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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1907/2021

ATA/823/2021 du 10.08.2021 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1907/2021-AIDSO ATA/823/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 août 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A_______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________


EN FAIT

1) Madame A_______ bénéficie depuis 2013, au titre de l’aide sociale, de prestations complémentaires familiales, d'aide sociale et de subside d'assurance-maladie versées par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC). Lors de sa première demande et régulièrement par la suite, elle a signé une « déclaration sur l’honneur », selon laquelle les indications figurant sur le formulaire de demande de prestations étaient complètes et véridiques. Les prestations indûment perçues devaient être restituées. En outre, elle devait communiquer au SPC sans délai tout changement dans sa situation personnelle et financière.

2) Par décision du 18 juin 2020, le SPC a réclamé à Mme A_______ la restitution de la somme de CHF 20'168.-, correspondant aux prestations d’aide sociale indûment perçues par celle-ci pendant la période du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020.

La fortune de la bénéficiaire dépassait, en effet, les barèmes applicables, au regard de la valeur de ses quatre assurances-vie non déclarées. La décision pouvait être contestée par la voie de l’opposition. La remise pouvait être demandée dans les 30 jours.

3) Par courrier du 10 juillet 2020, Mme A_______ a demandé la remise de la somme précitée. Elle avait ignoré que sa mère avait conclu ces assurances-vie. Ce n’était que lorsque son assistante sociale lui en avait parlé en avril 2020 qu’elle en avait appris l’existence. Elle avait utilisé l’intégralité du produit du rachat desdites assurances perçu en mai 2020 pour rembourser des personnes qui l’avaient soutenue, de sorte qu’elle ne disposait plus des moyens pour rembourser le montant réclamé. La remise devait donc être accordée.

4) Par décision du 24 août 2020, le SPC a refusé la demande de remise. L’intéressée n’avait pas respecté son engagement de communiquer sans délai tout changement dans sa situation personnelle ou financière. Elle n’avait informé le SPC de l’existence des polices d’assurance que tardivement, les justificatifs n’ayant été remis que le 4 juin 2020. En omettant de déclarer ces polices, pourtant conclues plus de quatre ans auparavant, la bénéficiaire ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi, de sorte qu’elle ne remplissait pas les conditions d’une remise.

5) Par décision sur opposition du 12 novembre 2020, le SPC a maintenu la décision précitée.

Contrairement à ce que Mme A_______ soutenait, aucun élément ne permettait de retenir qu’elle ignorait qu’elle était bénéficiaire des assurances-vie. Elle-même avait d’ailleurs résilié ces contrats et encaissé leurs valeurs de rachat. N’étant pas de bonne foi, elle ne pouvait bénéficier d’une remise.

6) Par acte expédié le 11 décembre 2020 à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, Mme A_______ a recouru contre cette décision, se prévalant de la violation de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), de l’art. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), des autres lois applicables aux prestations complémentaires, de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), des art. 4 et 5 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) et du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03).

Entre le 1er octobre 2019 et le 31 mars 2020, elle avait ignoré l’existence des contrats d’assurance-vie. Le service d’enquêtes de l’Hospice général les avait découverts et en avait informé l’assistante sociale, qui lui avait appris l’existence de ceux-ci le 23 avril 2020. Elle en avait immédiatement demandé le rachat, reçu le montant le 14 mai 2020 et informé le SPC par appel téléphonique en juin 2020. Sa mère ne l’avait pas informée de la conclusion des polices d’assurance-vie. L’audition de l’assistante sociale, Madame B_______, dont elle produisait les courriels, était susceptible d’établir ses dires. Le comptable de sa mère, dont elle sollicitait également l’audition, établissait sa déclaration fiscale, ce qui expliquait pourquoi l’assurance-vie était mentionnée dans celle-ci en 2018, toutefois à son insu.

Le rachat lui avait permis de rembourser les personnes, qui l’avaient aidée. Elle n’avait cependant pas pu les rembourser intégralement. La restitution prononcée la mettrait dans une situation financière difficile.

Elle a conclu à la remise totale du montant réclamé. Elle a, en outre, demandé, « sur demande de reconsidération », que le SPC « renonce » à sa décision sur opposition.

Selon l’échange de courriels entre la recourante et Mme B_______, cette dernière lui indiquait, le 22 avril 2021, qu’elle s’était aperçue que la recourante avait conclu en 2018 deux assurances-vie d’une valeur de rachat de CHF 23'213.-. Elle l’invitait à lui dire ce qu’il en était et à lui faire parvenir ses contrats d’assurance. Se référant à une conversation téléphonique, la recourante indiquait être soulagée de pouvoir résilier les contrats. Enfin, Mme B_______ informait l’intéressée de ce que l’hospice général avait décidé d’exceptionnellement d’ouvrir un nouveau dossier au 1er avril 2020.

Mme A_______ bénéficie ainsi toujours des prestations du SPC.

7) Le SPC a conclu au rejet du recours.

8) Dans sa réplique, la recourante a repris les arguments déjà exposés. Le comptable de sa mère était chargé des déclarations fiscales de toute la famille, y compris de la sienne. Il avait fait figurer dans sa déclaration fiscale les contrats d’assurance-vie, mais elle n’en avait pas été avisée ni informée. C’était le service d’enquêtes de l’Hospice général qui avait découvert l’existence de ces polices d’assurance et l’en avait informée.

9) Par courrier du 25 février 2021 adressé à la chambre des assurances sociales, le SPC a indiqué que, contrairement à ce qui figurait sur la décision querellée, l’autorité de recours était la chambre administrative de la Cour de justice, à qui la cause devait ainsi être transmise.

10) Par arrêt du 25 mars 2021, la chambre des assurances sociales s’est déclarée incompétente à raison de la matière. Elle a transmis la cause le 4 juin 2021 à la chambre administrative.

11) Celle-ci a invité les parties à formuler toutes observations complémentaires.

Seul le SPC s’est manifesté dans le délai imparti. Il a relevé que la recourante ne rendait pas vraisemblable qu’elle n’avait eu connaissance des assurances-vie que lorsque l’Hospice général en avait parlé. De toute manière, elle avait encaissé leur valeur de rachat et dépensé celle-ci. Elle ne pouvait donc pas se prévaloir de sa bonne foi, dès lors qu’elle ne pouvait ignorer que ces montants seraient pris en compte pour déterminer son droit aux prestations.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

b. Si l'Hospice général est le principal organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI), il n'est pas le seul puisque le SPC gère et verse les prestations d'aide sociale pour certaines personnes, notamment celles en âge AVS, au bénéfice d'une rente AI ou au bénéfice de prestations complémentaires familiales (art. 3 al. 2 LIASI), ce qu'il fait pour le compte de l'hospice (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1041/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2). Lorsque la décision contestée émane du SPC, ce dernier statue sur opposition, décision qui ouvre la voie au recours par-devant la chambre administrative (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Cette pratique, bien que non conforme à la lettre de l'art. 51 al. 1 LIASI, qui ne mentionne que l'hospice comme possible auteur de la décision sur opposition, est éprouvée (ATA/582/2021 du 1er juin 2021 consid. 1b ; ATA/1347/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3d), et le Tribunal fédéral ne l'a jamais censurée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_816/2015 du 22 mars 2016 consid. 3 ; 8C_1041/2012 précité).

La chambre administrative est donc compétente pour connaître du litige.

2) La recourante a conclu à ce que le SPC reconsidère sa décision sur opposition, en « renonçant » à celle-ci.

L’on comprend de la formulation utilisée par la recourante qu’elle a souhaité que le SPC, dans le délai de réponse au recours, revienne sur sa position, comme l’y autorise l’art. 67 al. 2 LPA. Or, le SPC a conclu au rejet du recours, refusant ainsi de revenir sur sa position. Il n’y a donc pas lieu de l’inviter à nouveau à se déterminer sur ce point.

3) La recourante a requis l'audition de son assistante sociale ainsi que de son comptable.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, les pièces au dossier ainsi que les explications fournies par les parties permettent de trancher le litige sans recourir à d’autres actes d’instruction. Par ailleurs, les auditions sollicitées ne sont pas de nature à renseigner la chambre de céans sur la question de savoir si la recourante était au courant de l’existence des contrats d’assurance-vie, dont elle soutient qu’elles auraient été conclues en sa faveur par sa mère. D’une part, l’assistante sociale l’a appris par le service d’enquêtes de l’Hospice général. D’autre part, comme on le verra, les actes du comptable ayant rempli la déclaration fiscale 2018 de la recourante sont imputables à celle-ci. En outre et derechef, les éléments au dossier permettent de répondre à cette question.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite aux auditions requises.

4) Est litigieux le bien-fondé du rejet de la demande de remise, la recourante se défendant de sa bonne foi et de ses difficultés financières.

a. À teneur de l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de trente jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2).

Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/359/2021 du 23 mars 2021 consid. 10a ; ATA/1377/2017 du 10 octobre 2017 consid 11).

b. Un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/303/2021 du 9 mars 2021 consid. 6c et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; ATA/375/2021 du 30 mars 2021 consid. 8c).

Selon la jurisprudence constante, il n'est pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/26/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4f ; ATA/523/2020 du 26 mai 2020 consid. 4; ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6 et les références citées).

c. Par ailleurs, selon la jurisprudence fédérale, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/89/2018 du 30 janvier 2018 consid. 2).

d. En l'espèce, la recourante n’a pas déclaré au SPC l’existence des quatre assurances-vie dont elle était preneuse d’assurance. Celles-ci ont couru, en tout cas, de 2018, année où elles apparaissent dans la déclaration fiscale de la recourante, jusqu’au moment de leur rachat en mai 2020, soit pendant la période durant laquelle la recourante a bénéficié des prestations du SPC. Elle ne peut être suivie lorsqu’elle soutient qu’elle ignorait l’existence de ces polices. Cette affirmation est contredite par la recourante elle-même qui a exposé que lesdits contrats d’assurance figuraient dans ses déclarations fiscales. À cet égard, il convient de relever que les actes accomplis par le comptable mandaté pour remplir sa déclaration fiscale lui sont opposables. Ainsi, la connaissance que ce dernier avait des contrats d’assurance-vie est imputable à la recourante. En outre, il ne paraît pas crédible que le comptable ait pu faire figurer ces contrats d’assurance dans la déclaration fiscale de la recourante, qui en tant que preneuse était seule susceptible de les lui remettre. Par ailleurs, il est notoire que les compagnies d’assurance envoient, chaque année, aux assurés l’état de leur police ainsi qu’une invitation à s’acquitter de la prime y relative. Enfin, la recourante, qui en sa qualité de preneuse d’assurance était seule habilitée à résilier les contrats, a résilié en mai 2020 non seulement les deux contrats mentionnés par l’Hospice général, mais également deux autres polices d’assurance.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le SPC était fondé à retenir que la recourante connaissait l’existence de ces contrats d’assurance et, qu’en ayant tu ces éléments de fortune, elle ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.

Par ailleurs, la recourante a utilisé la somme reçue à la suite du rachat des polices d’assurance aux fins, selon ses dires, de rembourser des personnes qui l’avaient soutenue. Pour cette raison également, à teneur de la jurisprudence constante en la matière, elle ne peut se prévaloir de sa bonne foi.

La deuxième condition, à savoir celle de la situation difficile que pourrait engendrer le remboursement, n'a pas lieu d'être traitée, les conditions posées par l'art. 42 al. 1 LIASI étant cumulatives.

La décision refusant la remise étant fondée, le recours sera rejeté.

5) Vu la nature du litige et son issue, il ne sera ni perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2020 par Madame A_______ contre la décision du service des prestations complémentaires du 12 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A_______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :