Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/379/2002

ATA/687/2002 du 12.11.2002 ( TPE ) , ADMIS

Descripteurs : PLAN D'AFFECTATION; PLAN DE ZONES; ARCHITECTURE; TPE
Normes : LALAT.19 al.2; LCI.15; LALAT.12 al.5; LCI.106
Résumé : La fermeture d'une véranda par des panneaux translucides placés dans des cadres métalliques contrevient au caractère villageois de la construction et justifie l'application de l'art. 106 al.1 LCI. En l'espèce, le refus du département n'est pas disproportionné et vise à sauvegarder le caractère architectural voulu par ce type de constructions, pastiches de maisons campagnardes. Le fait que la construction en cause ne soit pas visible depuis la rue n'est pas déterminant puisqu'elle serait visible par les habitants donnant sur la cour intérieure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 12 novembre 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

 

 

 

contre

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

Madame A. T. B. et Monsieur Dominique B.

 

 

 



EN FAIT

 

 

1. Madame A. T. B. et Monsieur Dominique B. (ci-après : les époux B.) sont propriétaires de la parcelle No .... feuille .. de la commune de Puplinge, sise rue de ..., en zone 4B protégée, au sens de l'article 19 alinéa 2 lettre b de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

 

2. Les époux B. sont domiciliés à cette adresse dans un appartement en duplex, auquel on accède par un escalier extérieur. Au sommet de l'escalier se trouve la porte palière, abritée par une véranda/balcon, non fermée dans sa partie supérieure et sur les côtés. Cette construction se trouve dans une cour intérieure et n'est pas visible de la route.

 

3. Le 14 juin 2000, les époux B. ont sollicité, par voie de procédure accélérée, l'autorisation de fermer ce balcon par la pose de cadres en aluminium et de vitrages isolants, selon les plans et photos produits.

 

4. Les préavis techniques recueillis dans le cadre de l'instruction de la requête étaient favorables; celui de l'inspection à la construction l'était, sous réserve de l'avis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS).

 

La commune a préavisé favorablement également pour autant que le projet soit conforme aux dispositions légales en vigueur.

 

Quant à la CMNS, elle s'est opposée le 9 janvier 2001 "à la création d'une fermeture de balcon par du vitrage en saillie sur la façade, assimilable à une prise de volume indue". Enfin, elle craignait "un précédent fâcheux en zone villageoise".

 

5. Faisant sien ce dernier préavis, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL) a refusé le 27 mars 2001 l'autorisation sollicitée, car la construction projetée nuirait au caractère du site environnant et contreviendrait à l'article 106 alinéa 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

 

Un tel aménagement créerait un fâcheux précédent, dès lors qu'il n'était pas adapté à la zone 4B protégée.

 

6. Par acte du 12 avril 2001, les époux B. ont recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRMC) en concluant à sa mise à néant.

 

Ils ont allégué que la construction projetée ne créerait pas une saillie, celle-ci existant déjà. Elle ne serait pas visible depuis la rue. Elle ne créerait aucun précédent, d'autres vérandas étant déjà construites dans les environs. Enfin, la fermeture de cet auvent permettrait des économies d'énergie.

 

Les parties ont persisté dans leurs argumentations respectives lors de l'audience de comparution personnelle devant la CCRMC du 7 février 2002.

 

7. Par décision du 7 mars 2002, ladite commission a annulé le refus du département et a enjoint celui-ci de délivrer l'autorisation sollicitée.

 

Certes, le préavis de la CMNS devait être requis en zone protégée.

 

Cependant, l'article 106 alinéa 2 LCI sur lequel se fondait le refus de département n'était pas applicable car cette disposition visait "l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier", ainsi que la réfection de façades ou des toitures alors que la fermeture d'une véranda par des panneaux translucides n'entrait pas dans le cadre de cette disposition.

 

Le refus du département violait la loi et devait être annulé. De plus, à supposer que l'article 106 alinéa 1 LCI soit applicable, le refus du département devait être annulé de toute façon car la loi n'établissait pas de hiérarchie entre les préavis. Or, la CCRMC estimait devoir privilégier le préavis favorable de la commune, s'agissant de constructions récentes, ce d'autant que celui émis par la CMNS était succinct et non motivé.

 

8. a. Par acte posté le 18 avril 2002, le DAEL a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à son annulation et à la confirmation de son propre refus.

 

La CCRMC avait violé les articles 15 et 106 LCI, applicables en l'espèce.

 

Selon la jurisprudence, le préavis de la CMNS devait être préféré à celui de la commune, puisqu'il émanait de spécialistes.

 

Enfin, si la CCRMC voulait s'en écarter, elle aurait dû procéder elle-même à un transport sur place ou auditionner la CMNS, alors qu'elle n'avait fait ni l'un ni l'autre.

 

Enfin, le DAEL a contesté avoir jamais autorisé la fermeture d'un tel espace au premier étage d'une construction se trouvant en zone 4B protégée.

 

Le projet visait à fermer un lieu de circulation "et à figer une excroissance purement inesthétique sur le bâtiment".

 

Si ce supplément architectural avait été prévu d'emblée, il n'aurait pas été appréhendé ainsi.

 

b. Les époux B. ont conclu au rejet du recours pour les motifs déjà exposés.

 

9. Le juge délégué a procédé à un transport sur place le 21 juin 2002 auquel ont pris part le maire de la commune ainsi qu'un architecte, représentant la CMNS.

 

a. A cette occasion, il a constaté que la saillie existait déjà mais qu'elle servait d'accès à l'appartement des époux B. et n'était pas habitable du fait qu'elle n'était pas fermée. Les intimés ont expliqué que cette entrée était exposée au vent et que l'autorisation qu'il sollicitait n'avait pas pour but de rendre cette véranda habitable ou de la chauffer.

 

b. Le représentant de la CMNS a relevé que la construction en cause et celles environnantes étaient des pastiches de constructions villageoises. L'aménagement souhaité par le recourant ne correspondait pas à l'esprit de l'architecture de ces constructions, celles-ci voulant recréer d'anciennes maisons campagnardes. Enfin, le vitrage aurait des effets de miroir. Si la CMNS avait évoqué une prise de volume indue, ce n'était pas par rapport à l'habitabilité de cet espace mais par rapport au fait qu'un tel aménagement n'avait pas été prévu à l'origine de la construction. Enfin, la crainte du précédent était réelle et il s'agissait surtout d'un souci du département.

 

c. Le maire a indiqué que la commune avait émis un préavis favorable car les notions applicables en zone 4B protégée étaient assez vagues. De plus, il n'appartenait pas à la commune d'émettre des préavis en matière architecturale.

 

d. Le juge a pu constater qu'effectivement, cette construction n'était pas visible de la rue puisqu'elle se trouvait dans une cour. Dans ce périmètre-ci, aucune autre véranda n'était vitrée.

 

10. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La 4ème zone rurale (4ème zone B) est destinée principalement aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements, située dans des villages ou des hameaux (art. 19 al. 2 lettre LaLAT). Lorsque la zone est en outre protégée, l'aménagement et le caractère architectural du quartier ou de la localité considérée peuvent être préservés (art. 12 al. 5 LaLAT; ATA R. du 29 mai 2001).

 

3. L'article 106 LCI, applicable aux villages protégés, est une clause d'esthétique particulière plus précise que l'article 15 de la même loi.

 

Cette disposition prévoit que : "dans les villages protégés, le département, sur préavis de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites, fixe dans chaque cas particulier, l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations, ainsi que le site environnant. Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites. Lors de travaux de réfection de façades ou de toitures, la commune et la commission des monuments, de la nature et des sites, sont également consultées".

 

La demande d'autorisation présentée en l'espèce aurait pour effet, si elle était acceptée, de modifier le volume de la construction en fermant l'accès de cette véranda. Il en modifierait également le style. A n'en pas douter, l'article 106 alinéa 1 LCI trouve ainsi application et c'est à juste titre que le département a requis l'avis de la commune et de la CMNS dans le respect de cette disposition et de la jurisprudence (ATA J. du 12 janvier 1999).

 

4. La CCRMC a ainsi erré en considérant que l'article 106 alinéa 1 LCI n'était pas applicable en l'espèce.

 

5. De jurisprudence constante, les préavis recueillis n'ont qu'un caractère consultatif et la loi ne prévoit en effet aucune hiérarchie entre eux. Le Tribunal administratif a constamment rappelé qu'un préavis était en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative et que, s'il allait de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi, l'autorité de décision restait libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (RDAF 1983, page 344).

 

Chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, l'autorité de recours doit s'imposer une certaine retenue qui est en fonction à son aptitude à trancher le litige (ATA B. et consorts du 5 novembre 2002). Ainsi, la CCRMC qui, certes, a le même pouvoir de cognition que le Tribunal administratif est, contrairement à cette juridiction, composée pour une part de spécialistes et peut donc exercer un contrôle plus technique que celui-ci (ATA A. du 17 octobre 1990). En revanche, lorsque la CCRMC s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées et contrôler, sous l'angle de l'excès ou de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation : il met toutefois l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus de l'autorisation malgré les préavis favorables et sur le respect de l'intérêt public en cas de délivrance de l'autorisation malgré des préavis défavorables (ATA D. du 29 octobre 2002; ATA B. du 5 novembre 2002).

 

6. S'il est exact qu'il n'existe pas selon la loi de hiérarchie entre les préavis requis, le tribunal de céans a déjà jugé qu'une valeur relative devait être accordée au préavis de la CMNS lorsque celui-ci était sollicité sans être obligatoire (ATA S. du 17 mai 1994) alors que ce préavis devait être préféré dans l'appréciation d'un litige portant sur une question d'esthétique.

 

En l'espèce, la CMNS est composée de spécialistes alors que la commune a elle-même relevé par l'intermédiaire de son maire lors du transport sur place, qu'elle n'était pas habilitée à émettre un avis en matière architecturale.

 

7. Le département s'étant fondé sur le préavis succinct mais motivé de la CMNS, la commission devait si elle entendait s'en écarter, soit procéder elle-même à un transport sur place, soit auditionner les membres de la CMNS ainsi que le relève le département, mesures d'instruction qu'elle n'a pas effectuées.

 

Elle ne pouvait se contenter d'affirmer que, s'agissant de constructions récentes, le préavis de la commune devait primer celui de la CMNS. La loi n'établit en effet aucune distinction entre les divers types de constructions se trouvant en zone protégée.

 

8. Il convient donc d'apprécier au vu des jurisprudences précitées si le refus du département est disproportionné ou justifié par un intérêt public.

 

9. Le tribunal admettra que la construction en cause n'est pas visible depuis la rue. Cet élément ne saurait être déterminant à lui seul puisque cette véranda est visible en tous cas pour les habitants dont les logements donnent sur cette cour intérieure.

 

Certaines de ces constructions voisines comportent des entrées similaires à celle des recourants, de sorte que si l'autorisation était délivrée à ces derniers, la crainte d'un précédent, évoquée par le département, pourrait se révéler fondée.

 

Cette construction en saillie existe, qu'elle soit fermée ou non.

Elle ne saurait constituer "une prise de volume indue" comme l'indique la CMNS, puisque les époux B. n'entendent pas rendre cet espace habitable.

C'est bien plutôt le fait que ces verres isolants seraient placés dans des cadres métalliques et qu'ainsi fermée, cette véranda contreviendrait au caractère villageois de ces constructions qui paraît déterminant.

 

De même, l'effet de miroir de ce vitrage serait gênant pour les voisins.

 

10. Ainsi, le refus du département fondé sur l'article 106 LCI, n'était nullement disproportionné et visait à sauvegarder le caractère architectural voulu par ce type de constructions, pastiches de maisons campagnardes.

 

11. En annulant le refus du département et en faisant injonction à celui-ci de délivrer l'autorisation sollicitée, la commission a mésusé de son pouvoir d'appréciation qu'elle a outrepassé alors qu'elle n'avait pas elle-même instruit le dossier de telle sorte qu'elle puisse s'écarter du préavis émis par les spécialistes de la CMNS.

 

12. Le recours du département sera admis et la décision de la commission annulée. Le refus de l'autorisation se trouve ainsi confirmé.

 

13. Il ne sera pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité (art. 87 LPA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 7 mars 2002;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision de la commission de recours en matière de constructions du 7 mars 2002;

 

confirme le refus du département de délivrer l'autorisation de construire;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité;

 

communique le présent arrêt au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu'à Madame A. T. B. et à Monsieur Dominique B..

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère et Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del-Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega