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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/66/2014

ATA/492/2014 du 24.06.2014 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/66/2014-PRISON ATA/492/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1979, ressortissant français, est en détention préventive à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 30 décembre 2013.

2) Le jeudi 2 janvier 2014 vers 23h06, un détenu a signalé une bagarre dans une cellule (1______) située un étage au-dessus de la sienne (2______).

Six codétenus occupaient alors cette cellule, à savoir, en sus de M. A______, Messieurs B______, C______, D______, E______ et F______.

3) Le responsable de nuit, Monsieur G______, a alors demandé à sept collaborateurs de la prison d'intervenir.

Selon le rapport établi par l'un d'entre eux – identifié seulement par une signature – et visé par M. G______ le 3 janvier 2014, à l'arrivée du personnel dans la cellule 1______, à 23h09, tous les détenus s'en prenaient physiquement à M. D______, lançant notamment des tabourets contre lui. Du matériel, soit la télévision et deux tabourets, avait été endommagé.

Une fois l'ordre rétabli, tous les détenus de la cellule en ont été extraits entre 23h14 et 0h02 et ont été menés en cellule forte, ceci « à titre préventif » et « sans contrainte ».

4) Le 3 janvier 2014 à 9h10, M. A______ a été entendu par le directeur de la prison (ci-après : le directeur), lequel lui a signifié à 9h20 une punition de deux jours en cellule forte, allant du 3 janvier 2014 à 0h05 au 5 janvier 2014 à 0h05. La décision lui a été remise le 3 janvier 2014 à 18h30.

5) Par acte adressé au directeur le 6 janvier 2014, et transmis le 10 janvier 2014 pour raison de compétence à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______, agissant en personne, a interjeté recours contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Il n'avait été ni directement ni indirectement l'auteur des faits. Il n'avait pu, malgré sa « bonne volonté pacificatrice, ramener à bonne raison les esprits échauffés ». Il demandait à n'être pas tenu d'indemniser les dégâts, qui ne lui étaient pas imputables.

6) Le 13 février 2014, la prison a conclu au rejet du recours.

M. A______ n'apportait aucun élément factuel ni aucun élément de preuve qui viendrait établir qu'il n'avait pas participé à la bagarre survenue dans la cellule 1______. La constatation des faits par le personnel pénitentiaire était que tous les codétenus s'en étaient pris à M. D______ en lançant des tabourets.

Il était interdit aux détenus de troubler le calme et la tranquillité de l'établissement. M. A______ avait frappé un codétenu dans le cadre d'une bagarre. La sanction était donc aussi bien justifiée dans son principe que proportionnée dans sa quotité.

7) Le 13 mars 2014, M. A______ a persisté dans son recours.

Le rapport voulait fallacieusement lui prêter un comportement déshonorant, à savoir avoir asséné des coups de tabouret à un codétenu. Pourtant, M. D______ avait fait l'objet d'un rapport médical ne faisant état d'aucune blessure. Lui-même ne pouvait de plus donner un coup d'une main et lancer un tabouret de l'autre. On ne voyait pas comment un détenu de l'étage inférieur aurait pu entendre du bruit au-dessus et prévenir le personnel rapidement.

8) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 - RRIP - F 1 50.04).

2) Le recourant demande à ne pas être tenu d’indemniser les dégâts occasionnés au mobilier de la cellule le 2 janvier 2014. Une telle conclusion est irrecevable, dans la mesure notamment où elle est exorbitante à l’objet du litige tel que défini par la décision attaquée, laquelle concerne exclusivement la sanction disciplinaire infligée à M. A______, soit deux jours de cellule forte.

3) a. À teneur de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence constante, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.133/2009 du 4 juin 2009 consid.3). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B.34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/188/2011 précité ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 précité ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.133/2009 précité).

e. En l'espèce, quand bien même le recourant a exécuté la mesure contestée, la situation pourrait se présenter à nouveau, dans la mesure où ce dernier se trouve encore en détention. Dès lors, la chambre administrative renoncera à l'exigence de l'intérêt actuel pour statuer (ATA/236/2014 du 8 avril 2014 consid. 2e ; ATA/188/2011 précité ; ATA/266/2009 du 26 mai 2009).

4) Le statut des personnes incarcérées à la prison de Champ-Dollon est régi par le RRIP (art. 1 al. 3 de la loi sur l'organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l'office pénitentiaire, les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). En toute circonstance, les détenus doivent observer une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est notamment interdit aux détenus de faire du bruit et, d’une manière générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. a et h RRIP).

5) Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

Le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes : a) suppression de visite pour quinze jours au plus ; b) suppression des promenades collectives ; c) suppression d’achat pour quinze jours au plus ; d) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ; e) privation de travail ; f) placement en cellule forte pour cinq jours au plus (art. 47 al. 3 RRIP), étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

6) Le recourant invoque matériellement une constatation inexacte des faits. Sa contestation du rapport établi par le personnel pénitentiaire le lendemain des faits est toute générale, et le style disert et ampoulé de ses écritures ne facilite pas la compréhension de sa version de l'incident. Il semble toutefois nier jusqu'à l'existence d'une bagarre. Il ne donne toutefois aucun élément concret permettant de remettre en cause l'existence d'une altercation entre codétenus de la cellule 1______. À cet égard, et contrairement à ce qu'exige l'art. 133 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui réprime la rixe, point n'est besoin que l'une des parties à l'altercation soit blessée pour qu'il y ait violation du règlement intérieur. On ne voit du reste pas pourquoi le personnel pénitentiaire, en l'absence de toute scène de violence, aurait ensuite pris trois quarts d'heure à transférer un par un tous les détenus de la cellule en se créant un surcroît de travail sans fondement aucun.

Dès lors, même si l'on ne doit pas forcément retenir du rapport susmentionné que tous les codétenus de M. D______ ont battu ce dernier ou ont lancé un tabouret dans sa direction, on doit admettre qu'il y avait une altercation en cours impliquant l'ensemble des occupants de la cellule, et donc un trouble par l'ensemble de ceux-ci, y compris le recourant, à l'ordre de l'établissement.

7) Le prononcé d'une sanction disciplinaire était ainsi fondé. Le choix de ladite sanction n'est pas en tant que tel contesté, et apparaît du reste proportionné à la faute commise.

8) Le recours sera ainsi rejeté dans la mesure où il est recevable.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 8 janvier 2014 par Monsieur A______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 3 janvier 2014 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :