était uniquement motivée par le trafic de stupéfiants, si bien qu’il existait un risque sérieux qu’il continuerait à vendre de la drogue s’il devait être laissé en liberté, M. A______ ayant déjà été condamné pour trafic de stupéfiants lors de sa première arrestation en novembre 2020, trafic qu’il avait reconnu.

Enfin, les principes de la proportionnalité et de la célérité avaient été respectés.

15) Par acte déposé le 23 septembre 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à une mise en liberté immédiate ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Il disposait de titres de séjour et de voyage italiens. Il s'était rendu en Suisse le 19 septembre 2022 de manière parfaitement légale. Il contestait le trafic reproché ; aucune transaction n'avait été observée ni aucune drogue trouvée sur lui, son incrimination trouvant son origine dans un message que contenait le téléphone qu'il avait avec lui, message écrit par le compatriote auquel il avait acheté le téléphone car lui-même était analphabète. Il avait du reste été libéré par le Ministère public.

Au vu de ces circonstances, on ne pouvait retenir d'indices concrets de participation à un trafic de stupéfiants. Le TAPI aurait pourtant dû prendre acte de ce que le Ministère public n'avait pas rendu de décision et l'avait libéré. Dans ces conditions, quand bien même la décision aurait été légale, il convenait de considérer que sa mise en détention était disproportionnée et inopportune.

16) Le 26 septembre 2022, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Il n'était pas en possession de pièces nouvelles dans ce dossier. Les arguments avancés à l'appui du recours n'étaient toutefois pas de nature à modifier sa position.

17) Par arrêt du 30 septembre 2022 (ATA/981/2022), la chambre administrative a admis partiellement le recours.

Lors de son interpellation du 19 septembre 2022, M. A______ avait certes été remis en liberté après avoir été interrogé par le Ministère public. La procédure était néanmoins toujours en cours, et aucune ordonnance de classement ou de non-entrée en matière n'avait été rendue. Par ailleurs, de l'argent suisse avait été trouvé sur M. A______ et deux personnes l'avaient mis en cause, l'un pour la vente d'une boulette de cocaïne, l'autre pour lui avoir proposé du crack, ces deux substances étant des drogues dures. Dans ces circonstances, on devait retenir l'existence d'un risque de poursuite du trafic de stupéfiants, si bien que la mise en détention administrative pouvait se fonder sur l'art. 75 al. 1 let. g LEI.

S'agissant de la durée de la détention, M. A______ ne faisait en l'état l'objet d'aucune décision de renvoi ou d'expulsion, ni d'une interdiction d'entrée ou d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève. Il n'avait aucune attache avec le canton de Genève, où il ne s'était rendu que sporadiquement ces dernières années. Il possédait un titre de séjour en Italie, où il résidait habituellement et où il s'était à plusieurs reprises dit prêt à retourner. D'un autre côté, selon le commissaire de police, une réponse des autorités italiennes quant à la possibilité d'un renvoi en Italie pouvait prendre jusqu'à six mois. Dès lors, dans ces conditions, il n'apparaissait pas proportionné, et le cas échéant pas opportun, de maintenir M. A______ en détention pour une durée aussi longue que trois mois. Il y avait ainsi lieu de confirmer l'ordre de mise en détention pour une durée d'un mois. Si, à l'expiration de ce délai, le commissaire était sans nouvelles des autorités italiennes, il devrait être mis fin à la détention.

18) Les autorités italiennes ayant manifesté leur accord à la réadmission de M.  A______, les services de police concernés ont organisé son transfert dans ce pays pour le 20 octobre 2022.

19) Par « décision informelle » du 6 octobre 2022 communiquée le même jour à son destinataire et prononcée en application de l'art. 64c al. 1 let. a LEI, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a ordonné le renvoi de Suisse de M. A______.

20) Le 6 octobre 2022, à 17h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines, fondant cette décision sur les art. 75 al. 1 let. b et g et 76 al. 1 let. a et b ch. 3 et 4 LEI, dans la mesure où le comportement en Suisse de M. A______ et son absence d'attache quelconque ainsi que de ressources financières permettaient de conclure qu'il entendait se soustraire à son renvoi et se refuserait à obtempérer aux instructions des autorités.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il était d'accord de retourner en Italie.

21) Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au TAPI le 6 octobre 2022 également.

22) Entendu par le TAPI le 10 octobre 2022, M. A______ a déclaré qu'il souhaitait être mis en liberté et se rendre lui-même immédiatement en Italie.

Le représentant du commissaire de police, sur interpellation du conseil de M. A______ concernant la photocopie du « permesso de sejorno » et du « documento di viaggio » au nom de M. A______ qui figurait au dossier avec la mention manuscrite « non porteur », s'est référé à la pièce 7 de son dossier transmis au TAPI, à savoir le rapport d'arrestation du 19 septembre 2022, qui mentionnait que M. A______ était porteur d'un titre de séjour italien et apparemment de rien d'autre. La suite du rapport d'arrestation incluait la photocopie d'une « carta di identità » qui correspondait au document auquel faisait référence le rapport d'arrestation.

Le conseil de M. A______ a relevé que les documents qui, dans le dossier fourni au TAPI, portaient la mention manuscrite « non porteur », figuraient dans la procédure pénale sans cette mention. Il y avait donc bien quelqu'un qui avait rajouté cette mention, ce qui constituait à son sens une infraction pénale et contredisait d'ailleurs l'ordre de détention selon lequel, lors de son arrestation le 19 septembre 2022, M. A______ était démuni de tout document de voyage, titre de séjour ou pièce de légitimation et en seule possession d'une « carta di identità ». Hors procès-verbal, le conseil de M. A______ a indiqué que dans le cadre de la procédure pénale ouverte à l'encontre de ce dernier, il s'était vu restituer son téléphone portable, ce qui paraissait en contradiction avec sa participation à du trafic de drogue.

Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de détention administrative pour une durée de trois semaines.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client.

23) À l'issue de l'audience, le conseil de M. A______ a indiqué au TAPI que la procédure pénale à laquelle il avait fait allusion durant l'audience portait le numéro P/1______/2021.

24) Le TAPI ayant constaté qu'une ordonnance avait été rendue dans cette procédure, il a, par courriel du 10 octobre 2021, interpellé la procureure en charge de cette procédure afin de connaître la teneur de ladite ordonnance.

25) Par courriel du même jour, la procureure a transmis au TAPI copie de cette ordonnance, qui constituait un avis de mise en liberté et précisait que les soupçons n'apparaissaient pas suffisants s'agissant du trafic de stupéfiants reproché à M. A______.

26) L'échange de courriels entre le TAPI et le Ministère public ainsi que l'ordonnance pénale ont été versés à la procédure.

27) Par jugement du 10 octobre 2022, le TAPI a annulé l’ordre de mise en détention administrative et ordonné la mise en liberté immédiate de M. A______.

La question de la légalité de la détention de M. A______ avait été tranchée dans l'ATA/981/2022 par la chambre administrative, laquelle avait considéré que les conditions de l'art. 75 al. 1 let. g LEI étaient réalisées au vu du lien du précité avec le milieu du trafic de drogue. Cela étant, il apparaissait que par ordonnance du 21 septembre 2022, le Ministère public avait prononcé un avis de mise en liberté en faveur de M. A______. Vraisemblablement, cette information n'était pas non plus en main de la chambre administrative lorsqu'elle avait rendu son arrêt, puisqu'elle avait appliqué l'art. 75 al. 1 let. g LEI en menant son propre raisonnement sur la base des éléments figurant au dossier, sans faire allusion à l'issue de la procédure pénale P/2______/2022. Or, le Ministère public avait retenu que les éléments réunis par la police à l'encontre de M. A______, tels qu'exposés dans le rapport d'arrestation du 19 septembre 2022, n'étaient pas suffisants pour retenir sa participation à un trafic de stupéfiants. Cette circonstance, certes antérieure à l'ATA/981/2022, mais qui constituait néanmoins un élément nouveau dans le dossier soumis jusqu'ici aux instances judiciaires, remettait complètement en question l'appréciation que ces dernières avaient pu porter sur la menace que l'intéressé pouvait constituer pour d'autres personnes ou sur la mise en danger de leur vie ou de leur intégrité corporelle en raison de sa prétendue participation au trafic de stupéfiants. La juridiction administrative ne devait pas s'écarter de l'appréciation de l'autorité de poursuite pénale et continuer à attribuer à M. A______ un comportement dont le Ministère public lui-même avait renoncé à l'incriminer. Par conséquent, en tant qu'elle était fondée sur les art. 75 al. 1 let. g et 76 al. 1 let. a LEI, la détention de M. A______ était illégale.

L'ordre de mise en détention du 6 octobre 2022 retenait également un risque de fuite, mettant en avant le fait que M. A______ était démuni de tout document de voyage ou d'identité et de visa ou titre de séjour valable, qu'il était entré en Suisse sans autorisation et qu'il avait violé à réitérées reprises l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée à son encontre le 11 novembre 2020.

Comme le soulignait la jurisprudence, le fait que M. A______ soit demeuré en Suisse et plus particulièrement à Genève malgré une mesure d'éloignement de ce canton était insuffisant pour retenir en soi un risque de fuite au sens de l'art. 76 al. 1 ch. 3 ou 4 LEI. En invoquant la violation de la mesure d'éloignement du canton de Genève prononcée le 11 novembre 2020, le commissaire tentait d'ailleurs de réintroduire un motif de détention que la chambre administrative avait expressément écarté dans son arrêt. Il était en outre inexact que M. A______ était démuni de tout document d'identité, puisqu'au moment de son arrestation le 19 septembre 2022, il était porteur d'une « carta di identità » délivrée par les autorités italiennes. Enfin, le fait qu'il soit sans ressources financières ni résidence fixe et n'avait aucune attache à Genève n'était pas en soi suffisant pour retenir un risque de fuite. La détention de M. A______ ne pouvait donc pas non plus se fonder sur l'art. 76 al. 1 ch. 3 ou 4 LEI, de sorte qu'elle était illégale.

28) M. A______ a été libéré le jour même, soit le 10 octobre 2022.

29) Par acte posté le 24 octobre 2022, le commissaire de police a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation.

S'agissant de la recevabilité du recours, celui-ci n'avait plus d'intérêt actuel vu la libération de M. A______. Il convenait toutefois de surseoir audit intérêt actuel, car le litige posait une question juridique nouvelle qui n'avait encore jamais été tranchée, à savoir celle de la limitation dans le temps de l'art. 75 al. 1 let. g LEI et concernait toutes les personnes précédemment reconnues coupables de trafic de drogue dure et condamnées pour violation de l'art. 19 al. 1 LStup. La question revêtait une portée de principe évidente. Par ailleurs, la contestation était susceptible de se reproduire à nouveau en tout temps dans des circonstances identiques, M. A______ ou toute autre personne dans la même situation pouvant être à nouveau arrêté. Du reste, M. A______ avait été une nouvelle fois interpellé à Genève le 19 octobre 2022, mais n'avait pas été placé en détention administrative en raison de l'incertitude juridique créée par le jugement attaqué. La libération immédiate par le TAPI des personnes détenues ne permettait pas de trancher la question posée avant qu'elle ne perde de son actualité.

Sur le fond, l'art. 75 al. 1 let. g LEI indiquait que pouvait être détenu administrativement l'étranger qui menaçait sérieusement d'autres personnes ou mettait gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et faisait l'objet d'une poursuite pénale ou avait été condamné pour ce motif. Ces derniers termes valaient pour M. A______, qui avait été condamné pour trafic de stupéfiants en 2020, étant précisé que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 75 al. 1 let. g LEI s'appliquait aussi aux « petits dealers » de drogue dure lorsque les circonstances concrètes du cas permettaient de retenir que la personne visée était susceptible de s'adonner à de nombreuses ventes. La chambre administrative avait récemment jugé qu'une condamnation pour crime en 2010 suffisait à fonder une mise en détention administrative en 2022, un parallèle pouvant être tiré à cet égard entre les let. g et h de l'art. 75 al. 1 LEI.

Le TAPI avait en outre refusé d'appliquer l'art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI pour la raison que la chambre administrative avait exclu ce motif, perdant de vue que la violation d'une mesure d'éloignement au sens de l'art. 74 LEI était constitutive à deux stades procéduraux différents, d'un double motif de mise en détention administratives, à savoir les art. 75 al. 1 let. b LEI puis, après notification de la décision de renvoi, également l'art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI.

30) Le 28 octobre 2022, M. A______ a conclu à l'irrecevabilité du recours ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le 19 octobre 2022, il s'était rendu chez son avocat pour un entretien et avait été interpellé pour avoir fui à la vue de la police. Cette nouvelle procédure serait vraisemblablement classée.

Les trois conditions posées par la jurisprudence pour renoncer à un intérêt actuel n'étaient pas remplies. Il avait été libéré le 10 octobre 2022. La situation ne risquait pas de se reproduire en tout temps puisque le SEM avait renoncé à rendre une décision d'interdiction d'entrée à son encontre., et qu'il était donc en droit de se rendre en Suisse. Quant à l'affirmation qu'il pourrait se voir à nouveau interpellé pour trafic de stupéfiants, elle était attentatoire à son honneur.

Il convenait en outre de relever que si le commissaire de police n'avait pas décidé, le 3 (recte : 6) octobre 2022, de changer le motif de l'ordre de mise en détention, il aurait été maintenu en détention et son renvoi en Italie aurait été exécuté.

Pour le surplus, le recours était mal fondé.

31) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/710/2021 du 4 juillet 2021 consid. 3).

2) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

3) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016).

d. Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ;
139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2 ; le Tribunal fédéral ajoute une condition supplémentaire, à savoir que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse : ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 ; 136 II 101 consid. 1.1 et les arrêts cités) ou lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79).

4) En l'espèce, l'intimé a été libéré avant le dépôt du recours. Le recourant n'a dès lors plus d'intérêt actuel à la confirmation de son ordre de mise en détention. Reste à examiner s'il y a lieu de renoncer en l'espèce à cette condition de recevabilité.

Le recourant soutient que la contestation est susceptible de se reproduire à nouveau en tout temps dans des circonstances identiques, l'intimé ou toute autre personne dans la même situation pouvant être à nouveau arrêté, et que le litige posait une question juridique nouvelle qui n'avait encore jamais été tranchée, à savoir celle de la limitation dans le temps de l'art. 75 al. 1 let. g LEI et concernait toutes les personnes précédemment reconnues coupables de trafic de drogue dure et condamnées pour violation de l'art. 19 al. 1 LStup.

Il résulte de la motivation du jugement attaqué que le TAPI a examiné la question de la menace au sens de l'art. 75 al. 1 let. g LEI sous l'angle de la nouvelle procédure pénale, sans se pencher sur l'éventuelle prise en compte de la condamnation de 2020.

De plus, si la mise à néant d'un ordre de mise en détention peut effectivement se reproduire, rien n'empêche le recourant d’en prendre un nouveau en cas d’interpellation de l'intimé (ATA/791/2021 du 28 juillet 2021 consid. 4) – ce qu'il pouvait du reste faire le 19 octobre 2022 et à quoi il a renoncé. La légalité de ce nouvel ordre aurait dû (ou, dans une situation future, devrait) être examinée par le TAPI, et rien n'empêchait ou n'empêcherait ainsi le recourant de plaider devant le TAPI la question qu'il soumet aujourd'hui à la chambre de céans, dont la fonction n'est pas de se prononcer sur des questions théoriques (ATA/446/2022 du 27 avril 2022 consid. 2a et les arrêts cités). À cet égard, l'intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse ne constitue tout au plus qu'une des conditions permettant de surseoir à l'exigence d'un intérêt actuel. Rien n'indique que le TAPI, nanti de l'analyse du recourant sur la question, ne pourrait pas lui donner raison sur ce point, si bien que l'on ne peut retenir que la situation pourrait se reproduire en tout temps et échapperait toujours à la censure de l'autorité de recours.

Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, l'intérêt actuel ayant disparu avant même le dépôt du recours.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, une indemnité de procédure de CHF 750.- sera allouée à l'intimé, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 octobre 2022 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 octobre 2022 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 750.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au commissaire de police, à Me Dina Bazarbachi, avocate de Monsieur A______, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :