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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/927/2019

ATA/407/2019 du 09.04.2019 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/927/2019-FORMA ATA/407/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2019

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1. Madame et Monsieur B______ sont domiciliés à C______, en France.

Tous deux travaillent à Genève.

Ils sont les parents de D______, né en 2003, lequel fréquente le collège E______ à Genève, ainsi que de A______, né en ______r 2005, lequel a été inscrit dans des écoles de C______ pendant les années scolaires 2016-2017 et 2017-2018.

Toute la famille est de nationalité française.

2. Le 14 janvier 2019, les parents de A______ ont saisi le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département) d’une demande d’admission visant à ce que l’intéressé soit admis au cycle d’orientation genevois dès la rentrée 2019.

3. Par décision du 13 février 2019, le département a refusé la demande d’admission déposée par les parents de A______. Ce dernier n’avait pas de fratrie déjà scolarisée au sein de l’enseignement obligatoire public genevois et cette condition était nécessaire.

4. Le 8 mars 2019, Mme et M. B______ ont saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée. Ils travaillaient à Genève et leur fils aîné était actuellement enchanté d’y être au collège. Ils désiraient que toute la famille bénéficie des mêmes dates de vacances.

Au recours était jointe une lettre manuscrite de A______, confirmant son intérêt à poursuivre sa scolarité à Genève.

5. Le 25 mars 2019, le département a conclu au rejet du recours.

Le droit d’être scolarisé à Genève ne dépendait pas du lieu où les parents de la personne scolarisée travaillaient.

Si le texte des dispositions réglementaires en vigueur indiquait que les frères et sœurs ainsi que les demi-frères et demi-sœurs des enfants scolarisés au sein d’établissements scolaires publics genevois devaient être admis au cycle d’orientation genevois, le Conseil d’État – comme cela ressortait d’une communication qu’il avait faite à la presse – ne visait en réalité que les membres de la fratrie scolarisés dans l’enseignement obligatoire à Genève. Cette volonté politique avait été mal retranscrite dans les textes réglementaires.

De plus, le département se déterminait sur les principes juridiques applicables, sur la situation au regard des accords internationaux, sur le fait que les dispositions réglementaires genevoises ne créaient pas une discrimination et il communiquait des éléments démographiques, soulignant l’importance, pour la protection de l’environnement, de la promotion d’une mobilité douce et des droits de l’enfant.

6. À réception, cette détermination a été transmise aux recourants et la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 25 al. 1 let a et b du règlement du cycle d'orientation du 30 août 2010 (RCO - C 1 10.26), doivent être admis au cycle d'orientation public genevois :

- les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l’enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton ;

- les frères et sœurs ainsi que les demi-frères et les demi-sœurs des enfants scolarisés au sein d'établissements scolaires publics genevois.

3. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale).

Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique ; ATF 143 I 109 consid. 6 ; 142 II 388 consid. 9.6.1 et les références citées ; ATA/1100/2017 du 18 juillet 2017 ; ATA/1099/2017 du 18 juillet 2017). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 II 388 consid. 9.6.1 ; 139 II 39 consid. 5.3.1 ; ATA/212/2016 du 9 mars 2016). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 141 II 338 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_219/2014 du 23 septembre 2014 consid. 5.2. et les arrêts cités).

4. En l’espèce, le texte du règlement est absolument clair et ne contient aucune ambiguïté : lorsque le frère, la sœur, le demi-frère ou la demi-sœur d’un enfant est scolarisé dans un établissement scolaire public genevois, l’enfant en question a le droit d’être admis au cycle d'orientation public genevois. Le département n’indique pas en quoi la solution qu’il soutient – soit l’admission uniquement des enfants ayant des frères et sœurs dans l’enseignement obligatoire – serait préférable à celle ressortant du texte réglementaire.

Ce constat, de même que le texte du règlement en vigueur, ne peuvent être modifiés par la volonté du Conseil d’État qui serait établie au moyen d’un communiqué de presse. À cet égard, lorsque la volonté politique a mal été retranscrite dans un texte légal, mais que le texte adopté est clair et ne contient pas d’ambiguïté, ce dernier doit être appliqué de la manière dont il a été rédigé, même s’il s’agit d’une erreur (ATA/272/2019 et les références citées).

5. Il sera au demeurant relevé que D______, né en 2003, est encore soumis à l’instruction obligatoire, ayant moins de 18 ans (art. 1 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 - LIP - C 1 10).

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement, sans qu’il soit examiné si les autres conditions d’admission sont remplies.

La décision de refus litigieuse sera annulée.

Le dossier sera retourné au département afin qu’il statue dans le sens des considérants.

7. Au vu de cette issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le recourant, qui agit en personne, n’en sollicitant pas (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mars 2019 par A______, enfant mineur, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 13 février 2019 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 13 février 2019 ;

renvoie le dossier au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, enfant mineur, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :