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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/111/2003

ATA/59/2004 du 20.01.2004 ( CE ) , REJETE

Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PLAN D'AFFECTATION; 5E ZONE; ZONE DE DEVELOPPEMENT; DANGER(EN GENERAL); IMPLANTATION DE LA CONSTRUCTION; IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT; PLAN D'AFFECTATION SPECIAL; PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT; PROTECTION DES SITES; PLAN LOCALISE DE QUARTIER; DESTRUCTION; ARBRE; CE
Normes : LGZD.1 ss; LPMNS.38 ss
Parties : GUYONNET Jacques / CONSEIL D'ETAT, SOIT POUR LUI
Résumé : Plan localisé de quartier valant pour partie plan de site : Le Tribunal administratif ne reverra pas le périmètre du plan de site tel qu'il figure dans le plan localisé de quartier dans la mesure où celui-ci n'a pas été contesté par la commission des monuments, de la nature et des sites. S'agissant des arguments de nature géologique, le service de géologie s'est prononcé sur les différents arguments invoqués par les recourants. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter du préavis positif du service de géologie, rendu sur la base d'un rapport géotechnique ainsi que sur de nombreuses données géologiques disponibles.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 20 janvier 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur Jacques GUYONNET

représenté par Me Razi Abderrahim, avocat

 

 

Monsieur Pascal NODE-LANGLOIS

représenté par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ETAT



EN FAIT

 

 

1. Le 8 et le 27 avril 1999, deux demandes de renseignements ont été déposées auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le DAEL ou le département).

 

La première demande (DR 17'357) portait sur la réalisation de six immeubles de logements avec garages souterrains et parking sur les parcelles n° 2027 et 2028, feuille 78, de la commune de Genève, section Plainpalais, sises aux n° 46-48 avenue Eugène-Pittard.

 

La seconde demande (DR 17'367) visait l'édification de trois immeubles d'habitation sur la parcelle n° 2029, feuille 78, de la commune de Genève, section Plainpalais, sise au n° 52 avenue Eugène-Pittard.

 

2. Appelée à se déterminer, la ville de Genève a, le 25 mai 1999, requis notamment l'insertion du projet figurant dans la DR 17'357 dans un périmètre élargi de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) et valant pour partie plan de site.

 

Quant à la DR 17'367, la ville de Genève l'a préavisée défavorablement le 19 juillet 1999.

 

3. Les deux demandes ont également été soumises à différents services du DAEL et du département de l'intérieur, de l'agriculture de l'environnement et de l'énergie.

 

a. Le service de la protection de la nature et du paysage a indiqué, le 30 juin 1999, que la DR 17'367 ne permettait pas en particulier la conservation correcte de deux superbes cèdres et, dans son préavis relatif à la DR 17'357 du 11 août 1999, il a déploré la disparition de nombreux arbres.

 

b. La commission d'urbanisme, a émis un préavis, entériné le 12 août 1999, favorable, sous certaines réserves, à la densification des parcelles visées par la DR 17'357. De même, d'une manière générale, elle était favorable à l'élaboration d'un PLQ élargi aux parcelles voisines et valant plan de site pour ces dernières. Ce PLQ devrait définir également les conditions de préservation du patrimoine naturel et architectural de l'ensemble du secteur et étudier d'éventuelles densifications ponctuelles en accord avec les villas maintenues.

 

c. Enfin, le 28 septembre 1999, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) a retenu la présence d'une belle végétation sur le site et un point de vue exceptionnel ainsi que la présence de villas dont la qualité architecturale et l'implantation étaient dignes de protection. La CMNS était opposée à la démolition de la villa "Les Crêts d'Arve", sise au n° 52, avenue Eugène-Pittard, implantée sur la parcelle 2029 (DR 17'367) mais non à la démolition de la villa sise au n° 46, avenue Eugène-Pittard, parcelle n° 2027, qui ne présentait aucun intérêt et à la réalisation d'un immeuble sur la parcelle 46-48 Eugène-Pittard (DR 17'357). Elle demandait l'établissement d'un plan de site portant sur l'ensemble des parcelles dominant l'Arve situées sur le territoire communal de la ville de Genève (parcelles n° 2025 à 2032).

 

4. Lors d'une séance du 22 novembre 1999 entre le DAEL et les représentants de la ville de Genève, il a été convenu d'élaborer un PLQ valant plan de site, notamment pour la parcelle n° 2029.

 

5. Le 29 février 2000, un projet de PLQ n° 29'128-233 situé entre l'avenue Eugène-Pittard, le chemin des Glycines et les falaises de l'Arve, sur le territoire de la commune de Genève, section Plainpalais a été établi.

 

Ce PLQ englobe la parcelle n° 2024 et partiellement les parcelles n° 2025, 2026, 2027, 2028, 2029, 2030, 2031 et 2032 et inclut un plan de site recouvrant les parcelles n° 2025, 2026 et 2029 à 2032. Sur les parcelles n° 2027 et 2028, est prévue la construction de deux immeubles de logement d'un gabarit de 4 niveaux sur rez-de-chaussée avec superstructures et parking souterrain de un ou deux niveaux, perpendiculaires à l'avenue Eugène-Pittard.

6. Le 25 janvier 2001, le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage a préavisé favorablement le PLQ n° 29'128-233.

 

7. Le 31 janvier 2001, le service cantonal de géologie du département de l'intérieur, de l'agriculture de l'environnement et de l'énergie (ci-après : le service de géologie) a émis un préavis favorable au PLQ, sous réserve de la remise lors de la demande définitive d'un rapport géotechnique détaillé définissant les mesures constructives, notamment tenant compte des phénomènes d'instabilité affectant les parcelles. Le service de géologie relevait que "les parcelles concernées comprennent une zone instable au droit des Falaises de l'Arve. Des glissements de terrain et des phénomènes de solifluxion demeurent actifs. Les constructions prévues sont situées à l'amont des zones instables".

 

8. La CMNS a, dans sa séance du 24 avril 2001, émis un préavis positif par rapport au PLQ n° 29'128-233 valant plan de site. Les remarques émises lors de son préavis du 28 septembre 1999 au sujet des DR 17'357 et DR 17'367 avaient été suivies à l'exception du gabarit des nouveaux bâtiments qui avaient un niveau supplémentaire par rapport à ses recommandations. Toutefois, la CMNS estimait que les mesures de protection proposées permettaient de conserver au site ses qualités.

 

9. Le projet de PLQ a été soumis à l'enquête publique du 18 juin au 2 août 2001.

 

10. Le 17 octobre 2001, le bureau de géotechnique appliquée Dériaz S.A. (ci-après : Dériaz S.A.) a rendu un aperçu géotechnique évaluant l'incidence de la construction d'immeubles d'habitations sur la stabilité des falaises qui bordaient les parcelles côté sud-ouest. Cet aperçu se basait sur les sondages existant aux alentours dans un rayon de 100 mètres environ, sur une étude de 1983 faite par Dériaz S.A. pour le service de l'aménagement de la ville de Genève, relative au secteur constructif du lieu-dit "Les Falaises" et donnant un préavis sur les limites à envisager pour ce secteur, et sur la récente mise à jour de la carte des glissements du canton de Genève effectuée également par Dériaz S.A. lors de l'hiver 2000-2001.

 

A ce stade du projet, Dériaz S.A. retenait que la quasi totalité du projet se situait en zone 1, a priori dans un secteur sans influence notable sur la stabilité des falaises. N'était localement concerné par la zone 2 que l'extrémité de l'aile est. Ce secteur ne comptait qu'un seul sous-sol, ce qui du point de vue de l'influence sur la falaise paraissait défavorable car il introduisait les surcharges dues à la construction à une cote assez haute. La réalisation de deux sous-sols dans ce secteur serait dès lors plus favorable.

 

Dériaz S.A. notait encore que le poids des immeubles projetés avec leurs deux sous-sols était inférieur au poids des terres excavées, ce qui constituait un élément favorable à la stabilité.

 

Il ressortait ainsi des données actuellement disponibles que le secteur d'implantation du projet était stable et que les constructions projetées, moyennant une éventuelle adaptation locale au niveau de l'aile est ne diminuaient pas les conditions de stabilité de la parcelle en général et de la falaise en particulier. Des prospections géotechniques nécessaires à la mise au point du projet permettraient de confirmer cette appréciation et de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées.

 

11. L'entreprise Jacquet S.A. a établi le 22 octobre 2001 une liste des arbres à abattre dans le cadre de la construction des nouveaux immeubles, une liste des arbres en danger ainsi que les mesures à prendre lors de travaux à proximité pour la protection des arbres.

 

12. Le 5 décembre 2001, le Conseil municipal de la ville de Genève a donné un préavis favorable au PLQ.

 

13. Une procédure d'opposition a été ouverte du 17 mai au 17 juin 2002.

 

14. a. Le 17 juin 2002, Monsieur Jacques Guyonnet, propriétaire de la parcelle n° 2026, a fait opposition au PLQ n° 29'128-233. Il a requis une contre-expertise afin d'établir de manière définitive la réalité des risques de glissement encourus par les parcelles voisines aux parcelles n° 2027 et 2028.

 

Lors de travaux effectués pour les immeubles sis à l'angle de l'avenue Eugène-Pittard/chemin des Glycines, des fissures étaient apparues dans les garages. Il y avait eu une aggravation du glissement du terrain sur sa propriété, notamment, à l'extrémité de la parcelle, côté falaise, le terrain s'étant visiblement effondré sur plusieurs mètres.

 

b. Le même jour, Monsieur Pascal Nodé-Langlois, propriétaire de la parcelle n° 2029, a également formé opposition à l'encontre du projet de PLQ n° 29'128-233.

 

L'implantation de deux immeubles, sur les parcelles 2027 et 2028 incluses dans le périmètre du PLQ, allait contre l'objectif de protection du site. Tous les bâtiments ou ensembles principaux sis sur les parcelles voisines, soit sur les parcelles n° 2029, 2030, 2031, 2032 et sur l'autre versant, la parcelle 2026 devaient être protégés. La construction projetée, au milieu du site, dénaturait complètement l'ensemble du site et ne permettait pas de respecter cet environnement, même en appliquant les critères de la zone de développement 3. Par ailleurs, malgré le préavis favorable du service de la protection de la nature et des paysages, l'abattage d'un grand nombre d'arbres de valeur qui faisaient partie de cet ensemble à protéger n'était pas logique. M. Nodé-Langlois relevait encore que, même si les constructions protégées se situaient en dehors de la zone stricte définie comme instable, leur construction mettait en péril, ou du moins déstabilisait, les constructions anciennes existantes qui devaient être protégées.

 

15. Le 9 juillet 2002, Dériaz S.A. a rendu un rapport de sondage et une étude géotechnique pour les parcelles 2027 et 2028.

 

Dans ce rapport, Dériaz S.A. précisait que la distance entre la bâtiment et la tête de falaise était de l'ordre de 40 mètres et que les phénomènes d'instabilité qui affectaient les falaises de l'Arve dans cette région à des degrés divers étaient connus de longue date.

 

L'étude avait recherché la présence éventuelle d'argiles feuilletées très plastiques impliquées dans des grands glissements actifs recensés dans le canton. En outre, cette étude avait pour but de déterminer la nature et la répartition des assises lithologiques, les caractéristiques géotechniques de celles-ci, les conditions hydrologiques locales, le type de fondations à adopter et le taux de travail admissible de ces dernières ainsi que les précautions à prendre pour réaliser l'excavation, compte tenu des arbres à conserver sur les parcelles.

 

Pour ce faire, Dériaz S.A. avait fait effectuer :

 


- 4 sondages tubés de 15 à 40 m de profondeur;

 

- 20 essais de battage au pénétromètre dynamique Von Moos et 10 essais au pénétromètre dynamique standard SPT effectués à l'avancement dans les sondages afin de déterminer la compacité en place des terrains;

 

- le prélèvement d'échantillons carottés tous les mètres dans les sondages en vue d'identification en laboratoire et sur 11 desquels des essais géotechniques complémentaires avaient été effectués;

 

- le prélèvement au carottier à piston de 4 échantillons APM;

 

- la mise en place dans les sondages côté falaise de 2 tubes inclinomètriques de 35 et 40 mètres de profondeur pour suivre l'évolution des mouvements du terrain, en surface et en profondeur, et déterminer leur direction.

 


Cette étude avait permis de montrer qu'il n'y avait pas, dans le secteur concerné, d'éléments permettant de suspecter des mouvements de grande ampleur. Il n'y avait aucun signe de mouvements en surface sur la partie plane des parcelles et les sondages n'avaient pas décelé l'existence de niveaux d'argiles intramorainiques très plastiques suffisamment continus et au pendage susceptible de favoriser un glissement. Dans tous les autres glissements profonds de cette région, de telles argiles avaient toujours été reconnues et les études montraient que les surfaces de glissements se situaient souvent au toit de ces formations. Les mouvements observés au droit des deux parcelles étaient des glissements superficiels, activés par les intempéries et, cas échéant, des résurgences dans les falaises. Une arborisation appropriée des pentes permettrait d'améliorer les conditions de stabilité de surface. Deux inclinomètres profonds, scellés dans les forages 2 et 3, permettraient de suivre l'évolution des mouvements horizontaux du massif avant, pendant, et après les travaux.

 

16. a. Le 25 juillet 2002, le service de géologie a proposé d'adopter le projet de PLQ.

 

Le rapport de Dériaz S.A. allait dans le sens de son préavis favorable du 31 janvier 2002 (recte : 2001). Au terme dudit rapport, aucun mouvement de grande ampleur n'était susceptible d'apparaître à moyen et à long terme à l'emplacement des futures constructions. Aucun élément nouveau n'exigeait dès lors de reconsidérer la possibilité de construire. De plus, diverses mesures constructives nécessaires et suffisantes pour assurer la protection du bâtiment, ainsi que pour garantir l'absence d'atteinte aux installations et bâtiments voisins, étaient proposées. Ces mesures constructives étaient assorties de propositions de suivi et de constats d'huissiers qui permettraient d'apprécier le comportement du terrain et des constructions avant, pendant et après les travaux.

 

Au vu de ces éléments, une contre-expertise, comme requise par M. Guyonnet, n'était donc pas justifiée.

 

b. Ce courrier a été transmis aux conseils de M. Guyonnet et de M. Nodé-Langlois le 19 août 2002.

 

17. a. M. Guyonnet s'est déterminé le 19 septembre 2002. Le service de géologie mésestimait les risques de glissement probable des terrains des parcelles voisines. Il n'avait visiblement pas été informé des problèmes de glissement de terrain rencontrés à l'époque sur la parcelle n° 2029 qui avaient donné lieu à un échange de correspondances en 1966 avec le département des travaux publics (devenu depuis lors le DAEL) et à une expertise. Suite à celle-ci, un mur de soutènement avait été érigé pour éviter tous risques de glissements futurs. La parcelle n° 2026 qui n'avait pas bénéficié de telles protections avait subi un encorbellement extrêmement marqué, en extrémité de cette parcelle. M. Guyonnet relevait encore qu'aucun sondage n'avait été effectué sur les parcelles voisines.

 

b. A la même date, M. Nodé-Langlois a transmis ses observations. L'avis du service de géologie était contradictoire à l'opinion exprimée en son temps par le département, considérant toute la zone comme instable. Par ailleurs, Dériaz S.A. avait été mandatée par les promoteurs. Les emplacements choisis pour les divers sondages étaient discutables et contestables. Selon les avis émis dans les années soixante, la zone considérée était très instable. Etaient joints divers documents dont une correspondance entre le DTP et les propriétaires de l'époque et un rapport du géologue, Monsieur Edouard Lanterno.

 

18. Sur requête du DAEL, le service de géologie s'est prononcé sur les observations de M. Guyonnet et de M. Nodé-Langlois le 10 octobre 2002.

 

Les divers rapports et courriers mentionnés lui étaient connus, comme divers autres rapports et sondages. Les falaises de l'Arve étaient effectivement sujettes à des glissements superficiels actifs qui n'étaient pas contestés. Toutefois, ces instabilités étaient, d'après les connaissances actuelles, uniquement localisées sur les falaises de l'Arve et n'englobaient pas l'ensemble de la parcelle. Le rapport géotechnique qui devait tenter de vérifier ce fait en implantant des sondages de contrôle, à l'emplacement des futures constructions, prévues à bonne distance des falaises, avait montré que ces argiles feuilletées, susceptibles de provoquer des mouvements profonds en masse, n'étaient pas suffisamment continues sur l'emplacement prévu pour engendrer des glissements de grande ampleur. Sur le secteur concerné, ces instabilités de terrain ne concernaient que la zone de forte pente et pas la zone plane en retrait de falaises, sur laquelle existaient des projets de construction. Les phénomènes de glissements superficiels affectant le bord des falaises, étaient évolutifs et le profil de la falaise allait continuer sa lente évolution. C'est pourquoi, il n'y avait aucune raison de mettre en place des murs de protection destinés à éviter tout glissement futur sur les parcelles adjacentes. Enfin, le préavis favorable au PLQ ne se basait pas uniquement sur le rapport de Dériaz S.A. mais sur de nombreuses données géologiques. Ce rapport ne faisait qu'affiner les connaissances à l'emplacement prévu des futures constructions.

 

19. a. Par arrêté du 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat a rejeté l'opposition formée par M. Guyonnet.

 

Le périmètre du projet de plan n° 29'128-233 se subdivisait en une partie qui constituait un PLQ au sens de l'article 3 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et une autre partie, recouvrant les parcelles n° 2025, 2026 et 2029 à 2032, qui valait plan de site au sens de l'article 38 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 (LPMNS - L 4 05). Dans son sous-périmètre constituant un PLQ, ce projet de plan visait à concrétiser les objectifs d'une zone de développement 3 en édifiant deux bâtiment de R + 4 + S, sur les parcelles n° 2027 et 2028. Dans sa partie valant plan de site, il tendait à assurer la protection de la végétation ainsi que des constructions existantes situées sur les parcelles n° 2025, 2026 et 2029 à 2032, en raison de l'intérêt architectural et de la valeur d'ensemble de ces bâtiments.

 

La zone de développement 3 qui recouvrait le périmètre du projet de PLQ n° 29'128-233 avait été adoptée par le Grand Conseil le 13 décembre 1984. Les objectifs de densification poursuivis par cette loi de déclassement devaient être réalisés dans le respect de la valeur du site. En avril et mai 1999 avaient été déposées deux demandes de renseignements, DR 17'357 et DR 17'367, qui visaient la construction de plusieurs immeubles de logements sur les parcelles n° 2027 à 2029. A cette occasion, la ville de Genève, la CMNS ainsi que la commission d'urbanisme, tout en admettant que des constructions puissent être implantées sur les deux parcelles en cause, avaient exprimé la nécessité d'adopter un plan de site sur les terrains dont le patrimoine naturel et architectural méritait protection. Les parcelles comprises dans le sous-périmètre valant plan de site n'étaient pas appelées à faire l'objet d'une densification mais à rester assujetties aux normes de la zone de fond, soit la 5ème zone. Le projet de plan n° 29'128-233 visait ainsi à la fois à protéger les parcelles dont la valeur patrimoniale était reconnue et à pourvoir à la création de logements en cette période de pénurie.

 

Le projet de plan n° 29'128-233 s'inscrivait pleinement dans le cadre préconisé par le plan directeur cantonal qui prévoyait le recours, en zone de développement 3, à une densification différenciée dans les sites sensibles.

 

Par ailleurs, les questions liées à la géologie du secteur avaient été examinées par le département en étroite collaboration avec le service de géologie.

 

Enfin, la protection de la végétation avait été prise en considération. Ainsi, l'entreprise Jacquet avait réalisé une expertise pour la partie constituant le PLQ. Les arbres qui ne pourraient être conservés avaient été désignés et les mesures de protection de la végétation à mettre en place au cours des travaux avait été spécifiée.

 

b. Pour les mêmes motifs, le Conseil d'Etat a également rejeté, par arrêté du même jour, l'opposition formée par M. Nodé-Langlois.

 

Le Conseil d'Etat a précisé que le sous-périmètre valant plan de site avait été délimité sur la base de l'expertise conduite en 1984 par le conseiller en conservation du patrimoine architectural de la ville de Genève ainsi que des préavis de la CMNS et de la commission d'urbanisme. Les différences de valeur patrimoniale déterminantes entre les parcelles suffisaient à justifier la distinction opérée entre les sous-périmètres PLQ et plan de site. Enfin, la mise en valeur des zones de développement répondait au besoin d'assurer une utilisation judicieuse et mesurée du sol. A l'exception des parcelles dont la valeur patrimoniale avait été reconnue, les terrains inclus dans le périmètre du projet de plan devaient être densifiées conformément à la zone de développement 3.

 

En outre, le Conseil d'Etat a relevé que la densification envisagée, soit un indice d'utilisation du sol de 0,96 et une hauteur des immeubles de 15 mètres environ ne s'avérait nullement en contradiction avec la proximité du plan de site inclus dans le projet de plan.

 

20. Toujours le 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat a adopté le PLQ n° 29'128-233, valant pour partie plan de site au sens des articles 38 et ss de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 (LPMNS - L 4 05).

 

21. M. Guyonnet a interjeté recours auprès du Tribunal administratif le 20 janvier 2003 contre l'arrêté du Conseil d'Etat rejetant son opposition (procédure n° A/111/2003). Il a conclu, principalement, à l'annulation de la décision du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 et, statuant à nouveau, au prononcé d'une expertise complémentaire.

 

Le Conseil d'Etat s'était basé uniquement sur le préavis favorable émis par le service de géologie qui reposait principalement sur le rapport Dériaz S.A. Il avait méconnu gravement la situation géologique des terrains considérés et la nature des travaux entrepris en considérant que les travaux "confortatifs" entrepris dans les années soixante visaient à limiter la progression d'événements se produisant le long des falaises et non pas "sur la zone plate située au-dessus". Or, l'ensemble de la zone concernée par le PLQ devait être considérée comme particulièrement instable et non pas les seules falaises.

 

En outre, M. Guyonnet relevait que de nombreux arbres devraient être abattus et qu'aucune précision n'avait été apportée quant à la régulation du trafic engendré par l'édification des constructions projetées et quant aux conséquences qu'il pourrait engendrer sur l'environnement déjà fragilisé des falaises.

 

22. M. Nodé-Langlois a recouru le 20 janvier 2003 contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 (procédure n° A/112/2003). Il a conclu, principalement, à l'annulation dudit arrêté et, statuant à nouveau, à la modification de l'emplacement des immeubles dont la construction était projetée, à l'extension de la limite du PLQ prévue, en tant qu'il valait plan de site, afin de mieux protéger les bâtiments construits situés sur sa parcelle, enfin, à la réalisation d'une nouvelle expertise géologique comprenant des sondages exécutés aux emplacements des constructions projetées selon le PLQ.

 

M. Nodé-Langlois a repris pour l'essentiel les arguments qu'il avait précédemment développés dans la procédure d'opposition. En particulier, l'édification d'un seul bâtiment orienté dans le sens de l'avenue Eugène-Pittard permettrait en particulier de limiter les problèmes relatifs à la situation géologique des parcelles. En outre, il était aberrant de concevoir un plan de site contraignant alors qu'à 6 mètres de la limite de sa propriété était prévue la construction d'un immeuble de 55 mètres de long et de 15 mètres de haut. La construction d'un tel bâtiment dénaturerait le site. Comme par hasard, la limite du plan de site s'arrêtait exactement sur la limite de propriété séparant les parcelles n° 2028 et 2029. Or, lorsqu'il s'agissait de protéger un site, l'on devait déterminer celui-ci en fonction d'un ensemble à protéger et non d'une limite de propriété.

 

Par ailleurs, s'agissant de la nature des terrains, le Conseil d'Etat s'était référé à l'expertise de Dériaz S.A. et n'avait pas tenu compte des sondages effectués en 1960. Il était dès lors faux de prétendre que les parties planes ne posaient aucun problème. L'instabilité du terrain expliquait d'ailleurs les fondations en béton-armé sur-dimensionnées de sa propriété qui d'ailleurs lui avait permis de résister au temps et aux mouvements de la falaise ce qui n'était pas le cas de la construction annexe située en limite de propriété entre les parcelles n° 2028 et 2029. Le mur qui séparait les deux parcelles était fissuré et marquait nettement, de par le sens des fissures, un mouvement de la parcelle en direction de l'Arve.

 

23. Le 24 février 2003, le service de géologie, répondant aux arguments de MM. Guyonnet et Nodé-Langlois, a expliqué à l'intention du DAEL que l'expertise effectuée par Dériaz S.A. avait évalué les hypothèses énoncées en 1960 par M. Lanterno et les avait confrontées à des mesures inclinomètriques et des essais de laboratoire. Il a joint une liste de références de Dériaz S.A.

 

24. Le 4 mars 2003, le service de géologie a encore apporté des compléments d'information au DAEL. Suite aux expertises géologiques effectuées sur le secteur du PLQ, il était inexact de prétendre qu'une autre orientation des immeubles permettrait de minimiser sensiblement les problèmes relatifs à la situation géologique de ces parcelles. Les forages effectués mettaient en évidence une continuité des formations géologiques. Dès lors, il n'y avait pas d'argument géologique permettant de justifier une orientation différente du projet. De plus, comme déjà mentionné, le poids de l'immeuble serait inférieur au poids des terres excavées. L'immeuble n'imposerait donc pas de surcharge supplémentaire et ne saurait, par sa simple présence, accentuer les phénomènes qui altéraient les falaises de l'Arve.

 

25. Le 31 mars 2003, le DAEL, agissant par délégation du Conseil d'Etat, s'est opposé aux recours déposés par M. Guyonnet et par M. Nodé-Langlois.

 

Les griefs relatifs à la délimitation du sous-périmètre valant plan de site et à l'implantation des deux bâtiments projetés relevaient de la pure opportunité et devaient être déclarés irrecevables. De toute manière, ils étaient infondés. La délimitation du sous-périmètre valant plan de site arrêtée à la limite des parcelles n° 2028 et 2029 était admissible et la CMNS avait émis un préavis favorable au projet de plan. Quant à l'implantation des deux constructions prévues par le PLQ, elles n'étaient pas incompatibles avec la proximité du sous-périmètre constituant un plan de site. Les possibilités de densification avaient été envisagées avec modération et les impératifs de protection de la végétation avaient été largement pris en compte. Par ailleurs, l'option retenue de constructions perpendiculaires à l'avenue Eugène-Pittard permettait de maintenir l'alignement créé par les immeubles voisins déjà existants. La construction d'un seul bâtiment orienté dans le sens de l'avenue Eugène-Pittard ne réduirait nullement les problèmes géologiques.

 

Les études menées par Dériaz S.A. avaient été au-delà des exigences de la phase d'adoption du PLQ en définissant les mesures constructives à prendre lors de la réalisation des travaux pour tenir compte des caractéristiques du sol. Les questions liées à la géologie avaient été soigneusement examinées par le département en étroite collaboration avec le service de géologie. Le Conseil d'Etat avait ainsi pris toute précaution nécessaire en vue de décider en pleine connaissance de cause et avec tout le sérieux requis de l'adoption du plan litigieux.

 

Pour prendre sa décision, le Conseil d'Etat s'était basé sur le résultat d'études conduites par le bureau Dériaz S.A., au bénéfice d'une expérience confirmée, et avait consulté à maintes reprises le service de géologie. Les caractéristiques géologiques mises en évidence à l'emplacement des immeubles prévus permettaient de justifier pleinement le projet de construction envisagé par le plan litigieux. Le grief relatif à la géologie s'avérait infondé et une contre-expertise ne se justifiait pas.

 

26. Un transport sur place a eu lieu le 2 juillet 2003 en présence de M. Guyonnet de M. Nodé-Langlois, d'un représentant du Conseil d'Etat ainsi que du chef du service de géologie et d'un géologue.

 

A cette occasion, le service de géologie a expliqué avoir estimé que les sondages effectués à l'emplacement des immeubles et une bonne connaissance géologique des lieux étaient suffisants pour admettre la constructibilité de la parcelle. Le terrain était délimité en deux zones : une zone de glissement permanent au niveau des falaises de l'Arve et une zone stable où étaient prévus les immeubles. La question était de savoir si la construction des immeubles était un phénomène aggravant le glissement des falaises. Il était arrivé à la conclusion que tel n'était pas le cas. La construction des immeubles permettrait de minimiser le problème des résurgences dans le terrain qui se manifestait au niveau des falaises, dès lors qu'il y aurait un système de collecteur des eaux. Le service de géologie estimait que les sondages effectués lui permettaient d'établir qu'ils étaient dans la situation 2 visée à la pièce 19.

 

MM. Guyonnet et Nodé-Langlois ont expliqué qu'aucun sondage n'avait été effectué sur leur propriété respective.

 

Le juge délégué s'est rendu à l'extrémité de la parcelle de M. Guyonnet et a constaté la présence, en contrebas à 5 ou 6 mètres, d'une petite terrasse qui, par le passé, se trouvait au même niveau que la pelouse. M. Guyonnet a expliqué que l'affaissement s'était produit en 12/13 ans.

 

Le juge délégué a également pu constater en longeant le bord droit de la piscine de M. Guyonnet pour se rendre au fond de la parcelle que les dalles étaient inégales. De même, il a noté que le garage se trouvant à l'entrée de la propriété Guyonnet était quelque peu de "guingois" et que des fissures étaient visibles sous la toiture. Selon M. Guyonnet, ces éléments étaient apparus suite à la construction des immeubles sis à l'angle de l'avenue Eugène-Pittard/chemin des Glycines.

 

Le service de géologie a précisé que dans le cadre du chantier des mesures constructives devaient être prises pour vérifier les effets éventuels de tassement du terrain dus au chantier d'une part et aux mouvements naturels du terrain d'autre part. En l'état actuel des connaissances, il n'y avait pas de possibilité d'affaissement de la falaise dans une zone de 20/30 m à l'intérieur des terres.

 

Sur la parcelle de M. Nodé-Langlois, le juge délégué a observé la présence de fissures sur le mur séparatif avec la parcelle n° 2028. Le service de géologie a déclaré que ces fissures n'étaient pas liées aux mouvements du terrain mais à la présence des arbres et à la variation de la teneur en eau dans les argiles du terrain.

 

Enfin, le juge délégué a emprunté l'escalier qui descend le talus jusqu'à mi-hauteur en direction de l'Arve et a pu remarquer les très importants travaux de soutènement entrepris en 1960.

 

27. M. Guyonnet et M. Nodé-Langlois ont maintenu leur position, respectivement les 7 et 15 août 2003.

M. Nodé-Langlois a sollicité à titre préalable toutes mesures d'instructions susceptibles de déterminer la constructibilité du périmètre situé dans le PLQ n° 29'128, en particulier la constructibilité des parcelles n° 2027 et 2028, à raison de la structure de leur sous-sol, le cas échéant, l'exécution de sondages complémentaires. Les éléments permettant de conclure à une nature bien précise du sous-sol et de son aspect géologique étaient insuffisants. Seul un sondage du bureau Dériaz S.A. avait été effectué au bon emplacement. De plus, les conclusions du service de géologie étaient contraires au rapport du géologue Lanterno du 24 avril 1960. Ainsi, la constructibilité n'était pas établie en ce qui concernait les parcelles n° 2027 et 2028.

 

28. Le 30 septembre 2003, le Conseil d'Etat a persisté dans ses conclusions.

 

29. Le tribunal de céans retiendra encore des pièces remises par les parties les faits suivants :

 

- M. Lanterno a rendu, le 24 avril 1960, un rapport géologique préliminaire sur les travaux effectués dans la propriété de Monsieur Weber ("Les Crêts de l'Arve" - actuellement propriété de M. Nodé-Langlois) dans le cadre d'une étude géologique générale du glissement des falaises de l'Arve entre les Crêts-de-Champel et les Crêts-de-Florissant.

 

Sans pouvoir se prononcer sur la cause formelle du glissement de terrain de la propriété Weber, M. Lanterno concluait que d'une part il y avait de petits suintements d'eau dans la partie supérieure perméable des terrains et que d'autre part, la perméabilité de cette même partie supérieure permettait la pénétration des eaux de pluie, de fonte et d'arrosage. Il se produisait alors une imprégnation des terrains sous-jacents, imprégnation qui pouvait devenir telle, que le matériel devenait fluent et qu'il agissait comme un lubrifiant sur lequel pouvait glisser sa surcharge. Par suite encore de l'inclinaison de la surface de la glaise glacio-lacustre feuilletée, imperméable et sèche, le matériel sus-jacent imbibé d'eau devait pouvoir se mettre facilement en mouvement et glisser en direction de l'Arve.

 

- Examinant la stabilité des falaises de l'Arve dans les parcelles 2025 - 2019 - 2020 - 2021 à Champel, Monsieur Ferrand, Bureau d'études géologiques et géophysiques a conclu, le 24 septembre 1968, qu'il n'existait pas d'argiles glacio-lacustres très plastiques sur lesquelles les matériaux morainiques du Würm avaient tendance à glisser assez facilement par gravité sur la zone étudiée. Il n'y avait donc pas à craindre de voir partir vers l'Arve de gros cubes de terrain comme c'était le cas dans la région de la Cité universitaire ou à Conches. En résumé, il s'agissait d'une érosion normale de forte pente, liée évidemment à l'existence de l'Arve mais qui ne présentait pas de danger exceptionnel en raison d'absence d'argiles lacustres responsables des grands glissements à Champel. Il fallait cependant prendre certaines précautions et éviter d'accélérer la mise en déséquilibre de la topographie. En particulier, il fallait éviter de surcharger le terrain en bordure de la falaise et ne pas modifier l'écoulement des eaux de surface.

 

- Le procès-verbal du 7 mars 2002 de la séance d'information organisée par le conseiller administratif de la Ville de Genève dans le cadre du projet de PLQ n° 29'128-233 indique que 31 arbres seront abattus, une centaine d'arbres conservés et qu'un magnifique frêne se situant au centre des deux immeubles projetés avait pu être sauvé. 1'755 arbres et arbustes seront replantés sur la falaise et 15 arbres seront plantés sur l'avenue Eugène-Pittard.

 

- Enfin, selon la carte de situation des sondages du 10 juillet 2002 établie par Dériaz S.A., une zone de glissement superficiel actif borde l'Arve dans le secteur concerné par le PLQ. Ensuite, se succèdent trois différentes zones, ainsi définies :

 


"zone 3 : vérifier les conditions de stabilité + fondations spéciales.

zone 2 : conditions particulières de fondations

zone 1 : stable".

 


Dériaz S.A. a effectué quatre sondages sur les parcelles n° 2027 et 2028 aux abords de la construction projetée, implantée pour l'essentiel en zone 1 à l'exception de l'extrémité de l'aile est qui se trouve en zone 2. Ainsi, trois des ces sondages (F1, F3 et F4) se trouvent en zone 1, le quatrième (F2) se situant en zone 3. S'agissant des sondages déjà existants, quatre ont été effectués sur la parcelle n° 2029 dont trois en zone 1 et un, entre la zone 1 et 2.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 35 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LALAT - L 1 30; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 lit. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Aux termes de l'article 70 alinéa 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

 

En l'occurrence, le complexe de faits à l'origine des deux arrêtés du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 est identique dans les deux procédures, le tribunal de céans procédera donc à la jonction des causes n° A/111/2003 et A/112/2003.

 

3. Les recourants concluent, à titre principal, à l'annulation des deux arrêtés du Conseil d'Etat rejetant leur opposition au PLQ n° 29'128-233 valant pour partie plan de site.

 

4. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès du pouvoir d'appréciation; toutefois, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 1 let. a et al. 2 LPA, art. 6 al. 9 loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35; art. 35 al. 5 LALAT).

 

5. a. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA C.-M. du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

 

b. Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA SAP du 15 septembre 1998 et les jurisprudences citées). En revanche, le Tribunal administratif ne s'impose pas de réserves face à un préavis négatif de la CMNS lorsque ce dernier a été requis sans nécessité et que l'objet architectural litigieux n'est pas complexe (SJ 1995 p. 596).

 

c. Enfin, et toujours selon une jurisprudence constante, le Tribunal administratif, lorsqu'il est confronté à des préavis divergents, a d'autant moins de raisons de s'imposer une certaine restriction de son propre pouvoir d'examen qu'il a procédé à un transport sur place (ATA A.P.V. du 6 février 2001 et les réf. cit.).

 

6. a. L'article 13 de la LALAT dispose que l'affectation et le régime d'aménagement des terrains compris à l'intérieur d'une ou plusieurs zones peuvent être précisés par divers types de plans et règlements, dont les plans localisés de quartier visés par la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LEXT - L 1 40) et la LGZD (lettre a) et les plans de site visés par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 (LPMNS - L 4 05) (lettre c).

7. Le PLQ vise pour l'essentiel à structurer l'implantation des bâtiments et des infrastructures à l'échelle de plusieurs parcelles, généralement de tout un quartier. Tel qu'il est prévu par la LGZD, le PLQ n'est autre qu'un plan d'affectation au sens de la législation fédérale sur l'aménagement du territoire. A ce titre, il a une force obligatoire pour chacun, les particuliers comme les collectivités publiques (A. MAUNOIR, "Les zones de développement dans le canton de Genève", Guide juridique et pratique, Publication de la Fédération genevoise des Syndicats Patronaux, 1999, p. 24 et les références citées).

 

8. a. Les plans de site, quant à eux, ont pour but l'aménagement ou la conservation d'un site protégé. Il s'agit de plans d'affectation spéciaux, avec des effets contraignants pour les particuliers (ATF n.p. 1P.801/1999 du 16 mars 2000; T. TANQUEREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, 1988, p. 260).

 

b. La LPMNS protège les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Constituent notamment des sites, au sens de l'alinéa 2 de cette disposition, les paysages caractéristiques, tels que les rives, les coteaux et les points de vue (let. a) ainsi que les ensembles bâtis qui méritent d'être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée (let. b).

 

c. Aux termes de l'article 38 LPMNS, le Conseil d'Etat peut édicter les dispositions nécessaires à l'aménagement ou à la conservation d'un site protégé par l'approbation d'un plan de site assorti, le cas échéant, d'un règlement. Ce plan et ce règlement déterminent notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l'amélioration des lieux tels que : maintien des bâtiments existants, alignement aux abords des lisières de bois et forêts ou de cours d'eau, angles de vue, arborisation; les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume, aspect, destination); les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d'accès à un site ou à un point de vue; les réserves naturelles (art. 38 al. 1 et 2 LPMNS).

d. Le projet de plan de site est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil, d'une commune ou d'une association au sens de l'article 63; il est mis au point par le département dans le respect de la demande et en collaboration avec la commune et la CMNS, sur la base d'un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers (art. 39A al. 1 LPMNS).

La procédure d'adoption, réglée à l'article 40 de la LPMNS, prévoit que le projet de plan de site est soumis à une enquête publique, au préavis de la commune ainsi qu'à une procédure d'opposition. Selon l'article 5 alinéa 2 lettre l du règlement général d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01), la CMNS donne son préavis sur les projets de plans de site établis par l'un des départements compétents.

9. Le plan directeur cantonal, adopté par le Grand Conseil le 8 juin 2000, prévoit, dans la couronne suburbaine de l'agglomération, l'utilisation des potentiels à bâtir dans les zones de développement de manière diversifiée, selon les indices usuels, pour autant que les impératifs de protection du patrimoine et des sites, d'arborisation et de contraintes parcellaires le permettent. Dans les sites sensibles, il convient d'appliquer des densités intermédiaires permettant des formes d'urbanisation de bas gabarits et une réalisation par étapes.

 

Ainsi, un indice d'utilisation "usuel", soit de 1,2, voire plus, est prévu si les conditions et le contexte urbanistiques le permettent et l'encouragent. En revanche, des densifications intermédiaires avec des indices d'utilisation de 0,5 à 1,0, doivent être appliquées notamment lorsque les espaces non bâtis ont une valeur environnementale (arbres d'essences particulières, valeur d'ensemble, influences sur le microclimat, valeur de détente) ou lorsque les structures bâties et aménagées existantes ont une valeur patrimoniale, historique et culturelle. Dans les sites sensibles où la structure bâtie et/ou arborée présente une valeur patrimoniale d'ensemble, des poches faiblement urbanisées doivent être maintenues en l'état et des mesures de protection tels que plans de site doivent être prises (schéma directeur cantonal - projets et mesures, fiche 2.01)

10. En l'occurrence, le PLQ 29'128-233, valant pour partie plan de site, a été valablement adopté dans la mesure où il a respecté tant la procédure définie à l'article 6 LGZD que celle prévue par l'article 40 LPMNS.

 

Le PLQ se situe entre l'avenue Eugène-Pittard, le chemin des Glycines et les falaises de l'Arve et vaut pour partie plan de site au sens des articles 38 ss LPMNS.

 

Initialement en 5ème zone, ce secteur est soumis depuis le 13 décembre 1984 aux normes de la zone de développement 3. Le périmètre du PLQ n° 29'128-233 comprend les parcelles n° 2024 à 2032 alors que celui du plan de site inclut les parcelles 2025, 2026, d'une part, et les parcelles n° 2029, 2030, 2031, 2032, d'autre part. Sont ainsi soustraites du plan de site les deux parcelles où est prévue la construction de deux bâtiments de R + 4 + S affectés au logement.

 

La construction projetée vient dans l'alignement de bâtiments déjà existants et l'indice d'utilisation du sol de 0,96 maximum correspond à celui prévu par le plan directeur cantonal, dans les zones de développement, pour les secteurs de densification intermédiaire.

 

Ce PLQ, avec le plan de site qu'il contient, a été soumis à la ville de Genève et à la CMNS qui, toutes deux, l'ont préavisé favorablement. Ces deux préavis étant prévus par la loi, Le Tribunal administratif ne s'en écartera dès lors pas. En particulier, le tribunal ne reverra pas le périmètre du plan de site tel que figurant dans le PLQ, dans la mesure où il est justifié par des différences relevées dans les valeurs patrimoniales des parcelles et qu'il n'a pas été contesté par la CMNS.

11. S'agissant des arguments de nature géologique, les recourants prétendent que le Conseil d'Etat n'a pas tenu compte des avis émis dans les années soixante.

 

12. Selon l'aperçu géotechnique rendu par Dériaz S.A. le 17 octobre 2001, au vu des éléments disponibles à ce stade du projet, le secteur d'implantation du projet est stable et les constructions projetées, moyennant une éventuelle adaptation locale au niveau de l'aile est ne diminuent pas les conditions de stabilité de la parcelle en général et de la falaise en particulier. Dans son deuxième rapport du 9 juillet 2002, Dériaz S.A. conclut, pour le secteur concerné, à l'absence d'éléments permettant de suspecter des mouvements de grande ampleur et de signes de mouvements en surface sur la partie plane des parcelles, les mouvements observés étant des glissements superficiels.

 

Appelé à se déterminer, le service de géologie a préavisé favorablement le projet. Pour ce faire, il s'est fondé sur le rapport de Dériaz S.A. mais a également tenu compte de nombreuses données géologiques disponibles par divers rapports et sondages rendus en la matière. Le service de géologie a ainsi eu connaissance des documents mentionnés par les recourants et s'est prononcé à plusieurs reprises sur les différents éléments invoqués par les recourants. Ainsi, tant le rapport de Dériaz S.A. du 9 juillet 2002 que le préavis du service de géologie sont complets et il n'existe pas de raisons sérieuses de procéder à une contre-expertise. Au surplus, le tribunal de céans relèvera que la distance minimale entre le projet et la tête de falaise est de l'ordre de 40 mètres. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter des conclusions émises dans ledit rapport et du préavis positif du service de géologie, spécialistes en ce domaine.

 

13. Les recourants invoquent également l'abattage de nombreux arbres dans le cadre de la réalisation du bâtiment projeté.

 

14. Le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage a préavisé favorablement le PLQ n° 29'128-233 le 25 janvier 2001. Par ailleurs, l'entreprise Jacquet a indiqué les mesures nécessaires pour protéger les arbres lors de la construction des nouveaux immeubles. Il ressort enfin du procès verbal du 7 mars 2002 de la séance d'information organisée par le conseiller administratif que si 31 arbres devront être abattus, une centaine d'arbres ont pu être sauvés. Le PLQ n° 29'128-233 a ainsi tenu compte, également pour les parcelles n° 2027 et 2028, soustraite du plan de site, de la protection de la végétation.

 

16. En tous points mal fondés, les recours seront rejetés.

 

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

préalablement :

 

ordonne la jonction des deux procédures nos A/111/2003 et A/112/2003;

 

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2003 par Monsieur Jacques Guyonnet contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002;

 

déclare recevable le recours interjeté par Monsieur Pascal Nodé-Langlois le 20 janvier 2003 contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002;

 

au fond :

 

les rejette;

 

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 2'000.-;

communique le présent arrêt à Me Razi Abderrahim, avocat de Monsieur Guyonnet, à Me Jean-Franklin Woodtli, avocat de Monsieur Nodé-Langlois, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président:

 

M. Tonossi F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci