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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/822/2019

ATA/1015/2019 du 13.06.2019 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/822/2019-FORMA ATA/1015/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2019

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur, agissant par sa mère Madame B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

_________



EN FAIT

1) Madame B______, est domiciliée à C______, en France. Mme B______, qui est de nationalité française, travaille à Genève au bénéfice d'un permis G (autorisation frontalière).

Elle est la mère d'A______, né le ______ 2006, également de nationalité française et qui vit avec elle, ainsi que de Monsieur D______, né le ______ 1996, demi-frère d'A______, qui poursuit des études universitaires hors de Suisse et n'a jamais été domicilié à Genève.

2) Le 21 décembre 2018, Mme B______ a déposé une demande d'admission au cycle d'orientation genevois (ci-après : CO), rentrée 2019, auprès de la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou département).

Il ressort de cette demande qu'A______ était scolarisé depuis 2014 dans une école privée française, à E______ (France).

Mme B______ a indiqué dans la demande qu'ayant fait elle-même ses études à Genève, elle était convaincue que le système et le suivi scolaires y étaient meilleurs.

3) Par décision du 13 février 2019, le département, soit pour lui la DGEO, a rejeté la demande d'admission au CO d'A______.

Ce dernier ne remplissait pas les conditions d'admission de l'art. 25 al. 1 let. c du règlement du cycle d'orientation du 9 juin 2010 (RCO - C 1 10.26), à savoir qu'il n'avait pas de fratrie déjà scolarisée au sein de l'enseignement public obligatoire genevois, condition nécessaire pour pouvoir l'admettre à Genève.

4) Par acte posté le 28 février 2019, A______, agissant par sa mère, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant en substance à l'admission d'A______ au cycle d'orientation.

Elle avait elle-même suivi un apprentissage d'apprentie de commerce et travaillait depuis trente ans à Genève pour le compte d'une grande société suisse, et était convaincue que le système et le suivi scolaires y étaient supérieurs.

Par ailleurs, A______ avait un demi-frère, D______, qui avait été scolarisé à Genève. Celui-ci étant âgé de 22 ans et en stage au Luxembourg afin de valider son master, il était toutefois « impossible que la clause du règlement soit applicable ».

5) Le 12 avril 2019, le département a conclu, principalement, au rejet du recours et, subsidiairement, à l'audition du directeur du service organisation et planification auprès de la DGEO (ci-après : le service), cela fait au rejet du recours.

Le canton de Genève était légitimé juridiquement à limiter l'accès à l'école obligatoire aux seuls résidents de son territoire. Le Conseil d'État avait choisi de prévoir une exception à ce principe, s'agissant des enfants dont le membre d'une fratrie serait d'ores et déjà scolarisé au sein d'un établissement scolaire public obligatoire, ce qui n'était pas le cas d'A______. Le règlement applicable ne prévoyait aucune dérogation, s'agissant de la procédure d'admission, pour des situations particulières d'élèves domiciliés hors canton.

La scolarité d'A______ n'était pas péjorée dans son pays de domicile, la France disposant d'infrastructures et d'un système scolaire de qualité à même de lui garantir un parcours scolaire conforme à ses intérêts. Le souhait de Mme B______ de le scolariser en Suisse devait céder le pas devant l'intérêt public du canton de Genève à assurer et maintenir un enseignement de qualité pour les élèves résidant sur sol genevois. Le paiement des impôts à Genève ne constituait pas « un critère de rattachement au droit » à l'enseignement de base.

6) Le 23 avril 2019, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 17 mai 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

7) Aucune des parties n'a donné suite à cette invite.

8) Le 20 mai 2019, le juge délégué a informé Mme B______ que le DIP venait de verser à la procédure trois avis de droit concernant la légalité de la nouvelle réglementation relative à la scolarisation d'élèves frontaliers.

Il s'agissait de l'avis de droit de Madame Christine KADDOUS, professeure ordinaire à l'Université de Genève et directrice du Centre d'études juridiques européennes, du 13 octobre 2018, de celui de Mesdames Astrid EPINEY, professeure ordinaire et rectrice de l'Université de Fribourg, directrice de l'Institut de droit européen, et Déborah SANGSUE, assistante diplômée à l'Institut de droit européen, d'avril 2019, et enfin de celui de Monsieur Vincent MARTENET, professeur ordinaire à l'Université de Lausanne et vice-directeur de l'École de droit, du 6 mai 2019.

Ces avis de droit étaient joints à cet envoi. Un délai au 3 juin 2019 était fixé à Mme B______ pour faire valoir ses éventuelles observations à ce sujet, après quoi la cause serait gardée à juger. Elle n'a toutefois pas fait usage de cette possibilité.

Les trois avis de droit versés à la procédure par le DIP peuvent être consultés à l'adresse : https://www.ge.ch/document/point-presse-du-conseil-etat-du-15-mai-2019.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Saisie d'un recours, la chambre administrative applique le droit d'office. Elle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/114/2019 du 5 février 2019 consid. 1 et les références citées).

3) Le département sollicite l'audition du directeur du service. Selon le DIP, cette audition doit permettre de démontrer qu'en raison de l'exiguïté du territoire cantonal et du manque de terrains à bâtir, il était très long et compliqué de construire ou agrandir des établissements scolaires. Une importante augmentation du nombre d'élèves dans l'enseignement obligatoire était à prévoir dans les prochaines années.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 135 I 279 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge d'y renoncer et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. Les obstacles rencontrés par les autorités cantonales et communales pour mener à bien des projets de construction de logements, de bâtiments administratifs voire d'écoles sont des faits connus qui n'ont pas échappé à la chambre de céans. S'agissant de l'augmentation des élèves qui fréquenteront l'enseignement obligatoire dans les prochaines années, le DIP a versé à la procédure un rapport pertinent établi par le service de recherche en éducation en septembre 2018. L'audition sollicitée n'est ainsi pas nécessaire.

4) Le litige porte sur le refus du DIP de scolariser le recourant au CO à Genève.

5) a. À teneur de l'art. 19 Cst., le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti. Au niveau cantonal, l'art. 24 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (A 2 00 - Cst-GE) dispose que le droit à l'éducation, à la formation et à la formation continue est garanti
(al. 1). Toute personne a droit à une formation initiale publique gratuite (al. 2).

L'art 62 Cst. prévoit pour sa part que l'instruction publique est du ressort des cantons (al. 1). Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques (al. 2). Les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu'à leur 20ème anniversaire (al. 3). Si les efforts de coordination n'aboutissent pas à une harmonisation de l'instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l'âge de l'entrée à l'école, la durée et les objectifs des niveaux d'enseignement et le passage de l'un à l'autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire (al. 4). La Confédération règle le début de l'année scolaire (al. 5). Les cantons sont associés à la préparation des actes de la Confédération qui affectent leurs compétences ; leur avis revêt un poids particulier (al. 6).

b. Selon son art. 1, la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) régit l'instruction obligatoire, soit la scolarité et la formation obligatoires jusqu'à l'âge de la majorité pour l'enseignement public et privé
(al. 1). Elle régit également l'intégration et l'instruction des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés de la naissance à l'âge de 20 ans révolus (al. 2). Elle s'applique aux degrés primaire et secondaire I (scolarité obligatoire) et aux degrés secondaire II et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles (ci-après : degré tertiaire B) dans les établissements de l'instruction publique (al. 3).

L'instruction publique comprend notamment le degré primaire et le degré secondaire, divisé en secondaire I et II. À teneur de l'art. 67 LIP, le degré secondaire I (cycle d'orientation) dure trois ans. Il comprend les 9e, 10e et 11e années de la scolarité obligatoire.

c. L'art. 37 al. 1 LIP prévoit que tous les enfants et jeunes en âge de scolarité obligatoire et habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de ladite loi, au programme général établi par le département conformément à l'accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C 1 06) et à la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07).

Le département, avec le concours des services concernés, veille à l'observation de l'obligation d'instruction, telle que définie à l'art. 1 LIP (art. 38
al. 1 LIP). Les parents sont tenus, sur demande du département, de justifier que leurs enfants, jusqu'à l'âge de la majorité, reçoivent l'instruction obligatoire fixée par la loi (art. 38 al. 2 LIP).

La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l'âge de 4 ans révolus au
31 juillet (art. 55 al. 1 LIP). Tout enfant, dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet, doit être inscrit à l'école dans les trois jours qui suivent son arrivée à Genève
(art. 57 al 1 LIP).

L'art. 58 LIP prévoit que, sous réserve des alinéas 2 à 5, les élèves sont scolarisés dans l'établissement correspondant au secteur de recrutement du lieu de domicile ou à défaut du lieu de résidence des parents (al. 1). Si les élèves de ce secteur de recrutement sont en nombre insuffisant ou sont trop nombreux pour l'organisation rationnelle de l'enseignement, le département peut les affecter à une autre école. Cette affectation n'est pas sujette à recours (al. 2). Après avoir entendu les parents concernés, la ou les directions des établissements concernés peuvent transférer un élève dans une autre classe ou un autre établissement, en cours d'année ou pour l'année scolaire suivante, lorsque le bon déroulement de la scolarité de l'élève et/ou le bon fonctionnement de la classe ou de l'établissement le commande (al. 3). Pour les élèves qui sont inscrits dans un dispositif spécifique, tel que les classes et institutions de l'enseignement spécialisé ou les classes
Sport-Art-Études, notamment, des exceptions au lieu de scolarisation peuvent être prévues par voie réglementaire. Cette affectation n'est pas sujette à recours (al. 4). Enfin, le département peut, à titre exceptionnel, accorder des dérogations, notamment en cas de changement de domicile, de manière à permettre à l'élève de terminer l'année scolaire dans la classe où il l'a commencée (al. 5).

d. Au niveau réglementaire, l'art. 1 al. 1er RCO rappelle les principes énoncés à l'art. 67 LIP. L'art. 1er al. 2 RCO énonce quant à lui que le CO dispense un enseignement de culture générale et vise à développer l'ouverture d'esprit, la faculté de discernement, l'autonomie, la solidarité, toutes compétences qui contribuent à l'éducation citoyenne ; à l'articulation entre l'école primaire et le degré secondaire II, il assure un équilibre dans le développement des différentes aptitudes (intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques) des adolescents, qui leur permet de trouver du sens dans leurs apprentissages et leur donne progressivement les éléments de choix pour leur parcours de formation.

Le degré secondaire I (cycle d'orientation) fait partie de la scolarité obligatoire ; les enfants en âge de scolarité obligatoire doivent donc être inscrits à l'école et suivre une instruction dès le premier jour de l'année scolaire ou dans les 3 jours qui suivent leur arrivée à Genève (art. 16 al. 1 et 2 RCO).

L'art. 25 RCO est applicable aux enfants domiciliés hors canton. Il prévoit que sont admis au CO genevois :

-          les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l'enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton (al. 1 let. b) ;

-          les frères et soeurs ainsi que les demi-frères et les demi-soeurs des enfants scolarisés au sein d'établissements scolaires publics genevois (al. 1 let. c).

La demande d'admission au sens de l'al. 1 let. b et c doit être déposée auprès de la direction générale de l'enseignement obligatoire dans le délai fixé chaque année par le département et publié sur le site Internet de ce dernier
(al. 3).

Par ailleurs, les enfants domiciliés hors canton peuvent être scolarisés très exceptionnellement à Genève, selon les termes fixés par la convention intercantonale du 20 mai 2005 réglant la fréquentation d'une école située dans un canton autre que celui de domicile (ROF 2005_097 ; https://www.ge.ch/legislation/accords/doc/0087.pdf ; ci-après : la convention intercantonale réglant la fréquentation).

6) a. Alors que l'art. 19 Cst. garantit le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit, consacrant ainsi un droit social, justiciable, qui oblige la collectivité à fournir une prestation (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/
Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2013, n. 1563 et la référence citée), l'art. 62 Cst. fonde quant à lui, outre la compétence cantonale en matière d'instruction publique, le caractère obligatoire de l'enseignement de base. Il en découle que l'un des corollaires du caractère obligatoire de l'enseignement primaire est que les enfants doivent fréquenter l'école du lieu où ils résident (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit.). Ainsi, sont titulaires du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit tous les enfants domiciliés en Suisse, indépendamment de leur nationalité et du statut de résidence de leurs parents (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2015,
p. 334 n. 200).

b. Dans son avis de droit (p. 5 et 6), le prof. MARTENET souligne qu'il est préférable de parler de lieu de vie en Suisse. Si ce critère correspond au domicile dans la plupart des cas, il convient en effet de réserver les situations particulières se rapportant, par exemple, aux enfants séjournant illégalement en Suisse ou sans domicile fixe. Selon le prof. MARTENET, le lieu de vie de l'enfant constitue, à juste titre, le critère décisif selon la doctrine. Il précise n'avoir trouvé aucun auteur soutenant qu'un enfant dont le lieu de vie se trouverait à l'étranger pourrait se fonder sur l'art. 19 Cst. pour exiger de recevoir un enseignement de base en Suisse. Il ajoute que si le Tribunal fédéral n'a jamais tranché expressément la question de savoir si l'art. 19 Cst. bénéficie également à des enfants dont le lieu de vie se trouve à l'étranger, sa jurisprudence exige que l'enseignement de base soit en principe offert au lieu où vit l'enfant : « L'enseignement doit en principe être prodigué au lieu de domicile des élèves ; la distance géographique entre le lieu de domicile et le lieu d'enseignement ne doit pas compromettre le but poursuivi par la formation scolaire de base » (traduction libre de l'ATF 129 I 12 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2011 du 1er juin 2012 consid. 3.2).

c. Quant à l'art. 24 Cst-GE, rien n'indique que sa portée, s'agissant du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit, serait plus large que celle de l'art. 19 Cst. Le prof. MARTENET relève d'ailleurs que, concernant l'enseignement de base, rien ne permet de conclure que la disposition constitutionnelle genevoise garantirait un droit fondamental à des enfants séjournant à l'étranger, notamment en France voisine. Il souligne que ce point n'a jamais été abordé lors des délibérations de l'Assemblée constituante genevoise (avis de droit p. 6 et 7 et les références).

d. En l'espèce, le recourant n'est pas domicilié en Suisse. Il ne peut en conséquence pas se prévaloir du droit à y recevoir un enseignement de base suffisant et gratuit. Sa nationalité n'est ici pas en cause, seul le fait qu'il ne soit pas domicilié à Genève étant pertinent pour lui dénier ce droit.

Cette conclusion ne contrevient d'ailleurs pas à l'art. 13 par. 2 let. a du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (RS 0.103.1), lequel prévoit que l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible à tous. Cette disposition, qui selon le Tribunal fédéral n'est pas directement justiciable, ne confère en effet aucun droit supplémentaire par rapport à l'art. 19 Cst. (ATF 144 I 1 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2011 précité). Pour le même motif, elle n'est pas non plus contraire à l'art. 28 par.1 let. a de la Convention relative aux droits de l'enfant entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (RS 0.107), disposition qui prévoit que les États parties rendent l'enseignement obligatoire et gratuit pour tous.

7) Il convient d'examiner si l'art. 25 RCO, en particulier son al. 1, repose sur une base légale suffisante.

8) À teneur de l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (ATA/383/2017 du 4 avril 2017 consid. 5a et les références citées).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu'un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l'organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1 p. 171). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manoeuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 p. 386 et les références citées ; ATA/383/2017 précité).

9) a. Au niveau fédéral, le principe de la séparation des pouvoirs, implicitement contenu dans la Cst., est un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe ; en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 134 I 322
consid. 2.2 ; 119 Ia 28 consid. 3 ; 118 Ia 305 consid. 1a).

b. Dans le canton de Genève, l'art. 2 Cst-GE consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif incombe au Grand Conseil (art. 80 Cst-GE). Le Conseil d'État est chargé de l'exécution des lois et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). Il est habilité, en vertu de l'art. 109 al. 3 Cst-GE, à adopter des règles d'exécution. À moins d'une délégation expresse, le Conseil d'État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles étaient conformes au but de la loi (ATF 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 130 I 140 consid. 5.1 ; 114 Ia 286 consid. 5a ; ACST/19/2018 du 15 août 2018 consid. 7b ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008 consid. 3a ; 
Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., n. 323).

c. Le gouvernement peut édicter des règles de droit soit dans des ordonnances législatives d'exécution, soit dans des ordonnances législatives de substitution fondées sur une délégation législative (ATA/426/2017 du 11 avril 2017 consid. 2c ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015).

d. Un acte législatif qui ne respecte pas l'une ou l'autre de ces conditions, ainsi qu'une décision qui se fonde sur une telle ordonnance, manque de base légale et viole le principe de la séparation des pouvoirs (ATA/1587/2017 du 12 décembre 2017 consid. 14 et les références citées). De jurisprudence constante, la légalité d'un règlement peut être remise en cause devant la chambre de céans à l'occasion d'un cas d'application (ATA/1587/2017 précité).

e. Le Conseil d'État est chargé d'édicter tous les règlements d'application de la LIP (art. 6 al. 1 LIP).

10) a. En l'espèce, il apparaît que dans la loi sur l'instruction publique adoptée par le Grand Conseil le 6 novembre 1940 (ci-après : aLIP), les termes « habitant le canton de Genève » étaient déjà employés. Son art. 9 était en effet libellé ainsi : « Tous les enfants habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de la présente loi et au programme général établi par le département » (MGC 1940 19/II 1392).

Malgré le texte clair de cet art. 9 aLIP, le législateur de 1940 admettait l'hypothèse que des enfants non domiciliés dans le canton puissent y être scolarisés, du moins dans l'enseignement primaire. En effet, alors que dans son projet de loi, le Conseil d'État proposait à l'art. 19 que « L'instruction et la fourniture du matériel scolaire sont gratuites dans les écoles enfantines et primaires », le Grand Conseil a tenu à ajouter que tel ne devait être le cas que « pour les enfants domiciliés dans le canton » (MGC 1940 19/II 1380). Cette référence au domicile a été supprimée lors d'une modification de la aLIP en 1973 (MGC 1973 27/4 3678).

La aLIP a par la suite subi plusieurs modifications. À la suite de celles entrées en vigueur le 29 août 2011 et rendues nécessaire en raison de l'adhésion par le canton de Genève à HarmoS et à la CSR, l'art. 9 aLIP a été modifié en ce sens que les références à ces deux textes y ont été introduites. Les termes « tous les enfants habitant le canton de Genève » sont eux demeurés inchangés.

b. Dans le PL 11'470, le Conseil d'État a fait figurer la disposition qui deviendra l'actuel art. 37 LIP (il s'agissait dans le PL 11'470 de l'art. 34 dont le contenu est le même que celui de l'art. 9 aLIP dans sa version entrée en vigueur le 29 août 2011), sans que celui-ci soit modifié par les députés. La notion de « habitant le canton de Genève » y figurant n'est donc pas le résultat du dépôt d'un amendement. A par contre fait l'objet d'un amendement du département, l'ajout de ces mêmes termes « habitant le canton de Genève », mais à l'al. 3 de ce qui deviendra l'art. 37 LIP (PL 11'470 p. 113). Cette disposition prévoit que les jeunes habitant le canton de Genève ont l'obligation jusqu'à l'âge de la majorité au moins d'être inscrits à une formation.

La question de la gratuité s'est à nouveau posée dans le cadre du PL 11'470, le Conseil d'État ayant en effet choisi de traiter cette question à l'occasion d'un art. 47, lequel deviendra, lors de l'adoption de la loi, l'art. 51 LIP. Il sera question de cette disposition plus bas (voir infra consid. 11d).

c. Au niveau réglementaire, sous l'empire de l'art. 9 aLIP, l'ancien RCO (du 26 mai 1976 ; ROLG 1976 187) autorisait déjà, à la discrétion des autorités scolaires, l'accès à l'enseignement public genevois à des élèves domiciliés hors du canton. L'art. 11 al. 1 aRCO était alors rédigé comme suit : « Les enfants domiciliés hors du territoire genevois peuvent être exceptionnellement autorisés à fréquenter les collèges du CO », les parents devant alors payer une taxe scolaire annuelle (art. 11 al. 2 aRCO).

Lors de l'entrée en vigueur de l'actuel RCO, soit le 30 août 2010, l'art. 25 al. 1 RCO avait la teneur suivante : « Sont admis au cycle d'orientation : a) les élèves domiciliés dans le canton ; b) les élèves genevois quel que soit leur domicile ; et c) les élèves habitant en France voisine dont l'un des parents au moins est assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton ». En 2016 est entrée en vigueur une modification purement rédactionnelle de la let. b (ROLG 2016 383), le principe de l'admission des élèves originaires de Genève mais domiciliés hors du canton étant maintenue.

Le 14 février 2018, est entré en vigueur l'art. 25 RCO dans sa teneur actuelle et applicable au cas d'espèce.

11) a. Il découle de ce qui précède que déjà sous l'empire de la aLIP, le Conseil d'État a, de longue date, ouvert les portes du CO genevois à des enfants n'habitant pas le canton. Dans sa réponse au recours, le département justifie cette pratique en expliquant que le Conseil d'État a choisi d'agir ainsi, à titre exceptionnel, et hors de ses obligations découlant de la Cst. Cet argument est recevable, dès lors que s'il découle des art. 19 et 62 Cst., comme de l'art. 24 Cst-GE ou encore de l'art. 37 al. 1 LIP, que le canton doit scolariser les enfants qui y sont domiciliés et veiller à ce qu'ils le soient, aucune disposition constitutionnelle ou légale ne faisant obstacle à ce que le canton scolarise ceux qui n'y habitent pas.

b. Il en va de même sur le plan intercantonal.

En vue de régler notamment la fréquentation d'établissements situés hors de leur canton de domicile par des élèves des établissements de scolarité obligatoire, le canton de Genève est partie prenante à la convention intercantonale réglant la fréquentation. Après avoir rappelé, entre autres, que les élèves des établissements de la scolarité obligatoire fréquentent en principe les écoles ou établissements de leur canton de domicile (art. 1 al. 1), la convention intercantonale réglant la fréquentation précise que cet accord définit des exceptions (cas particuliers ou individuels) de portée générale que les cantons de Suisse romande ont décidé d'admettre, sous réserve des législations cantonales, du nombre de places disponibles et d'effectifs qui deviendraient insuffisants dans le canton de domicile (al. 2). La convention intercantonale réglant la fréquentation ne fait en conséquence pas obstacle à des solutions spécifiques adoptées par les cantons signataires, les législations cantonales étant expressément réservées.

c. Dès lors que les principes qui prévalent en matière de droit et d'obligation d'être scolarisé de même que ceux qui obligent le canton à permettre et à veiller à la scolarisation des enfants reposent sur le principe du domicile, le Conseil d'État ne pourrait pas étendre le champ des élèves admis dans le canton sans que le législateur y consente en toute connaissance de cause. Cet élargissement a en effet une influence sur la mise en oeuvre de la LIP elle-même, ne serait-ce qu'au regard de l'impact que l'accueil d'élèves n'habitant pas le canton peut avoir sur l'organisation des écoles et des classes. Cet élargissement a en outre des conséquences sur la mise en oeuvre d'autres lois dès lors que, comme le département l'explique dans sa réponse au recours et comme cela ressort des pièces qu'il a versées à la procédure, il est susceptible d'impliquer la construction ou l'agrandissement d'écoles, une augmentation des effectifs d'élèves dans les classes, l'engagement d'enseignants supplémentaires et, plus largement, des coûts pour le canton de Genève. Le principe de cet élargissement doit ainsi figurer dans une loi formelle et le Conseil d'État être autorisé à en traiter par voie réglementaire. Tel est bien le cas en l'espèce.

d. En effet, outre la délégation générale figurant à l'art. 6 LIP, l'art. 51 LIP prévoit que :

-          dans les établissements des degrés primaire et secondaire I, il n'y a pas d'écolage, sauf exceptions prévues dans une convention intercantonale (al. 1) ;

-          dans les établissements des degrés secondaire II et tertiaire B, il n'y a pas d'écolage, sous réserve de l'alinéa 3 (al. 2).

Des frais de scolarité correspondant au montant maximum prévu à titre de participation financière des cantons signataires d'une convention intercantonale pour la filière considérée, ou, à défaut, d'un montant ne dépassant pas le 80 % du coût moyen annuel de la formation, peuvent être perçus auprès de l'élève majeur ou des parents de l'élève mineur par le département pour admettre, dans les limites des places disponibles, des élèves auxquels ni une loi cantonale ou fédérale, ni une convention intercantonale, voire internationale, ne reconnaît un droit à être admis. Les montants de l'écolage, ainsi que l'instance seule habilitée à autoriser ces admissions, sont définis par voie réglementaire (al. 3).

Il ressort ainsi du texte de l'art. 51 al. 3 LIP que le législateur a bien envisagé les cas particuliers des élèves ne pouvant se prévaloir du droit d'être scolarisés à Genève. Il ressort au surplus des travaux préparatoires (PL 11'470-A, p. 139), que dans le cadre des discussions relatives à cet art. 51 LIP, un député s'est interrogé sur le point de savoir si un élève dont les parents étaient frontaliers avait droit d'office à la scolarité au même titre qu'un enfant genevois. Le représentant du département lui a répondu que oui, « si un de ses parents paie ses impôts à Genève ».

L'art. 51 al. 3 LIP in fine contient en outre une délégation explicite à agir par la voie réglementaire. Si dans le RCO, le Conseil d'État a choisi de maintenir le principe selon lequel le degré secondaire I est gratuit pour les élèves qui remplissent les conditions de l'art. 25 RCO (art. 16 al. 3 RCO), il a instauré la DGEO comme instance décisionnelle (art. 25 al. 3 RCO). C'est d'ailleurs bien la DGEO qui a rendu la décision litigieuse.

En autorisant par voie réglementaire l'accès au CO genevois à certains élèves n'habitant pas le canton de Genève, le département a donc agi dans le cadre fixé par la loi et dans celui de la délégation de compétence que lui a confié le Grand Conseil.

12) a. Le seul grief explicitement invoqué par le recourant - de manière quelque peu contradictoire puisqu'il semble demander l'application à son cas de l'art. 25 al. 1 let. b RCO tout en indiquant qu'au vu de la différence d'âge entre son demi-frère et lui, il était impossible que la clause du règlement fût applicable - a trait à l'absence de prise en compte du fait que le demi-frère d'A______ a effectué sa scolarité obligatoire à Genève, quand bien même il poursuit maintenant des études universitaires à l'étranger.

b. Dans un arrêt récent, la chambre de céans a précisé que le texte de l'art. 25 al. 1 let. b RCO était absolument clair et ne contenait aucune ambiguïté : lorsque le frère, la soeur, le demi-frère ou la demi-soeur d'un enfant était scolarisé dans un établissement scolaire public genevois, l'enfant en question avait le droit d'être admis au cycle d'orientation public genevois ; le département n'indiquait pas en quoi la solution qu'il soutenait - soit l'admission uniquement des enfants ayant des frères et soeurs dans l'enseignement obligatoire - serait préférable à celle ressortant du texte réglementaire (ATA/407/2019 du 9 avril 2019 consid. 4). Du reste, étaient soumis à l'instruction obligatoire, conformément à l'art. 1 al. 1 LIP, tous les jeunes jusqu'à l'âge de 18 ans (ATA/407/2019 précité consid. 5).

c. En l'espèce, il est impossible de retenir que, le demi-frère d'A______ est scolarisé dans un établissement scolaire public genevois, puisqu'il est âgé de 22 ans et étudie à l'étranger, la question de savoir si une université ou une haute école est un établissement scolaire au sens de l'art. 25 RCO pouvant rester ouverte.

d. Le grief ne peut ainsi qu'être écarté, quand bien même on le comprendrait comme se rapportant à une inégalité de traitement entre fratries en fonction de l'écart d'âge entre les enfants.

En effet, non seulement les cantons disposent dans ce domaine, comme précédemment exposé, d'une très large liberté de manoeuvre s'agissant des exceptions aux principes usuels en matière d'admission géographique à l'école publique, mais la différence de traitement serait objectivement justifiée, le but poursuivi par la norme étant de conserver une certaine unité d'éducation au sein d'une famille et de faciliter également à celle-ci la prise en charge logistique des enfants. Or, à l'évidence, un tel rapprochement perd de sa nécessité à mesure que l'écart d'âge entre le ou les enfants à inscrire et leur aîné déjà inscrit est important.

13) Se pose la question de savoir si la décision querellée induit une discrimination au sens de l'ALCP.

14) À teneur de l'art. 1 ALCP, l'objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Suisse, est : d'accorder un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (let. a) ; de faciliter la prestation de services sur le territoire des parties contractantes, en particulier de libéraliser la prestation de services de courte durée (let. b) ; d'accorder un droit d'entrée et de séjour, sur le territoire des parties contractantes, aux personnes sans activité économique dans le pays d'accueil (let. c) ; d'accorder les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux (let. d).

15) L'art. 2 ALCP ne trouvant en principe qu'une application à titre subsidiaire, il sera examiné plus loin (infra consid. 20).

16) L'art. 3 al. 6 de l'annexe I ALCP prévoit que les enfants d'un ressortissant d'une partie contractante qui exerce ou non, ou qui a exercé une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de l'État d'accueil, si ces enfants résident sur son territoire.

Cette dernière condition n'étant en l'espèce pas remplie, le recourant ne peut se prévaloir de cette disposition, ce qu'il ne fait du reste pas. Certes, dans leur avis de droit (p. 10/11), la prof. EPINEY et Mme SANGSUE relèvent qu'il serait éventuellement défendable d'appliquer l'art. 3 al. 6 de l'annexe I ALCP aussi aux enfants de travailleurs frontaliers. Elles précisent toutefois à juste titre qu'une telle approche serait en contradiction avec le libellé clair de la disposition, libellé par ailleurs tout aussi clair en allemand (« sofern sie in dessen Hoheitsgebiet wohnen ») qu'en italien (« se i figli stessi vi risiedono »), et qu'aucun argument systématique ni téléologique prépondérant ne plaide en faveur de cette approche.

À défaut de résider en Suisse, le recourant ne peut ainsi pas déduire de l'art. 3 al. 6 de l'annexe I ALCP un droit à être admis au CO genevois.

17) Selon l'art. 7 ALCP, les parties contractantes règlent, conformément à l'annexe I, notamment les droits mentionnés ci-dessous liés à la libre circulation des personnes : le droit à l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l'accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d'emploi et de travail (let. a) ; le droit à une mobilité professionnelle et géographique, qui permet aux ressortissants des parties contractantes de se déplacer librement sur le territoire de l'Etat d'accueil et d'exercer la profession de leur choix (let. b) ; le droit au séjour des membres de la famille, quelle que soit leur nationalité (let. d).

Il ressort de la systématique de l'art. 7 ALCP et du renvoi à
l'annexe I ALCP que les droits proprement dits ne découlent pas de cet article mais plutôt des dispositions de l'annexe I ALCP, en particulier des art. 9 et 15, qui reprennent le principe d'égalité de traitement pour les travailleurs (art. 9) et les indépendants (art. 15) (Astrid EPINEY/Gaëtan BLASER in
Cesla AMARELLE/Minh SON NGUYEN [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. III, Accord sur la libre circulation des personnes [ALCP], 2014, ad art. 7 ALCP, p. 89 n. 3).

18) L'art. 9 par. 2 de l'annexe I ALCP, prévoit que le travailleur salarié et les membres de sa famille visés à l'art. 3 de cette annexe y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille.

a. La notion d'avantage social ne saurait être interprétée limitativement (Alvaro BORGHI, La libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, Commentaire article par article de l'accord du 21 juin 1999, 2010, p.183 n. 380 et l'arrêt cité). Selon la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après : CJUE), cette notion d'avantage social « couvre tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d'emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national et dont l'extension aux travailleurs ressortissants d'autres États membres apparaît, dès lors, comme apte à faciliter leur mobilité à l'intérieur de la Communauté » (CJUE, arrêt Hendrix, C-287/05 du 11 septembre 2007, point 48).

Dans sa jurisprudence, la CJUE a reconnu de nombreuses prestations comme relevant de la notion d'avantage social : il s'agit, entre autres, d'une prestation sociale garantissant un minimum de moyens d'existence, d'une allocation d'éducation destinée à compenser les charges de famille du bénéficiaire, d'allocations de naissance et de maternité, d'allocations pour famille nombreuse ou de bourses et prêts d'étude (voir la liste plus complète et les références jurisprudentielles y relatives in Alvaro BORGHI, op. cit. , p. 184
n. 381).

b. Dans leur avis de droit (p. 15), la prof. EPINEY et Mme SANGSUE estiment que l'admission dans l'enseignement public obligatoire constitue sans doute un avantage social au sens de l'art. 9 al. 2 de l'annexe I ALCP, vu l'interprétation large de cette notion donnée par la jurisprudence de la CJUE. Pour sa part, dans son avis de droit (p. 14), la prof. KADDOUS estime que l'admission dans l'enseignement primaire public genevois pourrait parfaitement être considérée comme un avantage social au sens de la jurisprudence - ce qui vaudrait évidemment aussi pour l'admission au CO.

On ne voit toutefois pas en quoi cet accès à l'enseignement obligatoire public serait comparable aux prestations sociales mentionnées plus haut, ces prestations ayant pour but d'améliorer la situation financière des bénéficiaires. La question de l'accès à l'enseignement général est par ailleurs déjà traitée exhaustivement à l'art. 3 al. 6 de l'annexe I ALCP (voir supra consid. 16), rien dans le texte de cette disposition, ni dans celui de l'art. 9 al. 2 de
l'annexe I ALCP, ne permettant de conclure que des cas particuliers ou des exceptions seraient réservés.

c. Même à considérer que l'accès à l'enseignement public obligatoire constituerait un avantage social, l'art. 9 al. 2 de l'annexe I ALCP ne prévoit logiquement pas de déroger à la condition explicite de la résidence figurant à
l'art. 3 al. 6 de l'annexe I ALCP. En effet, dès lors qu'il s'agit de l'enseignement public obligatoire, il a déjà été exposé que ce caractère obligatoire avait pour corollaire que les enfants devaient fréquenter l'école du lieu où ils résident
(supra consid. 7). Les autorités genevoises seraient dans l'impossibilité de mettre en oeuvre cet avantage social, puis d'en vérifier l'effectivité, s'agissant d'enfants qui ne sont pas domiciliés sur le territoire cantonal. Cet avantage social étant intrinsèquement lié à la résidence et non au statut de travailleur du frontalier, cela implique enfin que ce dernier ne puisse pas en bénéficier.

d. S'il fallait, malgré ce qui précède, admettre que l'accès à l'enseignement obligatoire constitue un avantage social au sens de l'art. 9 al. 2 de
l'annexe I ALCP et que les frontaliers peuvent en bénéficier, une éventuelle discrimination fondée sur la nationalité serait quoi qu'il en soit justifiée comme cela sera examiné au considérant suivant.

19) L'art. 2 ALCP prévoit que les ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne sont pas, dans l'application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité.

a. L'art. 2 ALCP érige l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité en tant que fondement de l'accord (Astrid EPINEY/Gaëtan BLASER, op. cit., ad art 2 ALCP, p. 13 et l'arrêt cité).

b. Pour déterminer si l'art. 2 ALCP est applicable à un cas concret et, le cas échéant, s'il est ou non respecté, quatre points doivent être examinés. On établira ensuite si l'on est en présence d'une discrimination fondée sur la nationalité, puis si cette dernière peut être justifiée ou non (Astrid EPINEY/Gaëtan BLASER,
op. cit., ad art 2 ALCP, p. 17 à 27).

Il faut tout d'abord examiner le lien d'extranéité, lequel exige que le champ d'application du principe de non-discrimination ne soit ouvert que dans les situations présentant un aspect transfrontalier. Cette exigence exclut l'application de l'ALCP aux situations purement internes qui sont à juger selon le droit interne de l'État concerné (arrêt du Tribunal fédéral 2A.768/2006 du 23 avril 2007 consid. 3.3).

Il faut ensuite examiner la relation avec les dispositions spécifiques de l'ALCP. Ce dernier contient en effet différents articles qui concrétisent le principe de non-discrimination pour certaines catégories de personnes. Il convient de voir ceux-ci comme instituant des interdictions spécifiques de discrimination en raison de la nationalité. Par rapport à ces dernières, l'interdiction de discrimination de l'art. 2 ALCP a une portée plus générale et il convient donc de l'appliquer subsidiairement dans les cas où les interdictions spécifiques de l'annexe I ne sont pas pertinentes.

L'examen du champ d'application matériel du principe de non-discrimination est ensuite nécessaire. Cela concerne toutes les discriminations qui entravent la réalisation des droits contenus dans l'ALCP ou en lien avec celui-ci.

Enfin, doit être examiné le champ d'application personnel de l'art. 2 ALCP qui englobe, à tout le moins, les ressortissants des parties contractantes.

c. Dans le cas d'espèce, l'art. 2 ALCP est applicable sous les angles du lien d'extranéité et des champs d'application matériel et personnel. Il n'est en effet pas contesté que tant la Suisse, pays dans lequel le recourant souhaite s'inscrire au CO et dans lequel sa mère travaille, et la France, pays dont le recourant et sa mère ont la nationalité et dans lequel ils résident, sont parties à l'ALCP. Par contre, dès lors que l'art. 9 al. 2 de l'annexe I interdit de discriminer selon la nationalité l'accès des travailleurs frontaliers à un avantage social, cette dernière disposition, examinée ci-dessus au consid. 18, constitue une disposition spécifique qui prime l'art. 2 ALCP. En raison de son caractère subsidiaire, l'art. 2 ALCP n'est donc pas applicable dans le présent litige.

20) Dans l'hypothèse où il faudrait néanmoins considérer que l'art. 2 ALCP s'applique, il s'impose de vérifier si l'on est en présence d'une discrimination fondée sur la nationalité, puis, si tel est le cas, si cette discrimination peut ou non être justifiée.

a. Dans un arrêt A/3924/2016 du 3 août 2017, la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : CJCST) a rappelé que selon la jurisprudence européenne, les règles d'égalité de traitement qui découlent de la libre circulation des personnes prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité (discrimination directe ; pour un exemple : CJUE, arrêt Commission c. Italie, C-283/99 du 31 mai 2001), mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (discrimination indirecte ; CJUE, arrêts Hirvonen, C-632/13 du 19 novembre 2015, point 29, et Gielen, C-440/08 du 18 mars 2010, point 37 et les arrêts cités). Il en va ainsi lorsque l'application d'autres critères que la nationalité, par exemple le lieu d'origine ou de naissance, le lieu de résidence ou encore l'accomplissement d'études au sein du pays, mène dans les faits au même résultat, car ce critère est en général rempli par les nationaux et non par les étrangers (Rudolf GEIGER/ Daniel-Erasmus KHAN/Markus KOTZUR [éd.], EUV/AEUV - Kommentar, 6ème éd., 2017, n. 31 ad art. 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du 13 décembre 2007 (ci-après : TFUE) ; d'autres auteurs citent comme critères suspects, en sus du domicile ou de la résidence habituelle, l'origine géographique ou ethnique ainsi que la langue (Harald SCHAUMBURG/Joachim ENGLISCH [éd.], Europäisches Steuerrecht, 2015, n. 7.154), ou encore la possession d'un diplôme ou d'un permis de conduire national (Véronique BOILLET, L'interdiction de discrimination en raison de la nationalité au sens de l'Accord sur la libre circulation des personnes, 2010, p. 87).

La CJCST a encore précisé que la jurisprudence européenne emploie parfois d'autres formules pour décrire la discrimination indirecte : par exemple que l'art. 45  TFUE) s'oppose, notamment, aux mesures qui, tout en étant indistinctement applicables selon la nationalité, sont susceptibles, par leur nature même, d'affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et risquent, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers (CJUE, arrêt Bechtel, C-20/16 du 22 juin 2017, point 39 et les arrêts cités) ; ou encore que doivent être regardées comme indirectement discriminatoires les conditions du droit national qui, bien qu'indistinctement applicables selon la nationalité, affectent essentiellement ou dans leur grande majorité les travailleurs migrants, ainsi que les conditions indistinctement applicables qui peuvent être plus facilement remplies par les travailleurs nationaux que par les travailleurs migrants ou encore qui risquent de jouer, en particulier, au détriment de ces derniers (CJUE, arrêt Landtova, C-399/09 du 21 juin 2011, point 45).

Le Tribunal fédéral a quant à lui jugé qu'une discrimination indirecte existe lorsqu'une réglementation, qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé, défavorise tout particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe ; eu égard à la difficulté de poser des règles générales et abstraites permettant de définir pour tous les cas l'ampleur que doit revêtir l'atteinte subie par un groupe protégé par l'art. 8 al. 2 Cst. par rapport à la majorité de la population, la reconnaissance d'une situation de discrimination ne peut résulter que d'une appréciation de l'ensemble des circonstances du cas particulier ; en tout état de cause, l'atteinte doit revêtir une importance significative, le principe de l'interdiction de la discrimination indirecte ne pouvant servir qu'à corriger les effets négatifs les plus flagrants d'une réglementation étatique (ATF 138 I 205 consid. 5.5). Dans un cas de figure plus récent, le Tribunal fédéral a repris la jurisprudence européenne précitée en rappelant que les règles générales d'égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité (discriminations directes), mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (discriminations indirectes ; ATF 140 II 141 consid. 7.1.1).

Constitue ainsi une discrimination indirecte toute mesure qui prévoit une distinction fondée sur le critère du domicile ou de la résidence, en ce que celui-ci risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d'autres États membres, dans la mesure où les personnes non domiciliées sur le territoire national, de même que les non-résidents, sont le plus souvent des non-nationaux (CJUE, Commission c. Grèce, C-155/09 du 20 janvier 2011, point 55 et les arrêts cités).

b. Dans le cas d'espèce, comme cela a été posé précédemment, sont titulaires du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit en Suisse tous les enfants domiciliés dans ce pays, indépendamment de leur nationalité et du statut de résidence de leurs parents. Le droit du recourant à être scolarisé à Genève lui est dénié non pas en raison de sa nationalité, mais en raison du fait qu'il n'y est pas domicilié. Il n'est en conséquence pas victime d'une discrimination directe.

c. Il en va par contre autrement de la discrimination indirecte. La restriction à l'accès au CO genevois fondée sur la résidence, corollaire du caractère obligatoire de l'enseignement de base, touche les enfants domiciliés hors du canton. Cette restriction, par sa nature même, est donc susceptible d'atteindre prioritairement les ressortissants des États membres de l'UE. Certes, le DIP relève dans sa réponse que sur 1'793 élèves non domiciliés à Genève actuellement scolarisés dans les écoles du canton, 1'467, soit 81 % d'entre eux, sont de nationalité suisse. Le département ajoute que sur les demandes déposées pour l'année 2019, 2/3 d'entre elles concernent des personnes de nationalité suisse. Au vu des principes posés ci-dessus, ces arguments doivent être rejetés, d'autant qu'aucune référence statistique ou de preuves attestant du traitement moins favorable d'un ressortissant d'un autre État membre n'est nécessaire ; il suffit au contraire que la réglementation en question implique le risque d'un traitement moins favorable des ressortissants d'autres États ; le fait que certains nationaux soient aussi traités moins favorablement ne joue aucun rôle à ce sujet (Astrid EPINEY/Gaëtan BLASER, op. cit., ad art. 2 ALCP, p. 25 et les arrêts cités).

21) Il faut à ce stade se demander si cette discrimination indirecte est justifiée.

a. L'art. 5 de l'annexe I ALCP, qui prévoit que les droits octroyés par les dispositions du présent accord ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique et qui renvoie à des directives du conseil de la communauté économique européenne, ne s'applique pas dans le cas d'espèce. Peu importe puisque peuvent entrer en considération les raisons impérieuses d'intérêt général développées par la CJUE dans sa jurisprudence.

b. Outre des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, la CJUE admet des raisons impérieuses d'intérêt général comme pouvant justifier des discriminations indirectes (CJUE, arrêt Politanò, C-225/15 du 8 septembre 2016, point 40 ; CJUE, arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C-42/07 du 8 septembre 2009, point 56). Comme le prévoit l'art. 16 par. 2 ALCP, le Tribunal fédéral a repris la jurisprudence de la CJUE dans ce domaine et retenu que le principe d'égalité de traitement prohibe toutes les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité (discriminations directes) et toutes formes dissimulées de discrimination qui, par l'application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat sans être justifiées par des raisons objectives ni proportionnées au but à atteindre (discriminations indirectes) (ATF 133 V 265 consid. 5.2). Dans l'ATF 130 I 26 consid. 3.2.3, rédigé en allemand, le Tribunal fédéral se réfère à des conditions objectives (« objektive Umstände »).

c. Il apparaît d'emblée que des motifs économiques ou budgétaires ne permettent pas de justifier cette discrimination indirecte puisque « admettre que des considérations d'ordre budgétaire puissent justifier une différence de traitement entre travailleurs migrants et travailleurs nationaux impliquerait que l'application et la portée d'une règle aussi fondamentale du droit de l'Union que le principe de non-discrimination en raison de la nationalité puissent varier, dans le temps et l'espace, selon l'état des finances des États membres » (CJUE, arrêt Giersch, C-20/12 du 20 juin 2013, point 52 et l'arrêt cité).

d. En revanche, le respect et la mise en oeuvre effective par l'État de Genève du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit justifient la discrimination indirecte en cause. En effet, comme cela a déjà été examiné dans le présent arrêt, le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit oblige la collectivité à, d'une part, fournir une prestation et, d'autre part, cet enseignement étant obligatoire, à s'assurer que les élèves qui doivent être scolarisés le sont effectivement. Or, reconnaître à des élèves qui ne résident pas sur le territoire du canton le droit d'y être scolarisés viderait de sa substance le caractère obligatoire de l'enseignement de degré secondaire I, le canton de Genève n'étant en mesure de garantir l'effectivité de la présence des élèves à l'école jusqu'à l'âge de dix-huit ans que de ceux qui habitent le canton.

e. Dès lors que l'État de Genève ne peut obliger à se rendre à l'école que les enfants domiciliés sur son territoire, la reconnaissance du droit à être scolarisé au CO genevois à des élèves non domiciliés sur le territoire du canton introduirait une discrimination entre ceux qui doivent aller à l'école parce qu'ils habitent le canton et ceux qui pourraient, y compris pour de purs motifs de convenance personnelle dont ne peuvent se prévaloir les enfants vivant à Genève, faire valoir ce droit au gré des circonstances.

f. Par ailleurs, la reconnaissance du droit à être scolarisés dans l'enseignement public genevois à des élèves non domiciliés sur le territoire du canton empêcherait toute planification scolaire, élément pourtant indispensable à l'organisation et donc au bon fonctionnement des écoles. L'État de Genève n'étant en mesure de connaître ni le nombre de travailleurs ressortissants de l'Union européenne susceptibles, dans les mois et années à venir, de devenir des frontaliers, ni le nombre de leurs enfants, aucune prévision sérieuse de l'augmentation des effectifs au CO ne serait possible. Partant, l'engagement de nouveaux enseignants ou la construction de nouvelles écoles ne pourraient être anticipés à temps, mettant à mal la qualité de l'enseignement public.

g. La restriction imposée aux enfants n'habitant pas le canton respecte le principe de la proportionnalité. Cette restriction est en effet seule à même de permettre la mise en oeuvre effective, par les autorités cantonales, du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit. Cette restriction est en outre adéquate dès lors qu'elle permet une saine planification de l'enseignement public et évite à ces autorités de perdre toute visibilité sur les effectifs des classes dans les années à venir. Enfin, cette restriction ne porte pas atteinte au droit des enfants d'être scolarisés au lieu de leur domicile.

Le grief d'une discrimination proscrite par l'ALCP sera donc écarté.

22) À teneur de l'art. 13 ALCP, dont l'intitulé est « stand still », les parties contractantes s'engagent à ne pas adopter de nouvelles mesures restrictives à l'égard des ressortissants de l'autre partie dans les domaines d'application du présent accord.

a. Dans son avis de droit, la prof. KADDOUS compare l'art. 23 REP - dont la règle est comparable à l'art. 25 RCO - dans sa formulation à la date de l'entrée en vigueur de l'ALCP, soit le 1er juin 2002, avec sa formulation actuelle applicable depuis le 14 février 2018. Elle relève que cette dernière version introduirait une nouvelle condition qui ne figurait pas dans la version en vigueur le 1er juin 2002.

b. Il convient toutefois de se souvenir que l'art. 25 RCO ne limite en aucune manière le droit d'accès à l'enseignement primaire public genevois. Au contraire, comme cela a été décrit ci-dessus, il élargit le champ des élèves pouvant intégrer cet enseignement. La limitation du droit d'accès à l'enseignement obligatoire à Genève découle, comme cela a été mis en évidence à plusieurs reprises dans le présent arrêt, du caractère obligatoire de l'enseignement de base et gratuit garanti par les art. 19 et 62 Cst. Or, l'art. 19 Cst. n'a subi aucune modification depuis son adoption en 1999. Quant à l'art. 62 Cst., il a fait l'objet de plusieurs ajouts depuis 2002. Dans sa version avant cette date, il prévoyait en effet que l'instruction publique est du ressort des cantons (al. 1) ; les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques. L'année scolaire débute entre la mi-août et la mi-septembre (al. 2). Les nouveautés introduites depuis (voir la version actuelle au consid. 6a ci-dessus), qui concernent la formation pour les personnes handicapées et la coordination scolaire, ne constituent toutefois pas des mesures restrictives à l'égard des bénéficiaires de l'ALCP.

23) a. Le recourant n'indique pas quelles éventuelles dispositions conventionnelles, légales ou réglementaires, mis à part l'art. 25 al. 1 let. b RCO dont il ne remplit pas les conditions, imposeraient aux autorités genevoises de l''admettre au CO genevois du seul fait que sa mère y paye des impôts.

b. L'art. 21 al. 2 ALCP prévoit qu'aucune disposition de cet accord ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d'établir une distinction, dans l'application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale, entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence. On ne voit toutefois pas en quoi cette disposition, laquelle consacre l'égalité de traitement en matière fiscale, ouvrirait un droit d'accès au CO genevois au recourant.

24) Enfin, en ce qui concerne l'argument du recourant que le système et le suivi scolaires seraient meilleurs à Genève qu'en France, il s'agit là d'un point de vue personnel, qui ne saurait fonder un droit de l'enfant à être scolarisé dans le canton.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

25) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la mère du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) ; et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2019 par A______ , enfant mineur, agissant par sa mère, Madame B______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 13 février 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame B______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame B______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :